UNE SUITE ROYALE

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UNE SUITE ROYALE
E-AASMODELIN
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SOFTWARE niveau : amateur, confirmé, pro, studio
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UNE SUITE ROYALE
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suite d’instruments virtuels
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MODELING COLLECTION
Cédant aux sirènes du marketing, AAS produit un bundle regroupant
l’ensemble de son offre logicielle à base de modélisation. De quoi
aller de l’acoustique à l’électronique en passant par l’électrique.
Vous ave dit offre intégrale ?
Que les forts en thème
« modélisation physique »
lèvent la main ! Et Applied Acoustics
Sytems naquit en explorant, avant
beaucoup d’autres, les voies impénétrables (pas tant que cela, la
preuve !) de la modélisation physique. On connaît surtout Tassman,
qui offre une approche semi-modulaire assez passionnante. Cela dit,
nous devons distinguer deux grandes familles d’instruments réels
ou virtuels à base de modélisation :
celle des synthétiseurs (analogiques de préférence) et les autres !
Entendez par là les instruments
acoustiques. C’est souvent là que le
bât blesse, ne serait-ce que parce
que dès que l’intervention de
l’homme dépasse le stade
d’appuyer sur des touches d’un clavier type piano, tout se complique !
En simplifiant les choses, nous
pourrions dire que ce qui est complexe à modéliser, ce n’est pas tant
Caractéristiques
AAS (Applied
Acoustics Systems)
Produit : Modeling Collection
(String Studio VS-1, Tassman 4,
Lounge Lizard EP-3, Ultra
Analog VA-1)
Type : suite d’instruments
virtuels
Distributeur : TSC
Sites : www.applied-acoustics.com,
www.pluginmaniacs.com
Prix TTC : 499 €
Fabricant :
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l’instrument lui-même que l’action
de l’instrumentiste et les incidences
que cela implique envers l’instrument. C’est une des raisons qui ont
poussé un des labos de recherche
de l’Ircam (acoustique instrumentale) à créer une bouche artificielle
pour les instruments à vent, par
exemple. Il est par principe plus
simple de créer des synthétiseurs
qui, dès l’origine, réagissaient à un
clavier tempéré. Cela n’empêche
pas d’être pertinent dans l’approche car il y a synthétiseur et synthétiseur… Autant le dire tout de
suite, le Tassman 4 et l’Ultra Analog
se situent dans le haut de gamme
de ce qu’on peut produire en la
matière !
STRING STUDIO VS-1
Les timbres de cordes pincées ne
sont pas les plus difficiles à modéliser. Cependant, l’interface jouera
un rôle prépondérant dans l’approche que l’utilisateur aura vis-à-vis
de ces familles de sons. String
Studio (figure 1) s’attaque aux
cordes de guitare et présente une
interface simple et ergonomique.
Mais ici aussi, l’interaction avec
l’instrumentiste est primordiale
et c’est la raison pour laquelle
AAS a décidé de proposer plusieurs modes de jeu et d’attaques
de cordes.
Et comme nous sommes dans le
monde virtuel, pourquoi ne pas
étendre le mode de jeu à d’autres
instruments à cordes ? Archets,
marteaux, doigts, plectres pour ne
citer qu’eux, permettent donc à
l’utilisateur de jouer comme, ou à
la manière de… Le spectre des timbres possibles devient donc beaucoup plus étendu et il s’agira de
bien comprendre que String Studio
va bien au-delà des simples guitares, jugez plutôt : basses, harpes,
clavinet, les instruments sollicités
par un archet, des modes percussifs, etc. Dans l’ensemble les sons
les plus réussis restent ceux de guitares avec une mention spéciale
pour les cordes nylon. Les électriques se réfugiant derrière une
distorsion un peu trop numérique
sont moins expressives. Nous
avons aussi noté une très jolie harpe qui peut dépanner en certaines
circonstances.
En réalité, quand on élabore un timbre avec VS-1, il suffit, pour
commencer, de choisir le corps de
l’instrument (Body), comme, par
exemple, un piano, une guitare, un
violon. Ensuite, il conviendra de
déterminer le type et le matériau de
frappe et les caractéristiques des
cordes, leur mode de fixation, leur
sensibilité, etc. Les réglages sont
bien pensés et le mode Compare
bien utile.
On regrettera, comme pour les
autres outils de cette suite logicielle, l’absence de déclenchement
propre à chaque instrument. Il n’y
a pas de clavier MIDI virtuel et seule la connexion d’un périphérique
ou l’ajout d’un utilitaire comme
MIDI Keys sur Mac vous permettront de travailler en mode noma-
de. Sont présentes d’autres présélections, plus ésotériques, mais
qui ne manquent pas de charme car
ces textures à base de cordes sont
assez originales dès lors qu’on leur
offre une autre destination que
celle préconçue. Les vibrato, portamento et legato agrémentent les
modes de jeu. Pour compléter
cette palette, quelques effets sont
présents : Distorsion, Réverbération,
Délai, Chorus. Le MIDI learn, paramétrage indispensable pour tout
contrôleur externe et n’a pas été
oublié, tant mieux !
