ROSSO FIORENTINO Florence, 1494
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ROSSO FIORENTINO Florence, 1494
ROSSO FIORENTINO Florence, 1494 - Fontainebleau, 1540 Contrairement à celui de Primatice, qui a relativement bien traversé le temps, l'oeuvre dessiné de Rosso a pour l'essentiel disparu. La rareté des dessins de ce maître est d'autant plus frappante que l'on rapporte le petit nombre des feuilles parvenues jusqu'à nous à l'ambition et à la complexité des entreprises picturales et décoratives qui lui furent confiées aussi bien en Italie qu'en France. L'entrée dans les collections du Cabinet des dessins, grâce aux dispositions fiscales instaurées par la loi du 4 janvier 2002, relative aux musées de France, et à la contribution du groupe de Protection Financière AXA, de deux très rares feuilles de la main du peintre de François Ier, fait à cet égard figure d'événement. Né à Florence en 1494, formé auprès d'Andrea del Sarto ainsi qu'au contact des oeuvres de Michel-Ange, Giovan Battista di Jacopo, surnommé Rosso pour la couleur de ses cheveux roux, fut actif successivement à Florence et à Volterra (1516 1522), à Rome (1523-1527), à Pérouse, à Borgo San Sepolcro, à Città di Castello et à Arezzo (1527-1528). En 1530, à Venise, il obtint recommandation de l'Arétin auprès du roi de France. C'est ainsi que François Ier l'adopta comme son peintre, lui accordant privilèges et libéralités. Au château de Fontainebleau, il lui commanda le décor de sa Galerie, celui de la Salle haute du pavillon des Poêles, une partie de ceux du pavillon de Pomone et de la Galerie basse. Le roi institua de la sorte ce que les historiens de l'estampe, les premiers, nommèrent l'École de Fontainebleau, école dont les prémices stylistiques sont à rechercher dans les oeuvres italiennes de Rosso. On compte au nombre de ces oeuvres italiennes le dessin de Saint Roch distribuant ses biens aux pauvres, première des deux feuilles à la sanguine dont viennent de s'enrichir les collections nationales. L'historien A. E. Carroll y a vu non seulement des parentés de style avec les oeuvres de la période romaine, mais encore une composition liée à la peste qui frappa Rome en juin et juillet 1524, et à laquelle Rosso échappa en se réfugiant à Cerveteri. Rosso a créé, dans ce Saint Roch, une composition complexe et torturée, riche en réminiscences florentines (Masaccio, Donatello, Michel-Ange, Pontormo), romaines modernes (Raphaël) et antiques (les monnaies de la Concordia). Mais il a également réalisé là une œuvre profondément originale où se retrouvent toutes les singularités formelles, les étrangetés, les outrances inquiétantes et sublimes de ses créations françaises, notamment les compositions de la Galerie de Fontainebleau. Que cette composition ait été réalisée à Cerveteri, ou plutôt, comme on peut être tenté de le croire, en France, il n'en reste pas moins qu'elle préparait l'une des scènes d'un cycle illustrant l'histoire de saint Roch, lequel n'est plus connu aujourd'hui que par de médiocres copies, toutes conservées au Louvre et présentées dans cette salle, dont elle est le seul vestige original. Saint Roch distribuant ses biens aux pauvres a été très tôt remarqué par les plus fins amateurs qui ne se sont trompés ni sur sa rareté, ni sur son originalité. On le suit au fil des siècles dans les collections de Jonathan Richardson, de John Barnard, du peintre Joshua Reynolds, d'A. M. Champernowne, d'André de Hévésy, de Robert Lebel et de Jean-Jacques Lebel. La sanguine, dans laquelle on croit reconnaître une Visitation - mais il pourrait également s'agir de Vertumne et Pomone -, fut longtemps attribuée à Michel-Ange. Cette attribution a le mérite de souligner la très haute qualité de l'œuvre et de rappeler à quel point le style de Rosso en France, jusqu'à l'extrême fin de sa carrière, n'a rien perdu de son intelligence profonde de l'art du Maître. La feuille s'apparente à un dessin de Michel-Ange qui fut utilisé comme modèle par Rosso lui-même pour les stucs de la Galerie de Fontainebleau, puis par Primatice à la galerie d'Ulysse. Rosso semble avoir donné là, sous forme d'esquisse rapide, une sorte de testament artistique résumant sa vision anguleuse et acerbe de la figure humaine. Comme souvent dans les œuvres de la période française, le sujet demeure énigmatique, l'artiste inventant des types iconographiques singuliers et appréciant l'ambiguïté autant que l'ambivalence des images, en un sens tout à fait propre à l'esprit du premier maniérisme. De même que le Saint Roch, la Visitation fit partie de la collection de Robert Lebel, dont le discernement sut accompagner et soutenir le mouvement de redécouverte du maniérisme et de l'école de Fontainebleau. Cet amateur a maintenu sur le territoire national des dessins de tout premier ordre. Il n'est sans doute pas inutile de rappeler ici que la France, loin de s'être toujours donné les moyens de préserver ce patrimoine, a laissé partir des feuilles de Rosso aussi importantes que le Martyre de saint Marc et de saint Marcellin, jadis dans la collection Dumarteau, à Dijon, et aujourd'hui au Smith College Museum of Art de Northampton, la Judith et Holopherne, autrefois dans la collection Eugène Rodriguès et maintenant au Los Angeles County Museum, ainsi que le Saint Roch-Empédocle de la collection Jacques Petit-Hory, à présent au J. Paul Getty Museum de Malibu.