N_ sp_cial Nutrition - Institut Benjamin Delessert
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Tiré à part Société de Nutrition et de Diététique de Langue Française SNDLF volume 36 juin 2001 numéro 3 cahier 2 Cah. Nutr. Diét., 2001, 36, 1S1-1S44. SNDLF cahiers de nutrition SNDLF et de SNDLF diététique Place du sucre dans l’alimentation de l’homme sain en l’an 2000 SNDLF Indexés dans, indexed in Chemical Abstracts, EMbase (Excerpta Medica) et Pascal (INIST/CNRS) 625687 rt e s les e in D 000 m ja re 2 n e B ctob t a o b Dé 4 Cette association, régie par la loi 1901, a pour mission de participer au développement de la recherche médicale et scientifique dans le domaine de la nutrition et de favoriser la diffusion de la connaissance nutritionnelle auprès des spécialistes. L’Institut Benjamin Delessert aide la recherche en participant au financement d’études (recherche fondamentale et recherche appliquée) portant, notamment, sur le métabolisme et la physiopathologie des glucides. Ces fonds de recherche viennent soutenir, pour la plupart, les efforts d’organismes publics comme l’INSERM ou le CNRS. Chaque année, une ou deux « Conférences Benjamin Delessert » sont organisées, réunissant, lors d’un après-midi de travail, plusieurs dizaines de spécialistes autour de conférenciers de renom, pour faire le point sur un thème d’actualité. Depuis deux ans, ces conférences sont devenues des débats contradictoires sous la forme de « pour... ou contre... ». C’est avec l’université Paris VI - Hôtel-Dieu que l’Institut Benjamin Delessert organise la Journée annuelle de Nutrition et de Diététique qui réunit tous les ans un millier de participants, tous concernés par la nutrition (nutritionnistes, diététiciennes, médecins, chercheurs, ingénieurs de l’agro-alimentaire, paramédicaux, journalistes scientifiques...). Les textes des conférences de cette journée sont publiés dans les Cahiers de Nutrition et de Diététique. L’Institut a créé, en 1988, le Prix Benjamin Delessert, qui récompense un chercheur pour l’ensemble de ses travaux. Le jury de ce prix est constitué des membres du Comité Scientifique de la Journée Annuelle de Nutrition et de Diététique. Son président, le professeur Bernard GUYGRAND, et le professeur Bernard MESSING, co-vice-président et président des Conférences Benjamin Delessert, remettent le prix au lauréat, lors de cette journée. Les lauréats ont été : 2001 2000 1999 1998 1997 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 Dr France BELLISLE (Comportement alimentaire, Paris) Pr Pierre LOUISOT (Biochimie générale et médicale, Lyon) Pr Axel KAHN (Physiologie et pathologie génétiques et moléculaires, Paris) Mme Anne-Marie DARTOIS (Diététique pédiatrique, Paris) Pr Matty CHIVA (Psychologie de l’Enfant, Paris) Pr Jean-Jacques BERNIER (Gastroentérologie, Paris) Pr Pierre DUCIMETIERE (Epidémiologie, Paris) Pr Claude BOUCHARD (Génétique des Populations, Laval/Québec) Pr Philippe JEAMMET (Psychiatrie, Paris) Pr Gérard AILHAUD (Biochimie, Nice) Dr Claude FISCHLER (Sociologie, Paris) Pr Robert FRANK (Odontologie, Strasbourg) Pr Noel MEI (Neurobiologie, Marseille) INTERVENANTS PRÉSIDENT DE SÉANCE Bernard MESSING Praticien Hospitalier - Professeur des Universités (Nutrition) Adjoint au chef de service Hépatogastroentérologie/Assistance Nutritive Hôpital Lariboisière/Saint-Lazare - 75010 Paris Président des conférences Benjamin Delessert MODÉRATEURS DU DÉBAT Serge HERCBERG Directeur de Recherche (U 557 Inserm / U 1125 Inra) UMR Inserm/Inra/Cnam et Unité de Surveillance et d’Epidémiologie Nutritionnelle (USEN) Institut National de Veille Sanitaire (INVS) Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) Coordonnateur de l’enquête SUVIMAX Ambroise MARTIN Direction de l’Evaluation des Risques Nutritionnels et Sanitaires (DERNS) / AFSSA Coordonnateur général des Apports nutritionnels conseillés pour la population française Professeur de Nutrition et de Biochimie - Faculté de Médecine de Lyon/Grange Blanche INSERM U 189 “Physiopathologie Subcellulaire et Régulation Métaboliques” CONFÉRENCIERS Monique ROMON Professeur de Nutrition - Faculté de Médecine de Lille Chef du Service de Nutrition du CHU de Lille Jacques DELARUE Professeur de Nutrition - Praticien Hospitalier Service de Médecine 4 et Equipe d’Accueil 948 - CHU de Brest Adam DREWNOWSKI Professeur, Département d’Epidémiologie et de Médecine Directeur, Nutritional Sciences Program - University of Washington - Seattle/USA Charles COUET Praticien Hospitalier - Professeur des Universités (Nutrition) Coordonnateur du chapitre Glucides des A.N.C. pour la population française Jean-Michel LECERF Endocrinologie et Maladies Métaboliques Chef du Service de Nutrition - Institut Pasteur de Lille - CHRU de Lille (Médecine Interne) QUI ÉTAIT BENJAMIN DELESSERT ? Il fut un des hommes les plus influents de son époque. Doué d’une vive intelligence, d’une prodigieuse mémoire et d’un véritable esprit scientifique, Benjamin Delessert fait partie de la très petite fraction des hommes qui aident le monde à faire quelques pas en avant. Né à Lyon, le 14 février 1773, dans une famille de banquiers, il met sa fortune et sa personne au service du développement de la connaissance scientifique et du progrès industriel. Adolescent, il est envoyé en Angleterre où il fait la connaissance d’hommes éminents, tels que l’historien-philosophe David Hume, l’économiste Adam Smith et le physicien James Watt. Il se lie d’amitié avec eux et revient en France à la veille de la Révolution. Très touché par la grande misère de l’époque, il s’investit pour soulager la souffrance et améliorer les conditions de vie des plus démunis et sait mettre à ce service ses talents de banquier, d’industriel et d’homme politique. • En 1800 (il n’a que 27 ans), il crée, à Paris, avec son ami le botaniste Augustin Pyrame de Candolle, les premières soupes populaires, distribuées 16 rue du Mail dans le 2e arrondissement. • En 1801, sous l’impulsion du préfet de la Seine Frochot, il participe à la création du Conseil Général des Hospices, aux fins de restructurer le réseau hospitalier de Paris. Malgré son jeune âge (28 ans), il est membre de ce conseil qu’il présidera à plusieurs reprises et y restera jusqu’à sa mort. • La même année (en 1801), il décide de créer, avec son ami Gérando et l’appui des trois consuls, la Société d’Encouragement de l’Industrie Nationale, à laquelle adhèrent Thénard, Berthollet, Gay-Lussac, Monge, Prony, Brillat-Savarin... Très impressionné par l’essor industriel anglais, il était soucieux de faire progresser les découvertes industrielles en France. • En 1812, il réussit à fabriquer (après 6 ans de recherche initiée lors du blocus continental), sur le plan industriel, le premier pain de sucre de betterave, aidé de deux chimistes et d’un ouvrier ingénieux. Ayant annoncé son succès à son ami Chaptal, ancien ministre de l’Intérieur, celui-ci prévient immédiatement l’empereur : Napoléon accourt et décore Benjamin Delessert de sa propre légion d’honneur. • En 1818, il crée, avec d’autres banquiers, les Caisses d’Epargne et de Prévoyance. Pendant vingt ans, il militera ensuite pour qu’elles deviennent des institutions nationales garanties par la Caisse des dépôts et consignations ; en 1837, soutenu par Lamartine, il réussit. De toutes ses œuvres, ce fut cette dernière qui lui tint le plus à cœur. Il demanda qu’on inscrive sur sa tombe : « ci-gît l’un des co-fondateurs des Caisses d’Epargne ». Débat Benjamin Delessert ÉDITORIAL LE SUCRE EN DÉBAT C’est à l’initiative de l’Institut Benjamin Delessert, que les Cahiers de Nutrition publient ce deuxième « Cahiers » du n° 3-2001. A l’instar des numéros supplémentaires sponsorisés réalisés auparavant, il a pour but de permettre à un partenaire extérieur à la rédaction de diffuser une information qui lui semble utile – pour des raisons qui lui sont propres – et qui par ailleurs nous paraît digne d’intérêt. Ici il s’agit de la place du sucre dans l’alimentation de l’homme sain en 2000, tel qu’il en a été débattu lors d’un colloque organisé par l’Institut Benjamin Delessert. Ce type de débat où s’échangent librement les arguments des « limitateurs restrictifs » et des « non limitateurs permissifs », et où se trouvent exposées quelques certitudes et incertitudes scientifiques, sert à faire le point le plus objectivement possible sur un sujet qui suscite souvent des commentaires passionnels animés. Les textes d’un symposium tenu en décembre 2000 sous l’égide de l’AFN, de la SNDLF et de la SFNEP sur un sujet voisin, lors des 3èmes Journées Francophones de Nutrition à Tours, paraîtront dans un prochain numéro des Cahiers et permettront à nos lecteurs de compléter leur information. Bernard GUY-GRAND Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S1 CAHIERS DE NUTRITION ET DE DIÉTÉTIQUE Fondateur : Jean Trémolières RÉDACTION : Service de Nutrition, Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis Notre-Dame, F-75181 Paris Cedex 04 Tél. : + 33 (0)1 42 34 84 53 – Fax : + 33 (0)1 40 51 00 57 – e-mail : [email protected] ÉDITIONS MASSON : 120, boulevard Saint-Germain, F-75280 Paris Cedex 06 Tél. : + 33 (0)1 40 46 62 05 – Fax : + 33 (0)1 40 46 62 01 – e-mail : [email protected] – Serveur : http://www.masson.fr RÉGIE PUBLICITAIRE : MASSON partenariat, Marie-Pierre Cancel, 120, boulevard Saint-Germain, F-75280 Paris Cedex 06 Tél. : + 33 (0)1 40 46 62 93 – Fax : + 33 (0)1 40 46 62 21 Comité de Rédaction Comité scientifique Président : Bernard-Guy Grand Rédaction : Jacques Lambert, rédacteur en chef Gérard Odet, Claude Sautier, adjoints Membres : Arnaud Basdevant Patrick Sérog Luc Cynober Marie-Renée Huteau Ismène Giachetti Alain Rérat Muriel Mambrini Chantal Simon Ambroise Martin Florence Strigler Directeur de la publication : Monique Romon Bernard Beaufrère Serge Hercberg France Bellisle Jean Klère Michel Beylot Michel Krempf Francis Bornet Fernand Lamisse Brigitte Boucher Jean-Paul Laplace Jean-Louis Bresson Martine Laville Valérie Busson Alain Lemoine Jean Dallongeville François-Marie Marc Frantino Luquet Marie-Laure Frelut Jean-Pierre Mareschi Henri Gin Agnès Martin Léon Guéguen Luc Méjean Bernard Messing Arlette Mossé Jean Navarro Jean-Michel Oppert Jean-Pierre Poulain Simone Prigent Denis Raccah Daniel Rigaud Jean-Pierre Ruasse Daniel Tomé Paul Valensi Olivier Ziegler Conditions d’abonnement pour un an (2001 – 6 numéros) : Abonnements individuels (tous pays) : Particuliers : 532 FF (81,10 €) ; Membres SNDLF : 405 FF (61,74 €) ; Étudiants : 300 FF (45,73 €) ; Diététicien(ne)s : 326 FF (49,70 €). 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Les numéros et volumes des années antérieures (jusqu’à épuisement du stock) peuvent être commandés à la même adresse. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle faite sans l’autorisation de l’éditeur des pages publiées dans le présent ouvrage, par quelque procédé que ce soit, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. 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MARTIN CONSOMMATION DE GLUCIDES EN FRANCE : DONNÉES DES RÉCENTES ENQUÊTES NUTRITIONNELLES M. ROMON 1S5 1S7 1S9 POUR UNE LIMITATION DES APPORTS EN SUCRE : ASPECTS PHYSIOPATHOLOGIQUES J. DELARUE ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES A. DREWNOWSKI 1S13 1S21 POUR UNE NON-LIMITATION DES APPORTS EN SUCRE : ASPECTS PHYSIOPATHOLOGIQUES C. COUET ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES 1S25 J.-M. LECERF 1S30 DISCUSSION 1S39 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S3 Débat Benjamin Delessert AVANT-PROPOS Bernard MESSING Président de séance Permettez-moi de remercier l’Institut Benjamin Delessert de m’avoir permis d’organiser le sujet du jour « Pour ou contre une limitation des apports en saccharose : aspects physiologiques et épidémiologiques » sous forme d’un débat. Il me semble en effet que l’objectivité scientifique est au mieux garantie par un tel mode de présentation, et ces données me paraissent le préalable indispensable et nécessaire au débat de politique nutritionnelle dont il est actuellement question en France. Qu’il y ait plusieurs niveaux de discussion, on ne peut bien entendu le nier, mais le « pour ou contre scientifique » doit être – état des lieux – exposé puis objet d’un débat. C’est l’an dernier, que nous avons inauguré les « Conférences annuelles Benjamin Delessert » sous une forme différente, c’est-à-dire un débat, et je dois dire que j’ai rencontré, et c’est bien normal, plus de résistances internes qu’externes ; ces dernières ne sont pas nulles cependant puisque le scientifique est quasi obligé d’exposer un point de vue imposé sur le sujet, avec une partie qui défend le pour et une partie qui défend le contre, quelle que soit son opinion a priori. Pour ce qui concerne les intervenants, nous les avons choisis, avec Marie-France Carrié-Moyal – secrétaire de l’Institut –, en accord avec les deux modérateurs de cette séance, Ambroise Martin et Serge Hercberg. Puis, les exposés « pour ou contre » ont été tirés au sort de façon à ce que chacun des intervenants expose son sujet indépendamment de son, ou de notre, a priori. On n’a pas dit : « monsieur M… s’intéresse à ça et devrait avoir une opinion favorable », non, on a tiré au sort, on l’a fait à l’anglo-saxonne. Je dois ajouter, que j’avais antérieurement acquis quelque expérience d’un tel mode de présentation à travers la Société Européenne de Nutrition Entérale et Parentérale, puisque dès 1998, étant le président scientifique de son 19e congrès, le conseil scientifique, dont faisait partie Charles Couet, l’un de nos intervenants de ce jour, avait entériné ce type d’approche d’une question, et les participants avaient largement apprécié... Mais il est vrai que dans le domaine de la nutrition artificielle nous étions plus dans le domaine du « nutriment/médicament » qu’aujourd’hui domaine du « substrat/aliment ». Par ce mode de présentation, notre but est d’exposer les faits et de ne pas éluder certains points et ainsi distinguer ce qui est connu et certain de ce qui est probable. Un collègue et ami médecin me disait récemment : « nos amis journalistes deviennent souvent incapables de séparer le Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 fait de l’interprétation du fait : c’est désolant ; et je voudrais éviter que cette façon de procéder gagne les médecins ». Bien entendu, nous partageons tous ici ce point de vue ; encore faut-il que le propos soit à la hauteur de cette ambition, et je crois personnellement qu’un débat pour ou contre y contribue, il est vrai avec un côté que d’aucun qualifieront de simplificateur... Cette réunion a été organisée à partir de 17 heures pour ne pas pénaliser les médecins dans leur activité clinique quotidienne. En effet, la réduction du nombre de postes hospitaliers et hospitalo-universitaires fait que nous sommes de plus en plus des hommes de terrain, des soignants « séniors » plus que des hommes de recherche et d’enseignement. Mais ces dernières missions sont toujours pregnantes et c’est une des raisons pour lesquelles nous sommes ensemble ce soir. Nous avons le plaisir d’accueillir dans la salle des représentants de la recherche, INRA, INSERM et plusieurs représentants de l’administration dont les ministères de la Santé et de l’Agriculture, la DGCCRF ainsi que des représentants des groupes de recherche de l’Industrie sucrière. Nous vous avons invités dans un but d’information et aussi pour la discussion dans l’intention que vous éclairiez de points de vue différents le sujet. Malheureusement, vous ne venez pas toujours suffisamment nombreux à ce type de réunion et on peut le regretter. Mais ceux qui sont là aujourd’hui, je présume, sont les plus motivés par le sujet... Faire le point sur l’aspect scientifique du sujet, puis en tirer les différents enseignements, voilà notre propos, mais Ambroise Martin me souffle « peut-être quelqu’un dans l’assistance a-t-il déjà une opinion arrêtée ? » Et, puisque je suis chargé d’introduire et d’animer, comme vous, le débat, je vais procéder au pré-test : – quels sont ceux qui sont pour une limitation des apports en sucre ? 2 pour… – quels sont ceux qui sont pour une non-limitation des apports en sucre ? pas d’avis ? Voilà, ça fait 2 à 0… Quelle prudence ! Ah les abstentions ! Mais vous attendez, à juste titre, les présentations pour vous faire une idée…. Je remercie les cinq intervenants qui ont accepté de relever le gant ainsi que messieurs Serge Hercberg et Ambroise Martin, nos modérateurs. 1S5 Débat Benjamin Delessert INTRODUCTION Serge HERCBERG Je voudrais m’associer avec Ambroise MARTIN aux remerciements faits par Bernard MESSING à l’Institut Benjamin Delessert pour l’opportunité qui nous est donnée de débattre de cette question, qui est à la fois très passionnante sur le fond et traitée de façon très originale dans la forme. Il est très important que ce débat soit replacé dans un contexte de sérénité scientifique et non pas de polémique politique ou lié à des enjeux économiques. L’intérêt également de ce débat est la forme qu’il revêt, puisqu’il s’agit d’un processus inhabituel en France, consistant à faire intervenir des scientifiques pour défendre une position, qui n’est d’ailleurs pas obligatoirement la leur, mais qui permet de passer en revue tous les aspects de la problématique. Triglycérides (mM) Figure 1 Evolution des triglycérides sanguins Temps (min) Oxydation des lipides (mg/kg/mln) Figure 2 Evolution de l’oxydation des lipides (mesure par calorimétrie indirecte) Temps (min) Le temps 0 correspond à la prise d’un petit déjeuner représentant moins de 10 % (carrés vides) ou plus de 25 % (carrés pleins) de l’apport énergétique journalier total. * : différence significative entre les deux conditions ; $ : différence significative avec l’état basal ; flèche : repas standardisé de 1 000 kcal. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Ambroise MARTIN Simplement deux interrogations pour lancer le débat, et j’espère que la suite de la discussion apportera peut-être des réponses. La première est une question au niveau individuel à partir d’une étude réalisée au CRNH de Lyon, et qui vient de paraître dans le British Journal of Nutrition, concernant le petit déjeuner. L’idée était de dire : faut-il conseiller un gros ou un petit déjeuner ? Et le chiffre de 25 % qu’on trouve dans les livres est-il correct ? Donc, nous avons pris un groupe de sujets qui, pendant 15 jours, ont pris un déjeuner d’un certain type (petit ou gros), et les 15 jours suivants, après une période de petit déjeuner libre, l’autre type de petit déjeuner (gros ou petit). J’ai extrait de là ces deux courbes, qui me posent problème. Chez les sujets qui avaient pris un « gros » petit déjeuner, hyperglucidique, et qui avaient donc rééquilibré leur apport de glucides totaux sur la journée, puisqu’ils se rapprochaient des conseils des nutritionnistes sans les atteindre tout à fait (ils étaient à 48 % de glucides) après les 15 jours d’expérience, on constatait une chose : ces sujets avaient une triglycéridémie plus élevée tout au long de la journée par rapport à ceux qui ne prenaient qu’un « petit » petit déjeuner et qui avaient sur l’ensemble de la journée un apport glucidique plus faible en pourcentage (figure 1). Ces sujets, à gros petit déjeuner (carrés pleins, pour montrer le remplissage gastrique !), présentaient, par rapport à ceux qui avaient pris un petit déjeuner plus léger, une inhibition pratiquement très importante tout au long de la journée de l’oxydation des lipides (figure 2). 1S7 Débat Benjamin Delessert Donc question : que faisaient-ils de ces lipides et est-il opportun d’utiliser le petit déjeuner pour rééquilibrer un profil glucidique ? Deuxième interrogation, cette fois au niveau d’une population, c’est un tableau qui est paru dans le livre des Apports Nutritionnels Conseillés et que nous avons utilisé pour le chapitre de synthèse (tableau 1). Ce tableau a utilisé les données de l’enquête ASPCC et le traitement qu’avait fait l’Observatoire des Consommations Alimentaires concernant les typologies de consommation alimentaire, identifiant au sein de la population française six groupes très différents en terme de consommation d’aliments et de diversité alimentaire. Parmi ces groupes, on a la surprise de constater que finalement, les pourcentages de macro-nutriments et notamment de glucides, mais aussi de lipides, sont relativement peu différents, alors que sur le seul indicateur clinique dont on disposait, qui était le pourcentage d’obésité, on avait des choses extrêmement différentes. Par exemple, l’interrogation porte sur le groupe 4, groupe qui est constitué essentiellement de jeunes gens : c’est celui qui a le plus fort apport glucidique, qui a le moins d’obésité, mais c’est aussi le plus jeune, la majorité des gens ayant entre 18 et 35 ans, alors que dans les autres groupes on est plutôt entre 30 et 55, etc. Donc, on se pose des questions à la fois méthodologiques, et sur l’interprétation de ce type de résultat au niveau d’une population. Si bien que l’on peut voir dans les apports nutritionnels conseillés un magnifique chapitre sur les glucides. C’est le seul chapitre pour lequel il n’y a pratiquement ni conseils ni recommandations chiffrées. Peut-être que, grâce à ce genre de débat, et à la poursuite de la réflexion, dans un prochain retirage, il y aura des conseils et des recommandations plus précises. Tableau 1 L’équilibre alimentaire et la typologie de consommation Indice de diversité* Energie totale (kJ.j–1) Energie hors alcool (kJ.j–1) % par glucides dont % par glucides simples % par lipides % par protéines Quantité totale d’aliments (g.j–1)** Densité énergétique (kJ.g–1) (hors alcool) % IMC > 30 kg.m–2 Groupe 1 Groupe 2 Petites Gros mangeuses mangeurs diversifiées diversifiés 69,3 63,1 7 882 11 928 7 667 11 194 41,9 41,2 12,6 11,3 39,5 42,1 18,6 16,7 1 345 1 534 5,7 7,3 0,4 9,7 Groupe 3 Mangeurs standard Groupe 4 Jeunes mangeurs 60,2 8 178 7 698 40,2 11,4 41,4 18,4 1 129 6,8 46,5 9 545 9 351 45,0 15,3 38,6 16,4 1 392 6,7 5,6 0,9 Groupe 5 Groupe 6 Petites Gros mangeuses mangeurs pressées monotones 44,3 41,7 7 522 11 711 7 128 9 973 42,7 41,5 12,7 10,2 39,8 40,9 17,5 17,6 1 012 1 176 7,04 8,5 1,3 8,7 * Pourcentage de sujets du groupe 5, le premier jour de l’enquête. ** Incluant le lait, les jus de fruits, sodas et soupes, mais pas les boissons alcoolisées ni le thé ou le café. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S8 Débat Benjamin Delessert CONSOMMATION DE GLUCIDES EN FRANCE : DONNÉES DES RÉCENTES ENQUÊTES NUTRITIONNELLES Monique ROMON Jusqu’à ces dernières années, les enquêtes de consommation alimentaire réalisées en France intéressaient des groupes particuliers de sujets et il était difficile d’estimer la consommation de la population à partir de ces données. Depuis 1993, deux enquêtes ont été réalisées sur des échantillons nationaux, l’enquête ASPCC [1] et l’enquête SUVIMAX [2]. La première enquête est la seule réalisée dans l’objectif d’évaluer la consommation de glucides. Le but de cet exposé n’est pas de reprendre ces résultats déjà publiés [1], mais de les examiner à la lumière des autres études réalisées en France sur la même période. Les caractéristiques de ces enquêtes sont présentées dans le tableau 1. Expression des résultats Nous avons illustré dans les figures 1 et 2, la manière dont peuvent être représentés les résultats d’une enquête. L’expression des résultats peut amener, si l’on n’y prend garde, à changer l’interprétation, suivant que les données sont exprimées en valeur brute ou rapportées à l’énergie (figure 1). Par ailleurs (figure 2), l’expression « en moyenne » ne reflète que très imparfaitement la répartition des apports dans une population. Il est en effet souvent plus intéressant, en matière de santé publique, de connaître les consommations extrêmes. Tableau 1 Caractéristiques des études utilisées Etude Année Région Population Refus Exclusion sousestimateurs Nombre de sujets Méthodologie Medhea 1997 MidiPyrénées Sujets de 20 à 74 ans listes électorales 52 % Non 758 femmes, 715 hommes Questionnaire de fréquence FleurbaixLaventie 1993 Nord Familles d’enfants scolarisés en primaire 40 % Oui (18 % des sujets) 435 femmes, 452 hommes, 664 enfants de 2 à 13 ans Carnet de 3 jours FleurbaixLaventie 1997 Nord Mêmes familles 30 % Oui (32 % des sujets) 388 femmes, 364 hommes Carnet de 3 jours France Volontaires représentatifs de la population Sans objet Non 2 880 sujets 6 rappels de 24 heures/an France Représentativité assurée par la méthode des quotas ? Oui (22 % des sujets) 600 hommes, 629 femmes 271 enfants de 2 à 17 ans Carnet alimentaire de 7 jours avec pesée SUVIMAX 1995-1999 ASPCC 1993-1994 Correspondance : Monique ROMON, Service de Nutrition, Hôpital Jeanne de Flandres, CHU de Lille - 59037 LILLE Cedex. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S9 Débat Benjamin Delessert Figure 1 Expression des résultats : consommation de sucres simples suivant la catégorie socio-professionnelle chez l’homme (données SUVIMAX) Figure 2 Expression des résultats : consommation de sucres simples chez l’homme (données SUVIMAX) 120 100 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 Agriculteurs Artisans/commerçants Cadres prof. intell. Professeurs Employés Ouvriers Retraités Inactifs Chômeurs 80 60 40 20 0 med (g/j) 5e 10e 25e médiane 75e 90e 95e percentile percentile percentile percentile percentile percentile moy. med (g/1 000 cal) Résultats Consommation de glucides chez l’enfant Deux enquêtes ont inclus des enfants dans leur échantillon, une enquête nationale [1] et une enquête réalisée dans le Nord de la France [3]. Leurs résultats sont difficilement comparables, mais demeurent néanmoins assez proches (tableau 2). La comparaison, dans les deux enquêtes, des principaux aliments contribuant à la consommation de sucres simples (figure 3) confirme la faible consommation de fruits dans la région du Nord, et montre que la contribution de fruits baisse chez l’enfant plus âgé. Malheureusement, la comparaison est incomplète, car les deux études n’ont pas utilisé les mêmes regroupements d’aliments. Consommation de glucides chez l’adulte Résultats des études régionales (tableau 3) L’étude Fleurbaix-Laventie a été réalisée dans une population vivant dans des villes moyennes du Nord de la France, la moyenne d’âge des adultes était de 33 ans [3]. L’étude MEDHEA a été faite dans les départements du Tableau 2 Consommation de glucides chez l’enfant : gs/gt (glucides simples/glucides totaux) Garçons Filles n Glucides (g/j) Glucides (%) gs/gt n Glucides (g/j) Glucides (%) gs/gt 64 184 (50) 49 (7) 0,47 (0,13) 72 182 (59) 48 (8) 0,47 (0,13) 5-7 ans 168 236 (73) 48 (7) 0,44 (0,13) 168 218 (70) 49 (7) 0,44 (0,13 8-10 ans 166 261 (81) 48 (7) 0,42 (0,13) 165 216 (74) 46 (7) 0,42 (0,13) 11-14 ans 165 288 (90) 47 (7) 0,41 (0,13) 164 248 (86) 46 (7) 0,40 (0,12) 15-18 ans 64 320 (75) 46 (5) 0,37 (0,1) 64 239 (78) 44 (5) 0,38 (0,11) ASPCC 2-6 ans 45 190 (77) 45 (8) 0,45 (0,11) 31 149 (34) 44 (6) 0,45 (9) 7-12 ans 82 222 (64) 43 (6) 0,37 (9) 38 190 (53) 43 (6) 0,41 (0,12) 13-17 ans 43 294 (108) 46 (10) 0,34 (10) 32 209 (67) 44 (6) 0,35 (0,1) Fleurbaix < 4 ans Service de Nutrition - CHU Lille Figure 3 Contribution de quelques aliments à la consommation de sucres simples chez l’enfant (SUVIMAX et Fleurbaix-Laventie) 30 25 Nord 3-13 Nord 14-17 France 7-12 France 13-17 20 15 10 5 0 Fruits 1S10 Sucres Boissons Produits laitiers Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert Tableau 3 Consommation de glucides : résultats de deux enquêtes régionales Hommes Medhea b Fleurbaix 1997 b Mono et Polysach. dis ou Polysach. non Energie sucres amylacés amylacés (kcal) simples Glucides (g) 2 560 269 115 150 6 1 937 207 100 104 4 81-972 22-530 12-510 0-28 760-6 040 29-731 11-439 15-399 0-23 2 367 244 84 15c 1 831 187 70 12c 794 100 54 7 678 86 44 6 2 133 228 78 13 1 635 174 64 11c 736 96 50 7 564 71 38 6 a : valeurs extrêmes b : écart-type c : fibres Gard et de l’Hérault, dans une population adulte représentative au niveau des classes d’âge [4]. Les résultats montrent quelques différences. Toutefois, il est difficile de rapporter ces différences à la localisation ou aux caractéristiques différentes de la population, car la méthodologie est différente dans les deux enquêtes : carnet alimentaire dans l’une [3], et questionnaire de fréquence dans l’autre [4]. Résultats des deux enquêtes nationales (tableau 4) La comparaison des deux enquêtes nationales montre des résultats différents pour la consommation de glucides simples, nettement plus élevée dans la population de l’étude Suvimax. L’interprétation de ces résultats est difficile. L’étude ASPCC était réalisée par pesée, pendant 7 jours consécutifs. Ce type de méthodologie amène une lassitude des sujets qui sous-déclarent ou sous-consomment [5]. L’élimination des sous-estimateurs réalisée dans l’étude ASPCC ne permet d’éliminer que les plus importants d’entre eux. Dans l’étude SUVIMAX, les enquêtes sont réalisées sur des périodes plus courtes, chez des sujets très motivés, ce qui minimise peut-être la sous-déclaration par lassitude. Tableau 4 Consommation de glucides : résultats de deux enquêtes nationales Hommes SUVIMAX 95 Glucides (g/j) Glucides (% AESA) Glucides simples min.-max. ASPCC Glucides (g) Mono et Polysach. dis ou Polysach. non sucres amylacés amylacés simples Energie (kcal) a 760-7 474 Fleurbaix 1993 Femmes Femmes SUVIMAX 95 233 (69) Aspects particuliers Consommation de glucides selon l’âge et le sexe (figure 4) Chez l’adulte, lorsqu’on la rapporte à l’énergie, l’âge modifie peu la consommation de glucides ; toutefois, la consommation de sucres simples est plus importante chez la femme. Figure 4 Consommation de glucides selon l’âge (g/1 000 kcalories, données SUVIMAX) 70 60 40 30 20 10 0 < 45 45-49 50-54 55-59 > = 60 La consommation de saccharose n’a été étudiée que dans l’étude ASPCC (figure 5). Les résultats proviennent donc d’une étude différente, mais on retrouve chez la femme une consommation de saccharose plus élevée, proche de celle des enfants. Figure 5 Consommation de saccharose (g/j) selon l’âge et le sexe (données ASPCC) ASPCC 172 (53) H G complexes H G simples F G complexes H G simples 50 120 100 42 40,4 (7,2) 42 37,6 (7,5) Garçons Hommes Filles Femmes 80 60 92 (48) 0-542 69 (30) Glucides complexes 128 (21,2) min.-max. 0-530 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 80 (40,9) 0,465 57,7 (26,2) 40 20 0 91 (48) 0,390 5e percentile médiane 95e percentile 1S11 Débat Benjamin Delessert Influence de la région (figure 6) Conclusion Figure 6 Consommation selon la région (g/1 000 kcalories, données SUVIMAX) 70 60 50 40 30 20 10 0 Simples H Complexes H Simples F Complexes F e st uest -Est uest uest rgne anée d ranc e-E O d-O uve iterr e-F Centr Nord-O Nor Su es / A Méd Alp neô h R Ile-d Contribution des aliments à la consommation de glucides L’étude ASPCC et l’étude Fleurbaix Laventie ont étudié les résultats sous cette forme, malheureusement, les regroupements d’aliments étant différents, il est difficile de les comparer. Les résultats de l’étude ASPCC étant publiés, nous présentons ici les résultats de l’étude Fleurbaix-Laventie (figures 7 et 8). Il est intéressant de noter que la variété alimentaire est plus importante chez la femme, on trouve notamment chez elle une contribution plus importante des fruits et des légumes. Figure 7 Contribution de différents aliments à la consommation de glucides (%) chez l’homme adulte (données Fleurbaix-Laventie) 30 25 20 15 10 H 3-13 ans H 14-17 ans H > 18 ans Il est intéressant de constater que malgré des méthodologies différentes, certaines constantes sont retrouvées. Il faut néanmoins rester prudent dans l’utilisation des résultats des enquêtes de consommation. Le pourcentage de sujets obèses retrouvés dans les différentes études représente environ la moitié de la population attendue, ce qui souligne la difficulté d’obtenir un échantillon représentatif. Il apparaît nécessaire aussi d’aller plus loin que les tables de composition toujours imparfaites et d’avancer vers des études plus globales du comportement, prenant davantage en compte les typologies de consommation. Remerciements à : D. Cassuto (ASPCC), M. Gerber (MEDHEA), S. Hercberg (SUVIMAX), L. Lafay (FleurbaixLaventie Ville Santé), qui m’ont fourni les résultats m’ayant permis de faire cet exposé. Bibliographie [1] Couet C., Rigaud D., Volatier J.L. et al. Enquête française de consommation alimentaire (II). Cah. Nutr. Diét., 2000, 35, 257-68. [2] Vazquez M.C., Galan P., Preziosi P., Ribas L., Serra L.L., Hercberg S. [The SUVIMAX (France) study: the role of antioxidants in the prevention of cancer and cardiovascular disorders]. Rev. Esp. Salud Publica, 1998, 72, 173-83. [3] Lafay L., Vray M., Boute D., Basdevant A., Food and nutritional data for a population from northern France: the Fleurbaix Laventie Ville Sante (FLVS) Study, Rev. Epidemiol. Santé Publique, 1998, 46, 263-75. [4] Holdsworth M., Gerber M., Haslam C. et al. A comparison of dietary behaviour in central England and a French Mediterranean region. Eur. J. Clin. Nutr., 2000, 54, 5309. [5] Gersovitz M., Madden J.P., Smiciklas-Wright H., Validity of the 24-hr. dietary recall and seven-day record for group comparisons. J. Am. Diet. Assoc., 1978, 73, 48-55. 5 0 és ux es ine les lat rre ers its rés ériv tea cré far éa co te iti Fru répa t d Gâ ns su , riz, Cér Choes de uits la e ts p s o in Pla mm rod Pa iss Pâte Po ait, p Bo L Figure 8 Contribution de différents aliments à la consommation de glucides (%) chez la femme adulte (données Fleurbaix-Laventie) 25 20 15 10 F 3-13 ans F 14-17 ans F > 18 ans 5 0 in Pa és ux es ine les lat rre ers its rés es ériv âtea ucré , far réa oco e te laiti Fru répa égum L et d G ons s s, riz Cé Ch es dduits ts p Pla mm ro iss Pâte Po ait, p Bo L 1S12 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert POUR UNE LIMITATION DES APPORTS EN SUCRE : ASPECTS PHYSIOPATHOLOGIQUES Jacques DELARUE Notre propos se limitera à présenter les mécanismes de la relation qui existe entre la consommation de saccharose et l’élévation des concentrations plasmatiques de triglycérides chez les sujets non diabétiques. Au-delà de cette relation, nous présenterons des concepts émergents qui mettent en évidence le rôle délétère possible de l’altération de la composition en acides gras des triglycérides plasmatiques. L’hypertriglycéridémie est un facteur indépendant de risque cardio-vasculaire [1]. Elle peut s’inscrire dans le cadre d’un syndrome métabolique qui associe hypertriglycéridémie, baisse du HDL cholestérol, obésité androïde, hypertension artérielle, insulino-résistance [2]. L’insulinorésistance est le dénominateur commun des différentes composantes du syndrome métabolique. Elle résulte de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux parmi lesquels les plus marquants sont la nature de l’alimentation, en particulier lipidique, et l’inactivité physique [3]. La consommation de saccharose, selon sa forme d’ingestion, peut induire d’une part une hypertriglycéridémie et, d’autre part, altérer la composition des acides gras des triglycérides en stimulant la lipogénèse hépatique de novo [4]. Les triglycérides contenus dans les VLDL sont exportés dans la circulation générale, puis sont hydrolysés. Les acides gras relargués et captés par le tissu adipeux et le muscle vont, selon leur nature, être plus ou moins incorporés dans les membranes dont ils altèrent la composition et/ou donner naissance à des molécules intervenant dans la signalisation lipidique. Ces molécules peuvent se lier à des facteurs de transcription qui modulent l’expression de certains gènes impliqués dans le métabolisme. Lors d’un régime iso-énergétique, c’est l’augmentation de l’apport glucidique et non la baisse de l’apport lipidique qui est susceptible d’induire une élévation des triglycérides plasmatiques. L’élévation de l’apport glucidique lorsqu’il reste modeste (20 % protéines, 30 % lipides, 50 % glucides vs 15 %, 40 %, 45 %) n’induit une hypertriglycéridémie que si l’apport glucidique en excès est sous forme liquide [4]. Au sein d’un régime isocalorique-isoglucidique (20 % protéines, 30 % lipides, 50 % glucides), l’ingestion de la fraction glucidique exclusivement sous forme de saccharose (240 g/j) pendant 5 semaines induit une hypertriglycéridémie (triglycéridémie multipliée par 3) qui se corrige intégralement lorsque de l’amidon est substitué au saccharose pendant les 5 semaines suivantes [5] (figure 1). La même spécificité du saccharose est observée à court terme. Lors d’une alimentation fortement hyperglucidique de 5 jours (70 % des apports caloriques) quasiment dépourvue de lipides, seul l’apport en saccharose induit une élévation des triglycérides plasmatiques (+ 30 %) par comparaison à l’amidon, au sirop de glucose, au maltose et au glucose [6] (figure 2). Ainsi, à court Figure 1 Triglycéridémie à jeun chez des volontaires après 3 périodes de 5 semaines chacune avec apport glucidique spontané, puis exclusivement constitué de saccharose, puis exclusivement constitué d’amidon Spécificité du saccharose dans l’hypertriglycéridémie induite par les glucides La première question qui se pose lorsque l’on s’intéresse à la relation entre la consommation de saccharose et l’élévation des concentrations plasmatiques des triglycérides est de savoir s’il y a une spécificité du saccharose ou bien s’il s’agit simplement d’un “effet glucides”. Correspondance : Jacques DELARUE, Service de Médecine 4 & EA-948 - CHU de La Cavale Blanche - 29200 Brest. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S13 Débat Benjamin Delessert Figure 2 Triglycéridémie à jeun après 5 jours de consommation de différents monosaccharides (70 % ration énergétique) avec apports lipidiques nuls des valeurs en période basale, comme après l’ingestion de chacun des monosaccharides. Ceci incite à considérer le risque individuel d’élévation de la triglycéridémie indépendamment du risque “collectif”. Or, il n’existe pas de facteur prédictif de la réponse de la triglycéridémie à l’ingestion de glucides en général, ni du saccharose ou de ses monosaccharides constitutifs en particulier, du moins chez les sujets en bonne santé. En revanche, les sujets obèses ou avec insulino-résistance ont une prédisposition accrue à développer une hypertriglycéridémie en réponse à des apports accrus de saccharose [4]. Mécanismes biochimiques de l’effet hypertriglycéridémiant du saccharose terme (5 jours), comme à moyen terme (5 semaines), des apports très élevés de saccharose induisent une élévation des triglycérides, alors que ce n’est pas le cas avec des apports équivalents d’autres types de glucides. L’élévation des triglycérides plasmatiques peut résulter de deux mécanismes : une augmentation de la production des VLDL et/ou une diminution de la clairance de ces VLDL. L’augmentation de la production des VLDL peut résulter d’une augmentation de la ré-estérification des acides gras et/ou d’une augmentation de leur afflux (augmentation de la disponibilité des acides gras circulants et/ou lipogénèse de novo active). Les voies métaboliques suivies par le fructose et le glucose dans le foie sont schématisées sur la figure 4. Le fructose stimule la lipogénèse de novo Rôle du fructose dans l’hypertriglycéridémie induite par le saccharose La deuxième question est de savoir si l’élévation des triglycérides plasmatiques induite par le saccharose est due au fructose, au glucose ou aux 2 monosaccharides constitutifs. La figure 3 représente la cinétique des concentrations des triglycérides plasmatiques après ingestion d’une solution contenant 1 g/kg de poids de fructose ou de glucose par des volontaires sains [7]. A partir de la troisième heure suivant l’ingestion, les triglycérides plasmatiques augmentaient linéairement après l’ingestion de fructose, comme après l’ingestion de glucose. A noter la forte dispersion Le fructose est métabolisé grâce à une voie métabolique spécifique comportant 3 enzymes : la fructokinase (FK), l’aldolase B et la triokinase, qui convertissent le fructose en intermédiaires des voies de la glycolyse et de la néoglucogénèse [8] (figure 4). Rappelons qu’après charge orale, le fructose est quasi exclusivement métabolisé dans le foie. La Vmax très élevée de la fructokinase contribue de manière déterminante à la grande vitesse de l’utilisation hépatique du fructose comparée au glucose. La vitesse de phosphorylation du fructose est plus de 10 fois supérieure à celle du glucose [9]. Ceci est le premier facteur qui explique que la fructolyse soit beaucoup plus rapide que la glycolyse. Le second facteur qui participe à la vélocité de la fructolyse est le court-circuit de la phosphofructokinase, première étape régulatrice de la glycolyse. Le troisième facteur est une stimulation de la pyruvate Figure 3 Triglycéridémie et insulinémie après charge orale de 1 g/kg de fructose ou de glucose chez des volontaires sains 1S14 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert Figure 4 Métabolisme hépatique du fructose et du glucose la génération de 16:0, 18:0 et de 18:1 n-9 conduit à un enrichissement des triglycérides des VLDL en ces acides gras. Le fructose favorise la réestérification des acides gras Le fructose peut stimuler la réestérification des acides gras par 2 mécanismes : la génération de glycérol-3-phosphate et la formation de malonyl-CoA (figure 6). La dihydroxyacétone-phosphate générée par l’aldolase B est en équilibre avec le glycérol-3-phosphate, co-substrat de l’estérification des acyl-CoA à longue chaîne précurseurs de la synthèse des triglycérides (figure 6). Les triglycérides synthétisés constituent les précurseurs des VLDL qui sont exportés par le foie. Une augmentation des concentrations de glycérol-phosphate n’étant observée qu’en présence de très fortes concentrations de fructose, il est peu probable que ce mécanisme soit mis en jeu dans l’effet du fructose sur la réestérification des AGL. En fait, si le fructose conduit bien à la génération de glycérol-3-phosphate, le principal mécanisme par lequel il stimule la réestérification des acides gras est l’élévation du malonyl-CoA. kinase par le fructose-1,6-biphosphate dont la concentration augmente en réponse à l’administration de fructose. La vélocité de la fructolyse par comparaison à la glycolyse est illustrée par la génération de lactate in vitro illustrée par la figure 5 [10]. La fructolyse génère du pyruvate qui peut conduire à la formation de lactate dans le cytosol d’une part, et à la formation d’acétyl-CoA après son entrée dans la mitochondrie et action de la pyruvate deshydrogénase (PDH) d’autre part. L’acétyl-CoA constitue une source de carbones pour la formation des acides gras à longue chaîne après entrée dans la voie de la lipogénèse de novo. Pour entrer dans la voie de la lipogénèse, l’acétyl-CoA doit être exporté hors de la mitochondrie vers le cytosol sous forme de citrate, qui redonne naissance à l’acétyl-CoA sous l’action de l’ATP-citrate lyase. L’acétyl-CoA est converti en malonyl-CoA, étape catalysée par l’acétyl-CoA carboxylase, puis le malonyl CoA est converti en palmitate, étape catalysée par la synthétase des acides gras. Le palmitate (16:0) est un acide gras saturé qui subit une élongation en stéarate (18:0), autre acide gras saturé. Le stéarate est converti en oléate après action de la ∆9-désaturase. Lorsque la lipogénèse est très active, Figure 5 Fructolyse et glycolyse dans les hépatocytes isolés Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Figure 6 Relations entre métabolisme du fructose et métabolisme lipidique La quantité d’acides gras libres oxydés en CO2 et corps cétoniques dans le foie est inversement corrélée à la quantité d’acides gras estérifiés en acylglycérol puis incorporés dans les VLDL. La répartition entre l’oxydation intrahépatique des acides gras et leur estérification est soumise à une régulation réciproque qui siège au niveau de la voie oxydative des acides gras [11]. L’étape limitante de l’entrée des AGL dans la mitochondrie est leur transport qui est contrôlé par l’activité de la carnitine-palmitoyl transférase I (CPT 1). Les acides gras libres qui n’entrent pas dans la mitochondrie sont estérifiés. La CPT 1 est inhibée par le malonyl-CoA. La concentration de malonylCoA détermine donc l’orientation des acides gras vers l’oxydation ou la réestérification. L’insuline et le fructose, administrés séparément, inhibent l’oxydation des acides gras libres dans des hépatocytes isolés, et augmentent leur réestérification avec production accrue de VLDL [12]. L’insuline et le fructose ont des effets additifs. L’insuline augmente le taux de malonyl-CoA en stimulant l’acétylCoA carboxylase, qui catalyse la formation du malonylCoA à partir de l’acétyl-CoA [13]. Le fructose est donc capable d’augmenter la concentration de malonyl-CoA 1S15 Débat Benjamin Delessert indépendamment de l’insuline. Ceci est illustré indirectement sur la figure 3 qui montre que l’insulinémie s’élève peu après la charge de fructose en comparaison à la charge de glucose. La faible insulinémie, associée à une élévation plus marquée des triglycérides plasmatiques après fructose, suggère fortement un mécanisme différent (non dépendant ou peu dépendant de l’insuline) de l’élévation de la triglycéridémie après fructose par comparaison au glucose. Figure 7 Lipogénèse de novo (LDN) après 10 mg/kg masse maigre de fructose ou de glucose La comparaison de l’incorporation des carbones du fructose et du glucose dans le CO2, les triglycérides et les acides gras est résumée dans le tableau 1. Tableau 1 Incorporation du U14C fructose et U14C glucose dans le CO2, les triglycérides et les acides gras dans des tranches de foie de rats nourris (d’après réf. 13). Fructose (15,6 mM) Glucose (15,6 mM) CO2 % incorp. TG % incorp. AG Glycéride-glycérol % % incorp. incorp. 10,09 0,625 0,062 0,53 2,86 0,057 0,020 0,028 En résumé : Le métabolisme du fructose est caractérisé par une grande vélocité liée à la forte activité de la fructokinase. La rapidité de la fructolyse détermine à la fois la forte capacité lipogénique du fructose et sa forte capacité de réestérification des acides gras. Le métabolite commun est le malonyl CoA dont les concentrations s’élèvent. Il est le précurseur du palmitate et son effet inhibiteur de la CPT 1 favorise la réestérification des acides gras aux dépens de leur oxydation. Les 2 voies métaboliques conduisent à une augmentation de la production des VLDL et à l’enrichissement des triglycérides de ces VLDL par des acides gras saturés. Qu’en est-il in vivo ? Effets du saccharose sur la lipogénèse de novo et la triglycéridémie chez l’homme Schwarz et coll. (revue in 15) ont montré qu’après une charge de fructose de 10 mg/kg de masse maigre, la lipogénèse de novo atteignait 30 % (elle est de 1 % à jeun), c’est-à-dire que 30 % des acides gras inclus dans les triglycérides provenaient de la lipogénèse de novo [15]. En revanche, après une charge équivalente de glucose, elle n’était pas stimulée (figure 7). Le rôle de la stimulation de la lipogénèse de novo est indirectement suggéré par la parfaite superposition des cinétiques de la stimulation de la lipogénèse et de l’élévation des concentrations des triglycérides dans l’étude de Schwarz et dans la nôtre (figure 8). La contribution de la stimulation de la réestérification à l’élévation des triglycérides plasmatiques est fortement suggérée par le travail suivant [16]. Nous avons perfusé, chez des sujets volontaires, des triglycérides intraveineux sous forme d’émulsion lipidique associée à de l’héparine, pour hydrolyser les triglycérides. Les sujets ont été étudiés à deux reprises ; lors d’un test ils recevaient l’émul1S16 sion, lors de l’autre test ils recevaient du NaCL 9 ‰. La perfusion était débutée 2 heures avant l’ingestion de 0,5 g/kg de fructose et était poursuivie pendant les 6 heures suivantes. Les concentrations des triglycérides plasmatiques augmentaient régulièrement dans les 2 tests après ingestion de fructose, y compris dans le test avec héparine. La concentration des acides gras libres était fortement inhibée et suivait une cinétique parallèle dans les 2 tests. Parallèlement, les concentrations de ßhydroxybutyrate étaient aussi fortement inhibées, surtout lors du test émulsion lipidique/héparine (les taux avant fructose étaient très élevés du fait de l’oxydation hépatique accrue des AGL) témoignant d’une baisse de l’oxydation intra-hépatique des acides gras (figure 9). Ceci est un argument très en faveur d’un effet stimulant du fructose sur la réestérification des acides gras libres aux dépens de leur oxydation. Ainsi, in vivo chez l’homme, le fructose induit une élévation de la concentration des triglycérides plasmatiques par un mécanisme associant, comme in vitro, une stimulation à la fois de la lipogénèse de novo et de la réestérification des acides gras dans le foie. L’élévation de la triglycéridémie induite par le saccharose, apporté sous Figure 8 Cinétique de la lipogénèse de novo et de la triglycéridémie après fructose (d’après réf. 7 et 15) Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert forme de solution, résulte donc à la fois des effets du fructose qui le compose (stimulation de la lipogénèse et de la réestérification des acides gras liée essentiellement à un effet du fructose per se) et des effets du glucose (réestérification des acides gras stimulée par l’insuline). Figure 9 Triglycérides, acides gras libres et ß-hydroxybutyrate après 0,5 g/kg de fructose avec ou sans perfusion de triglycérides IV + héparine (d’après réf. 16) Conséquences de la stimulation de la lipogénèse de novo après ingestion de fructose Les conséquences métaboliques possibles de la stimulation de la lipogénèse de novo, après ingestion de saccharose, résultent de l’altération de la composition en acides gras des triglycérides contenus dans les VLDL. La lipogénèse de novo génère des acides gras saturés (16:0 et 18:0) et un acide gras monoinsaturé (18:1 n-9). Ces acides gras vont diluer, au sein des triglycérides, le 18:2 n6 (acide linoléique) et le 18:3 n-3 (acide α-linolénique). En effet, l’organisme des mammifères est incapable d’insérer de nouvelles doubles liaisons au-delà du 9e carbone du 18:1 n-9, parce qu’il ne possède ni la ∆12-désaturase ni la ∆15-désaturase. Seuls les végétaux possèdent ces deux enzymes qui permettent la formation d’acides gras polyinsaturés, de telle sorte que le 18:2 n-6 et le 18:3 n-3 devront être apportés par l’alimentation (source végétale). Les seules sources de 18:2 n-6 et de 18:3 n-3 dans les triglycérides sont donc essentiellement l’alimentation et pour une moindre part le tissu adipeux qui relarguent, via la lipolyse, ces acides gras (parmi d’autres) préalablement stockés. Après ingestion de saccharose, on observe une augmentation relative de la teneur en 16:0, 18:0 et 18:1 dans les triglycérides (figure 10) [5]. Après substitution de l’amidon au saccharose, la répartition des acides gras dans les triglycérides est restituée à l’identique à celle observée lors du régime usuel. Figure 10 Modifications de la composition en acides gras des triglycérides des VLDL en fonction de l’apport glucidique (d’après réf. 5) Une première conséquence de l’enrichissement en acides gras saturés des triglycérides des VLDL est une diminution de leur capacité d’hydrolyse par la lipoprotéine lipase. Ceci favorise l’élévation des triglycérides en diminuant la clairance plasmatique des VLDL [17]. Une deuxième conséquence est l’incorporation en plus grande quantité, après hydrolyse des VLDL, d’acides gras saturés dans les phospholipides membranaires. En effet, les acides gras saturés sont moins facilement oxydés que les acides gras polyinsaturés. Cette incorporation membranaire est susceptible d’altérer les propriétés métaboliques du tissu adipeux et du muscle squelettique, en particulier leur capacité à capter le glucose [18]. Il a été montré chez les Indiens Pimas – population caractérisée Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S17 Débat Benjamin Delessert Figure 11 Relation sensibilité à l’insuline - teneur en acides gras polyinsaturés des phospholipides musculaires chez des Indiens Pimas (d’après réf. 19) s’il est consommé sous forme liquide au sein d’une ration non hyperglucidique (45-50 % des apports énergétiques). L’effet hypertriglycéridémiant du saccharose résulte à la fois d’une stimulation de la lipogénèse de novo hépatique et d’une réestérification des acides gras intra-hépatiques conduisant à une surproduction de VLDL. La stimulation de la lipogénèse de novo est responsable d’un enrichissement en acides gras saturés des VLDL. Ceci peut diminuer leur clairance, ce qui renforce l’effet hypertriglycéridémiant. De plus, ceci peut affecter la composition membranaire et favoriser la résistance à l’insuline si d’autres facteurs sont présents (prédisposition génétique, inactivité physique, surpoids). Enfin, la modification de la composition en acides gras des VLDL peut stimuler la différenciation adipocytaire et affecter la masse adipeuse. Bibliographie par une fréquence très élevée de l’insulino-résistance et de l’obésité – qu’il existait une relation inverse entre la saturation des acides gras des phospholipides membranaires et la sensibilité à l’insuline [19] (figure 11). De plus, chez des patients obèses, il existe une relation négative entre le contenu en acides gras saturés (palmitate) des triglycérides musculaires et la sensibilité à l’insuline [20]. Une troisième conséquence est l’effet des acides gras captés par l’adipocyte après hydrolyse des VLDL sur des facteurs de transcription nucléaire susceptibles d’affecter la prolifération et la différenciation adipocytaire dont on sait aujourd’hui qu’elles jouent un rôle vraisemblablement important dans l’obésité humaine. Bien que le bilan d’énergie soit le principal facteur de régulation du stockage d’énergie, il est maintenant établi que le stockage d’énergie dans les adipocytes est aussi régulé au niveau des adipocytes eux-mêmes [21]. Cette régulation fait intervenir à la fois le nombre et la taille des adipocytes, l’activité de facteurs de transcription qui modulent la différenciation adipocytaire et l’activité des lipases qui contrôlent la lipolyse des triglycérides stockés. Le nombre des adipocytes n’est vraisemblablement pas stable au cours de la vie. Il existe probablement un équilibre entre la taille du pool adipocytaire préalable, la vitesse et l’importance de la différenciation, et la vitesse de la perte cellulaire via l’apoptose. La différenciation adipocytaire est contrôlée par des facteurs de transcription, en particulier SREBP-1, C/EBPα et PPARγ qui sont modulés par les AG. Il a été montré que le 16:0 et le 18:1, acides gras synthétisés par la lipogénèse de novo, stimulent l’expression d’un facteur impliqué dans la différenciation adipocytaire (aP2) dans des lignées de pré-adipocytes représentatifs de la différenciation adipocytaire humaine [22]. La suppression chez des souris transgéniques d’un facteur de prolifération adipocytaire (hmgic) prévient la survenue de l’obésité induite par la présence du gène Leptine/Leptine [23], confirmant ainsi la participation de la différenciation adipocytaire dans la genèse de l’excès de masse grasse. Conclusion Le saccharose favorise une élévation des triglycérides chez l’adulte en bonne santé, s’il vient en addition des apports journaliers (glucides ≥ 60 % des apports énergétiques), ou 1S18 0[1] Austin M.A., Holkanson J.E., Edwards K.L. - Hypertriglyceridemia as a cardiovascular risk factor. Am. J. Cardiol., 1998, 81, 7B-12B. 0[2] Syndrome X : Pathogenesis, clinical and therapeutic aspects. Diab. Nutr. 