TASSMAN 4
Un des gros avantages du
Tassman, c’est évidemment son
côté modulaire. Mais profitant de la
structure logicielle plus souple que
le classique hardware, Tassman 4
(figure 2) va plus loin que le principe du synthétiseur analogique tel
qu’on le conçoit habituellement. Ici,
on a accès aussi à des modules
acoustiques. Bien entendu, et comme évoqué plus haut, la modélisation est au cœur du moteur de cet
instrument. On peut utiliser des
générateurs et des résonateurs et
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travailler avec les quelque 50 synthétiseurs proposés et le millier de
présélections. À l’écoute de l’ensemble de ces timbres, on distingue clairement la couleur sonore
du Tassman.
On regrettera l’utilisation parfois
massive du module de réverbération. Non pas qu’il ne soit pas de
qualité, bien au contraire, mais justement, il fausse l’écoute précise
des timbres, trop dilués. Dommage
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qu’on n’y retrouve pas, comme sur
l’Ultra Analog un mode Bypass. Le
même constat s’applique aux effets
de délais, spécialement sur des
séquences. Et oui, le Tassman est
équipé d’un module séquenceur
pas à pas (16 pas). On ne détaillera
pas à nouveau tous les modules qui
constituent l’armature du Tassman,
un simple coup d’œil au schéma
(figure 3) peut vous donner une
indication précise du potentiel de
ce synthétiseur.
Ajoutons à cela, la polyphonie (de
2 à 32 voix), la capacité à gérer plusieurs ports MIDI virtuels simultanément, l’automation MIDI possible et une compatibilité logicielle
et hardware tous azimuts et on
comprendra aisément l’étendue de
ce synthétiseur puissant. D’ailleurs
le simple fait que le nombre de
module par patch soit illimité donne la mesure ! Certes, il faudra une
UC ou un laptop puissants pour le
laisser s’exprimer mais on aurait
tort de s’en priver !
L’enregistreur audio interne permet
aussi des choses intéressantes,
comme s’enregistrer à la volée.
Nous avons noté une grande souplesse dans la création de patches
avec un simple glisser/déposer des
modules qui nous intéressent !
C’est de loin le plus intéressant de
l’offre de AAS, à la fois par ses
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MODELING COLLECTION - SOFTWARE
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capacités, mais aussi par le simple
fait qu’il remplace potentiellement
des outils vintage (ou pas) assez
coûteux. L’ergonomie, bien pensée,
et le calcul des sons en 32 bits
floating lui assurent une longueur
d’avance sur pas mal d’autres
modèles. Enfin, la compatibilité
avec les interfaces audio du marché
en haute résolution (24 bits/
192 kHz), lui ouvre les portes des
configurations professionnelles.
LOUNGE LIZARD EP-3
Rien de très original dans ce logiciel de modélisation des timbres
de pianos électriques des seventies. Cependant, parce que c’est
assez tendance et aussi parce que
ce n’est pas si simple de trouver les
vrais modèles en bon état, il est
intéressant de se pencher sur le cas
du Lounge Lizard (figure 4). On
n’ira pas crier sur les toits que le
son est original, car vu le nombre
d’enregistrements discographiques qui, depuis une trentaine
d’années, ont crédité les Rhodes,
Wurlitzer et autres modèles du
même acabit, on finirait presque
par se lasser.
Cela dit, il est évident que la modélisation est la seule voie possible
pour atteindre un réalisme quelconque. Ces instruments, on le sait
depuis longtemps, ne peuvent se
contenter d’un polaroid échantillonné. Tout, ou presque, est dans
l’expression du timbre, passée la
première seconde d’identification
du son. On trouve donc naturellement la base des effets classiques
de l’époque répartie en 3 modules
distincts : Effet A, B et Réverb.
Dans les deux premiers on aura
accès à une liste d’effets identiques, allant du phaser au chorus
en passant par vibrato, ping pong,
delai, etc. Le module de réverbération propose des espaces variant
de small room à large hall, club
(avec variante brillante), hall, etc.
En prime, on a droit à un micro
tuning en plus de la transposition
standard (octave et demi-ton),
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un égaliseur à 3 bandes, un trémolo, etc.
Une fois encore, un enregistreur
permet de réaliser une prise à
la volée. Cet instrument, à la fois
simple et performant, permet de
retrouver toute l’ambiance de
l’époque mais aussi des textures
plus avant-gardistes, grâce à
quelques paramètres autorisant le
débridage de la modélisation. Seul
bémol, il faudrait presque jouer
sur un clavier aussi dur que ceux
d’origine, car sur un clavier de
contrôle standard, cela reste un peu
fade. Pour avoir changé en cours
d’essai pour un clavier semi-lourd,
la différence a été significative.
