Panorama de droit bancaire et financier

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Panorama de droit bancaire et financier
Revues
Lexbase La lettre juridique n˚596 du 8 janvier 2015
[Bancaire] Panorama
Panorama de droit bancaire et financier — Première partie
(institutions, institutions de régulation et monnaies ;
comptes, paiements et instruments de paiement)
N° Lexbase : N5318BUI
par Hervé Causse, Professeur d'Université, Directeur du Master Droit
des Affaires et de la Banque à l'Université d'Auvergne, Directeur
scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire"
Lexbase Hebdo édition affaires vous propose cette semaine une chronique en droit bancaire et financier
rédigée par Hervé Causse, Professeur d'Université, Directeur du Master Droit des Affaires et de la Banque
à l'Université d'Auvergne, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire". L'auteur a sélectionné
et commente plusieurs décisions rendues au cours de l'année 2014 en cette matière. Cette chronique se
présente en deux parties. La première partie est consacrée aux institutions, institutions de régulation et
monnaies (I) ; et aux comptes, paiements et instruments de paiement (II). La seconde partie traite quant à
elle des opérations de crédits et de financements (III) ; des opérations connexes, spéciales et exécution
(IV) ; et des investissements, placements et marchés (V).
I — Institutions, institutions de régulation et monnaies
1. Droit fondamentaux du banquier... Les banques ne sont pas un service public, elles n'ont aucun des privilèges
de cet auguste statut et l'amas des obligations qui leur échoit finit par les agacer -la sécurité du système financier
n'y trouvant pas même son compte-. La Banque de France avait désigné un établissement pour ouvrir un compte à
une SCI. Le banquier a attaqué cette décision devant le juge administratif en estimant qu'une société civile n'avait
pas à bénéficier de l'article L. 312-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5247IXM) organisant le droit
au compte. Si, cependant, tel était le sens de cet article alors le banquier jugeait qu'il était inconstitutionnel pour
atteinte à la liberté contractuelle et au droit de propriété, ce qu'il a formulé en forme de question prioritaire de
constitutionnalité. Le juge administratif juge que la question n'est pas sérieuse (CE 10 septembre 2014, 6˚ et 1˚
s-s-r., n˚ 381 183, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4379MW4). Le banquier devra offrir un compte à la SCI
(sur ce droit : G. Decocq, Y. Gérard, J. Morel-Maroger, Droit bancaire, 2014, p. 254, n˚ 359 et s.). Nous avons tous
notre croix à porter... Mais la question est à suivre.
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2. Le "rachat de dettes" de la BCE devant la CJUE ! La BCE qui doit désormais faire régner l'ordre bancaire
en Europe est-elle la première à faire des opérations qui ne sont pas conformes au droit de l'Union européenne ?
C'est ce que soutiennent des plaideurs allemands devant la Cour constitutionnelle allemande qui a transmis une
question préjudicielle à la CJUE (E. Dor, La Cour constitutionnelle de Karlsruhe suspecte les OMT d'être illégales,
Revue Banque, 2014, p. 46 ; M. Charrel, La BCE sur le gril de la justice européenne, Le Monde, 13 octobre 2014).
La question a finalement peu été étudiée (C. Hofmann, A legal analysis of the euro zone crisis, Fordham Journal of
Corporate & Financial Law, vol. XVIII, 2013, p. 519, et spéc. p. 541). Divers acteurs s'improvisent juristes pour expliquer que tout programme de rachat (décision de la BCE) est légal car les obligations d'Etat achetées sur le marché
secondaire ne constitueraient pas un financement prohibé (sur les pouvoirs de la BCE, nos obs., Droit bancaire et
financier, éd. Direct Droit, 2014, n˚ 355 et s.). L'argument vise à écarter l'article 123 du Traité de fonctionnement
sur l'Union européenne (N° Lexbase : L2426IPK) qui interdit à la BCE les acquisitions directes de tels titres. Or,
une ambiance générale porte l'idée que cette action monétaire relancera la croissance et l'emploi, surtout depuis
que cette seule annonce de programme de rachat a sapé certaines spéculations. Il n'en faut pas plus pour que
l'argument avancé semble de nature à sauver divers pays européens, l'Europe et peut-être même le monde ! Le
juriste, qui n'ignore rien de cela, peut néanmoins trouver l'argument spécieux sur le plan économique et surtout
juridique. Comment, au plan économique, soutenir qu'il n'y a pas financement quand on veut justement donner du