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Skeletal muscle membrane lipid composition is related to adiposity and insulin action. J. Clin. Invest., 1995, 96, 2802-8. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 [20] Manco M., Mingrone G, Greco A.V., Capristo E., Gniuli D., De Gaetano A. et coll. – Insulin resistance directly correlates with increased saturated fatty acids in skeletal muscle triglycerides. Metabolism, 2000, 49, 220-4. [21] Kahn RC. - Triglycerides and toggling the tummy. Nature Genetics, 2000, 25, 6-7. [22] Amri EZ, Bertrand B, Ailhaud G, Grimaldi P. Regulation of adipose cell differentiation. I. Fatty acids are inducers of the aP2 gene expression. J. Lipid. Res., 1991, 32, 1449-1456. [23] Anand A & Chada K. In vivo modulation of Hmgic reduces obesity. Nature Genetics, 2000, 24, 377-380. 1S19 Débat Benjamin Delessert POUR UNE LIMITATION DES APPORTS EN SUCRE : ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES Adam DREWNOWSKI Au cours des 20 dernières années, de très nombreuses études épidémiologiques chez l’homme ont mis en évidence les liens étroits entre l’alimentation et la santé. Les facteurs nutritionnels en cause dans le développement de l’obésité, du diabète ou des maladies cardio-vasculaires ont été la cible de multiples études. Ces maladies chroniques dont la prévalence est élevée ou croissante, résultent, paraît-il, des modifications profondes du mode de vie, jointes à une situation d’abondance alimentaire. En France, l’obésité concerne 7 à 10 % des adultes et 10 à 12 % des enfants de 5 à 12 ans. Ces chiffres sont encore plus élevés aux Etats-Unis. Un Américain sur trois est consideré comme obèse (IMC > 30). La prévalence du diabète en France est estimée à 2-2,5 % (tous âges). Aux Etats-Unis, on constate que la fréquence du diabète de type 2 chez l’adolescent a été multipliée par 2 au cours des dernières années. Dans les deux pays, la fréquence de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent augmente de façon dramatique. La forte augmentation de la prévalence de l’obesité en France, aux Etats-Unis et dans les autres pays industrialisés est de fraîche date. Elle ne peut pas être rapportée à un changement du “pool” génétique. L’excès des apports énergétiques et le niveau insuffisant d’activité physique restent toujours les déterminants majeurs du gain de poids et de l’obésité. Il est évident que le comportement alimentaire a changé, surtout chez les jeunes. Parmi d’autres tendances alimentaires, on constate une augmentation importante de la consommation de produits sucrés. Le rôle des sucres, y compris le saccharose, dans le développement de l’obésité, suscite toujours de vives controverses. En ce qui concerne l’obésité, on prête aux sucres le rôle de “promoteur”, mais aussi celui de “protecteur”. Le sucre en chiffres La consommation totale de sucre (de betterave ou de canne) en France est passée de 26 kg/an/habitant en 1953 à 34 kg/an en 1995. La consommation du sucre “en nature” a baissé, depuis 1970, de 23 à 14 kg/an. En revanche, la consommation des gâteaux, crèmes glacées, ou sorbets est passée de 1 kg/an en 1960 à 14 kg/an en Correspondance : Adam DREWNOWSKI, Nutritional Sciences Program, 305 Raitt Hall - Box 35 3410, University of Washington - Seattle, WA 98195, USA. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1995. Pendant la même période, la consommation de boissons sucrées et de jus de fruits est passée de 8 à 50 l/an en 1995 (figure 1). Figure 1 Evolution des “consommations” de produits sucrés en France (kg/an) Annuaire statistique de la France 1999 La consommation de sucre et de produits sucrés est plus faible en France que dans d’autres pays d’Europe ou qu’aux Etats-Unis. Battant tous les records, la consommation totale de sucres (sucre de canne ou de betterave et sucre issu du maïs) a atteint 70 kg/an aux Etats-Unis en 1997. On constate une diminution importante de la part du saccharose (30 kg/an) face à une augmentation de la part des sirops de glucose à haute teneur en fructose (HFCS issus du maïs). La consommation du fructose, sous forme de “high fructose corn syrup” (HFCS), s’élève actuellement à 39 kg/an. Exprimés par rapport aux apports énergétiques, les sucres représentent 12-20 % des calories journalières. Un tiers des apports en sucre (et 80 % des apports en fructose) sont fournis par les boissons sucrées dont la consommation ne cesse d’augmenter (figure 2). Aux Etats-Unis, la consommtion de saccharose ne dépasse pas 43 % des apports totaux en sucre. Saccharose, poids et obésité Plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence une relation inverse entre consommation de saccharose et indice de masse corporelle (IMC). L’étude ASPCC, en 1S21 Débat Benjamin Delessert Figure 2 Evolution des “consommations” de sucres/per capita aux Etats-Unis (lb/an) particulier, a montré une relation inverse entre glucides simples et IMC. La consommation du sucre, exprimée en pourcentage des apports énergétiques, était aussi plus importante chez les sujets les plus minces. Une relation inverse entre consommation de saccharose et IMC a été démontrée également par l’étude du Val-deMarne. La ration énergétique moyenne était de 2 3002 400 kcal/j chez l’homme et de 1 700-1 800 kcal/j chez la femme. Les sujets étaient divisés en dix groupes, suivant leur consommation en saccharose. Les apports en saccharose les plus importants (> 60 g/j) étaient associés à une faible consommation de fruits et de légumes et à une forte consommation de produits sucrés. Les plus forts consommateurs de sucre étaient effectivement plus minces, suivant l’étude ASPCC, mais ils étaient aussi les plus jeunes. La consommation des produits sucrés diminue, et la consommation de fruits et de légumes augmente en fonction de l’âge (figure 3). L’IMC augmente avec l’âge, tandis que les apports caloriques et la consommation de saccharose diminuent (figure 4). Le niveau d’activité physique dépend également des tranches d’âge. En somme, les plus grands consommateurs de produits sucrés sont les jeunes personnes. Pourvu qu’ils restent actifs, la consommation de sucre ne nuit aucunement à une alimentation saine. Une étude réalisée dans un camp d’entraînement de l’équipe olympique des jeunes patineurs américains (âge moyen 16-18 ans) a montré que les apports en sucre dépassaient 25 % des apports caloriques. Tout en conservant leur minceur, les jeunes sportifs se nourrissaient en grande partie de sucre (25 %) et de lipides (35 %). La question qui se pose est la suivante : un tel régime est-il admissible pour une personne moins Figure 3 Tendances alimentaires par tranches d’âge : consommation en g/jour dans le Val-de-Marne 1S22 Figure 4 La relation entre IMC et apports en sucre et en lipides (g/jour) par tranches d’âge dans le Val-de-Marne jeune ou moins en forme ? Les nutritionnistes estiment que le sucre fournit des calories “vides”, sans apport important de micro-nutriments. Saccharose et équilibre alimentaire De nombreuses études, y compris celle du Val-de-Marne, ont montré qu’une consommation élevée de saccharose était associée à une plus grande diversité alimentaire et ne nuisait pas à la qualité globale de l’alimentation. L’étude du Val-de-Marne a été réalisée chez des adultes (n = 837) et la consommation de saccharose ne dépassait pas 6,5 % des apports énergétiques. Dans une étude basée sur les données USDA 1994-6 CSFII (Continuing Survey of Food Intakes of Individuals), les “sur-consommateurs” de sucre consommaient au moins 104 g de sucre par jour. Ce groupe était composé d’hommes jeunes (61 %), âgés de 30 ans. La majorité d’entre eux (59 %) étaient surconsommateurs de toute la gamme des autres aliments, il n’y avait donc pas de modification de la structure de l’alimentation. Mais un nombre assez important (41 %) consommait des sucres, à l’exclusion de céréales, de produits laitiers, de fruits et légumes. Pour ces gens-là, une sur-consommation de sucres était associée à un score HEI (Healthy Eating Index) plus faible. Saccharose et apports alimentaires D’après les études INSEE sur les personnes en situation de précarité, les ménages ayant les plus faibles revenus sur-consommaient les aliments riches en glucides et en lipides. Ces ménages sous-consommaient la viande, le lait, le fromage et les fruits. Les enfants des familles défavorisées consommaient plus fréquemment des aliments riches en lipides ou en sucres. On retrouve les mêmes tendances aux Etats-Unis. Le sucre est un des produits alimentaires les moins chers. Le prix de gros du sucre, en 1998, aux USA, était de 0,68 euro/kg. Etant donné que le prix moyen chez le détaillant était de 1,2 euro/kg, un kilo de sucre en poudre apporte en principe, 3,333 kcal/euro. En effet, le sucre est tellement peu cher que même dans les produits très riches en sucre, la part du coût revenant au sucre ne dépasse pas 5 % du prix de vente. Le sucre représente maintenant moins de 0,4 % des dépenses totales des Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert consommateurs, et moins de 1,9 % des dépenses alimentaires, dans les pays développés. D’après les statistiques de l’USDA, les dépenses alimentaires, en pourcentage du revenu net, continuent de chuter. Les dépenses annuelles liées aux aliments et aux boissons sont estimées aux environs de 700 milliards de dollars (données 1998), ce qui suggère que l’Américain moyen dépense 7 dollars par jour pour la nourriture. Les dépenses liées aux repas pris à domicile sont estimées aux USA, pour un individu, à 7,4 % du revenu net, soit le pourcentage le plus bas du monde (figure 5). Ces mêmes dépenses, en France, sont estimées être le double (15 % du revenu net). Alors que le pourcentage du revenu net dévolu à l’alimentation continue à diminuer, la fréquence de l’obésité, elle, augmente. Des études conduites par l’USDA constatent que les personnes qui touchent des bons d’alimentation, ou qui bénéficient de programmes d’aide alimentaire, consomment suffisamment de calories, mais pour la plupart, en provenance de sucres et de lipides. Cependant, de telles analyses économiques constituent une nouvelle approche pour la nutrition. Les prix de gros et de détail du sucre sont peu corrélés au prix de détail des produits sucrés manufacturés. La plupart du temps, le prix de vente des produits sucrés résulte plus des coûts de production et de marketing que de celui des ingrédients, qui, lui, est négligeable. Pourtant, même dans ce cas, le sucre reste une source concentrée de calories bon marché. Le comportement alimentaire qui privilégie les légumes et les fruits est incontestablement plus onéreux qu’un régime riche en matières grasses végétales et sucres ajoutés. Figure 5 Part des dépenses alimentaires dans le revenu net des familles et des individus aux Etats-Unis % USDA’s Economic Research Service - Food Review, 23, 2000 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 L’aspect économique des choix alimentaires est un sujet intéressant et nouveau d’étude épidémiologique. Conclusion Parmi de très nombreux facteurs de risque impliqués dans le développement de l’obésité, le rôle du sucre soulève toujours quelques débats. Le sucre est à la fois un des aliments les plus palatables et les moins chers. Le goût et le coût sont les deux facteurs déterminants dans le choix d’aliments par le consommateur. Les mécanismes physiologiques qui auraient limité les apports en sucre ou en graisses n’existent guère, et pour quelques groupes de consommateurs, les facteurs environnementaux voire économiques sont déterminants. La modification de la consommation alimentaire reste un objectif pour une politique nutritionnelle de santé publique. Bibliographie [1] Bolton-Smith C., Woodward M. - The prevalence of overweight and obesity in different fat and sugar consumption groups (abstract). Proc. Nutr. Soc.,1993, 52, 383A. [2] Drewnowski A., Henderson S.A., Shore AB., Fischler C., Preziosi P., Hercberg S. - Diet quality and diversity in France: Implications for the French paradox. J. Am. Dietet. Assoc., 1996, 96, 663-9. [3] Drewnowski A., Henderson S.A., Shore AB., Fischler C., Preziosi P., Hercberg S. - The fat-sucrose seesaw in relation to age and dietary variety in French adults. Obesity Research, 1997, 5, 511-8. [4] Drewnowski A, Popkin BM. - The nutrition transition : new trends in the global diet. Nutrition Reviews, 1997, 55, 3143. [5] Frazao E. America’s eating habits: changes and consequences. USDA Economic Research Service, Agriculture Information Bulletin, 750, 1999. [6] Gibney M, Sigman-Grant M, Stanton JL, Keast DR. Consumption of sugars. Am. J. Clin. Nutr., 1995, 62 (suppl.), 178S-194S. 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A l’inverse, le glucose est un substrat énergétique pour toutes les cellules dont la consommation protège contre la protéolyse, la lipolyse et la cétogenèse. Au-delà de ces considérations théoriques, la consommation d’aliments glucidiques présente des effets bénéfiques universellement reconnus pour la santé de l’homme. Un récent rapport émanant d’un groupe d’experts internationaux considère que les glucides pourraient couvrir 70 % de la ration énergétique de l’homme sain. Il s’agit-là d’une limite supérieure au-delà de laquelle la réduction des autres macro-nutriments (sources de nutriments essentiels) risquerait de compromettre l’équilibre nutritionnel global [1]. Compte tenu de ces remarques, la question est de savoir quelle place pourraient occuper les glucides simples et en particulier le saccharose dans cette ration glucidique totale fixée au maximum à 70 % des apports énergétiques. La réponse à cette question passe par deux exigences. La première consiste à s’assurer que la diminution de la consommation des aliments sources de glucides complexes ne compromet pas la couverture des besoins en nutriments importants, voire indispensables comme les vitamines, les sels minéraux, les fibres… L’analyse fine des résultats issus des études de consommation alimentaire ainsi que la modélisation informatique devraient permettre de répondre à ce pré-requis. La seconde exigence consiste à démontrer que l’augmentation en miroir de la consommation de sucres simples présente des effets bénéfiques pour la santé ou, au minimum, n’a pas d’effets indésirables. C’est dans le registre de l’épidémiologie et de la physiopathologie qu’il faut chercher des arguments nécessaires à cette démonstration. L’avis des comités d’experts qui invitent à limiter la prise de saccharose à 10-15 % de la ration énergétique repose sur les effets métaboliques néfastes (insulino-résistance, hypertriglycéridémie, prise de poids, néolipogénèse) induits par les régimes très riches en fructose ou en saccharose chez le rongeur, les particularités métaboliques Correspondance : Charles COUET, Clinique Médicale A, Hôpital Bretonneau, 2, boulevard Tonnelé, 37044 Tours. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 propres au fructose [2] et les travaux réalisés chez l’homme présentant une sensibilité métabolique exacerbée aux glucides simples. L’objectif du présent rapport est d’examiner les résultats des études disponibles à ce jour en favorisant autant que possible les études réalisées chez l’homme sain. Trois aspects seront développés. Ils concernent les effets du saccharose dans la régulation pondérale, la régulation glycémique et la triglycéridémie. Saccharose et prise de poids Dans ce paragraphe, les études expérimentales comportant une substitution isoénergétique entre le saccharose et les glucides complexes dans une alimentation de même densité énergétique et présentée ad libitum seront privilégiées. Lorsque ces exigences méthodologiques sont considérées, la substitution isoénergétique du saccharose et de l’amidon n’a pas d’effet sur la prise pondérale. A titre d’exemple, Hara et Coll. [3] ont montré que la substitution isoénergétique de l’amidon et du saccharose à hauteur de 66 % de la ration pendant 4 mois n’avait aucun effet sur le poids du rat, qu’il soit âgé de 6 mois, 12 mois ou 26 mois. La prise pondérale, parfois observée chez le rongeur sous l’effet d’une alimentation riche en saccharose, pourrait dépendre de l’interaction entre des facteurs génétiques et alimentaires indépendants du saccharose, tels que la ration lipidique. En effet, en comparant des régimes riches (58 % de l’énergie) ou pauvres (11 % de l’énergie) en lipides et dont le contenu en saccharose varie de 0 à 61 % dans deux souches de souris, dont l’une est génétiquement prédisposée à l’obésité, l’hyperglycémie et l’hyperinsulinémie, Surwitt et ColI. ont montré que la prise de poids et la prise énergétique étaient plus dépendantes du trait génétique et de la teneur en lipides du régime que de la teneur en saccharose [4]. Il en va de même de la prise de masse grasse [5]. Ces manipulations diététiques s’accompagnent également d’une réduction des activités enzymatiques de la sucrase et de la maltase intestinales en présence d’une alimentation riche en graisse quelle que soit la teneur en saccharose de l’alimentation [5]. En comparant les effets d’une alimentation riche en saccharose (23 % de l’énergie), riche en lipides (46 % de l’énergie) et riche en amidon (57 % d’amidon, 2 % de sac1S25 Débat Benjamin Delessert charose) chez 18 femmes (10 contrôles, 8 post-obèses) nourries ad libitum pendant 14 jours, Raben et Coll. [6] ont montré que la prise énergétique spontanée était identique pour le régime riche en saccharose et le régime riche en graisse, mais significativement supérieure de 1 Mj/24 h environ à la prise énergétique observée avec le régime riche en amidon. Aucune différence pondérale n’était obtenue entre les régimes riches en saccharose ou en graisse. Une perte de poids modeste, mais significative (– 0,7 ± 0,2 kg, dont – 0,4 kg pour masse grasse) a été observée avec le régime riche en amidon [7]. Compte tenu de ce résultat, il apparaît que l’augmentation de la contribution du saccharose à la ration alimentaire ne peut s’envisager qu’aux dépens des autres sources d’énergie. En effet, toute augmentation des apports énergétiques, qu’elle provienne ou non du saccharose, conduira à un