savitri - Cld.bz

Transcription

savitri - Cld.bz
SAVITRI
SRI AUROBINDO
BOOK FIVE – CANTO 3 – SATYAVAN AND SAVITRI
LIVRE CINQ – CHANTE 3 – SATYAVAN ET SAVITRI
French translation by: Divakar Jeanson
www.divakar-publications.com
s BOOK FIVE - The Book of Love
LIVRE CINQ – Le Livre de l’Amour
Canto Three - Satyavan and Savitri
Chant Trois – Satyavan et Savitri
Out of the voiceless mystery of the past
In a present ignorant of forgotten bonds
These spirits met upon the roads of Time.
Yet in the heart their secret conscious selves
At once aware grew of each other warned
By the first call of a delightful voice
And a first vision of the destined face.
Arrivés du mystère sans voix du passé
Dans un présent ignorant des liens oubliés
Ces esprits se rencontraient sur les routes du Temps.
Pourtant leurs êtres conscients au fond de leur coeur
Se reconnurent l’un l’autre aussitôt, avertis
Par le premier appel d’une voix adorable
Et une première vision du visage élu.
As when being cries to being from its depths
Behind the screen of the external sense
And strives to find the heart-disclosing word,
The passionate speech revealing the soul's need,
But the mind's ignorance veils the inner sight,
Only a little breaks through our earth-made bounds,
So now they met in that momentous hour,
So utter the recognition in the deeps,
The remembrance lost, the oneness felt and missed.
Comme lorsque l’être crie vers l’être de ses fonds
Derrière l’écran des sens extérieurs et s’efforce
De trouver les paroles qui ouvriront le cœur,
Les mots passionnés qui révèleront son besoin,
Mais la pensée voile la perception intérieure,
Et ne franchit nos limites qu’un peu de l’appel,
Ainsi se rencontraient-ils en cette heure essentielle,
Si totale la reconnaissance au fond d’eux-mêmes,
La mémoire perdue, l’union sentie, et manquée.
Thus Satyavan spoke first to Savitri:
“O thou who com'st to me out of Time's silences,
Yet thy voice has wakened my heart to an unknown bliss,
Immortal or mortal only in thy frame,
For more than earth speaks to me from thy soul
And more than earth surrounds me in thy gaze,
How art thou named among the sons of men?
Whence hast thou dawned filling my spirit's days,
Brighter than summer, brighter than my flowers,
Into the lonely borders of my life,
Ainsi Satyavan parla-t-il à Savitri :
« O toi qui viens à moi des silences du Temps, Ta voix pourtant m’éveille à un bonheur inconnu,
Voix immortelle ou seulement mortelle en ton corps,
Car plus que la terre me parle depuis ton âme
Et plus que la terre m’entoure par ton regard Comment es-tu nommée parmi les filles des hommes ?
D’où es-tu venue emplir les jours de mon esprit,
Plus brillante que l’été, plus vive que mes fleurs,
Dans les frontières solitaires de ma vie,
O sunlight moulded like a golden maid?
I know that mighty gods are friends of earth.
Amid the pageantries of day and dusk,
Long have I travelled with my pilgrim soul
Moved by the marvel of familiar things.
Earth could not hide from me the powers she veils:
Even though moving mid an earthly scene
And the common surfaces of terrestrial things,
My vision saw unblinded by her forms;
The Godhead looked at me from familiar scenes.
I witnessed the virgin bridals of the dawn
Behind the glowing curtains of the sky
Or vying in joy with the bright morning's steps
I paced along the slumbrous coasts of noon,
Or the gold desert of the sunlight crossed
Traversing great wastes of splendour and of fire,
Or met the moon gliding amazed through heaven
In the uncertain wideness of the night,
Or the stars marched on their long sentinel routes
Pointing their spears through the infinitudes:
The day and dusk revealed to me hidden shapes;
Figures have come to me from secret shores
And happy faces looked from ray and flame.
I have heard strange voices cross the ether's waves,
The Centaur's wizard song has thrilled my ear;
I have glimpsed the Apsaras bathing in the pools,
I have seen the wood-nymphs peering through the leaves;
The winds have shown to me their trampling lords,
I have beheld the princes of the Sun
Burning in thousand-pillared homes of light.
So now my mind could dream and my heart fear
That from some wonder-couch beyond our air
O rayon de soleil devenu vierge d’or ?
Je sais que des dieux puissants sont amis de la terre.
Parmi les fastes du jour et de la brune,
Longtemps ai-je voyagé comme un pèlerin
Emu par la merveille des choses familières.
La terre ne pouvait me cacher ses pouvoirs :
Même parcourant la scène la plus ordinaire
Et les surfaces communes des choses terriennes,
Ma vision n’était pas aveuglée par ses formes ;
La Déité me regardait à chaque instant.
Des noces de l’aurore j’ai été le témoin
Derrière les rideaux ardents du firmament ;
Ma joie exultante aux pas du matin, j’ai suivi
Les côtes somnolentes du midi, ou franchi
Le désert miroitant du soleil, traversant
De grands espaces de splendeur et de feu ;
J’ai rencontré la lune glissant comme un cygne
Dans l’ampleur incertaine de la nuit, les étoiles
En marche sur leurs longues routes sentinelles,
Pointant leurs javelines dans les infinités ;
Le jour et le soir m’ont révélé d’autres formes,
Des figures m’ont approché d’autres rivages
Et, de la flamme, d’heureux visages m’ont regardé.