crédit à certains Etats qui sont en difficultés financières ? Au plan juridique, si le Traité autorise la BCE à acquérir
indirectement des titres d'Etat (obligations d'Etat) c'est parce qu'elle est susceptible d'en devenir propriétaire après
diverses sortes d'opérations dont les prises de pensions qui la garantissent lors des refinancements de banques
(injections de liquidité). En vérité il y a pire, et cela met la BCE en mauvaise posture. Ce que l'article 123 interdit
c'est en vérité le financement (notion cadre visant tout contrat !) des personnes publiques par la BCE, et non pas
seulement l'achat direct d'obligations d'Etat sur le marché primaire. En outre, si les achats sur le marché secondaire
étaient autorisés cela aurait été dit, écrit dans le TFUE et su depuis fort longtemps... Les autorités monétaires ne
produisent pas les travaux préparatoires des traités en ce sens car la politique monétaire européenne repose non
sur cette règle, mais sur ce principe, d'ailleurs préalablement imposé aux banques centrales nationales avant l'instauration de l'euro. La situation crée deux paradoxes : ce sont les détracteurs de la dangereuse ingénierie financière
bancaire qui demandent à la BCE d'inventer une martingale financière... et ce sont les mêmes qui, décriant la BCE
qui a dépossédé les Etats de leur pouvoir monétaire, veulent lui donner encore plus de pouvoir. Il est plus simple
d'être européen en voulant que la parole donnée dans les traités (TUE et TFUE) soit respectée, même si l'on pense
que la politique monétaire mérite d'évoluer, ce qui suppose un accord entre Etats (et ce qui amènerait de nouveaux
"instruments de politique monétaire" parfaitement légaux). Dans cette affaire, la mauvaise gestion publique de certains Etats met sous contrainte la BCE et désormais la CJUE qui a manifestement le pouvoir d'occulter l'article 123
du TFUE. C'est dans ce cas que l'Union européenne sera au bord de l'explosion politique. Mais la Cour, dans sa
rare formation plénière (CJUE, 27 novembre 2012, aff. C-370/12 N° Lexbase : A5491IXN), a déjà fixé sa ligne :
le traité instituant le MES (Mécanisme européen de stabilité) qui permet de racheter des titres d'Etat n'a pas pour
objet d'étendre les compétences de l'Union européenne en matière de politique monétaire, compétence exclusive
de l'Union... le rachat de titres souverains ne relève donc pas de la politique monétaire, ni donc de la BCE.
3. Les intermédiaires, arme de distribution bancaire massive. Discrète notion, la distribution bancaire n'est pas
une, mais elle est à la fois une évidence et une réalité qui s'épaissit (L. Denis, Droit de la distribution bancaire, Paris,
2013). Le contentieux avec les intermédiaires est illustré par un arrêt qui évoque un agent d'affaires et l'indemnité de
fin de contrat de l'article L. 134-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L5660AIH) (Cass. com. 4 novembre 2014
n˚ 13-18.024, F-P+B N° Lexbase : A9278MZN). La cassation est en premier lieu prononcée, sur pourvoi principal
du distributeur, parce que l'arrêt attaqué avait retenu que "l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi
peut être évaluée par référence aux opérations au titre desquelles le principe d'une commission était acquis". Elle est
ensuite prononcée, sur pourvoi incident de l'intermédiaire, pour avoir jugé "qu'en l'absence de donnée fiable sur le
volume et le prix des CERS cédés, les éléments versés aux débats par la société ITC ne permettent pas de calculer
la réalité de son préjudice" alors qu'il était relevé que "la société ITC avait apporté à la société Dubus des clients et
que cette dernière n'avait pas exécuté loyalement ses engagements en entravant l'action de son agent, et constaté
l'existence d'opérations au titre desquelles le principe d'une commission était acquis" ; la réalité du préjudice étant
établie, la cour d'appel, en refusant d'en évaluer le montant, a violé les articles 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) et
4 (N° Lexbase : L2229AB8) du Code civil. La société Dubus était une entreprise d'investissement lilloise connue et
audacieuse (cf. AMF, décision du 8 septembre 2011, sanctionN° Lexbase : L3546IRR) ; on remarque aussi que le
statut d'agent d'affaires n'a pas été discuté devant les juges, alors que pour nombre d'opérations financières c'est
le statut d'intermédiaire financier qui s'impose (C. mon. fin., art. L. 519-1 N° Lexbase : L2577IXQ ; Cass. com., 18
février 2004, n˚ 02-14.768, FS-P N° Lexbase : A3221DBW, Bull. civ., IV, n˚ 32.).