déséquilibre de la balance énergétique, favorisant la prise pondérale. Dans un travail récent, MacDewitt et Coll. [8] ont montré qu’une augmentation des apports énergétiques de 50 % par rapport aux besoins s’accompagnait d’une positivité de la balance énergétique et lipidique chez 13 femmes adultes (dont 5 obèses). La balance cumulée sur 4 jours était de même amplitude, que l’excédent énergétique soit apporté par du fructose, du glucose, du saccharose ou des lipides. Inversement, en situation de restriction énergétique, la perte pondérale obtenue en 6 semaines chez la femme obèse est identique, que le saccharose contribue pour 42,5 ou 4,2 % de l’énergie ingérée [9]. Saccharose et régulation glycémique Si les consommations élevées de saccharose ont des effets néfastes pour la santé, y compris via des effets métaboliques incluant l’hyperglycémie et l’insulinorésistance, on doit s’attendre à long terme à des différences de morbidité et de mortalité en fonction de la contribution du saccharose à la ration alimentaire. Pour des raisons évidentes, l’évaluation expérimentale d’une consommation élevée de saccharose sur la mortalité et la morbidité n’a fait l’objet d’aucune étude humaine. En revanche, une telle évaluation a été conduite chez le rongeur. Murtagh-Mark et ColI. [10] ont comparé la durée de vie de rats Fischer 334 en fonction de l’alimentation proposée. La densité énergétique de tous les régimes était équivalente. Un premier groupe de rats a été nourri ad libitum avec un régime apportant 66,7 % de l’énergie sous la forme de glucides. Ce groupe a été séparé en deux bras, en fonction des glucides ingérés. Un bras était nourri exclusivement par du saccharose (66,7 % de l’énergie) et l’autre, exclusivement par de l’amidon de maïs (66,7 % de l’énergie). Un second groupe de rats a été soumis à une restriction calorique (– 40 % ) et séparé lui aussi en deux bras, l’un nourri avec des glucides venant exclusivement soit du saccharose (63,7 % de l’énergie), soit de l’amidon de maïs (63,7 % de l’énergie). Dans le groupe ad libitum, la durée de vie moyenne du groupe saccharose était significativement inférieure à celle du groupe amidon (médiane 685 vs 762 jours respectivement). En revanche, dans le groupe soumis à une restriction calorique, la durée de vie était significativement supérieure dans le groupe saccharose que dans le groupe amidon (médiane 906 vs 742 jours respectivement). Les causes de décès différaient sensiblement entre les rats nourris ad libitum et les rats soumis à une restriction énergétique. Au sein de chaque groupe, aucune différence n’apparaît en fonction de l’origine du 1S26 glucide ingéré. L’étude histopathologique des organes (reins, cœur, pancréas) montre des lésions de gravité différente selon que le rat est nourri ad libitum ou de façon restrictive. Au sein de chaque groupe de rats, la présence de saccharose ne conduit pas à des lésions de gravité supérieure. Les effets de ces régimes ont également été évalués sur les produits de la glycation et l’homéostasie glucidique [11]. Globalement, la restriction calorique et l’âge s’accompagnent d’une diminution de l’hémoglobine glyquée et il n’apparaît pas de différence quel que soit le glucide ingéré (amidon, glucose, saccharose, fructose ou fructose + glucose). Toutefois, lorsque l’on examine les résultats en fonction de la présence ou de l’absence du fructose dans la ration glucidique du rat, l’hémoglobine glyquée apparaît modestement mais significativement supérieure dans le groupe dont l’alimentation contient du fructose à 9 mois. Cette différence disparaît dans le groupe restreint en énergie. Dans ce travail, la source de glucide a très peu d’effet sur les autres marqueurs de la glycosylation (fluorescence du collagène et dosage de la pintosidine). Enfin, dans cette étude, la glycémie basale mesurée à différents âges ne montre pas d’augmentation importante ni de différence selon les glucides ingérés. En revanche, l’âge exerce un effet sensible qui conduit à une diminution de la glycémie. La glycémie à jeun est néanmoins significativement supérieure lorsque le fructose est présent dans l’alimentation, au moins jusqu’à 18 mois. L’effet du fructose sur la glycémie disparaît dans le groupe de rats soumis à une restriction énergétique. Les résultats de quelques études ayant eu pour objet d’examiner l’effet du saccharose sur la régulation glycémique et ses mécanismes chez le rat sont présentés dans le tableau 1. Pour des durées de 4 à 6 mois et des apports en saccharose variant de 33 à 66 % de la ration énergétique, les résultats ne montrent pas d’effet délétère consistant (3, 11, 12, 13, 14). Comme pour le poids, la prédisposition génétique et la part des lipides alimentaires pourraient être déterminants dans l’augmentation de la glycémie et de l’insulinémie rattachée à la prise de saccharose. C’est en tout cas ce que semble montrer le travail de Surwitt et Coll. [4]. Les résultats des principales études conduites chez l’homme sain (ou assimilé comme tel) sont présentés dans le tableau 2. Pour des durées plus brèves allant de 1 jour à 4 semaines et des quantités de saccharose consommé plus faibles que chez le rongeur (en moyenne 30 % de l’énergie), il ne semble pas que la consommation de saccharose soit systématiquement responsable d’une détérioration de l’équilibre glycémique, au moins sur les paramètres d’évaluation disponibles (15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22). Il en va de même des études conduites chez le sujet diabétique, le plus souvent de type 2, qui ne montrent pas de détérioration du contrôle glycémique pour des apports de saccharose ou de fructose s’élevant à environ 20 % de la ration énergétique pendant 4 à 6 semaines (23, 24, 25, 26, 27). Cet aspect métabolique de la prise du saccharose a fait l’objet de plusieurs revues générales (28, 29). Saccharose et dyslipidémie Les principaux résultats obtenus chez l’homme sain sur les paramètres lipidiques sanguins sont présentés dans le tableau 3. Les résultats ne sont pas unanimes et sont même parfois contradictoires (7, 15, 16, 17, 19, 21). Le fructose est considéré comme le constituant susceptible de Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert Tableau 1 Résultats obtenus chez le rat lors de la substitution isocalorique de l’amidon (A) par du saccharose (S) dans l’alimentation Régime Durée Résultats à jeun (mois) Glucose Insuline Age (mois) Contrôle Test McDonald 1990 17, 27 A (66) A + S (33) 4 NS NS GTT : NS Eiffert et al. 1991 12, 24 A (66) A + S (33) 4 NS NS Récepteurs à l’insuline * Affinité : NS * Nombre : diminué à 24 mois dans 1 muscle * Tyro. kinase ED50 : NS Marra et al. 1992 6, 12, 26 A (66) S (66) 4 NS NS GTT : âge x diet + insulinosécrétion : S > A Oxy Gluc îlots : NS Ruhe et al. 1996 9 ad lib., Restr A (66) S, G, F, G + F (66) 6 NS NS Insulino-sécrétion : NS 9, 18, 26 ad lib., Restr A (66) S, G, F, G + F (66) 6, 15 23 NS Auteur Lingelbach et al. 2000 Commentaires Produits de la glycation : âge : + diet : – GTT : test de tolérance au glucose ; A : Amidon ; S : Saccharose ; F : Fructose ; G : Glucose. rendre compte de l’effet hypertriglycéridémiant du saccharose [2]. Là encore, les effets sont contradictoires. En comparant l’effet d’un régime apportant 3 niveaux diffé- rents de fructose (0,7, 7,5 et 15 % de la ration énergétique), Hallfrisch et Coll. n’ont observé aucun effet après 5 semaines sur les triglycérides à jeun, le cholestérol total Tableau 2 Effet d’une substitution isocalorique d’amidon par du saccharose sur le métabolisme glucidique de l’homme sain Auteur Méthode H/F Dose (%) Durée Evaluation Résultats Dunnigan - 1970 RO+ CO– ISO+ WoutIn patient 6/3 28 vs 0 4 semaines Glucose Insuline OGTT (50 g) S>A NS NS Mann - 1971 RO+ CO– ISO+ WoutIn patient 5/0 23 vs 0 2 semaines Insuline Postprandial NS NS 38 vs 0 4 jours Glucose OGTT (1 g/kg) A>S NS 30 vs 0 6 semaines Glucose Insuline OGTT (2 g/kg) NS S>A NS 25 vs 1,2 4 semaines Glucose Insuline Postprandial Clamp Glycogène NS NS NS NS 25 > 1,2 Palumbo - 1977 Reiser - 1979 Kiens - 1996 RO– 29/0 CO– ISO– WoutOut patient CO+ ISO+ Wout ? 3/7 CO+ 7/0 ISO+ Wout+ Out patient Vale - 1997 CO+ ISO+ 16 23 vs 14 vs 4 1 semaine IVITT NS Daly - 1998 CO+ ISO+ 4/4 50 vs 0 1 jour IVITT NS RO : randomisation ; CO : crossover ; ISO : substitution isoénergétique entre saccharose et amidon ; Wout : washout entre les périodes de régime ; Out/In patient : à domicile/en milieu contrôlé. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S27 Débat Benjamin Delessert Tableau 3 Effet d’une substitution isocalorique d’amidon par du saccharose sur les paramètres lipidiques sanguins de l’homme sain Auteur Méthode H/F Dose (%) Durée Evaluation Résultats Dunnigan - 1970 RO+ CO– ISO+ WoutIn patient 6/3 28 vs 0 4 semaines TG CT AGL NS NS NS Mann - 1971 RO+ CO– ISO+ WoutIn patient 5/0 23 vs 0 2 semaines TG CT Lip. Postprandial NS NS S>A Palumbo - 1977 RO– 29/0 CO– ISO– WoutOut patient 38 vs 0 4 jours TG CT AGL S>A A>S NS Kiens - 1996 CO+ 7/0 ISO+ Wout+ Out patient 25 vs 1,2 4 semaines AGL AGL Postprandial NS A>S 50 vs 0 1 jour TG AGL TG Postprand. AGL Postprandial NS NS S>A S>A 23 vs 2 HFLS LFLS LFHS 2 semaines TG LDL-C HDL-C Facteur VII Fibrinogène S>A S>A NS NS NS Daly - 1998 Marckmann 2000 CO+ ISO+ 4/4 RO+ 0/20 CO+ ISO– Wout+ Out patient RO : randomisation ; CO : crossover ; ISO : substitution isoénergétique entre saccharose et amidon ; Wout : washout entre les périodes de régime ; Out/In patient : à domicile/en milieu contrôlé ; TG : triglycérides ; CT : cholestérol total ; AGL : acides gras libres. à jeun et la réponse des acides gras libres après test de tolérance au glucose [30]. A l’inverse, pour une dose de fructose représentant 20 % de la ration énergétique, Reiser et Coll. [31] ont constaté une augmentation significative de la triglycéridémie (+ 20 %), du cholestérol total (+ 9 %) et du LDL-cholestérol (+ 12 %), dans le groupe fructose. Comme pour la glycémie, il est possible que des phénomènes d’adaptation se mettent en place pour atténuer, avec le temps, l’effet du saccharose sur les triglycérides. De même, un effet lié au sexe ne peut être exclu [32]. De nombreux paramètres alimentaires peuvent interagir sur l’élévation des triglycérides observée avec des consommations élevées de saccharose. C’est le cas du degré d’insaturation des lipides consommés. Ainsi, l’effet hypertriglycéridémiant d’une consommation de saccharose (glucides totaux 54 % de l’énergie, dont 34 % pour le saccharose) disparaît lorsque la part des lipides insaturés dans la ration lipidique (30 % de l’énergie) augmente [33]. De même, un régime riche en fibres est susceptible de moduler à la baisse l’hypertriglycéridémie observée avec une alimentation contenant du saccharose à hauteur de 36 % de la ration énergétique [34]. Enfin, un des mécanismes susceptibles de rendre compte de l’effet hypertriglycéridémiant du saccharose passe par la stimulation de la synthèse de novo de lipides [35, 36, 37]. Cet effet hypertriglycéridémiant observé avec des régimes riches 1S28 (75 % de l’énergie ) en polymères courts de glucose (5 résidus) disparaît lorsque l’on passe à une alimentation solide incluant des sucres simples à hauteur de 30 % de l’énergie [38]. En conclusion L’augmentation de la consommation de saccharose est envisageable chez l’homme sain. Elle ne peut se faire qu’aux dépens d’autres substrats énergétiques, car il ne s’agit pas d’augmenter la ration énergétique totale. Des études répondant à toutes les exigences méthodologiques, prenant en compte les nombreuses interactions avec les autres constituants de l’alimentation et conduites sur de longues durées sont toutefois nécessaires avant d’envisager toute recommandation qui inciterait à l’augmentation de la consommation de saccharose dans la population générale. Bibliographie 0[1] Bier DM., et al. Report of the IDECG working group on lower and upper limits of carbohydrate and fat intake. Eur. J. Clin. 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Human fatty acid synthesis is reduced after the substitution of dietary starch for sugar. Am. J. 1S29 Débat Benjamin Delessert POUR UNE NON-LIMITATION DES APPORTS EN SUCRE : ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES Jean-Michel LECERF Saccharose, poids et obésité En supposant qu’il soit possible d’avoir une approche nutritionnelle sous l’angle d’un seul nutriment, cette assertion, qui est plus une question qu’une affirmation, peutelle être étayée par des arguments épidémiologiques ? Bien que provocatrice, cette question est sans doute le miroir de l’attitude inverse qui fut la conséquence de la diabolisation du sucre. De façon sous-jacente, le nutritionniste pose en corollaire deux types de questions : – Y a-t-il un seuil qui permettrait de parler d’excès (et à l’inverse n’y a-t-il aucune limite supérieure) ? – Peut-on suggérer qu’il existe de bons et de mauvais nutriments, voire de bons et de mauvais aliments ? Outre les limites du sujet (l’homme sain), et celles de la méthode épidémiologique, les limites de la question sont celles de la définition du mot sucre (en anglais sugar), qui correspond bien en français au saccharose (en anglais sucrose) en sachant qu’il s’agit bien de la totalité du saccharose, sucre tel quel et saccharose ajouté, mais les publications ne sont pas homogènes et parfois nous devrons nous contenter d’une extrapolation avec les glucides simples, les seuls sucres ajoutés, ou encore de parler de sucres. Les études écologiques tirées de l’étude MONICA, comparant l’index de masse corporelle (IMC) des sujets appartenant aux 10 % du haut de la distribution de 40 populations, ont montré qu’il n’y avait aucune corrélation entre l’IMC et la consommation moyenne apparente de saccharose [1] chez les femmes (figure 1). De très nombreuses études transversales ont été effectuées. La comparaison de l’IMC selon le niveau des apports en sucres a montré chez les garçons de 1112 ans [2] et chez les jeunes de 10-15 ans [3] un IMC plus bas pour des apports plus élevés. Chez l’adulte l’étude de BOLTON-SMITH [4] chez 11 500 hommes et femmes a montré une corrélation inverse (p < 0,001) entre le pourcentage d’obèses et les quintiles d’apports en sucres, à la fois en valeur absolue et en valeur relative (figure 2), et par contre une relation positive entre ce pourcentage et le rapport lipides/sucres (figure 3) montrant d’emblée que le rapport lipides/glucides est une clé dans cette question [5], en partie du fait du rôle des lipides dans le stockage des triglycérides, en partie du fait de la relation Figure 1 Relation inverse, mais non significative entre la consommation apparente de sucre et le BMI chez les femmes de 40 pays (étude MONICA) (réf. 1) 37 BMI pays industrialisés pays en voie de développement 36 35 34 BMI 33 32 31 30 29 g/jour 28 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 Correspondance : Jean-Michel LECERF, Service de Nutrition, Institut Pasteur de Lille, 1, rue du Professeur-Calmette, 59019 Lille Cedex. 1S30 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert Figure 2 Pourcentage de sujets en surpoids ou de sujets obèses en fonction des quintiles de l’apport en glucides en grammes ou en pourcentage de l’apport énergétique (réf. 4) Figure 3 Pourcentage de sujets en surpoids ou de sujets obèses en fonction des quintiles du rapport lipides alimentaires/saccharose (pourcentage de l’apport énergétique) (réf. 4) 100 100 g per day 80 Women 80 60 % in BMI categories % in BMI categories Men 40 20 0 Men 01 02 04 03 05 01 02 04 03 60 40 20 05 Fifths of total sugar intake 100 0 01 % energy 80 Men 03 04 05 Women 100 Women 60 80 40 20 0 01 02 04 03 05 01 02 03 04 05 Fifths of total sugar intake % overweight % obese 60 40 20 inverse entre apports en lipides et en glucides (figure 4). Toutefois dans cette étude il n’y a pas eu d’analyse selon l’âge. Plusieurs autres études anglo-saxonnes ont analysé la corrélation entre apport en saccharose et l’IMC, toutes, sauf 2 non significatives, ont montré une corrélation inverse statistiquement significative avec toutefois un r relativement faible [6] (tableau 1). L’équipe de BLUNDELL [7] a analysé les résultats de l’étude nutritionnelle britannique auprès de 2 197 adultes de 16-64 ans après avoir éliminé les sous-évaluateurs, estimés à 40 % des femmes et 27 % des hommes. L’apport de sucres en valeur relative (en pourcentage de l’apport énergétique) est plus élevé chez les hommes Tableau 1 Corrélation entre apport en saccharose et index de masse corporelle Saccharose Keen et al. - 1979 n = 1 488 M – 0,24 Felihy et al. - 1984 n = 493 M – 0,24 Dreon et al. - 1988 n = 155 M – 0,17 Miller et al. - 1990 n = 107 M n = 109 F NS – 0,37 Tucker and Kano 1992 n = 205 F NS Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 % in BMI categories % in BMI categories 02 Fifths of dietary fat to sugar ratio 0 01 02 03 04 05 Fifths of dietary fat to sugar ratio % overweight % obese ayant un IMC bas que chez ceux ayant un IMC élevé (p < 0,001) (mais pas chez les femmes). En valeur absolue les apports en sucres sont identiques, quel que soit l’IMC pour les deux sexes (figure 5), mais ils sont plus élevés chez les femmes obèses (IMC > 30) comparativement aux autres femmes, alors que la tendance est inverse chez les hommes obèses. Il apparaît toutefois qu’il y a plus de sous-évaluateurs chez les obèses que chez les non obèses (figure 6) (69 % des femmes obèses). L’inclusion des sousévaluateurs renforce les tendances et surtout fait apparaître une relation inverse entre pourcentage de sucres et IMC chez les femmes, ce qui signifie que la sous-évaluation porte plus sur les graisses. En réalité, elle porte aussi sur les aliments gras sucrés, surtout chez les femmes : en effet, en excluant les sous-évaluateurs, les femmes ayant un IMC > 30 ont des apports plus élevés (en g/j) en aliments gras sucrés (mais il n’y a pas de différence entre les niveaux d’IMC < 30) (figure 7). En incluant les sous-évaluateurs, il existe chez les femmes une relation inverse entre IMC et apports en aliments gras sucrés (en g/j) (figure 7). 