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THE THING
JOHN CARPENTER
JEUDI 31 MARS 2016
Lorsqu’il entreprend The Thing en 1981, John Carpenter a le vent en poupe. Il a 33 ans, il vient
d’aligner trois succès publics et critiques. Halloween, Fog et New York 1997 ont fait de lui le
maître du cinéma d’horreur et lui ont ouvert les portes des studios. En lui donnant 15 millions
de dollars (plus du double que pour New York 1997), Universal lui permet ainsi de se lancer
dans son projet alors le plus ambitieux. Comme dans Assaut, son premier “vrai” long métrage,
inspiré de Rio Bravo, il choisit de rendre hommage à l’un de ses maîtres, Howard Hawks, qui,
en 1951, a produit et co-réalisé avec Christian Nyby La Chose d’un autre monde. L’histoire
d’un groupe de scientifiques confrontés dans l’Antarctique à une créature monstrueuse qui,
ressuscitée des glaces, veut leur peau. Il ne s’agit pas pour Carpenter d’en faire un remake
(« pourquoi refaire un film parfait ?! », disait-il), mais de repartir de la nouvelle qui l’a inspiré. Une
nouvelle que l’on doit à John W. Campbell, lequel a dirigé l’un des plus grands magazines de
S.F. et révélé des auteurs comme Asimov ou Van Vogt...
Avec le scénariste Bill Lancaster, fils de Burt et grand amateur de littérature fantastique,
Carpenter, collant à la nouvelle, décide que «la chose» n’aura pas une forme précise, mais
pourra toutes les prendre. Un monstre capable de changer d’apparence et d’adopter le
corps de ceux qu’elle dévore. Du coup, la menace est partout : celui qui, il y a encore cinq
minutes, était votre ami, n’a-t-il pas été contaminé, et n’est-il pas devenu “la chose” qui va
vous dévorer ? On imagine le climat de paranoïa qui en découle...
S’il retrouve Kurt Russell, son héros de New York 1997, tout aussi laconique, cynique et
charismatique, John Carpenter donne carte blanche, pour imaginer ce monstre à nul
autre semblable, à Rob Bottin, un génie du maquillage et des effets spéciaux, âgé de 23 ans,
ex-assistant de Rick Baker sur Hurlements de Joe Dante. Bottin, laissant libre cours à son
imagination débordante, réalise un travail titanesque. Deux autres spécialistes, en matte
painting (Albert Whitlock) et en créature animatronique (Stan Winston), complètent l’équipe.
Mais la force du film n’est pas seulement dans ces effets spéciaux – un sommet de l’ère
pré-numérique – mais dans cette tension constante, dans cette menace permanente
que Carpenter sait faire régner mieux que personne. Pour une fois, il a décidé de ne pas
composer la musique de son film, et il l’a confiée à Ennio Morricone dont la partition participe
beaucoup à l’atmosphère glaçante (dans tous les sens du terme !) de ce huis clos terrifiant
au bout du monde, dans un paysage de neige et de vent dont Tarantino dit s’être inspiré
pour Les 8 Salopards.
Alternant, avec une grande maîtrise et une efficacité redoutable, suggestion et horreur pure,
suspense insupportable et gros plans gores, Carpenter a réussi l’un de ses meilleurs films. L’un
des plus pessimistes aussi. Sorti le même jour que Blade Runner et une semaine après E.T.,
le film est un échec. Carpenter renonce pour un temps à développer ses propres projets pour
accepter ceux qu’on lui propose. Heureusement, l’enthousiasme de certains et sa diffusion en
vidéo permettront au film de trouver peu à peu le statut qu’il mérite. Celui d’un chef d’œuvre
d’angoisse et d’horreur, d’un chef d’œuvre tout court.
The Thing de John CARPENTER (1982) avec Kurt RUSSELL, Wilford BRIMLEY, Keith DAVID, David CLENNON - Durée : 1h48
Prochain rendez-vous : The Party le jeudi 7 avril 2016
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