4. Direction des établissements de crédit. Une grande banque coopérative a annoncé avoir fait un recours devant
le Conseil d'Etat à l'encontre de la position 2014-P-02 du 29 janvier 2014 de l'ACPR (ACPR, position n˚ 2014-P02, 29 janvier 2014, relative à la dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur
général N° Lexbase : L0704I3H) -ainsi considérée comme normative ?— (cf. Chocron, Les Echos, 3 octobre 2014,
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Nouvelle gouvernance des mutualistes : le Crédit Agricole en appelle au Conseil d'Etat). Cet acte indique la position
du régulateur après la Directive UE 2013/36 du 26 juin 2013 (N° Lexbase : L9454IXG), laquelle impose de nouvelles
règles de gouvernance aux établissements de crédit. Outre le "droit des sociétés", l'article 88 de la Directive impose
à toute entreprise ayant un agrément (de banque, d'entreprise d'investissement ou de société de financement),
un organe de direction qui dirige et qui surveille. Mais il précise que "le président de l'organe de direction dans sa
fonction de surveillance d'un établissement ne peut pas exercer simultanément la fonction de directeur général dans
le même établissement, sauf lorsqu'une telle situation est justifiée par l'établissement et approuvée par les autorités
compétentes". La position 2014-P-02 considère donc que le président du conseil d'administration ne peut pas être
un dirigeant effectif, sauf les dérogations que l'ACPR peut accorder, ce qui est l'objet de cette position (dérogations
qui tiendront compte de la taille du bilan, de la variété des activités, de la présence "à l'international" et de la
structure de l'actionnariat ; mais aucun critère n'est chiffré). "L'organe de direction dans sa fonction de surveillance"
(Directive 2013/36, art. 3, point 8) ne peut pas comporter les dirigeants effectifs, ce qui conduirait à un auto-contrôle
du directeur général et du directeur général adjoint qui assureront la direction effective de l'établissement. Cela
veut dire que le président du conseil d'administration n'est plus dirigeant au sens strict du droit bancaire, ce qui
pose problème dans les banques coopératives et mutuelles où le président incarne le sociétariat (un épargnant, un
commerçant, un agriculteur...) qui trouve intérêt à être l'un des dirigeants du fait de sa connaissance des sociétaires.
5. Monnaies, comptes en devises et commissions d'opérations de change. Des opérations de changes euros/dollars avaient été assez nombreuses pour que le banquier ne prenne garde à ce que "les opérations de prorogation ou d'anticipations de terme", qui constituent de nouvelles opérations à terme, fassent l'objet d'une information
sur la rémunération prélevée (sur le change : J. — P. Mattout, Droit bancaire international, éd. Banque, 2004, p.
386). Or la réception sans protestation des relevés d'opérations adressés par l'établissement teneur de compte fait
seulement présumer l'accord du client sur les éléments qui y figurent et qu'il est en mesure d'apprécier (H. Causse,
Droit bancaire et financier, préc., p. 456, n˚ 956, sur la contestation d'un relevé et, sur le change, p. 553, n˚ 1210).
Le juge du fond a donc pu condamner la banque à verser des dommages-intérêts à sa cliente qui contestait la
rémunération (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 4 juillet 2013, n˚ 12/17 155 N° Lexbase : A9645MTE) ; mais la condamnation prononcée privait la banque de toute rémunération alors que la convention en stipulait une, ce pour quoi
l'arrêt d'appel est cassé au visa de l'article 1147 du Code civil (Cass. com., 16 décembre 2014, n˚ 13-25.341, F-D
N° Lexbase : A2940M8E). Le pourvoi incident de la cliente est par ailleurs rejeté sur l'interprétation de la convention
laissée à l'appréciation souveraine du juge du fond étant donné l'ambiguïté de ses termes... Voilà qui signale donc
aux juristes de banque des conventions à peaufiner !
II — Comptes, paiements et instruments de paiement
6. Compte à terme avec un taux vraiment très généreux. La décision frise l'anecdote avec un compte à terme
stipulant un taux d'intérêt de 4,20 %, mensuels et non annuels. Pour Axa Banque qui avait ouvert ce compte, le
dépôt fut malheureusement de 2,5 millions d'euros : plus de 500 000 euros d'intérêts ont dû être versés. Le juge ne
peut que constater que cette stipulation, qui résulte d'une mention spéciale signée des deux parties, claire et n'ayant
donc pas à être interprétée, doit être appliquée (Cass. com., 2 décembre 2014, n˚ 13-22.332, F-D N° Lexbase :
A0665M7R).
