Barbituriques

Transcription

Barbituriques
Intoxication par les barbituriques
GH. Jalal, S. Achour, N. Rhalem, R. Soulaymani
1. Cas clinique :
L’unité d’information toxicologique du Centre Anti Poison du Maroc a été contactée par une
clinique privée de Rabat pour un avis concernant un patient de 28 ans, suivi depuis 4 ans pour
épilepsie et traité par du phénobarbital. Il a été admis aux urgences dans un état de coma
profond, hypotonique et hypotherme à 35,5°C. Le médecin répondeur a évoqué en premier
lieu, le diagnostic d’intoxication par les barbituriques.
Ce qui fût confirmé par l’analyse toxicologique effectuée au niveau du laboratoire du Centre
Anti- Poison du Maroc.
2. Introduction :
Les barbituriques ont été découverts en 1864 par Fischer et von Mering.
On nomme barbiturique tout médicament hypnotique dérivé de l'acide barbiturique ou de ses
homologues. Ses dérivés se divisent en deux groupes:
Le groupe du barbital (diéthylmalonylurée)
et le groupe du phénobarbital
(phényléthylmalonylurée). Ils sont employés comme hypnotiques, sédatifs et antiépileptiques.
Certains barbituriques étaient utilisés comme anesthésiques lors d’intervention chirurgicale de
courte durée.
Ils ont perdu de leur popularité lors de l'avènement des benzodiazépines, hypnotiques
anxiolytiques ayant une plus grande marge de sécurité.
Tous les barbituriques sont des inducteurs enzymatiques et peuvent être à l'origine d'interactions
médicamenteuses.
Les cas d’intoxication par les barbituriques sont fréquemment consécutifs à une tentative de
suicide ou à un accident d’anesthésie. Plus rarement, l'intoxication peut s'observer chez l’enfant
ou chez des toxicomanes. L’intoxication aiguë aux barbituriques reste grave, notamment avec
les formes d’action rapide qui donnent un tableau d’extrême urgence.
La distinction entre barbituriques rapides et lents se justifie par les différences cliniques et
thérapeutiques lors d’intoxication. Ces différences traduisent leurs particularités
pharmacocinétiques.
3. Barbituriques à action lente:
3.1. Physio-pathologie
Le principal représentant de la famille des barbituriques à action lente est le phénobarbital.
(Acide éthyl-5-phényl-5-barbiturique). Il est indiqué dans l'épilepsie et certains ictères
hémolytiques du nouveau né.
Sa demi vie est de 90 à 100 heures chez l’adulte et 65 à 70 heures chez l’enfant, elle peut
augmenter chez le sujet âgé ou en cas d’insuffisance hépatique ou rénale.
70 à 90 % de la dose administrée sont lentement résorbés par le tractus gastro-intestinal. . Le pic
plasmatique est obtenu respectivement 8 heures et 4 heures après l'ingestion chez l'adulte et chez
l'enfant. Sa concentration est maximale au niveau cérébral en 10 à 15 heures.
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Le phénobarbital diffuse dans tous les tissus et liquides de l'organisme, à la 24ème heure 20%
sont fixés dans les tissus. Son métabolisme hépatique est assez lent.
Environ 30 % de la dose administrée sont éliminés sous forme inchangée dans les urines, le reste
sous forme de métabolites sulfoconjugués ou glucuroconjugués. L'alcalinisation des urines
accélère l'élimination de la forme inchangée.
3.2. Toxicité et prise en charge de l'intoxication par le phénobarbital
3.2.1. Dose toxique:
La dose toxique du phénobarbital varie en fonction de nombreux facteurs mais on admet qu’il est
toxique à partir de 500 mg. Le seuil du coma se situe à 1g (10 à 20 mg/kg chez l’enfant). Une
intoxication sévère risque de se produire lors de l’ingestion d’une dose dix fois supérieure à
la dose hypnotique. Si l’alcool ou d’autres dépresseurs du SNC sont associés, la dose toxique est
plus faible.
Les barbituriques sont parfois associés à des principes actifs présentant une toxicité propre.
3.2.2. Intoxication aiguë par le phénobarbital
L'intoxication aigue par le phénobarbital se manifeste par:
- Un état de coma calme, hypotonique et aréflexique, sans signe de focalisation, il est parfois
précédé d'une agitation ou d'un état ébrieux,
- Une dépression respiratoire (bradypnée superficielle), souvent aggravée par un encombrement
trachéo-bronchique et une pneumopathie de déglutition,
- Une hypothermie modérée, conséquence d'un trouble central de la thermorégulation, de
l'hypotonie musculaire et d'une vasoplégie.
La pression artérielle peut être abaissée, mais un collapsus doit faire rechercher un toxique
associé. La rhabdomyolyse est évoquée par la présence de douleurs musculaires et est confirmée
par le dosage des créatine-kinases (CPK).
Le coma peut être prolongé (24 à 72 heures), favorisant la survenue de complications
infectieuses. L'évolution est habituellement favorable.