1S31 Débat Benjamin Delessert Figure 4 Relation entre le pourcentage de lipides et de glucides dans des études transversales (d’après GIBNEY) 40 Sugar energy (%) 30 20 10 0 20 30 40 50 Fat energy (%) Figure 5 Apports médians en lipides et en glucides en valeur absolue en fonction de l’indice de masse corporelle (réf. 7) Fat Sugar 120 110 100 median intake (g/day) Saccharose et diabète 90 80 70 60 < 20 20-25 > 25-30 > 30 Body mass index Figure 6 Le pourcentage de sous-évaluateurs (apports énergétiques/métabolisme de base < 1,2 pour chaque groupe d’index de masse corporelle) (réf. 7) 100 90 men women 80 70 60 % 50 40 30 20 10 0 < 20 20-25 > 25-30 Body mass index 1S32 Une étude semblable menée aux U.S.A. sur 30 770 personnes [8] a confirmé la nécessité d’évaluer les apports à la fois en pourcentage de l’apport énergétique et en valeur absolue : en effet, il n’y a pas de différence de poids entre les gros et les petits consommateurs de sucres ajoutés (en pourcentage), mais exprimés en grammes de sucres ajoutés, par kilo de poids corporel, les gros consommateurs ont un poids plus bas que les petits consommateurs. Deux importantes études françaises ont été réalisées récemment. L’étude Val-de-Marne a permis d’étudier 837 adultes [9] et a montré également que les gros consommateurs de saccharose ajouté, en valeur absolue et en valeur relative, ont un IMC plus bas que les petits consommateurs, avec des apports énergétiques également plus élevés, mais aussi un plus jeune âge, notion non soulevée dans les travaux précédents et pouvant être un élément explicatif dans cette différence sur le poids, à côté de la plus grande variété alimentaire observée (tableau 2). Très récemment, l’étude ASPCC effectuée auprès d’un échantillon représentatif de 1 161 sujets [10] après exclusion des sous-évaluateurs (40 % des hommes et 15 % des femmes) a également montré une relation inverse entre IMC et apport de glucides simples exprimé en pourcentage de l’apport énergétique non alcoolique ou en valeur absolue chez les hommes et chez les femmes (tableau 3). Bien que l’âge ne soit pas pris en compte dans ce lien, comme dans l’étude Val-de-Marne, la consommation de glucides simples est plus élevée chez les sujets plus jeunes. Mais dans toutes ces études, le niveau d’activité physique n’est pas pris en compte et peut également jouer un rôle majeur. > 30 Le rôle de la consommation de sucres dans la survenue du diabète a été largement étudié. Dans des études analytiques transversales cas-témoins, les apports en saccharose (et en fructose) sont identiques chez les sujets diabétiques et les sujets non diabétiques de l’étude San Luis Valley Diabetes Study [11], et les apports en sucres raffinés sont plus bas chez les diabétiques comparativement aux non diabétiques chez les Japonais américains de seconde génération [12], alors qu’une autre étude plus ancienne chez les Japonais migrants vivant à Hawaï a montré une association entre apport de sucres et prévalence du diabète [13]. Des études prospectives ont également été menées. L’étude des infirmières (Nurse’s Health Study) n’a pas montré de lien entre saccharose et incidence du diabète chez les femmes minces ou obèses [14]. L’étude de l’Iowa chez des femmes âgées de 55-69 ans [15] a par contre montré une diminution du risque de diabète chez les gros consommateurs de saccharose par rapport aux petits consommateurs (tableau 4), mais une augmentation du risque relatif de diabète avec la consommation de glucose (RR = 1,30, p = 0,0007) et de fructose (RR = 1,27, p = 0,0015). Elle n’a pas mis en évidence de lien entre index glycémique et risque de diabète, ce qui est d’ailleurs en accord avec le fait que le glucose, le saccharose, le fructose, ont respectivement un index glycémique de 100, 50 et 20. La charge glycémique est un paramètre dérivé de l’index glycémique et calculé en multipliant le contenu en glucides de chaque aliment par l’index glycémique, la fréquence de consommation et la somme pour tous les aliments. Chez les femmes, deux études américaines prospectives, l’étude des infirmières [14] et l’étude d’Iowa [15] chez des Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert Figure 7 Différences de l’apport médian en aliments gras et sucrés (g/j) chez les femmes et chez les hommes lorsque les sous-évaluateurs sont exclus (excl. LER) ou inclus (incl. LER) (réf. 7) Women Men 150 140 150 140 excl LER incl LER 130 130 120 120 110 110 100 100 90 90 80 80 70 70 60 excl LER incl LER 60 < 20 20-25 20-25 < 20 > 30 > 25-30 Body mass index > 30 > 25-30 Body mass index Tableau 2 Corrélation entre saccharose (déciles, grammes et pourcentage), index de masse corporelle, âge, score de variété alimentaire (d’après référence 9) Saccharose (déciles) I II III IV V VI VII VIII IX X Saccharose (g) 1,8 7,6 14,9 20,5 25,8 31,4 40,5 45,9 61,0 104 Saccharose (%) 0 2 3 4 5 6 7 9 11 17 25,3 24,2 23,9 24,1 24,2 22,7 22,4 22,6 21,8 22,5 Age 48 48,7 47,1 45,9 44,9 40,4 39,0 41,7 36,5 34,9 Score de variété alimentaire 24 26,2 27,5 27 27,1 28,4 28,7 28,0 27,4 27,8 Index de masse corporelle femmes plus âgées, ont étudié le lien entre ce paramètre et le risque relatif de diabète. La première a mis en évidence une relation positive, renforcée par un faible apport en fibres (figure 8) (mais aux U.S.A. l’apport en sirop de glucose et la consommation de boissons sucrées sont très élevés), tandis que l’étude d’Iowa n’a pas retrouvé ce lien. Il faut rappeler que l’apport en fibres [16] et la répartition des graisses corporelles [17] sont les principaux paramètres nutritionnels et métaboliques influençant l’index glycémique. Cependant, dans ces études, l’ajustement a été fait sur ces paramètres, mais aussi sur l’âge, l’IMC, l’activité physique, les antécédents familiaux de diabète, la consommation d’alcool… Dans l’étude prospective des professionnels de santé [18], chez les hommes donc, seule la combinaison de l’apport en fibres de céréales et l’index glycémique accroît le risque relatif de diabète (figure 9). Saccharose, triglycérides et lipoprotéines D’un point de vue épidémiologique, dans les populations ayant un apport glucidique élevé avec 85 % de la ration énergétique sous forme de mono et polysaccharides, l’hyCah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 pertriglycéridémie est rare et la triglycéridémie moyenne des populations consommant plus de 65 % de glucides n’est pas plus élevée que dans les populations occidentales [19]. Il n’y a pas d’étude épidémiologique montrant un effet du saccharose sur les triglycérides plasmatiques. Par contre, de nombreuses études épidémiologiques ont montré une relation inverse entre consommation de saccharose et cholestérol HDL. Deux études transversales (Lipid Research Clinics Prevalence Study [20] et MRFIT) [21] l’ont montré chez les hommes et les femmes et une autre (South Wales) [22] l’a montré chez les femmes. Plus récemment, une étude prospective (Cardia Study) sur 4 734 hommes et femmes blancs et noirs de 18-30 ans suivis 7 ans l’a observé également [23]. Très récemment, une étude britannique [24] a mis en évidence une relation inverse entre index glycémique et cholestérol HDL (figure 10), ce qui pourrait être considéré comme indirectement lié à l’apport en glucides simples, mais en réalité seul le glucose a un index glycémique élevé. Deux points méritent d’être soulevés : la baisse du cholestérol HDL en cas d’apport glucidique élevé peut être liée à la réduction de l’apport en lipides (dont on sait qu’elle est inversement corrélée à l’élévation des glucides). 1S33 Débat Benjamin Delessert D’autre part, la signification d’une baisse du cholestérol HDL sous l’effet de modifications nutritionnelles [25] est très différente de celle liée à une valeur basse spontanément du cholestérol HDL telle qu’observée dans le syndrome X, par exemple [26]. Dans le premier cas, par exemple en cas de régime végétarien, le risque cardio-vasculaire est très bas [27], tandis que dans le second cas il est très élevé (étude PROCAM, par exemple) [28]. Figure 8 Risque relatif de diabète non insulino-dépendant selon plusieurs niveaux d’apport en fibres céréalières et selon la charge glycémique chez les femmes (réf. 14) 2.50 2.30 2.05 3.0 2.17 Relative Risk Saccharose et athérosclérose 1.80 2.5 1.62 Toutes les études de cohorte (études prospectives) anciennes (Framingham, Honolulu, Porto Rico, IrelandBoston Diet Heart Study, Zutphen Study) [29] ou très récentes (Nurse’s Health Study) [30] n’ont pas trouvé de corrélation entre consommation de sucres simples et athérosclérose ou entre saccharose et risque coronarien. L’étude des femmes ménopausées d’Iowa a trouvé une relation inverse entre consommation de sucreries et de desserts et décès par cardiopathie ischémique, mais elle n’était plus significative après ajustement [31]. Toutefois, l’étude des infirmières a étudié le paramètre calculé de la charge glycémique et a constaté une augmentation du risque coronarien avec la charge glycémique, mais chez les femmes ayant un IMC > 23 (figure 11) [30]. 2.0 1.51 1.5 1.28 1.00 (Référence) Low < 2.5 g/d 1.0 Medium 2.5-5.8 g/d 0.5 Cereal Fiber Intake High > 5.8 g/d 0.0 Medium 165-143 High > 165 Low < 143 Glycemic Load Figure 9 Risque relatif de diabète non insulino-dépendant selon le niveau d’apport en fibres céréalières et selon la charge glycémique chez les hommes (réf. 18) Figure 10 Relation entre le HDL-cholestérol et l’index glycémique des repas chez les hommes et les femmes (réf. 24) 2.17 1,7 2.5 1.04 Relative Risk 2 1.10 1.03 0.97 1.06 1.5 1.00 (réf.) 1 Low < 3.2 g/day 0.81 0.60 Medium 3.2-8.1 g/day 0.5 0 Medium 188-133 High > 188 Low < 133 High > 8.1 g/day Cereal Fiber Intake HDL-cholestérol (mmol/L.) hommes femmes hom fem 1,5 1,3 1,1 0,9 75 Glycemic Load 80 85 90 95 Index glycémique des repas (quintiles) Tableau 3 Contribution des glucides totaux (GT) et simples (GS) aux apports énergétiques sans alcool (en %) en fonction de l’IMC des adultes normo-évaluants - Etude ASPCC (réf. 10) Indice de Masse Corporelle (kg/(m)2) < 20 20-24,9 25,26,9 > 27 Hommes adultes n = 357 Glucides totaux 43,3 41,2 39,7 36,8 Glucides simples 12,9 12,6 10,7 11,0 GS/GT 30,2 30,5 27,2 30,0 Femmes adultes n = 533 Glucides totaux 39,9 37,5 34,4 35,9 Glucides simples 13,7 12,4 11,3 12,1 GS/GT 34,0 33,1 33,1 33,2 1S34 r = 0,23 p = 0,0001 r = 0,19 p = 0,0003 r = 0,07 p = 0,1740 r = 0,15 p = 0,0005 r = 0,14 p = 0,0012 r = 0,07 p = 0,0981 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert Par contre, l’étude des femmes de l’Iowa [31], celle des infirmières [32] et l’étude des professionnels de santé [33] ont montré une relation inverse entre apport en fibres et risque coronarien. Tableau 4 Risque relatif de diabète en fonction de l’apport en saccharose chez les femmes âgées de 55-69 ans de l’étude d’Iowa (réf. 15) Saccharose I – Quintiles II < 31,2 31,238 III IV V 38,143,6 43,751 51 – Apport moyen 25,8 34,9 40,9 46,9 57,7 – RR (95 % IC) 1,00 0,98 0,96 0,93 0,81 p 0,027 (0,670,99) Figure 11 Risque relatif de maladie coronarienne en analyse multivariée selon l’index de masse corporelle (BMI) et la charge glycémique alimentaire (GL) (réf. 30) Test for interaction, P < 0.01 2.3 2.50 1.74 1.11 2.00 RR 1.97 1.2 0.94 1.50 1.00 1.42 1.00 0.50 Tertile 3 1.05 GL Tertile 2 Tertile 1 0.00 < 23 > 29 23-29 2 BMI (kg/m ) Saccharose et caries dentaires Bien qu’il ait été largement démontré que la présence de sucres fermentescibles au contact de l’émail en présence de bactéries soit indispensable à la survenue de caries, les études épidémiologiques montrent des résultats plus nuancés. L’étude prospective de Vipeholm a fermement établi que l’augmentation de consommation de sucres fermentescibles avec une clearance orale réduite était corrélée à une incidence élevée de caries [34]. Toutefois, des études écologiques [35] n’ont pas montré de relation significative entre la consommation apparente de sucre (disponibilité en g/j/habitant) et les caries (exprimée par le score CAOD) (figure 12). Une étude transversale récente chez des enfants espagnols n’a pas montré de corrélation entre apport en confiseries et caries dentaires [36]. Une étude transversale chez des enfants britanniques de 14 ans a montré que la consommation de boissons sucrées est associée à une prévalence élevée de caries dentaires, mais, par contre, que la consommation de boissons sans saccharose n’est pas associée à une meilleure santé dentaire [37]. Une étude britannique longitudinale chez des enfants de 1,5 à 4,5 ans a montré que la fréquence de caries dentaires était positivement corrélée à la consommation de confiseries, mais pas à la consommation de boissons sucrées [38]. Une étude cas-témoins chez des adolescents a montré que la consommation de jus de fruits n’est pas associée aux problèmes dentaires chez des enfants de 15 ans [39]. Par contre, une étude brésilienne a montré que les enfants de 1 à 2,5 ans utilisant un biberon de lait sucré avec du saccharose avaient plus de caries dentaires que ceux utilisant un biberon de lait seul [40]. Ceci s’explique par le fait que la carie dentaire est une maladie multifactorielle [41] pour laquelle il existe d’autres facteurs majeurs intercurrents, tels que le contexte socioéconomique, l’hygiène bucco-dentaire, la teneur en fluor Figure 12 Consommation de sucre/g/jour/habitant 9 pays industrialisés pays en voie de développement 8 7 6 C A O D 5 4 3 2 1 g/jour 0 0 10 20 30 40 50 60 70 L’indice CAOD signifie le nombre de dents (D), cariées (C), absentes (A) ou obturées (O). Cet indice permet de suivre l’évolution de la carie dans le temps et de faire des comparaisons entre différents pays. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 1S35 Débat Benjamin Delessert de l’alimentation, l’état de la salive et en ce qui concerne l’effet de glucides, le pH induit par l’aliment concerné (acidité), la durée, la fréquence et l’horaire de la prise, l’adhésivité et le temps de contact, la présence d’autres micronutriments... Saccharose et équilibre alimentaire Plusieurs études ont montré que le style alimentaire associé à une consommation élevée de sucres était associé à un meilleur équilibre alimentaire. Chez l’enfant, un apport élevé en glucides est dû à un apport accru en desserts, boissons, lait, pain, fruits, céréales, et est associé à une ration plus équilibrée en fibres, sodium, protéines, lipides et acides gras, et à une meilleure couverture des apports conseillés en phosphore, mais moins bonne en zinc et en niacine [42]. Chez l’adulte, Drewnowski [9] a montré qu’une alimentation plus riche en saccharose était associée à un apport énergétique accru et à un score de variété plus élevé (ceci étant lié à l’âge), et Lewis [8] a montré qu’une consommation élevée de sucres ajoutés en g/kg était associée à des apports énergétiques plus élevés, à une réduction de l’apport lipidique et à une meilleure couverture des apports conseillés en micronutriments (mais pas pour la consommation exprimée en pourcentage). Discussion En première intention, les données épidémiologiques plaident pour une non-limitation des apports en saccharose si l’on considère la relation inverse qui existe entre apport en saccharose et IMC, risque de diabète ou d’athérosclérose. Il n’est pas non plus possible de définir un seuil audelà duquel cette relation inverse disparaît ou s’inverse. On est apparemment loin du saccharose diabolisé à l’origine de la saccharophobie avec la notion classique, mais totalement dépassée, de sucre rapide, mauvais aliment : il n’y a pas de mauvais aliment en nutrition. En réalité, tout dépend du contexte alimentaire, celui de l’aliment, celui de l’alimentation. De ce point de vue, il faut resituer certaines données épidémiologiques. La consommation élevée de saccharose serait surtout liée au plus jeune âge des sujets qui ont simultanément des apports énergétiques plus élevés et un poids plus bas. Encore faudrait-il l’expliquer par une activité physique accrue. Il semble également s’agir d’un style ou d’un mode alimentaire différent plus varié à certains égards, avec éventuellement une plus grande couverture de certains apports à la faveur d’apports énergétiques accrus. On peut également postuler que les plus petits consommateurs sont des personnes ayant réduit leurs apports pour surpoids ou pour diabète par exemple, ce qui bien sûr altère considérablement l’intérêt des études cas-témoins : cette hypothèse est bien supportée par le fait que les obèses sont fréquemment en sous-estimation, bien que celle-ci porte davantage sur les lipides. L’élimination des sous-estimateurs atténue ce biais. En réalité, une analyse plus fine de la consommation de saccharose doit faire intervenir des nuances importantes. L’association fréquente des glucides et des lipides dans les aliments gras peut bien sûr perturber la relation saccharose/pathologie d’un point de vue épidémiologique. En outre, sur le plan comportemental, la régulation de la prise alimentaire pour les aliments gras-sucrés aboutit à 1S36 un renforcement de la prise alimentaire [43] ; de même la régulation de la consommation de boissons sucrées est beaucoup moins bien contrôlée que celle d’aliments sucrés solides [44, 45]. Intervient donc ici un des aspects du contexte de l’aliment. Dans cette optique, l’index glycémique semble un marqueur discutable, car c’est plus l’index glycémique (et insulinémique) du repas qu’il faudrait considérer, tout en rappelant que l’hyperinsulinisme et l’insulino-résistance et la diminution du cholestérol HDL de l’obésité et du syndrome X sont surtout sous la dépendance de la localisation périviscérale des graisses abdominales [46, 47]. L’absence de lien défavorable dans les études épidémiologiques entre apport de saccharose et les pathologies considérées suggère bien sûr, comme pour le diabète et l’athérosclérose, que les lipides et/ou le rapport lipides/ glucides sont plus en cause [48] ; elle suggère aussi, en confirmant des notions connues, comme pour l’obésité, l’athérosclérose, les caries dentaires, qu’il s’agit de maladies multifactorielles, tant sur le plan physiopathologique que sur le plan des facteurs socio-économiques. Si l’on sait que l’obésité [49] et les caries dentaires [38] sont aujourd’hui surtout associées à un niveau socio-économique bas et que le coût du saccharose est bas, il faudrait cependant alors expliquer la relation inverse saccharose et pathologie observée : les analyses sous un angle économique manquent. Sur le plan nutritionnel cependant, si l’on considère la pauvreté de l’environnement nutritionnel du sucre et de certains aliments sucrés (boissons…), il faut cependant prôner une modération de la consommation des sucres, si ces aliments prennent la place d’autres aliments ayant une plus grande densité nutritionnelle. Mais la question est surtout de savoir s’ils s’ajoutent raisonnablement à une alimentation équilibrée, ce qui ne peut être encouragé que si l’activité physique le permet. Cependant, plaider en faveur d’une limitation des apports en saccharose pourrait, chez certains gros consommateurs, favoriser le passage à une addiction pour l’alcool, car il a été montré que dans ce cas il pouvait facilement y avoir passage de l’un à l’autre [50]. On voit à travers cette analyse que la nutrition, tout en nuance surtout pour l’homme sain, est incompatible avec des dogmes, surtout si ceux-ci ne reposent pas sur une argumentation justifiée par la complexité de la nutrition. 