J’ai entendu d’étranges voix franchir les ondes,
Le chant du Centaure a vibré à mon oreille ;
J’ai aperçu les Apsaras jouant dans les mares,
J’ai vu les nymphes des bois entre les feuilles ;
Les vents m’ont montré leurs seigneurs au galop,
J’ai regardé brûler les princes du Soleil
Dans leurs palais de lumière aux mille piliers.
Ainsi à présent pourrais-je croire, et redouter,
Que d’une couche magique au-delà de notre air
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Risen in a wide morning of the gods
Thou drov'st thy horses from the Thunderer's worlds.
Although to heaven thy beauty seems allied,
Much rather would my thoughts rejoice to know
That mortal sweetness smiles between thy lids
And thy heart can beat beneath a human gaze
And thy aureate bosom quiver with a look
And its tumult answer to an earth-born voice.
If our time-vexed affections thou canst feel,
Earth's ease of simple things can satisfy,
If thy glance can dwell content on earthly soil,
And this celestial summary of delight,
Thy golden body, dally with fatigue
Oppressing with its grace our terrain, while
The frail sweet passing taste of earthly food
Delays thee and the torrent's leaping wine,
Descend. Let thy journey cease, come down to us.
Close is my father's creepered hermitage
Screened by the tall ranks of these silent kings,
Sung to by voices of the hue-robed choirs
Whose chants repeat transcribed in music's notes
The passionate coloured lettering of the boughs
And fill the hours with their melodious cry.
Amid the welcome-hum of many bees
Invade our honied kingdom of the woods;
There let me lead thee into an opulent life.
Bare, simple is the sylvan hermit-life;
Yet is it clad with the jewelry of earth.
Wild winds run—visitors midst the swaying tops,
Through the calm days heaven's sentinels of peace
Couched on a purple robe of sky above
Look down on a rich secrecy and hush
Levée dans un matin des dieux, tu aies conduit
Tes chevaux depuis les mondes du Tonnerre.
Bien qu’au paradis ta beauté semble alliée,
Mes pensées se réjouiraient plutôt de savoir
Qu’une douceur humaine sourit dans tes yeux,
Que ton cœur peut battre sous le regard d’un homme
Et ton sein peut frémir à l’expression d’un visage
Et son tumulte répondre au son d’une voix.
Si tu peux éprouver nos affections dans le temps,
Que la simple aise de la terre peut satisfaire,
Si ton regard peut se contenter de notre sol,
Et ce sommaire sublime de la joie,
Ton corps doré, peut braver la fatigue,
Oppressant de sa grâce notre terrain, tandis
Que la fragile saveur de notre nourriture
Te retarde et le vin bondissant du torrent,
Descend. Que cesse ton voyage ; viens à nous.
Proche est l’ermitage fleuri de mon père
Derrière les hauts rangs de ces rois silencieux,
Bercé par les voix des chœurs de ramages
Dont les chants transcrivent en notes musicales
L’écriture passionnée des rameaux de couleurs
Et emplissent les heures de leur cri mélodieux.
Accueillie par la bienvenue des abeilles,
Pénètre le royaume délicieux de nos bois ;
Laisse-moi t’y conduire à une vie opulente.
Simple et dépouillée, est l’existence de l’ermite ;
Pourtant est-elle parée des joyaux de la terre.
Leurs cimes parfois visitées par les vents sauvages,
Les vigiles de la paix dans le calme des jours,
Se profilant sur la robe pourpre du ciel,
Veillent sur une aire de richesse secrète
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And the chambered nuptial waters chant within.
Enormous, whispering, many-formed around
High forest gods have taken in their arms
The human hour, a guest of their centuried pomps.
Apparelled are the morns in gold and green,
Sunlight and shadow tapestry the walls
To make a resting chamber fit for thee.”
Où chantent les eaux nuptiales dans leurs chambres.
Leurs formes énormes chuchotant alentour,
Les dieux de la forêt ont pris dans leurs bras
L’heure humaine, hôte de leurs pompes séculaires.
Rehaussés d’or et de vert sont les matins
Et le soleil et l’ombre tapissent les murs
Pour apprêter la chambre de ton repos. »
Awhile she paused as if hearing still his voice,
Unwilling to break the charm, then slowly spoke.
Musing she answered, “I am Savitri,
Princess of Madra. Who art thou? What name
Musical on earth expresses thee to men?
What trunk of kings watered by fortunate streams
Has flowered at last upon one happy branch?
Why is thy dwelling in the pathless wood
Far from the deeds thy glorious youth demands,
Haunt of the anchorites and earth's wilder broods,
Where only with thy witness self thou roamst
In Nature's green unhuman loneliness
Surrounded by enormous silences
And the blind murmur of primaeval calms?”
Elle hésita, comme écoutant encore sa voix,
N’osant rompre le charme, puis, lentement, parla.
