CORRIGE ETUDE D`UN DOCUMENT Peut-on comparer l
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CORRIGE ETUDE D`UN DOCUMENT Peut-on comparer l
CORRIGE ETUDE D’UN DOCUMENT Peut-on comparer l’économie mondiale de la fin du XIXe siècle avec celle d’aujourd’hui ? Texte de Daniel Cohen Partie de l’introduction : Il est habituel de présenter la mondialisation actuelle comme totalement nouvelle dans l’histoire économique de l’humanité. Pourtant, Daniel Cohen, éminent professeur d’économie œuvrant aussi à la Banque mondiale et écrivant dans le journal Le Monde, pense qu’on peut comparer cette situation économique contemporaine avec celle du XIXème siècle, lorsque la Grande-Bretagne dominait le monde. Il le fait dans un texte extrait de Trois leçons sur la société post-industrielle (édité par Le Seuil en 2006), texte que l’on peut considérer comme objectif compte tenu des compétences de son auteur, ce qui ne nous empêchera pas d’en discuter le contenu dans une approche plus historique que la sienne. Nous le ferons pour savoir si l’on peut comme lui faire un parallèle entre les deux périodes. Pour cela, nous suivrons l’auteur sur les points communs entre les deux systèmes économiques, puis nous nous interrogerons sur son affirmation d’un retard de la mondialisation actuelle par rapport à celle du XIX ème siècle. Enfin nous montrerons que les Etats-Unis ne sont plus la seule puissance dominante aujourd’hui, contrairement à ce qui ressort du texte Première partie : retrouvez un titre Surligner de 2 couleurs termes du texte et apport connaissances Deuxième partie : retrouvez un titre Surligner de 2 couleurs termes du texte et apport connaissances Selon l’auteur, la ressemblance entre ce qu’il nomme « la mondialisation du XIXème siècle et la nôtre » est la présence de deux puissances dominantes, la Grande Bretagne pour le passé et les Etats-Unis aujourd’hui. Effectivement la Grande Bretagne avait fait son take-off industriel en premier (dès la fin du XVIIIème siècle d’ailleurs).Elle disposait des matières premières nécessaires à cette première industrialisation (fer, charbon, laine…), notamment grâce à son empire colonial. Elle avait ainsi pu créer, à la fin du XIXème siècle, une véritable économie –monde, c’est-à-dire un morceau de la planète économiquement autonome, capable pour l’essentiel de se suffire à lui-même et unifié par ses liaisons et ses échanges intérieurs. De la même façon les Etats-Unis, surtout après la seconde guerre mondiale est à la tête d’une nouvelle économie-monde, peut-être plus aboutie que la précédente puisqu’elle repose aussi sur la puissance militaire (ce qui n’était pas le cas du Royaume-Uni) et sur une puissance culturelle bien supérieure, ce que ne précise pas Daniel Cohen. On peut ajouter que cette puissance étasunienne reposait notamment sur une forte capacité productive avec l’apogée du fordisme pendant les Trente Glorieuses (45-75), c’est-à-dire le taylorisme (travail décomposé en gestes simples accomplis le plus vite possible) et de bons salaires pour les ouvriers qui du coup consomment aussi. Cette domination sur la production mondiale a entraîné dans les deux cas la volonté d’exporter et donc la promotion du libre-échange, c’est-à-dire une politique commerciale visant à réduire les barrières douanières pour promouvoir la circulation des marchandises, comme le souligne justement l’auteur. L’économiste insiste aussi sur une ressemblance entre les deux mondialisations, « toutes deux portées par une révolution des techniques de transport et de communication ». Pour lui la révolution du télégraphe, du chemin de fer et des bateaux à vapeur du XIXème siècle est même plus importante que celle d’Internet au XXème siècle. On peut suivre l’auteur sur l’idée que chacune de ces économies-monde repose sur des innovations techniques fondamentales qui à la fois stimulent la production (surtout après les périodes de crise économiques comme en 1873-1896, 1929 ou 1973) et facilitent les échanges. Au XIXème siècle la Grande Bretagne a le contrôle des câbles sous-marins posés au fond de l’Atlantique et dans les années 90, les Etats-Unis contrôlent totalement la toile numérique. Une petite nuance peut être apportée à la comparaison de ces révolutions car celle que nous connaissons aujourd’hui repose sur la vitesse des échanges et sur un bas coût des transports de marchandises avec les porte-conteneurs géants. La globalisation s’en trouve donc accentuée, notamment avec la stratégie mondiale des firmes transnationales (dont l’activité s’étend sur plusieurs pays produit un chiffre d’affaire élevé), dont les plus puissantes furent longtemps celles des Etats Unis. Dans son texte, Daniel Cohen explique que « la mondialisation actuelle reste en retard sur celle du XIX siècle ». Il s’appuie pour cela sur l’idée qu’elle serait moindre dans le domaine de la globalisation financière, celui de la redistribution de richesses et celui de l’immigration. Ce point de vue mérite d’être discuté. En ce qui concerne la globalisation financière, l’économie-monde britannique était organisée autour d’une monnaie, la livre, et de la City, siège de la première place boursière du XIXème siècle. Les investissements britanniques étaient certes nombreux outre –atlantique et dans les