7. Mais où est donc le compte ? La question, rare, se pose autant en droit interne qu'en droit international, autant
pour des questions de lieu d'exécution (ou d'inexécution) de la convention que de compétence territoriale. Nolens
volens, il faut alors désigner un lieu qui est imaginé, conçu, comme étant le lieu où est tenu le compte. C'est ce
que juge la chambre commerciale : "le lieu où le dommage est survenu, au sens de l'article 5 § 3 de la Convention
de Bruxelles, est celui où l'appropriation indue par le dépositaire des fonds s'est produite, que ce soit par retraits,
par prélèvements ou par virements, c'est-à-dire à Londres, lieu où étaient matériellement tenus les comptes de
la société IMC ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le dommage allégué, susceptible de découler immédiatement et
directement de l'éventuelle faute de la banque, était situé au lieu où les fonds avaient été perdus et non placés"
(Cass. civ. 1, 19 novembre 2014, n˚ 13-16.689, F-P+B N° Lexbase : A9223M3Y). On notera, pour cette fois, que
compte de dépôt et comptes de titres posent a priori la même question et qu'elle est de nature à donner la même
réponse quant à son lieu de tenue. L'observation n'épuise pas la matière faite de comptes qui sont un univers dont
l'expansion se fait à la vitesse de la prolifération des actifs financiers. Pour l'espèce, la juridiction de Papeete n'était
donc pas compétente, ce qui changeait les choses d'un hémisphère et d'un empire... Et l'invocation de la violation de
l'obligation de vigilance de la banque est restée vaine dans ce contexte technique (rappr. Cass. com., 2 décembre
2014, n˚ 13-11.615, F-D N° Lexbase : A0533M7U cf. infra n˚ 13).
8. La clause d'unité de compte ne joue pas pour un compte de titres. La solution semblait s'imposer et elle
est formulée de façon péremptoire comme inspirée par l'évidence. Un mandataire liquidateur avait voulu absorber
les actifs du compte de titres à partir du compte bancaire ordinaire, d'espèce, monétaire en invoquant l'unité de
compte (des compte) (sur ce mécanisme : Th. Bonneau, Droit bancaire, LGDJ, 2013, p. 356, n˚ 503). L'opération
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lui est refusée au motif que les articles de comptes en cause sont de nature différentes et ne sont pas fongibles
(Cass. com., 16 décembre 2014, n˚ 13-17.046, F-P+B N° Lexbase : A2986M84). De fait, et de droit, la monnaie
n'est pas un titre et les titres ne sont pas de la monnaie. L'erreur venait de loin, les conditions générales du compte
de titres stipulaient, en effet, une clause d'unité de compte qui semblait en harmonie avec celle du compte courant
(bancaire et de monnaie) ; cette clause est à réécrire. Il faudra à l'occasion revoir la discussion quand le compte
de titres comprend obligatoirement un compte d'espèces (dit "compte espèces associé") comme dans les deux
formules légales du PEA ; il est source de fongibilité alors qu'il dépend du compte de titres : juger de cela sera une
autre paire de manche.
9. Résiliation de compte courant. Une banque peut résilier unilatéralement une convention à durée indéterminée
de compte courant, sauf à engager sa responsabilité en cas de rupture abusive ou brutale affirme la Cour de cassation (Cass. com., 2 décembre 2014, n˚ 13-24.334, F-D N° Lexbase : A0626M7C ; sur le sujet, v. J. Stoufflet,
Droit bancaire, 2010, p. 287, n˚ 467) ; le juge du fond doit apprécier la situation, et le respect du délai de préavis de
soixante jours imposé par la convention permet de retenir que cette dénonciation n'est pas intervenue de manière
brutale ou abusive (durée légale si le compte est le support d'un crédit : C. mon. fin., art. L. 313-12 N° Lexbase :
L2507IX7). En outre, la cliente n'invoquait, ni ne démontrait que ladite dénonciation aurait procédé d'un motif illégitime ou d'une volonté de nuire, relève la juridiction, aspects de pur droit commun qui auraient pu constituer une
faute génératrice d'un préjudice réparable.
10. Le chèque de banque est signé par le banquier ! Dans un curieux arrêt d'appel (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch.,
16 mai 2013, n˚ 11/16 978 N° Lexbase : A4304KDR) relatif à la condamnation d'une personne pour avoir géré de
fait une société, la censure intervient pour une raison de procédure et au visa de l'article L. 131-7, alinéa 3, du Code
monétaire et financier (N° Lexbase : L9363HD7) relatif au chèque de banque (sur ce chèque : v. R. Bonhomme,
Instrument de crédit et de paiement, 2013, p. 241, n˚ 294 et p. 244, n˚ 296). Le juge d'appel a pu motiver sa décision
en indiquant qu'un chèque de banque avait été signé d'une des personnes physiques protagoniste de l'affaire, ce
qui résultait de l'examen de la signature sur un document et sur ledit chèque. Cela n'avait aucun sens puisqu'un
chèque de banque est nécessairement signé par le fondé de pouvoir de la banque, ce qui justifiait la cassation
(Cass. com., 4 novembre 2014, n˚ 13-23.182, F-D N° Lexbase : A9213M3M) ! Un chèque de banque n'est qu'un
chèque tiré sur la banque elle-même qui est donc à la fois le tireur et le tiré.