Songeuse, elle répondit, « Je suis Savitri,
Princesse de Madra. Qui es-tu ? Quel nom
Musical ici-bas t’exprime parmi les hommes ?
Quel tronc royal baigné de courants fortunés
A-t-il enfin fleuri sur une branche bénie ?
Pourquoi ton foyer est-il dans le bois isolé
Loin des faits que demande ta jeunesse glorieuse,
Repaire des reclus et des espèces sauvages
Où, seul avec ton être intérieur tu parcours
La verte solitude première de la terre
Environné par d’énormes silences
Et l’aveugle murmure des calmes anciens ? »
And Satyavan replied to Savitri:
“In days when yet his sight looked clear on life,
King Dyumatsena once, the Shalwa, reigned
Through all the tract which from behind these tops
Passing its days of emerald delight
In trusting converse with the traveller winds
Turns, looking back towards the southern heavens,
And leans its flank upon the musing hills.
But equal Fate removed her covering hand.
Et Satyavan répondit à Savitri :
« Aux jours où sa vue était encore claire,
Le Roi Dyumatsena, le Shalwa, régnait
Sur toute l’étendue qui, de derrière ces cimes,
Passant les jours de sa joie émeraude
En échange confiant avec les vents voyageurs,
Se retourne et, regardant vers le Sud,
Appuie son flanc sur les paisibles collines.
Mais la Destinée égale retira sa main.
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A living night enclosed the strong man's paths,
Heaven's brilliant gods recalled their careless gifts,
Took from blank eyes their glad and helping ray
And led the uncertain goddess from his side.
Outcast from empire of the outer light,
Lost to the comradeship of seeing men,
He sojourns in two solitudes, within
And in the solemn rustle of the woods.
Son of that king, I, Satyavan, have lived
Contented, for not yet of thee aware,
In my high-peopled loneliness of spirit
And this huge vital murmur kin to me,
Nursed by the vastness, pupil of solitude.
Great Nature came to her recovered child;
I reigned in a kingdom of a nobler kind
Than men can build upon dull Matter's soil;
I met the frankness of the primal earth,
I enjoyed the intimacy of infant God.
In the great tapestried chambers of her state,
Free in her boundless palace I have dwelt
Indulged by the warm mother of us all,
Reared with my natural brothers in her house.
I lay in the wide bare embrace of heaven,
The sunlight's radiant blessing clasped my brow,
The moonbeams' silver ecstasy at night
Kissed my dim lids to sleep. Earth's morns were mine;
Lured by faint murmurings with the green-robed hours
I wandered lost in woods, prone to the voice
Of winds and waters, partner of the sun's joy,
A listener to the universal speech:
My spirit satisfied within me knew
Godlike our birthright, luxuried our life
Une nuit vivante enferma ses chemins,
Les dieux rappelèrent leurs cadeaux insouciants,
Retirant de ses yeux leur joyeux rayon
Et menèrent loin de lui la déesse incertaine.
Proscrit de l’empire de la lumière extérieure,
Perdu à la camaraderie de ceux qui voient,
Il séjourne en deux solitudes, au-dedans
Et dans le bruissement solennel de ces bois.
Fils de ce roi, j’ai, Satyavan, vécu satisfait Car je n’étais pas encore conscient de toi Dans le haut isolement de mon esprit
Et cet énorme murmure vital qui m’est cher,
Nourri pas l’espace, élevé par la solitude.
La Nature vint à son enfant retrouvé ;
Je régnais dans un royaume plus noble
Que n’en bâtissent les hommes sur le sol inerte ;
Je trouvais la pure franchise de la terre
Et la tendre intimité de l’enfant divin.
Dans les grandes chambres ornées de son empire,
Libre en son palais illimité j’ai résidé,
Accueilli par la chaleur de notre mère,
Elevé chez elle avec mes frères naturels.
Je m’étendais dans les grands bras du ciel,
Le rayonnement du jour bénissait mon front,
L’extase argentée de la lune pour m’endormir
Baisait mes paupières. Les matins étaient miens ;
Attiré par les faibles murmures de leurs heures
Je vagabondais dans les bois, soumis à la voix
Des vents et des eaux, partenaire du soleil,
A l’écoute du langage de l’univers :
Mon esprit comblé au-dedans de moi savait
Divin notre héritage et fastueuse notre vie
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Whose close belongings are the earth and skies.
Before Fate led me into this emerald world,
Aroused by some foreshadowing touch within,
An early prescience in my mind approached
The great dumb animal consciousness of earth
Now grown so close to me who have left old pomps
To live in this grandiose murmur dim and vast.
Already I met her in my spirit's dream.
As if to a deeper country of the soul
Transposing the vivid imagery of earth,
Through an inner seeing and sense a wakening came.
A visioned spell pursued my boyhood's hours,
All things the eye had caught in coloured lines
Were seen anew through the interpreting mind
And in the shape it sought to seize the soul.
An early child-god took my hand that held,
Moved, guided by the seeking of his touch,
Bright forms and hues which fled across his sight;
Limned upon page and stone they spoke to men.
High beauty's visitants my intimates were.