colonies mais ils ème étaient loin de couvrir la planète entière et étaient largement sous le contrôle du pays. Aujourd’hui avec la dérégulation qui enlève du poids aux Etats et la recherche de profit maximal permanente des spéculateurs, cette globalisation financière est au contraire beaucoup plus approfondie qu’au XIXème et concerne tous les pays. C’est d’ailleurs cette financiarisation de l’économie qui profite d’abord aux pays riches au détriment souvent des pays pauvres. Ceci dit, la mondialisation financière du XIXème fut guère moins inégalitaire à une période où l’ordre colonial régnait et où les colonies étaient exploitées au seul profit de la métropole ! N’oublions pas que c’est en grande Bretagne qu’est née la théorie du libéralisme d’Adam Smith justifiant l’ordre social inégalitaire. En ce qui concerne la place de l’immigration dans ces mondialisations, l’auteur nous explique qu’elle était plus importante en 1900, représentant 8 % de la population mondiale contre 4 % aujourd’hui. Certes, mais en valeur absolue, cela représente actuellement beaucoup plus de migrants puisque la population a fortement augmenté. De plus les migrants du XIXème et début du XXème siècle étaient surtout européens (des pays plus pauvres de l’Europe vers la France, les Etats Unis et le nouveau monde), alors qu’aujourd’hui les flux migratoires concernent des populations beaucoup plus variées en provenance de tous les continents en développement. Les flux migratoires ont donc une place majeure dans la mondialisation actuelle, contrairement à ce qui est affirmé dans le texte Troisième partie : retrouvez un titre Surligner de 2 couleurs termes du texte et apport connaissances Conclusion : dégager les deux parties Le parallèle fait par Daniel Cohen entre les mondialisations du XIXème siècle et celle d’aujourd’hui nécessite une dernière critique qui tient peut être à ce que ce dernier est économiste et non historien : la chronologie est peut-être moins fondamentale pour lui. Tout d’abord, il nous présente la mondialisation dominée par les Etats –Unis comme étant celle de l’Internet. Or cette innovation n’apparaît qu’en 1993, alors que l’apogée de la domination étasunienne se situe entre 1945 et 1975, c’est-à-dire les Trente Glorieuses. A cette période on utilisait déjà les ordinateurs mais on ne connaissait ni les ordinateurs personnels (les PC/MAC apparaissent dans les années 80) ni le réseau Internet qui survient après la crise de 1973 et permet à l’économie de repartir mais en se transformant en profondeur. De plus l’’économiste réduit les deux économies mondialisées à l’économie monde britannique et à l’économie-monde étasunienne. Or, depuis les années 2000, on assiste à l’affirmation de nouvelles puissances issues du Sud économique, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et plus généralement les pays émergents. La mondialisation actuelle n’est donc plus seulement étasunienne mais davantage multipolaire. Les Etats-Unis sont de plus en plus concurrencés par des pays aux avantages comparatifs plus affirmés (main d’œuvre moins chère, fort investissement dans la recherche…) et par la montée des FTN de ces nouveaux pôles. Ils perdent de leur superbe avec l’accumulation de déficits, notamment commerciaux. Pendant ce temps, les nouvelles puissances engrangent des excédents commerciaux qui leur permettent d’investir notamment aux Etats-Unis. On peut même penser que dans quelques années une nouvelle –économie monde, chinoise celle-ci se mettra en place et le texte n’y fait aucunement allusion. En conclusion, la comparaison qu’établit Daniel Cohen entre les deux mondialisations, celle du XIXème siècle et celle d’aujourd’hui, n’est que partiellement fondée. Ces deux périodes s’appuient en effet sur une puissance financière et commerciale (Grande-Bretagne puis Etats-Unis) et sur une révolution technologique qui développent le commerce à l’échelle mondiale. Cependant les innovations de l’économie-monde étasunienne changent davantage le monde en profondeur et celle-ci reste plus complète. La mondialisation actuelle paraît donc plus globalisante, contrairement à ce qu’affirme l’auteur. En outre on ne peut aujourd’hui réduire l’économie mondiale à un seul pôle comme le fait l’auteur car, avec les puissances émergentes, elle est davantage multipolaire, ce qui la différencie nettement de celle du XIXème siècle. L’auteur est économiste, il raisonne donc par une analyse des grands ensembles macro-économiques et dans ce cas on ne peut que lui donner raison. Mais l’historien se doit d’être plus précis et de toujours replacer les faits dans leur contexte, ce qui l’amène inévitablement à établir des différences entre les deux périodes. Ce texte a donc l’avantage de relativiser la mondialisation actuelle en montrant qu’elle fut précédée par une autre. Pourtant celle que nous connaissons aujourd’hui reste beaucoup plus approfondie et plus du tout contrôlable par les Etats, faisant même tomber la pertinence des Etats -Nations pourtant au cœur du XIXème siècle, ce qui constitue une différence historique fondamentale. En caractère gras : apport de connaissances indispensables (donc attendus pour avoir A dans la ligne « apport de connaissances supplémentaires complet » de la grille d’évaluation).