Interprété par Roddy Piper Les années 80
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Interprété par Roddy Piper Les années 80
100 icônes badass du cinéma Les années 80 • David Bianic • JOHN NADA Interprété par Roddy Piper • Le film : Invasion Los Angeles (They Live, 1988). Réalisé par John Carpenter • T rop tôt amigo. J’ai vu Invasion Los Angeles trop tôt. À l’heure où tu découvres la mobylette, le film de John Carpenter était beaucoup trop ringard pour savoir l’apprécier : la coupe de cheveux de Roddy Piper, son port du jean au nombril, et puis merde, quoi, des lunettes de soleil pour repérer les aliens ?! À l’époque, les ciné frissons du Master of Horror relevaient d’un rite de passage adolescent plus à propos : Halloween bien sûr, mais surtout The Fog et, avant tout, The Thing. Ce n’est que dix plus tard que They Live atteint sa cible. Enfin, le premier degré du film pouvait être apprécié à sa juste valeur et Roddy Piper de trouver rédemption à mes yeux. Le badass ne sortait plus d’une autre planète où il semblait épargné des balles et toujours cool, voire cold as ice. Non, le John Nada de Carpenter est un prolo, mieux un hobo, un délaissé du système. Sûr, on devine que Nada a dû faire quelques conneries et que ses biceps ne lui ont pas servi qu’à soulever du parpaing, mais probablement à en distribuer aussi dans la gueule d’un salaud de patron. La mise en place du réalisateur est ainsi exemplaire : longue, immersive, avec cette basse et ce saxo entêtants. Si Nada met autant de temps à laisser parler le badass en lui, on comprend très vite ses motivations alors qu’il fait connaissance avec son collègue de chantier Frank (Keith David) dans ce bidonville de L.A. : “ I Believe in America ”. Rebel with a cause, c’est tout le badass, ça, coco ! Carpenter réfute ainsi le passage obligé de la scène introductive d’action et il faut attendre la vingtcinquième minute avant qu’un premier bourre-pif ne s’engage. Pour un film d’action, c’est une éternité, un pari osé de la part du réal’ et probablement une des raisons de son échec relatif. Piper était alors une star de la WWF, la World Wrestling Federation : un catcheur reconnu par tous les américains, et notamment pour le kilt qui lui servait de costume de scène. Une célébrité du petit écran qui l’avait mené à jouer un an auparavant dans un obscur film post-apo, Hell Comes to Frogtown. Une prestation dispensable où Piper est capturé par des infirmières-guerrières pour servir d’étalon fertiliseur, et ne peut s’échapper sans risquer l’électrochoc aux bourses… Mais Carpenter le retient pour They Live car “ à la différence des autres acteurs d’Hollywood, la vie de Roddy est écrite sur son visage ”. Honnêtement, Piper est loin d’être un grand comédien mais laisse à l’histoire du cinéma d’action une de ses plus célèbres punchlines. Malgré le caractère éminemment macho man du personnage badass, il est souvent engagé dans une bromance qui flirte parfois avec le crypto-gay. Quand Nada tente de convaincre son poteau Frank que derrière ces lunettes de soleil, il existe une autre réalité, ce n’est pas avec des bisous qu’il va l’amadouer mais dans un fistfight désormais historique pour sa longueur. Un mano a mano qui est un peu ce qu’est la scène de sexe à la comédie romantique, ces deuxlà font l’amour à coups de poings. Tu as parfaitement le droit de trouver ça ridicule et abject cher lecteur, mais c’est mon sincère avis. Le problème est, qu’après cette séquence de “ je t’aime, moi non plus ”, le film baisse franchement en qualité pour laisser cours aux vingt minutes obligatoires d’actioner bourrin sans grande originalité. Mais Piper de montrer toute l’étendue de sa badassitude nourrie par une carrière entre les cordes. Pour Carpenter aussi, c’est fun time. Sa critique des médias et de la marchandisation s’adresse particulièrement au magnat Ted Turner. Si les lunettes montrent l’aberration extra-terrestre en noir et blanc, c’est une façon pour Carpenter d’hurler sa haine envers les colorisations de classiques. Dans un final explosif, Piper devient le bras vengeur de Carpenter alors qu’il démolit bureau par bureau la chaîne de télé collabo, avant de faire péter l’antenne-relais avec un mini-pistolet pour gonzesse… Mort pour sa patrie dans l’acte, Piper s’en va en adressant un majeur tendu à la nation alien. La voix de John Rambo résonne alors dans nos têtes : “ Live for nothing or die for something. ” Malgré tous ses défauts, They Live demeure mon Carpenter favori pour ses quarante premières minutes. ¶ 127