The neighing pride of rapid life that roams
Wind-maned through our pastures, on my seeing mood
Cast shapes of swiftness; trooping spotted deer
Against the vesper sky became a song
Of evening to the silence of my soul.
I caught for some eternal eye the sudden
King-fisher flashing to a darkling pool;
A slow swan silvering the azure lake,
A shape of magic whiteness, sailed through dream;
Leaves trembling with the passion of the wind,
Pranked butterflies, the conscious flowers of air,
And wandering wings in blue infinity
Dont les possessions sont la terre et le ciel.
Avant que le Destin me mène en ces forêts,
Emu par un toucher prémonitoire au-dedans,
Une prescience dans mon esprit s’approcha
De la grande conscience animale, si familière
A présent que j’ai laissé les vieux apparats
Pour vivre dans ce murmure vaste et grandiose.
Et déjà je la rencontrais dans mes rêves Comme à une contrée plus profonde de l’âme
Transposant l’imagerie vivide de la terre :
Par une perception interne vint un éveil.
Son charme poursuivit les heures de mon enfance,
Tout ce que l’œil avait saisi en ligne et couleur
Etait vu à nouveau par un mental interprète
Qui cherchait à capter l’âme dans la forme.
Très tôt un enfant dieu prit ma main qui tenait,
Animée et guidée par le sens de son toucher,
Les formes et les teintes qui passaient devant lui ;
Tracées sur la pierre elles se mettaient à parler.
Les hôtes de la beauté étaient mes intimes.
La fierté hennissante de la vie qui galope
Crinière au vent dans nos prés, sur ma voyance
Jetait des formes rapides ; les troupes de cerfs
Contre le ciel vespéral devenaient un chant
Du crépuscule pour le silence de mon âme.
Pour un regard éternel je capturais l’éclair
Du martin-pêcheur sur une mare ombragée,
Ou sur l’étang l’éclat argenté d’un cygne,
Sa blanche forme magique comme dans un songe ;
Les feuilles tremblantes de la passion du vent,
Les papillons sertis, fleurs conscientes de l’air,
Et les ailes vagabondes dans l’infini bleu,
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Lived on the tablets of my inner sight;
Mountains and trees stood there like thoughts from God.
The brilliant long-bills in their vivid dress,
The peacock scattering on the breeze his moons
Painted my memory like a frescoed wall.
I carved my vision out of wood and stone;
I caught the echoes of a word supreme
And metred the rhythm-beats of infinity
And listened through music for the eternal Voice.
I felt a covert touch, I heard a call,
But could not clasp the body of my God
Or hold between my hands the World-Mother's feet.
In men I met strange portions of a Self
That sought for fragments and in fragments lived:
Each lived in himself and for himself alone
And with the rest joined only fleeting ties;
Each passioned over his surface joy and grief,
Nor saw the Eternal in his secret house.
I conversed with Nature, mused with the changeless stars,
God's watch-fires burning in the ignorant Night,
And saw upon her mighty visage fall
A ray prophetic of the Eternal's sun.
I sat with the forest sages in their trance:
There poured awakening streams of diamond light,
I glimpsed the presence of the One in all.
But still there lacked the last transcendent power
And Matter still slept empty of its Lord.
The Spirit was saved, the body lost and mute
Lived still with Death and ancient Ignorance;
The Inconscient was its base, the Void its fate.
But thou hast come and all will surely change:
I shall feel the World-Mother in thy golden limbs
Tous vivaient sur les pages de ma vue intérieure ;
Les monts, les arbres, étaient pour moi des pensées de Dieu.
La riche brillance des plumages et des becs,
Le paon éparpillant sur la brise ses lunes,
Peignaient ma mémoire comme la fresque d’un mur.
Je sculptais ma vision dans le bois et le roc,
J’attrapais les échos d’un verbe suprême
Et métrais les rythmes de l’infinité
Et, dans la musique, écoutais la Voix éternelle.
Je ressentais un contact, j’entendais un appel,
Mais ne pouvais étreindre le corps de mon Dieu
Ou serrer les pieds de la Mère Universelle.
Dans l’homme je trouvais d’étranges portions d’un Soi
Qui recherchait des fragments et vivait fragmenté ;
Chacun vivait seulement en lui-même, pour lui-même,
Et ne formait avec d’autres que des liens fugaces ;
Chacun se passionnait de sa joie et de sa peine,
Sans voir l’Eternel dans sa demeure cachée.
Je conversais avec la Nature et les étoiles,
Ces fanaux de Dieu qui brûlent dans la Nuit,
Et je voyais se poser sur ce puissant visage
Un rai prophétique du soleil du Sans-Mort.
Je m’asseyais avec les sages dans leur transe :
Des torrents diamantés se déversaient,
Je devinais la présence de l’Un.
Mais il manquait l’ultime pouvoir transcendant,
La Matière demeurait vide de son Seigneur.
L’Esprit était sauvé ; le corps, perdu et muet,
Vivait encore avec la Mort et l’Ignorance ;
L’Inconscient était sa base, l’Absence son destin.
Mais tu es venue et tout sûrement changera :
Je sentirai la Mère du Monde dans tes membres
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And hear her wisdom in thy sacred voice.
The child of the Void shall be reborn in God,
My Matter shall evade the Inconscient's trance.