11. Chèque barré et négociabilité. Dans un contentieux assez compliqué, la Cour de cassation a eu à connaître la
question de la nature du barrement du chèque (Cass. com., 4 novembre 2014, n˚ 12-27.072, F-P+B N° Lexbase :
A9263MZ4). Le demandeur au pourvoi considérait le barrement comme une limite à la négociabilité (v. H. Causse,
Les titres négociables, Litec, 1993, préf. B. Teyssié), car le titre avait été transmis à une entreprise qui n'était pas une
banque, celle-ci l'avait à son tour endossé à une banque qui l'avait présenté au paiement, en vain. Le demandeur
tentait de tirer parti du premier endossement, peut-être critiquable, pour faire valoir une règle de compétence.
La Cour de cassation juge sobrement et fermement que le barrement est sans rapport avec la négociabilité. Le
barrement général, clause en forme de signe, d'usage dans les formules de chèque distribuées par les banques aux
clients, signifie que seul un établissement financier peut présenter le chèque au paiement pour l'encaisser. Ajoutons
que le barrement peut être spécial si le tireur indique le nom d'un établissement entre les deux barres. Dans ce cas,
seul cet établissement aura ce pouvoir. Le chèque pourra bien être endossé entre divers établissements, ce qui
montre le jeu de la négociabilité, mais un seul pourra l'encaisser car le barrement spécial lui réserve cette qualité.
12. Un chèque ça se remplit ! Un porteur présente un chèque qui est refusé au paiement pour opposition. Le porteur
assigne alors le tireur en annulation de l'opposition et en paiement du chèque. Il échoue devant la cour d'appel et la
Cour de cassation rejette son pourvoi car le chèque ne vaut pas chèque en raison du défaut de mention de sa date
de création (Cass. com., 16 décembre 2014, n˚ 13-20.895, F-P+B N° Lexbase : A2874M8X). Le titre ne valait
alors plus que commencement de preuve par écrit constate la cour, et, ajouterons-nous, le demandeur aurait dû
considérer cette règle et ce fait (réduction du titre) en produisant un complément de preuve (sur la possibilité du
titre de valoir promesse civile : S. Piedelièvre et E. Putman, Droit bancaire, Economica, 2011, p. 316, n˚ 301 et les
arrêts cités). Qu'il ne l'ait pas fait ou pu le faire en disait long. Sous le point du titre, qui anime et le droit positif et
l'espèce, une idée simple : les imperfections du chèque traduisent des anomalies qui méritent de laisser remonter
le litige à la relation fondamentale en cause, le contrat et/ou la créance.
13. Le vain devoir de vigilance du banquier multitâche. Le devoir de vigilance du banquier est invoqué comme
s'il avait été consacré par quelque arrêt de principe et de nombreuses fois appliqué ; on doit redire que tel n'est
pas le cas (nos obs., L'évanescente obligation de vigilance, Lexbase Hebdo n˚ 385 du 12 juin 2014 — édition
affaires N° Lexbase : N2591BUI) ; pour une autre tonalité : N. Mathey, La portée du devoir de vigilance, RDBF, n˚
5, septembre 2013, dossier 48). La seule invocation de cette "obligation" ne suffit généralement pas à obtenir une
condamnation du banquier et l'espèce le montre (Cass. com., 2 décembre 2014, n˚ 13-11.615, F-D N° Lexbase :
A0533M7U). On le redit ici dans un cas intéressant où le banquier était, si on peut dire, multitâche : il avait exécuté
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les ordres de virements critiqués, il avait prêté, il tenait les comptes des deux sociétés unies par une convention de
trésorerie, dont l'une avait racheté l'autre alors que la filiale de capital investissement de la banque avait souscrit
au capital social de l'une des sociétés. Malgré ce contexte, le juge constate que le banquier a exécuté des ordres
de virement qui ne présentaient pas d'anomalie, seul fait qui déclenche une obligation (spéciale) de vérification. A
l'ignorer, le pourvoi est aussi vain que l'invocation produite (voyez également en ce sens, n˚ 7 supra).
Pour la seconde partie de ce panorama, cf. (N° Lexbase : N5321BUM).
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