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Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert DISCUSSION Q – Monique ROMON Ce commentaire concerne la présentation de Jacques Delarue La lipogénèse de novo est un phénomène qui ne survient que si la consommation d’hydrates de carbone est élevée, et même dans ces conditions elle demeure un phénomène marginal : des apports de 300 à 400 g de glucides par jour ne conduisent pas à une lipogénèse supérieure à 3,3 g de graisse en alimentation isoénergétique. La réestérification des acides gras circulants par contre est un phénomène qui est vraisemblable, mais ne survient qu’en présence d’un excès d’acides gras libres. Chez le sujet normal, l’absorption de glucides entraîne une libération d’insuline qui inhibe la lipolyse et diminue l’arrivée d’AGL au foie. C’est donc chez les sujets obèses et insulino-résistants que ce phénomène peut survenir. R – J. DELARUE Oui, il y a toujours des acides gras libres circulants. Simplement, il en suffit de très peu pour qu’il y ait une réestérification. La lipogénèse de novo est stimulée, même avec des doses de 10 mg/kg de masse maigre, ce qui est considérablement inférieur, par exemple, aux doses d’1g/kg de fructose que nous avions données. Ce qui veut dire que cet effet stimulant de la lipogénèse intervient même avec des doses relativement modérées de fructose. Q – Pr Gabriel BLANCHER Monsieur le Président, ma question est destinée aux professeurs Delarue et Couet, sur l’effet de production, d’augmentation, des triglycérides après prise de saccharose. Le phénomène est-il variable avec l’âge et en particulier devient-il plus net chez le sujet plus âgé ? R – Jacques DELARUE Pour ma part, je n’ai pas la réponse à cette question. R – Charles COUET Pour ma part, non plus. Le point que je veux simplement ajouter, c’est que quelques éléments dans la littérature montrent qu’il y a des mécanismes possibles d’adaptation qui se mettent en place, qui viennent écrêter les phénomènes métaboliques qu’on observe souvent lorsqu’on est en situation de prise aiguë et importante. Mais est-ce que l’âge, en soi, intervient pour amplifier ou au contraire diminuer ces phénomènes d’adaptation, je ne suis pas en mesure de l’affirmer. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Q – Pr Gabriel BLANCHER Vous semblez penser plutôt à une sorte de mécanisme de régulation qui se détériorerait avec l’âge. C’est dans cet esprit là que je voulais savoir s’il y avait une modification. Vous dites que certains faits seraient plutôt en faveur de ça ? R – Charles COUET Je dis simplement que la prise chronique, à des doses qui dépassent largement le niveau de la consommation moyenne de la population, entraîne souvent des modifications métaboliques qu’on observe dans les premiers jours ou les premières semaines, en tout cas chez le rat. Il semble que ces modifications métaboliques s’estompent peu à peu avec la durée de la prise. Deuxième point, chez le rat toujours, il est très important, quand on analyse les études, de regarder l’âge du rat au moment où débute l’intervention nutritionnelle, qu’il s’agisse du saccharose ou de tout autre aliment/nutriment. Il semble que les modifications métaboliques sont beaucoup plus exacerbées lorsque l’intervention nutritionnelle débute très tôt par rapport à la maturation de l’animal. Chez les rats âgés de 18 mois, 28 mois, voire plus, la prise de saccharose en quantité importante a très peu d’effet. Je pense surtout à la régulation glycémique, pour les triglycérides, je ne sais pas. Commentaire – Ambroise MARTIN Dans l’étude que j’ai présentée, je ne suis pas sûr d’avoir toutes les réponses, il s’agissait de sujets jeunes de 20 à 30 ans, et il y avait une différence de 30 % sur les triglycérides à jeun alors qu’il y avait une différence de seulement 5 % sur l’apport glucidique de l’ensemble de la journée, donc une différence faible, mais sur une durée de 15 jours seulement ; là encore, si on avait poursuivi pendant 6 semaines, on ne sait pas ce qui se serait passé. Q – Charles COUET J’ai cru remarquer sur les graphes que les deux courbes se rejoignaient ? R – Ambroise MARTIN Elles se rejoignaient en postprandial, malheureusement pour des raisons pratiques, nous n’avons pas pu poursuivre l’étude au-delà de 17 heures. Q – Bernard MESSING J’ai noté que dans l’étude Val-de-Marne, la médiane de consommation de saccharose est autour de 30 g. Est-ce juste ? 1S39 Débat Benjamin Delessert R – Adam DREWNOWSKI C’est le chiffre, mais il est plus bas que dans les autres études. Q – Bernard MESSING Pour le quintile supérieur, la consommation était-elle bien en moyenne de 100 g/j ? R – Adam DREWNOWSKI Oui, c’est ça. Q – Bernard MESSING Dans l’étude de Reiser S. (1989) citée par Charles Couet, 30 % des calories sous forme de saccharose pour 2 000 calories par jour n’augmentaient pas les triglycérides, à l’inverse du fructose. On est donc proche des 100 g de saccharose du quintile supérieur de la population qui avait la plus forte consommation de l’étude Val-de-Marne. Après cette remarque, une question pour Jacques Delarue : tu nous a montré qu’il y a des études convainquantes sur liposynthèse de novo à partir de fructose, on le comprend très bien au plan métabolique ; tu as cité MacDonald et Kuo avec des études respectives de cinq jours et cinq semaines, c’est très démonstratif. Ma question est donc la suivante : dans ces études, a-t-on travaillé à doses pharmacologiques, ou sommes-nous proches des chiffres qu’on vient de discuter ? En d’autres termes, s’agit-il de plusieurs centaines de grammes de saccharose (ou de fructose) par jour ou de consommations observées dans les enquêtes, soit 30 à 100 g/24 heures ? R – Jacques DELARUE Dans ces études, celle de MacDonald est une étude faite avec des apports représentant 70 % des apports énergétiques. Clairement, on est très au-dessus des consommations moyennes habituellement observées. Dans l’étude de Kuo, les apports sont aussi très élevés. J’ai présenté ces études pour illustrer la spécificité du saccharose vis-à-vis du risque potentiel d’élévation des triglycérides. Maintenant, quand on regarde les résultats qui sont disponibles dans la littérature, si on s’écarte un petit peu des données physiopathologiques, qui étaient mon propos, il y a – et je l’ai montré d’ailleurs dans l’étude que nous avions faite – une extrême variabilité de la triglycéridémie, déjà à jeun, des sujets, même avec une diététique contrôlée. Cette variabilité s’accentue après la charge de fructose, ce qui témoigne d’une sensibilité assez différente des sujets à l’effet hypertriglycéridémiant du fructose. Avec des apports de 50-55 % de glucides, le risque d’hypertriglycéridémie lié au fructose s’observe essentiellement lorsque celui-ci est consommé sous forme liquide et seul, indépendamment d’autres aliments. C’est dans cette condition que les données physiopathologiques prennent toute leur signification et plaident pour une limitation des apports. Lorsque le saccharose est pris en association avec d’autres glucides, en particulier des glucides complexes, sur un apport total de 30 % pour les glucides, l’effet hyper-triglycéridémiant est nettement moins marqué. Ce qui ne veut pas dire que, chez un certain nombre de sujets, l’effet hypertriglycéridémiant n’existe pas. La variabilité de la réponse doit rendre prudent pour certains sujets qui peuvent développer une hypertriglycéridémie, même à apports de saccharose qui, en moyenne, n’apparaissent pas être responsables d’hypertriglycéridémie. 1S40 Q – Pr Louis-Gérald ALCINDOR Je voudrais faire une petite remarque. Nous parlons d’hypertriglycéridémie, mais nous n’avons pas donné, pour ces populations, la valeur considérée comme limite de la triglycéridémie normale. Ma question est la suivante : dans cette population, ou dans une population animale, soumise à un régime enrichi en saccharose, quelle est la triglycéridémie atteinte au bout d’un certain nombre de jours de traitement ? D’après moi, la différence n’est pas considérablement plus forte. R – Jean-Michel LECERF Il y a un autre aspect, au-delà de la quantité de triglycérides, c’est la composition des VLDL. Il faut faire très attention à la signification des VLDL en fonction du contexte physiopathologique. On sait que toutes les VLDL ne sont pas athérogènes de façon égale, et que celles qui le sont, ce sont celles qui surviennent par exemple dans le syndrome pluri-métabolique, où en fait, ce sont des VLDL qui sont à l’origine de LDL de petite taille et denses, parce qu’elles sont enrichies en acides gras provenant de la lipolyse intra-abdominale. On n’a pas actuellement d’étude qui permette de dire que les VLDL produites par une alimentation riche en sucre soient particulièrement athérogènes. On manque singulièrement de données sur cette questionlà. Je pense que le débat est largement ouvert, non seulement sur les quantités de triglycérides, mais aussi sur la signification des triglycérides. Commentaire – Jacques DELARUE Je voudrais faire un petit commentaire supplémentaire. Je crois qu’effectivement le débat reste relativement ouvert sur l’athérogénicité, similaire ou non, de l’hypertriglycéridémie liée au saccharose, ou d’origine endogène, notamment dans les situations de résistance à l’insuline. Cependant, la modification de la composition des triglycérides, qui est observée après les consommations relativement élevées de saccharose, ou chez certains sujets qui pourraient d’ailleurs avoir une lipogénèse plus importante que d’autres, se rapproche singulièrement de la composition des VLDL triglycérides observés dans les situations d’hypertriglycéridémie associée à la résistance à l’insuline. Ceci les rend quand même suspects de risque athérogène, même si ça n’est pas démonstré. Q – Pr Louis-Gérald ALCINDOR Je voudrais signaler tout de même qu’en pratique médicale courante, nous considérons l’hypertriglycéridémie comme débutant à 1,80 mmol. R – Jacques DELARUE Oui, mais la réponse dépend du seuil de départ. Certains sujets, qui ne sont pas loin de ce seuil, ont un apport de saccharose un peu excessif qui va faire franchir ce seuil. D’autres sujets, qui ont une triglycéridémie de départ moins élevée, ne franchiront pas forcément ce seuil. Q – Bernard MESSING Pour rester sur le commentaire à la question précédente, combien le panel estime-t-il qu’une variation de poids chez un sujet à risque – indépendamment de l’index absolu de masse corporelle – peut-elle modifier le niveau des lipoprotéines, notamment diminuer les LDL (et ne parlons pas des HDL) ? Quelle est la variation de poids en terme de delta de poids qui peut être significative pour diminuer les LDL au cours d’un régime ? A-t-on un chiffre à conseiller aux patients ? Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert R – Jean-Michel LECERF Effectivement, c’est très important de parler de poids, puisque le facteur le plus important dans l’hypertriglycéridémie, c’est le poids des individus. Mais là, il y a un effet seuil qui est variable selon les personnes. On retombe sur cette notion de susceptibilité individuelle. Il faudrait quand même faire le lien entre les études épidémiologiques et les études cliniques. Quand on regarde les pays en voie de développement où la ration glucidique peut atteindre effectivement 70 % des apports énergétiques totaux, on peut certes observer une hypertriglycéridémie très légère, mais on a un très faible risque cardio-vasculaire. D’autre part, quand on regarde les populations végétariennes par exemple, qui ont une alimentation très riche en glucides également, il faut remarquer qu’elles ont un cholestérol HDL bas, et pourtant un risque cardio-vasculaire diminué. Donc, en réalité, les glucides ne sont sans doute pas impliqués dans toutes ces pathologies coronariennes, mais peut-on considérer le saccharose à part, at-il des effets spécifiques ? Je crois qu’il y a vraiment un problème de susceptibilité. Q – Bernard MESSING Et le delta de poids ? R – Jean-Michel LECERF Cela dépend des individus. Commentaire – Adam DREWNOWSKI Nous avons achevé une étude clinique sur 400 patients ayant perdu entre 5 et 7 % de leur poids corporel. Il y avait des effets significatifs sur le profil des lipides en ce qui concerne l’ensemble des individus, mais au niveau individuel, la relation était assez faible. Commentaire – Charles COUET L’étude de Surwitt et Coll. (1997) a comparé deux groupes en régime amaigrissant avec ou sans saccharose. La perte de poids était en six semaines de l’ordre de 8 kg dans les 2 groupes, et il y avait une diminution de 30 à 40 % des teneurs en triglycérides, y compris dans le groupe saccharose. Tous les paramètres biologiques allaient à la baisse. Commentaire - Bernard MESSING Je m’attendais à ce que vous répondiez autour de 5 % de variation de poids, et je crois que ce degré de variation est très important en santé publique, et ce quel que soit le sens de la variation. Je pense qu’il faut tirer la sonnette d’alarme chez un individu adulte, quel que soit son âge, s’il présente une prise de poids à partir de 5 % de son poids usuel, et nous savons que ce degré de variation est très insidieux. Par exemple, dans un magnifique papier paru récemment dans le N. Engl. J. Med., il a été montré que l’inactivité liée aux vacances, par périodes de 15 jours, contribue au fait qu’un Américain devienne obèse en une ou plusieurs décennies, car il gagne pendant ces vacances 2 à 3 kg. Ainsi, dans une enquête récente que nous avons menée, et qui sera bientôt publié dans les Cahiers de Nutrition et de Diététique, les patients hospitalisés ne sont, dans la grande majorité des cas, ni pesés ni toisés, et pourtant 25 % d’entre eux sont dénutris ou à risque de dénutrition et 30 % d’entre eux ont un Indice de Masse Corporelle (poids (kg)/taille (m2) (IMC) supérieur à 27. Il est donc important d’attirer leur attention par une notation systématique de l’IMC. C’est le message que je voulais donner, quel que soit le sens de la variation de poids : 5 % est un chiffre important à indiquer en santé publique. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 En effet, au-delà de ce chiffre, l’intervention nutritionnelle devient plus lourde, plus longue, plus contraignante et souvent moins efficace. Commentaire – Jean-Michel LECERF Un dernier commentaire sur triglycérides et poids, puisque c’est quand même la question. Une étude a été faite il y a quelques années, chez des patients hypertriglycéridémiques, soumis à un régime légèrement hypocalorique, hypolipidique et hyperglucidique. Ces patients avaient, au début de ce régime, des triglycérides qui se maintenaient à un niveau élevé. Puis, à partir du moment où le poids commençait à baisser, grâce à cette diététique hypolipidique, hyperglucidique, les triglycérides se normalisaient. Ce qui paraît quand même montrer que le poids est sans doute l’élément le plus important et non pas la nature même des nutriments. Q – Dr Francis BORNET Nous avons été plusieurs à mentionner le besoin d’avoir des données sur l’activité physique, parce qu’on a parlé de la relation entre poids et consommation de glucides en fonction de l’âge. On voit que les enfants, finalement, consomment beaucoup de glucides. Il est évident que, rapportée au kilo de poids, l’activité physique est probablement plus importante pour un enfant que pour une personne âgée. Or, aucun de vous ne rapporte, dans les études épidémiologiques, ces données d’activité physique. Ma question est la suivante : dans le cadre de l’étude INCA, qui a suivi celle de l’ASPCC, il y a eu tentative de mesurer l’activité physique. Avez-vous les résultats préliminaires de ces études ? R – Serge HERCBERG Il va falloir attendre, mais je pense qu’il y a des choses qui se préparent, puisqu’on dit que dans l’étude INCA, un questionnaire d’activité physique a été utilisé. Dans l’étude SUVIMAX, nous avons également développé, avec Jean-Michel Oppert, un questionnaire de mesure d’activité physique qui a d’abord été validé pour être applicable à une population. On commence donc à avoir des données sur le niveau d’activité physique, qui pourront bientôt être croisées avec des données nutritionnelles. Je profite de l’opportunité d’avoir le micro simplement pour revenir sur un des arguments qui a été mis en avant par un des avocats de la défense, avec beaucoup de nuances et je crois de réserve, mais qui est souvent mis en avant dans le fait que l’on considère que, dans la relation obésité/saccharose, on retrouve une corrélation négative. Je crois qu’il faut être extrêmement prudent lorsqu’on utilise les données épidémiologiques d’observation, car on sait qu’en étude transversale, il est difficile de savoir dans quel sens se font les choses. Est-ce que le saccharose est un facteur protecteur vis-à-vis de l’obésité ou est-ce que c’est parce que l’on est obèse ou corpulent qu’on se restreint sur le plan de la consommation de saccharose ? Il faut être extrêmement prudent dans l’interprétation de ces données : c’est plus dans des données longitudinales où sont recueillis les apports alimentaires, qu’on peut espérer trouver le salut, en regardant l’effet des variations de poids qui peuvent être observées au niveau de populations, en positif ou en négatif, et regarder le lien avec l’apport de saccharose. Commentaire – Jean-Michel LECERF Je crois qu’il faut vraiment être prudent, il faut absolument apporter des nuances, comme tu viens de le faire très jus1S41 Débat Benjamin Delessert tement. Ceci étant, deux grandes études, comme l’étude de Blundell et l’étude ASPCC, ont exclu les sous-évaluateurs qui sont en général les gens qui se restreignent (bien qu’actuellement les gens se restreignent plus en lipides, ou en tout cas vont moins sous-évaluer les glucides que les lipides). Il est clair que les sujets se restreignent sans doute, ce qui explique pourquoi, dans le cadre des sujets à plus haut indice