My body like my spirit shall be free.
It shall escape from Death and Ignorance.”
Et j’entendrai sa sagesse dans ta voix sacrée.
L’enfant du Vide renaîtra en Dieu, ma Matière
S’évadera de la transe de l’Inconscient
Et mon corps comme mon esprit sera libre :
Il échappera à la Mort et à l’Ignorance. »
And Savitri, musing still, replied to him:
“Speak more to me, speak more, O Satyavan,
Speak of thyself and all thou art within;
I would know thee as if we had ever lived
Together in the chamber of our souls.
Speak till a light shall come into my heart
And my moved mortal mind shall understand
What all the deathless being in me feels.
It knows that thou art he my spirit has sought
Amidst earth's thronging visages and forms
Across the golden spaces of my life.”
Et Savitri, encore songeuse, lui répondit :
« Parle-moi davantage, parle encore, O Satyavan,
Parle de toi, de tout ce que tu es au-dedans ;
Laisse-moi te connaître, comme si toujours ensemble
Nous avions vécu dans la chambre de nos âmes.
Parle, jusqu’à ce qu’une lumière vienne en mon coeur
Et ma pensée mortelle, émue, comprenne
Tout ce qu’éprouve en moi l’être sans mort.
Il sait que tu es celui qu’a cherché mon esprit
Dans la foule des visages et des formes,
A travers les espaces dorés de ma vie. »
And Satyavan like a replying harp
To the insistent calling of a flute
Answered her questioning and let stream to her
His heart in many-coloured waves of speech:
“O golden princess, perfect Savitri,
More I would tell than failing words can speak,
Of all that thou hast meant to me, unknown,
All that the lightning-flash of love reveals
In one great hour of the unveiling gods.
Even a brief nearness has reshaped my life.
For now I know that all I lived and was
Moved towards this moment of my heart's rebirth;
I look back on the meaning of myself,
A soul made ready on earth's soil for thee.
Et Satyavan comme une harpe répondant
Au doux appel insistant d’une flûte,
A sa question laissa vers elle couler
Son cœur en vagues colorées de parole :
« O princesse d’or, parfaite Savitri,
Plus que des mots faillibles ne le peuvent, je veux dire
Tout ce que tu as pour moi signifié, inconnue,
Tout ce qu’a révèle la foudre de l’amour
En cet instant sublime de découverte.
Même cette brève proximité m’a changé.
Car maintenant je sais que tout ce que j’étais
Se mouvait vers cet instant de ma renaissance ;
Je regarde en arrière le sens de moi-même,
Une âme apprêtée pour toi sur le sol de la terre.
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Once were my days like days of other men:
To think and act was all, to enjoy and breathe;
This was the width and height of mortal hope:
Yet there came glimpses of a deeper self
That lives behind Life and makes her act its scene.
A truth was felt that screened its shape from mind,
A Greatness working towards a hidden end,
And vaguely through the forms of earth there looked
Something that life is not and yet must be.
I groped for the Mystery with the lantern, Thought.
Its glimmerings lighted with the abstract word
A half-visible ground and travelling yard by yard
It mapped a system of the Self and God.
I could not live the truth it spoke and thought.
I turned to seize its form in visible things,
Hoping to fix its rule by mortal mind,
Imposed a narrow structure of world-law
Upon the freedom of the Infinite,
A hard firm skeleton of outward Truth,
A mental scheme of a mechanic Power.
This light showed more the darknesses unsearched;
It made the original Secrecy more occult;
It could not analyse its cosmic Veil
Or glimpse the Wonder-worker's hidden hand
And trace the pattern of his magic plans.
I plunged into an inner seeing Mind
And knew the secret laws and sorceries
That make of Matter mind's bewildered slave:
The mystery was not solved but deepened more.
I strove to find its hints through Beauty and Art,
But Form cannot unveil the indwelling Power;
Only it throws its symbols at our hearts.
Mes jours furent jadis comme ceux d’autres hommes :
Penser et agir était tout, jouir et respirer ;
Telle était la hauteur et l’ampleur de mon espoir :
Venaient pourtant des aperçus d’un soi plus profond
Qui vit derrière la Vie et la fait agir.
Une vérité était sentie derrière un voile,
Qui oeuvrait vers un objet invisible ; vaguement,
Quelque chose au travers des formes apparaissait,
Que la vie n’est pas encore mais doit devenir.
Je tâtonnai vers le Mystère avec la Pensée :
Ses lueurs éclairaient, à l’aide de mots abstraits,
Un sol à peine visible ; progressant pas à pas,
Elle traçait un système du Soi et de Dieu.
Inapte à vivre la vérité qu’elle évoquait,
Elle tentait de saisir sa forme dans les choses,
Espérant établir sa règle par le mental,
Imposant une structure de loi générale
Sur la liberté mouvante de l’Infini,
Un squelette de Vérité extérieure,
Le plan rigide d’une Puissance mécanique.
Cette clarté montrait les ténèbres plus encore ;
Elle rendait l’Origine encore plus occulte ;
Elle ne pouvait analyser son Voile
Ni entrevoir la main du secret Artisan
Ou discerner le modèle de ses plans.