3.2.3. Analyse toxicologique :
La recherche qualitative, dans un but d’orientation toxicologique, peut être effectuée dans les
urines, le sérum ou le liquide de lavage gastrique. Elle met en œuvre des techniques
d’immunodosage, qui à l’aide d’anticorps faiblement spécifiques (anticorps anti-sécobarbital par
les techniques FPIA et EMIT), reconnaissent de manière variable les différents barbituriques,
sans ou avec peu d’interférence avec leurs métabolites hydroxylés.
Un dosage spécifique du phénobarbital est réalisé grâce à des kits de réactifs faisant intervenir
des anticorps spécifiques anti-phénobarbitals.
Le dosage du phénobarbital dans le sang et confirme l'intoxication (taux toxique > 35 mg/l).
L’interprétation de la concentration en phénobarbital doit tenir compte de la tolérance du patient :
épilepsie connue et traitée ou toxicomanie.
Les concentrations de phénobarbital sont augmentées de 40 % lors d’association avec l’acide
valproïque (Inhibition enzymatique).
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3.2.4. Prise en charge :
Le traitement repose sur un traitement épurateur basé sur le lavage gastrique même tardif et
l'administration de charbon activé (50 g en fin de lavage, puis 25 g toutes les 6 heures). Le
phénobarbital est un acide faible totalement ionisé en milieu alcalin et dont l'excrétion croît avec
le volume de la diurèse.
Il est donc nécessaire de provoquer une diurèse osmotique alcaline en associant à part égale du
sérum glucosé à 10%, du mannitol à 10% et du sérum bicarbonaté à 14‰ à raison de 6 à 8 litres
par 24 heures au total.
Le phénobarbital peut être épuré par hémodialyse, indication exceptionnelle (en cas
d'insuffisance rénale ou hépatique).
Le traitement symptomatique comprend :
- L’intubation et la ventilation en cas de dépression respiratoire.
- Le réchauffement du malade en cas d’hypothermie.
- L’antibiothérapie en cas de pneumopathie d’inhalation.
La surveillance porte sur l'état hémodynamique (PVC), sur l'équilibre hydroélectrolytique
(kaliémie, calcémie) et la diurèse horaire.
4. Barbituriques à action intermédiaire ou courte
Cette classe est essentiellement représentée par le thiopental. Ce type de barbituriques a un effet
toxicomanogène, entraînant une dépendance physique et psychique avec syndrome de sevrage à
l’arrêt du traitement et un faible index thérapeutique, leur utilisation est de moins en moins
fréquente.
4.1. Pharmacocinétique :
Leur résorption digestive est rapide, leur fixation tissulaire est maximale dans les premières
heures et leur métabolisme est hépatique, avec élimination urinaire de métabolites inactifs.
Les demi-vies des barbituriques à action intermédiaire et les barbituriques d'action rapide sont
respectivement de 6 à 8 heures et 3 à 4 heures.
4.2. Toxicité et prise en charge de l'intoxication:
L'intoxication entraîne :
- Une dépression du système nerveux central d'apparition rapide en moins de 30 minutes, avec
coma souvent hypertonique, parfois précédé d'une obnubilation ou d'un état ébrieux.
- Une dépression respiratoire, dont le risque essentiel est l'arrêt respiratoire brutal.
L'inhalation bronchique est fréquente, l’hypotension et l’hypothermie peuvent être marquées. La
recherche qualitative (sang, urines, liquide gastrique) permet de confirmer le diagnostic.
Le traitement associe une assistance respiratoire, un lavage gastrique précoce et le charbon
activé en dose unique à l'admission. La diurèse forcée et l'hémodialyse n'ont aucun intérêt
Le coma est de brève durée et l'évolution le plus souvent favorable.
Attitude préconisée chez notre patient :
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Le traitement effectué pour le malade sujet de l'appel s’est basé sur le lavage gastrique et un
traitement symptomatique :
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Intubation ventilation
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Le réchauffement du malade
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Une diurèse osmotique alcaline
L’évolution fût alors favorable. Le malade, à son réveil, déclare avoir pris une grande quantité,
mais non précisée de phénobarbital, dans un but d’autolyse.
5. Conclusion :
Apparus au début du siècle, les barbituriques ont été largement utilisés comme hypnotiques et
sédatifs avant d’être supplantés par les benzodiazépines. L’épilepsie et l’anesthésie générale
restent leurs deux indications principales. De ce fait, les intoxications dues aux barbituriques
autrefois très fréquents sont devenues plus rares aujourd’hui.
6. Réferences:
1. Russo H., Bressolle F. Pharmacodynamics and pharmacokinetics of thiopental. Clin.
Pharmacokinet 1998; 35: 95 -134.
2. Bismuth C. et coll. Toxicologie clinique. Paris. Médecine-scicences Flammarion, 1999.
3. Bédry R., Pillet O., Favarel-Garrigues JC. Intoxications aiguës graves par barbituriques,
tranquilisants, tricycliques. Rev Prat, 1994, 44, 1817-1823.
4. Danel V., Pulse C., Castot A. Intoxications par les barbituriques, Toxicologie clinique.
Paris : Flammarion 2000.123-127.
5. Laborie JM. Réanimation et urgences préhospitalières. Paris: Frison-Roche. 2000. Pp: 435436.
6. James EF., Reymonds and coll. Martindale, 30 ème Edition. London: the Extra
Pharmacopoeia: The Pharmaceutical Press. 1989 Pp: 174 -175.
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