de masse corporelle, on a ces résultats. Toutefois, quand on regarde ceux qui ont un indice de masse corporelle en dessous de 30, on retrouve quand même l’élément relativement protecteur d’une consommation élevée de saccharose. Je voudrais revenir à cette question de l’activité physique, parce qu’elle me semble vraiment absolument clé. Il est vraisemblable que les gens qui sont les plus grands consommateurs de glucides (et peut-être de saccharose) sont des sujets qui ont une activité physique plus importante. Ce sont aussi les plus jeunes. Nous venons de terminer un travail qui a montré, chez des jeunes, que lorsqu’on faisait les quintiles d’apport énergétique, au plus les apports énergétiques étaient élevés, au moins le poids augmentait. Au plus, les apports énergétiques étaient élevés, au plus la consommation de pain notamment, et de glucides également, était élevée. Les gros consommateurs de glucides avaient donc des gros apports énergétiques et avaient un poids qui n’était pas plus élevé. Tout particulièrement, ces sujets gros consommateurs de glucides et d’énergie étaient ceux qui avaient bien sûr un poids identique aux autres, voire inférieur, mais le plus d’activité physique. Donc finalement, c’est sans doute un effet indirect. Commentaire – Adam DREWNOWSKI J’ai moi aussi un petit commentaire à faire. Les études de Bolton-Smith et de Blundell étaient des études transversales, où les sujets n’ont jamais été divisés par tranche d’âge ; or, il y a quand même des écarts assez importants par tranche d’âge. Alors, les études de Bolton-Smith ont été interprétées ainsi : la consommation de saccharose fait maigrir : plus on en mange, plus on est mince ! Je propose une autre interprétation, alternative. La consommation de saccharose rajeunit : plus on en consomme, plus on est jeune ! Commentaire – Ambroise MARTIN Oui, d’ailleurs ce qui m’a frappé dans l’ensemble des quatre présentations, c’est que finalement, aussi bien « pour la limitation », on n’était pas de farouches limitateurs de tout. Et ceux qui étaient « contre la limitation », finalement là aussi, n’étaient pas pour un libéralisme excessif. Dans les deux premières conférences, on a eu l’impression que c’étaient plutôt certaines catégories d’aliments, voire certains modes de consommation ou certains horaires de consommation qui étaient plus en cause, compte tenu de la nature des produits. Dans la deuxième partie, on a eu l’impression qu’on relativisait plutôt en disant : attention, il faut tenir compte énormément du contexte, des liens avec les lipides et des modes de consommation. Finalement, la conclusion que j’en tire à ce niveau-là, c’est qu’on a peut-être un faux débat quand on travaille uniquement sur les nutriments, et que l’approche plus complexe sur les aliments, sur les rythmes de consommation, etc., pourrait être, à terme, plus fructueuse que l’approche nutriment par nutriment, plus documentée scientifiquement à l’heure actuelle, mais pas évidente, quand on se trouve confronté – comme on l’a été – à la question de 1S42 savoir comment passer de nos nutriments (où on ne sait parfois pas quoi dire, ce qui était le cas pour les glucides), à des aliments (où on sait encore moins quoi dire) ! Q – Dr Didier CHAPELOT Je voulais dire simplement que l’aspect physiopathologique et l’aspect épidémiologique amènent un certain nombre d’interrogations. Mais le problème est surtout qu’on manque de données physiologiques et de recherche expérimentale pour comprendre les mécanismes. En particulier, quel est le devenir des nutriments, leur utilisation, et là on rejoint l’exercice physique. Un aspect qui est malheureusement méconnu, et j’y tiens parce que je travaille dans ce domaine depuis un certain temps, c’est celui de la physiologie du comportement alimentaire. C’est-à-dire que l’ingestion des lipides ou des glucides entraîne des conséquences sur le comportement spontané, sur le rythme des repas, sur le choix des aliments, sur l’apport énergétique, sur l’utilisation aussi de ce qui a été consommé pendant la période de repos, donc pendant la période d’oxydation des lipides pendant la nuit. Cela est vraiment de la physiologie et pourrait permettre, probablement, de résoudre un certain nombre d’énigmes. En tout cas, je ne partage pas du tout le point de vue que les glucides, et même le saccharose, seraient délétères. Je pense que la période de consommation est importante à considérer : une boisson sucrée n’aura pas les mêmes conséquences en terme d’insulino-sécrétion, selon qu’elle sera prise au milieu de l’après-midi, en milieu ou en fin de repas, et cela alors que nous sommes pourtant en présence du même nutriment. R – Ambroise MARTIN Je crois que nous sommes nombreux à être d’accord sur cette approche de physiologie intégrative, qui est une science qui a failli disparaître avec l’irruption d’un certain nombre de techniques analytiques très puissantes, mais qu’il va bien falloir réinventer quand on ira de plus en plus dans le post-génome. Dans tous les cas, pour les nutritionnistes, je pense que c’est une nécessité impérieuse. Q – Dr Maurice ARNAUD J’ai été très intéressé par l’exposé d’Adam Drewnowski, tout particulièrement quand il a dit que des mesures étaient prises pour interdire, dans les écoles, les boissons sucrées énergétiques. Je ne sais pas si c’est en application actuellement aux Etats-Unis, mais ce type de mesure était déjà « poussé » par le bureau de la FDA, il y a 5 ou 6 ans aux Philippines, et a été appliqué. Cette mesure est actuellement aussi appliquée au Pakistan. Or, dans ces pays, ils se sont aperçus que, chez les enfants et les adolescents, comme chez les adultes, ce qui est interdit est un très grand stimulant à la consommation. L’obésité ne régresse pas aux Philippines, au contraire, elle augmente. J’ai donc très peur si ces mesures-là sont effectivement appliquées aux Etats-Unis. R – Adam DREWNOWSKI Les petites phrases que j’ai mentionnées et dont vous parlez sont tirées d’un rapport français, et non d’un rapport américain. Il est exact que cela fait quelques années déjà qu’on tente d’interdire ce type de boissons aux Philippines et à Singapour : ça ne marche pas. C’est une question de coût : il s’agit de boissons vraiment bon marché. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 Débat Benjamin Delessert Commentaire – Serge HERCBERG Je vais peut-être essayer de répondre en ce qui concerne le rapport du Haut Comité de Santé Publique. D’abord il ne s’agit pas d’interdire les boissons sucrées, il s’agit qu’elles ne soient pas présentes dans le cadre des enceintes d’un système éducatif, ce qui est une chose très différente. Il ne s’agit pas d’une mesure isolée, mais d’une mesure qui rentre dans le cadre d’un certain nombre de propositions, touchant à la formation, l’information, l’éducation, afin de faire passer quelques informations et conseils à l’intérieur de l’école. Il ne s’agit pas de diaboliser un aliment ou un nutriment donné. Il serait très difficile de trouver une pertinence et une justification à l’impossibilité d’accès à de l’eau fraîche (situation quotidiennement rencontrée par les enfants dans les écoles et les collèges) alors que l’accès aux boissons sucrées ou aux produits sucrés existe. Mais ça n’est pas l’exclusion ou l’interdit de la consommation des boissons sucrées. Commentaire – Jean-Michel LECERF Je voudrais compléter ce point de vue par des études qui ont été faites sur les enfants obèses. Il faut bien distinguer effectivement deux aspects : interdire et ne pas mettre à disposition, c’est radicalement différent. Quand on prend des enfants obèses, qu’on les soumet à un interdit, et qu’ensuite on leur laisse à disposition les aliments qui ont été nommément interdits, il y a effectivement une surconsommation. Par contre, quand on prend des enfants obèses et qu’on modifie la disponibilité alimentaire sans les prévenir, en diminuant simplement les quantités d’aliments disponibles, on peut obtenir une perte de poids. Donc, ces deux approches sont très différentes, il faut bien les distinguer, car elles n’ont pas le même effet. Commentaire – Adam DREWNOWSKI Ce qu’il est intéressant de noter, c’est qu’aux Etats-Unis, il y a quelques années, on aurait donné aux enfants obèses de la leptine ou bien des comprimés de Xénical ou autre chose de ce type, mais, actuellement, ce sont des mesures tout à fait comportementales qui sont envisagées, puisque ici on parle de changer les comportements alimentaires, les habitudes alimentaires. C’est une nouvelle approche, ça c’est bien, c’est une approche santé publique plutôt qu’une approche médicale, médicalisée. Q – Dr Francis BORNET Vous allez dire que je parle complètement d’autre chose..., mais je reviens aux remarques d’Adam Drewnowski concernant les consommations de sirop de glucose à haute teneur en fructose aux Etats-Unis. Au niveau européen, on discute régulièrement de la politique des quotas, avec une idée, c’est que les quotas vont peut-être disparaître un jour. Les positions prises récemment au niveau français pourraient être effectivement une incitation politique forte à diminuer les quotas. Mais si on regarde de plus près cette mesure, elle pourrait en fait avoir deux conséquences, la baisse du prix du sucre (car le cours mondial du sucre est nettement moins élevé que le cours européen, qui lui est soumis à des quotas) et une augmentation de la production de sirops de glucose à haute teneur en fructose. Or, ces deux conséquences, issues d’une mesure économique, risquent d’avoir des répercussions importantes au plan nutritionnel puisqu’on va avoir encore une réduction du prix du sucre et une augmentation de la consommation de fructose. Je pense donc qu’il faut être très prudent dans ce type d’approche. Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001 R – Adam DREWNOWSKI Tout à fait. Mais l’obésité est un problème médical, mais aussi politique et économique. Il s’agit d’une grande épidémie maintenant dans le monde, pas seulement aux Etats-Unis. Q - Dr Francis BORNET Ce que je veux dire, c’est qu’en terme de choix stratégique que peuvent être amenés à prendre certains pays européens, les conséquences peuvent être, par exemple, comme vous le notiez, une augmentation de la consommation de fructose et une facilitation d’incorporation du saccharose. R – Adam DREWNOWSKI Aux Etats-Unis, on a déjà proposé des impôts, des taxes. Ça ne va jamais passer, puisqu’il n’y a aucun moyen d’augmenter le prix de l’alimentation. Ça n’a pas marché pour l’essence, ça ne marchera pas pour l’alimentation. R – Ambroise MARTIN C’est un besoin basal qui doit être satisfait au moindre coût. En ce qui concerne la France, le rapport du Haut Comité de Santé Publique a commencé par les propositions concernant ce type de mesures en se disant : il faut bien commencer à les faire. Seront-elles prises en compte ? C’est une autre histoire. On le verra peut-être lors de la résolution qui sera votée théoriquement au mois de décembre 2000 par les ministres de la Santé des 15 pays de l’Europe. Vont-ils réellement, dans cette résolution, proposer d’introduire la prise en compte de la nutrition, quand c’est opportun ou pertinent dans l’ensemble des mesures, qu’elles soient agricoles, fiscales ou autre, ou ne voudront-ils pas le faire ? Ça serait un signal fort. Toujours est-il que ça n’est pas encore dans leur optique, puisque, lors de l’analyse d’impact remise au Premier ministre (lors de la proposition d’utiliser la nutrition comme thème préférentiel pour la France, lors de sa présidence de l’Union européenne), toutes les conséquences sur les filières économiques, par exemple les conséquences relatives à l’emploi dans certains secteurs, étaient traitées par une phrase lapidaire : « paragraphe sans objet ». Il y a encore du chemin à faire, conceptuellement, pour que ces dimensions soient prises en compte. R – Serge HERCBERG Quoique tout de même dans la résolution, puisqu’elle est aujourd’hui publique, elle est déjà au moins lisible, si elle n’est pas signée elle est proposée, il apparaît clairement que la dimension nutritionnelle doit être intégrée dans le choix de l’ensemble des politiques européennes, agricoles entre autres, économiques, etc. Donc, ça figure directement dans la résolution que devraient signer les ministres. Est-ce que ce sera suivi d’application, c’est un autre point, mais c’est déjà une première étape de franchie, de voir des ministres de la Santé proposer d’intégrer la nutrition dans l’ensemble des politiques de l’Europe. Q. – Dr Jean-Michel OPPERT Ma question est pour Charles Couet. Pour revenir à la question de la « limitation ou de la non-limitation », elle est un peu en liaison avec l’activité physique, tu as montré des données métaboliques dans des situations où on donnait un excès d’apport, où il y avait une suralimentation je crois. Tu avais des excès d’apport de 50 %. Estce que justement, les arguments pour ou contre une limitation ne doivent pas prendre en compte le fait 1S43 Débat Benjamin Delessert qu’on est dans le cadre des besoins ou qu’on dépasse ces besoins ? Je pense que les effets métaboliques des substrats ne seront pas les mêmes. R – Charles COUET Complètement. La néo-lipogénèse est d’autant plus stimulée par la prise de glucides simples que cette prise se déroule en situation d’excédent énergétique. En présence d’une restriction des apports énergétiques et lorsqu’il s’agit d’une substitution iso-calorique saccharose/glucides complexes, l’effet observé sur le poids correspond à l’effet attendu (diminution), et la courbe pondérale est superposée, que les glucides viennent de l’amidon ou du saccharose. En situation d’excès calorique, la prise de glucides simples procure aussi l’effet attendu, c’est-à-dire une positivité de la balance énergétique et de la balance lipidique. L’intérêt de l’étude menée sur quatre jours par McDewitt et Coll. (2000) est de montrer que, quelle que soit la nature chimique du glucide qui constitue la suralimentation, on observe le même effet positif sur les balances énergétique et lipidique. L’effet n’est donc pas propre au saccharose, mais relève plus du déséquilibre énergétique. Commentaire – Bernard MESSING Charles, pour prolonger cette discussion, il me semble qu’il y a eu des études, dont celles de Jequier je crois, qui ont bien montré que la balance énergétique était, en situation de suralimentation, plus importante avec un excès de consommation lipidique par rapport à un excès (caloriquement identique) de consommation glucidique, quel que soit le glucide. La prise de poids initiale est en partie expliquée par l’augmentation du glycogène. Ça n’est qu’après le quatrième jour que l’oxydation des glucides est adaptable et augmente, alors que l’oxydation des lipides ne s’adaptait pas dans ces études. Voilà pour moi le message que j’ai retenu sur ces quelques papiers antérieurs. R – Charles COUET La capacité d’oxydation des glucides s’adapte dans des délais plus rapides que quatre jours. La moindre augmentation de la prise de glucides s’accompagne d’une élévation de l’oxydation. Il est possible que je ne saisisse pas le sens de ta question... Commentaire – Bernard MESSING Ce que je veux dire, c’est que, puisqu’il y a augmentation de l’oxydation des glucides, il apparaît une différence significative dans le bilan énergétique au-delà du quatrième jour, nette à partir du septième jour si ma mémoire ne me trompe pas. Et initialement, il y a surtout une augmentation significative du glycogène dans le groupe en surconsommation glucidique par rapport au groupe surconsommation lipidique. En l’absence d’adaptation énergétique dans le groupe lipidique, la balance énergétique nette, selon l’étude de Jequier, était nettement plus importante en alimentation hyperlipidique, où il y avait 500 calories d’apport supplémentaire dans les deux groupes, et donc le bilan énergétique net devenait plus important sous supplément « lipides » que sous supplément « glucides », quels qu’ils soient. Charles COUET Ah, il y en a un peu quand même... Bernard MESSING Ce que je veux dire, c’est la conséquence clinique. Charles COUET C’est pour ça que j’ai dit quatre jours parce que si on regarde dans le détail, effectivement, on peut se demander si on poursuit, si les groupes ne vont pas se séparer. Bernard MESSING Quand ça a été poursuivi, ça l’a été me semble-t-il… Charles COUET Mais c’est dix jours. C’est deux fois plus que quatre ! Bernard MESSING Oui, on entre justement dans la période où on voit la différence. Commentaire – Monique ROMON Dans les études de suralimentation, il faut distinguer deux types d’étude : une suralimentation à un niveau énergétique fixé. Dans le cas où, la balance énergétique étant positive, il y a augmentation de la masse grasse, mais elle est essentiellement liée au stockage des graisses ingérées, le surplus de glucides est lui oxydé. Dans le deuxième type d’étude qui s’intéresse à la régulation du comportement alimentaire, seule la répartition des macro-nutriments est fixée, les quantités consommées sont libres. Dans ce cas, on observe que les sujets ont tendance à augmenter spontanément l’apport énergétique lorsque la proportion des lipides est élevée, et ce phénomène est en partie lié à la densité énergétique élevée des lipides. Commentaire – Jean-Michel LECERF Le problème, c’est effectivement que les glucides, a priori, ont moins tendance à entraîner un stockage des lipides, ils vont être oxydés. Ils peuvent quand même augmenter la balance énergétique, donc finalement entraîner un stockage des lipides consommés. On doit donc considérer la nutrition dans son ensemble, bien sûr par rapport aux dépenses, mais aussi par rapport à la ration lipidique, et au fait qu’on ne mange pas les glucides seuls, mais avec des lipides. Tout est là en fait. A mon avis, deux problèmes se posent : premièrement les glucides, on ne les mange pas seuls, mais avec les lipides (et c’est ça le vrai problème), sauf dans les boissons. Le deuxième problème, posé par les boissons sucrées, vient du fait que la régulation du comportement alimentaire n’est pas la même pour les liquides que pour les solides sucrés. Donc il y a deux vrais problèmes : les aliments glucidiques gras et sucrés et la prise de boissons sucrées. Je pense que s’il y a des recommandations à donner, il faut tenir compte de ces aspects. Charles COUET Moins d’adaptation sur les lipides que sur les glucides ? Bernard MESSING Pratiquement pas. 1S44 Cah. Nutr. Diét., 36, cahier 2, 2001