Je plongeai alors dans un Mental visionnaire
Et connus les sorcelleries et les lois secrètes
Qui rendent la Matière esclave de la pensée :
Et le mystère n’en était qu’approfondi.
Je cherchai à le percer par l’Art et la Beauté,
Mais la Forme cache le Pouvoir qui l’habite ;
Elle ne lance que des symboles à nos cœurs -
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It evoked a mood of self, invoked a sign
Of all the brooding glory hidden in sense:
I lived in the ray but faced not to the sun.
I looked upon the world and missed the Self,
And when I found the Self, I lost the world,
My other selves I lost and the body of God,
The link of the finite with the Infinite,
The bridge between the appearance and the Truth,
The mystic aim for which the world was made,
The human sense of Immortality.
But now the gold link comes to me with thy feet
And His gold sun has shone on me from thy face.
For now another realm draws near with thee
And now diviner voices fill my ear,
A strange new world swims to me in thy gaze
Approaching like a star from unknown heavens;
A cry of spheres comes with thee and a song
Of flaming gods. I draw a wealthier breath
And in a fierier march of moments move.
My mind transfigures to a rapturous seer.
A foam-leap travelling from the waves of bliss
Has changed my heart and changed the earth around:
All with thy coming fills. Air, soil and stream
Wear bridal raiment to be fit for thee
And sunlight grows a shadow of thy hue
Because of change within me by thy look.
Come nearer to me from thy car of light
On this green sward disdaining not our soil.
For here are secret spaces made for thee
Whose caves of emerald long to screen thy form.
Wilt thou not make this mortal bliss thy sphere?
Descend, O happiness, with thy moon-gold feet
Elle évoque un état de l’être ou invoque un signe
De toute la gloire dissimulée dans le sens :
Je vivais ainsi dans le rai sans voir le soleil.
Je regardais le monde et le Soi m’échappait,
Et quand je trouvais le Soi, je perdais le monde,
Je perdais le Soi dans les autres, le corps de Dieu,
Le lien du fini avec l’infinité,
Le pont entre l’apparence et la Vérité,
Le but mystique pour lequel fut créé le monde,
Le sens humain de l’Immortalité.
Mais avec tes pas le lien d’or vient à moi
Et le Soleil d’or brille sur moi dans ton visage.
Car un autre domaine s’approche avec toi
Et des voix plus divines pénètrent mon ouïe,
Un étrange monde nouveau afflue vers moi
Comme une étoile venue de cieux inconnus ;
Un appel des sphères t’accompagne et un chant
De dieux flamboyants. J’inspire un souffle plus riche
Et plus ardente est la marche des instants.
Mon mental se transmue en un voyant bienheureux.
Une écume bondie d’un océan d’extase
A changé mon cœur et changé la terre alentour :
Tout s’emplit de ta venue. L’air, le sol, la rivière
Se vêtent pour t’accueillir de parures nuptiales
Et le jour devient une ombre de ta couleur
A cause du changement en moi par ton regard.
Viens, descend de ton chariot de lumière
Sur cette verdure, ne dédaigne pas notre sol.
Car ici se trouvent des espaces faits pour toi
Dont les écrans d’émeraude seront tes gardiens.
Ne feras-tu pas de ce bien-être ta sphère ?
Descends, O bonheur, que tes doux pieds de lune
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Enrich earth's floors upon whose sleep we lie.
O my bright beauty's princess Savitri,
By my delight and thy own joy compelled
Enter my life, thy chamber and thy shrine.
In the great quietness where spirits meet,
Led by my hushed desire into my woods
Let the dim rustling arches over thee lean;
One with the breath of things eternal live,
Thy heart-beats near to mine, till there shall leap
Enchanted from the fragrance of the flowers
A moment which all murmurs shall recall
And every bird remember in its cry.”
Enrichissent ces terres dont le sommeil nous porte.
O ma radieuse beauté, princesse Savitri,
Contrainte par mon délice et ta propre joie,
Pénètre ma vie, ta chambre et ton sanctuaire.
Dans la grande quiétude où les esprits se rencontrent,
Conduite par mon désir silencieux dans mes bois,
Laisse les arches bruissantes se pencher sur toi ;
Viens t’unir au souffle de choses éternelles,
Ton cœur battant près du mien, jusqu’à ce que surgisse,
Enchanté par la fragrance des fleurs, un instant
Dont tous les murmures se rappelleront
Et chaque oiseau se souviendra dans son cri. »
Allured to her lashes by his passionate words
Her fathomless soul looked out at him from her eyes;
Passing her lips in liquid sounds it spoke.
This word alone she uttered and said all:
“O Satyavan, I have heard thee and I know;
I know that thou and only thou art he.”
Attirée à ses cils par les mots de Satyavan,
L’âme insondable de Savitri le regarda
Et par ses lèvres en sons liquides, elle parla.
Cette seule parole elle prononça :
« O Satyavan, je t’ai entendu et je sais ;
Je sais que c’est toi, et nul autre que toi. »
Then down she came from her high carven car
Descending with a soft and faltering haste;
Her many-hued raiment glistening in the light
Hovered a moment over the wind-stirred grass,
Mixed with a glimmer of her body's ray
Like lovely plumage of a settling bird.
