UNE SUITE ROYALE
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UNE SUITE ROYALE
E-AASMODELIN 15/06/07 10:17 Page 56 SOFTWARE niveau : amateur, confirmé, pro, studio TRATIONS S NS ES UNE SUITE ROYALE UR LE CD suite d’instruments virtuels LE YEZ S VER SA NS DE DÉM O SIO MODELING COLLECTION Cédant aux sirènes du marketing, AAS produit un bundle regroupant l’ensemble de son offre logicielle à base de modélisation. De quoi aller de l’acoustique à l’électronique en passant par l’électrique. Vous ave dit offre intégrale ? Que les forts en thème « modélisation physique » lèvent la main ! Et Applied Acoustics Sytems naquit en explorant, avant beaucoup d’autres, les voies impénétrables (pas tant que cela, la preuve !) de la modélisation physique. On connaît surtout Tassman, qui offre une approche semi-modulaire assez passionnante. Cela dit, nous devons distinguer deux grandes familles d’instruments réels ou virtuels à base de modélisation : celle des synthétiseurs (analogiques de préférence) et les autres ! Entendez par là les instruments acoustiques. C’est souvent là que le bât blesse, ne serait-ce que parce que dès que l’intervention de l’homme dépasse le stade d’appuyer sur des touches d’un clavier type piano, tout se complique ! En simplifiant les choses, nous pourrions dire que ce qui est complexe à modéliser, ce n’est pas tant Caractéristiques AAS (Applied Acoustics Systems) Produit : Modeling Collection (String Studio VS-1, Tassman 4, Lounge Lizard EP-3, Ultra Analog VA-1) Type : suite d’instruments virtuels Distributeur : TSC Sites : www.applied-acoustics.com, www.pluginmaniacs.com Prix TTC : 499 € Fabricant : 56 l’instrument lui-même que l’action de l’instrumentiste et les incidences que cela implique envers l’instrument. C’est une des raisons qui ont poussé un des labos de recherche de l’Ircam (acoustique instrumentale) à créer une bouche artificielle pour les instruments à vent, par exemple. Il est par principe plus simple de créer des synthétiseurs qui, dès l’origine, réagissaient à un clavier tempéré. Cela n’empêche pas d’être pertinent dans l’approche car il y a synthétiseur et synthétiseur… Autant le dire tout de suite, le Tassman 4 et l’Ultra Analog se situent dans le haut de gamme de ce qu’on peut produire en la matière ! STRING STUDIO VS-1 Les timbres de cordes pincées ne sont pas les plus difficiles à modéliser. Cependant, l’interface jouera un rôle prépondérant dans l’approche que l’utilisateur aura vis-à-vis de ces familles de sons. String Studio (figure 1) s’attaque aux cordes de guitare et présente une interface simple et ergonomique. Mais ici aussi, l’interaction avec l’instrumentiste est primordiale et c’est la raison pour laquelle AAS a décidé de proposer plusieurs modes de jeu et d’attaques de cordes. Et comme nous sommes dans le monde virtuel, pourquoi ne pas étendre le mode de jeu à d’autres instruments à cordes ? Archets, marteaux, doigts, plectres pour ne citer qu’eux, permettent donc à l’utilisateur de jouer comme, ou à la manière de… Le spectre des timbres possibles devient donc beaucoup plus étendu et il s’agira de bien comprendre que String Studio va bien au-delà des simples guitares, jugez plutôt : basses, harpes, clavinet, les instruments sollicités par un archet, des modes percussifs, etc. Dans l’ensemble les sons les plus réussis restent ceux de guitares avec une mention spéciale pour les cordes nylon. Les électriques se réfugiant derrière une distorsion un peu trop numérique sont moins expressives. Nous avons aussi noté une très jolie harpe qui peut dépanner en certaines circonstances. En réalité, quand on élabore un timbre avec VS-1, il suffit, pour commencer, de choisir le corps de l’instrument (Body), comme, par exemple, un piano, une guitare, un violon. Ensuite, il conviendra de déterminer le type et le matériau de frappe et les caractéristiques des cordes, leur mode de fixation, leur sensibilité, etc. Les réglages sont bien pensés et le mode Compare bien utile. On regrettera, comme pour les autres outils de cette suite logicielle, l’absence de déclenchement propre à chaque instrument. Il n’y a pas de clavier MIDI virtuel et seule la connexion d’un périphérique ou l’ajout d’un utilitaire comme MIDI Keys sur Mac vous permettront de travailler en mode noma- de. Sont présentes d’autres présélections, plus ésotériques, mais qui ne manquent pas de charme car ces textures à base de cordes sont assez originales dès lors qu’on leur offre une autre destination que celle préconçue. Les vibrato, portamento et legato agrémentent les modes de