Comme quoi, le clavier de contrôle
n’est jamais neutre dans l’expression des timbres qu’il contrôle.
ULTRA ANALOG VA-1
Dernier test de la série, il a pourtant été essayé parallèlement à
Tassman 4, pour comprendre ce
qui distingue les deux approches.
Nous sommes toujours face à la
modélisation et il semble qu’ici, ce
sont différents paramètres issus de
plusieurs synthétiseurs analogiques marquants qui ont servi de
base à cette modélisation. Encore
une fois, il y a le timbre et, surtout,
l’expression et l’évolution de celuici dans le temps et vis-à-vis de l’interprétation. Vous comprendrez
qu’on est bien loin du sampling de
base ! Cette similitude dans la technologie mise en œuvre offre certes
quelques points communs avec
Tassman, mais, d’une certaine
façon, la présentation des modules
de synthèse l’éloigne bien des
modulaires et s’apparente plus à
des super Juno, Matrix, etc. Le son,
une fois de plus, est étonnant, et
une fois désactivés les effets de
réverbération (décidément !) grâce
à une fonction Bypass (merci !), on
retrouve toute la magie des synthétiseurs de la fin des années 70,
début 80. Hormis le look un peu
triste, l’Ultra Analog (figure 5) remplit pleinement son rôle et une fois
assignés les paramètres à une
remote de circonstance via le MIDI
Learn (touche ctrl+clic sur le paramètre), on tirera toute la quintessence de chaque module. Notons
enfin que les présélections sont
particulièrement réussies et que,
grâce à l’arborescence classique
mais efficace, on peut déjà utiliser
cet instrument en production ou en
live avant même d’y mettre sa touche personnelle.
CONCLUSION
Ce type de Bundle nous permet de
faire le point sur une marque et une
offre données. AAS, dont la réputation va grandissante, ne manque
pas d’étonner. Chaque logiciel a
une personnalité propre et l’ensemble s’avère assez réussi.
Hormis une certaine approche de
synthèse qu’on pourrait recouper
entre Tassman et Ultra Analog,
bien qu’on en connaisse les différences de base, rien ne fait obstacle à l’utilisation simultanée de tous
ces logiciels dans une production.
On regrettera l’absence de déclenchement simple des timbres en
dehors de tout périphérique MIDI
car, même si c’est l’enfance de l’art
de connecter aujourd’hui un clavier
MIDI externe, on imagine mal comment on pourrait passer de longues
heures nomades juste à travailler
les sons.
Seul, le VS-1 (et ses caractéristiques de cordes) peut éventuellement poser un problème de jeu
quand on l’aborde de façon classique avec un clavier tempéré, et
encore, le bon sens et quelques
relevés ne devraient pas poser de
difficultés, car même si VS-1 est
forcément très à l’aise avec les timbres de cordes, les possibilités sont
telles qu’on peut inventer autre
chose avec ! C’est d’ailleurs aussi
une des forces de cette suite logicielle, on peut sortir du contexte
initial pour aller ailleurs, plus loin,
et c’est suffisamment rare pour être
signalé !
Dans l’ensemble, le ressenti est
bien là, dans cette capacité de tous
ces logiciels à être capables de sortir de leur contexte initial, ce que
ne nous autorisent pas les copies
d’instruments identifiés, en particulier, les réminiscences de synthétiseurs. AAS semble être passé
maître dans l’art de modéliser des
sources acoustiques, électriques
ou électroniques. Pourtant, nous
savons bien que nous n’en sommes qu’à l’aube de cette technique,
dont le premier témoin fut le VL-1
en 1994 ! Aujourd’hui, que ce soit
des équipes au sein d’une structure commerciale, comme AAS ou
dans les universités et autres instituts de recherche, une des voies les
plus prometteuses reste la modélisation. Dans ce sens, cette suite
logicielle répond bien aux attentes
en la matière.
Christophe Martin
de Montagu
POUR
Offre financièrement
intéressante
Chaque logiciel est au top
dans sa catégorie
Ergonomie soignée
Son très réussi
Ouverture vers d’autres
textures
CONTRE
Double emploi possible entre
Tassman et Ultra Analog sur
certains registres
Pas de bypass d’effets sur
certains instruments
Pas de MIDI Keys incorporé
EN RÉSUMÉ
Une suite logicielle comme
celle-ci peut faire office de
couteau suisse, il ne lui
manque que les percussions/batterie. La qualité est
au rendez-vous et la modélisation hissée au rang d’outil
professionnel, avec un prix
attractif. Une vraie découverte de l’acoustique et de
l’analogique à mettre entre
toutes les mains.