Her gleaming feet upon the green-gold sward
Scattered a memory of wandering beams
And lightly pressed the unspoken desire of earth
Cherished in her too brief passing by the soil.
Then flitting like pale-brilliant moths her hands
Took from the sylvan verge's sunlit arms
Alors elle descendit de son chariot sculpté,
Doucement chancelante dans sa hâte ;
Son vêtement mordoré reflétant le jour
Hésita sur l’herbe fléchie par le vent,
Mêlé d’un éclat du rai de son corps,
Comme le plumage d’un oiseau qui se pose.
Ses pieds lumineux sur la pelouse vermeille
Eparpillèrent un essaim de rayons,
Pressant légèrement le désir de la terre,
Chéris par le sol à leur passage trop bref.
Puis ses mains, comme de pâles phalènes,
Cueillirent des bras de l’orée sylvaine
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A load of their jewel-faces' clustering swarms,
Companions of the spring-time and the breeze.
A candid garland set with simple forms
Her rapid fingers taught a flower song,
The stanzaed movement of a marriage hymn.
Profound in perfume and immersed in hue
They mixed their yearning's coloured signs and made
The bloom of their purity and passion one.
A sacrament of joy in treasuring palms
She brought, flower-symbol of her offered life,
Then with raised hands that trembled a little now
At the very closeness that her soul desired,
This bond of sweetness, their bright union's sign,
She laid on the bosom coveted by her love.
As if inclined before some gracious god
Who has out of his mist of greatness shone
To fill with beauty his adorer's hours,
She bowed and touched his feet with worshipping hands;
She made her life his world for him to tread
And made her body the room of his delight,
Her beating heart a remembrancer of bliss.
Un trésor de leurs grappes de joyaux suspendus,
Compagnons du printemps et de la brise.
En une guirlande candide de formes simples,
Ses doigts rapides tressèrent un hymne de fleurs,
Le mouvement rythmé d’un chant de mariage.
Profonds de parfum et de teinte ils mêlèrent
Les signes colorés de leur aspiration
En un collier unique d’ardente pureté.
Un sacrement de joie dans ses paumes, elle porta
Ce symbole fleuri de sa vie offerte,
Puis, levant des mains qui tremblaient à peine
A l’intimité même que désirait son âme,
Ce lien de tendresse, ce signe de leur union
Elle posa sur la poitrine de son amour.
Comme s’inclinant devant un dieu bienveillant
Qui de sa nuée de grandeur aurait resplendi
Pour emplir de beauté ses heures dévouées,
Penchée, elle toucha ses pieds de ses mains ferventes ;
Elle fit de sa vie le royaume de ses pas
Et fit de son corps l’espace de sa joie,
De son cœur la mesure de la félicité.
He bent to her and took into his own
Their married yearning joined like folded hopes;
As if a whole rich world suddenly possessed,
Wedded to all he had been, became himself,
An inexhaustible joy made his alone,
He gathered all Savitri into his clasp.
A son tour il se pencha et prit dans ses bras
Leur élan de mariage joignant deux espoirs ;
Comme si tout un monde soudainement sien,
Epousant tout son passé, devenait lui-même,
Une joie inépuisable à présent rendue sienne,
Il rassembla toute Savitri dans son étreinte.
Around her his embrace became the sign
Of a locked closeness through slow intimate years,
A first sweet summary of delight to come,
Autour d’elle ses bras devinrent le signe
D’une sûre intimité au travers des années,
Un premier sommaire du bonheur à venir,
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One brevity intense of all long life.
In a wide moment of two souls that meet
She felt her being flow into him as in waves
A river pours into a mighty sea.
As when a soul is merging into God
To live in Him for ever and know His joy,
Her consciousness grew aware of him alone
And all her separate self was lost in his.
Un intense résumé de toute leur vie.
Dans l’instant vaste de deux âmes qui se trouvent
Elle se sentit affluer en lui comme en vagues
Une rivière se déverse dans l’océan.
Comme lorsqu’une âme s’immerge en Dieu
Pour toujours vivre en Lui et connaître Sa joie,
Il n’exista plus que lui dans sa conscience
Et son être séparé se perdit dans le sien.
As a starry heaven encircles happy earth,
He shut her into himself in a circle of bliss
And shut the world into himself and her.
A boundless isolation made them one;
He was aware of her enveloping him
And let her penetrate his very soul
As is a world by the world's spirit filled,
As the mortal wakes into Eternity,
As the finite opens to the Infinite.
Comme un ciel étoilé entoure toute la terre,
Il la prit contre lui dans un cercle de bonheur
Et serra l’univers en lui-même et en elle.
Un isolement sans limites les unit ;
Il la sentit l’envelopper tout entier
Et la laissa pénétrer au-dedans de son âme
Comme un monde qui s’emplit de l’esprit cosmique,
Comme le mortel s’éveille dans l’Eternel,
Comme le fini enfin s’ouvre à l’Infinité.
Thus were they in each other lost awhile,
Then drawing back from their long ecstasy's trance
Came into a new self and a new world.
Each now was a part of the other's unity,
The world was but their twin self-finding's scene
Or their own wedded being's vaster frame.
Ainsi demeurèrent-ils un moment l’un en l’autre ;
Puis, se retirant de leur longue transe d’extase,
Ils entrèrent dans un être et un monde nouveaux.
Chacun était pour l’autre une part essentielle,
Et le monde était la scène de leur découverte
Ou le cadre plus vaste de leur être épousé.
On the high glowing cupola of the day
Fate tied a knot with morning's halo threads
While by the ministry of an auspice-hour
Heart-bound before the sun, their marriage fire,
The wedding of the eternal Lord and Spouse
Took place again on earth in human forms:
Sur la haute coupole ardente du jour
Le Destin noua les fils de l’auréole
Et, par le ministère d’une heure auspicieuse,
Cœurs liés devant le soleil, leur feu de mariage,
Les noces du Seigneur et de l’Epouse éternels
Se renouvelèrent en des formes humaines :
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In a new act of the drama of the world
The united Two began a greater age.
In the silence and murmur of that emerald world
And the mutter of the priest-wind's sacred verse,
Amid the choral whispering of the leaves
Love's twain had joined together and grew one.
The natural miracle was wrought once more:
In the immutable ideal world
One human moment was eternal made.
En un nouvel acte du drame universel
Les Deux réunis commencèrent un plus grand âge.
Dans le calme murmure de ce monde émeraude La rumeur des psaumes du prêtre vent
Et la chorale chuchotante des feuilles -,
Le duo de l’Amour s’était joint et uni.
Le miracle naturel à nouveau accompli,
Dans l’immuable domaine idéal
Un instant humain devenait éternel.
Then down the narrow path where their lives had met
He led and showed to her her future world,
Love's refuge and corner of happy solitude.
At the path's end through a green cleft in the trees
She saw a clustering line of hermit-roofs
And looked now first on her heart's future home,
The thatch that covered the life of Satyavan.
Adorned with creepers and red climbing flowers
It seemed a sylvan beauty in her dreams
Slumbering with brown body and tumbled hair
In her chamber inviolate of emerald peace.
Around it stretched the forest's anchorite mood
Lost in the depths of its own solitude.
Puis, le long du sentier où ils s’étaient rencontrés,
Il l’emmena et lui montra son monde futur,
Refuge de l’amour et repaire du bonheur.
Au bout du chemin, par une fente entre les arbres,
Elle aperçut le groupe des toits d’un ermitage
Et découvrit le futur foyer de son cœur,
Le chaume qui couvrait la vie de Satyavan.
Parée de vignes et de lianes fleuries de rouge,
Cela semblait la beauté sylvaine d’un rêve,
Le corps brun, la chevelure dénouée, endormie
Dans sa chambre inviolée de paix verdoyante.
Tout autour s’étendait la forêt d’anachorète
Perdue dans les aires de sa propre retraite.
Then moved by the deep joy she could not speak,
A little depth of it quivering in her words,
Her happy voice cried out to Satyavan:
“My heart will stay here on this forest verge
And close to this thatched roof while I am far:
Now of more wandering it has no need.
But I must haste back to my father's house
Which soon will lose one loved accustomed tread
Alors, émue par la joie profonde au-dedans d’elle,
Son intensité affleurant dans ses paroles,
Sa voix heureuse s’écria vers Satyavan :
« Mon cœur ici restera, à l’orée de ces bois
Et tout près de ce toit de chaume, quand je serai loin :
Car il n’a plus besoin maintenant de voyager.
Mais je dois me hâter de rejoindre mon père
Dont la maison perdra bientôt un pas bien-aimé
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And listen in vain for a once cherished voice.
For soon I shall return nor ever again
Oneness must sever its recovered bliss
Or fate sunder our lives while life is ours.”
Et cherchera vainement une voix familière.
Car bientôt je reviendrai et jamais plus
L’union ne devra trancher sa joie retrouvée
Ou le destin nous séparer tant que nous vivrons. »
Once more she mounted on the carven car
And under the ardour of a fiery noon
Less bright than the splendour of her thoughts and dreams
She sped swift-reined, swift-hearted but still saw
In still lucidities of sight's inner world
Through the cool-scented wood's luxurious gloom
On shadowy paths between great rugged trunks
Pace towards a tranquil clearing Satyavan.
A nave of trees enshrined the hermit thatch,
The new deep covert of her felicity,
Preferred to heaven her soul's temple and home.
This now remained with her, her heart's constant scene.
Une fois de plus elle gravit son chariot
Et sous l’ardeur d’un midi enflammé
Moins brillant pourtant que ses pensées et ses rêves,
Vive elle s’en fut : mais toujours elle voyait,
En calmes transparences de vue intérieure,
Dans la pénombre fraîche et luxuriante des bois
Sur des sentiers sinuant entre les troncs rugueux
Marcher vers une clairière tranquille, Satyavan.
La voûte des arbres enchâssait l’ermitage,
Le nouveau gîte profond de sa félicité,
Préféré au ciel, temple et foyer de son âme :
Cette scène demeurait constamment dans son cœur.
End of Canto Three
End of Book Five
Fin du Chant Trois
Fin du Livre Cinq
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