jeu. Pour compléter cette palette, quelques effets sont présents : Distorsion, Réverbération, Délai, Chorus. Le MIDI learn, paramétrage indispensable pour tout contrôleur externe et n’a pas été oublié, tant mieux ! TASSMAN 4 Un des gros avantages du Tassman, c’est évidemment son côté modulaire. Mais profitant de la structure logicielle plus souple que le classique hardware, Tassman 4 (figure 2) va plus loin que le principe du synthétiseur analogique tel qu’on le conçoit habituellement. Ici, on a accès aussi à des modules acoustiques. Bien entendu, et comme évoqué plus haut, la modélisation est au cœur du moteur de cet instrument. On peut utiliser des générateurs et des résonateurs et E-AASMODELIN 15/06/07 10:17 Page 57 1 travailler avec les quelque 50 synthétiseurs proposés et le millier de présélections. À l’écoute de l’ensemble de ces timbres, on distingue clairement la couleur sonore du Tassman. On regrettera l’utilisation parfois massive du module de réverbération. Non pas qu’il ne soit pas de qualité, bien au contraire, mais justement, il fausse l’écoute précise des timbres, trop dilués. Dommage 2 qu’on n’y retrouve pas, comme sur l’Ultra Analog un mode Bypass. Le même constat s’applique aux effets de délais, spécialement sur des séquences. Et oui, le Tassman est équipé d’un module séquenceur pas à pas (16 pas). On ne détaillera pas à nouveau tous les modules qui constituent l’armature du Tassman, un simple coup d’œil au schéma (figure 3) peut vous donner une indication précise du potentiel de ce synthétiseur. Ajoutons à cela, la polyphonie (de 2 à 32 voix), la capacité à gérer plusieurs ports MIDI virtuels simultanément, l’automation MIDI possible et une compatibilité logicielle et hardware tous azimuts et on comprendra aisément l’étendue de ce synthétiseur puissant. D’ailleurs le simple fait que le nombre de module par patch soit illimité donne la mesure ! Certes, il faudra une UC ou un laptop puissants pour le laisser s’exprimer mais on aurait tort de s’en priver ! L’enregistreur audio interne permet aussi des choses intéressantes, comme s’enregistrer à la volée. Nous avons noté une grande souplesse dans la création de patches avec un simple glisser/déposer des modules qui nous intéressent ! C’est de loin le plus intéressant de l’offre de AAS, à la fois par ses 3 57 E-AASMODELIN 15/06/07 10:17 Page 58 MODELING COLLECTION - SOFTWARE 4 capacités, mais aussi par le simple fait qu’il remplace potentiellement des outils vintage (ou pas) assez coûteux. L’ergonomie, bien pensée, et le calcul des sons en 32 bits floating lui assurent une longueur d’avance sur pas mal d’autres modèles. Enfin, la compatibilité avec les interfaces audio du marché en haute résolution (24 bits/ 192 kHz), lui ouvre les portes des configurations professionnelles. LOUNGE LIZARD EP-3 Rien de très original dans ce logiciel de modélisation des timbres de pianos électriques des seventies. Cependant, parce que c’est assez tendance et aussi parce que ce n’est pas si simple de trouver les vrais modèles en bon état, il est intéressant de se pencher sur le cas du Lounge Lizard (figure 4). On n’ira pas crier sur les toits que le son est original, car vu le nombre d’enregistrements discographiques qui, depuis une trentaine d’années, ont crédité les Rhodes, Wurlitzer et autres modèles du même acabit, on finirait presque par se lasser. Cela dit, il est évident que la modélisation est la seule voie possible pour atteindre un réalisme quelconque. Ces instruments, on le sait depuis longtemps, ne peuvent se contenter d’un polaroid échantillonné. Tout, ou presque, est dans l’expression du timbre, passée la première seconde d’identification du son. On trouve donc naturellement la base des effets classiques de l’époque répartie en 3 modules distincts : Effet A, B et Réverb. Dans les deux premiers on aura accès à une liste d’effets identiques, allant du phaser au chorus en passant par vibrato, ping pong, delai, etc. Le module de réverbération propose des espaces variant de small room à large hall, club (avec variante brillante), hall, etc. En prime, on a droit à un micro tuning en plus de la transposition standard (octave et demi-ton), 58 5 un égaliseur à 3 bandes, un trémolo, etc. Une fois encore, un enregistreur permet de réaliser une prise à la volée. Cet instrument, à la fois simple et performant, permet de retrouver toute l’ambiance de l’époque mais aussi des textures plus avant-gardistes, grâce à quelques paramètres autorisant le débridage de la modélisation. Seul bémol, il faudrait presque jouer sur un clavier aussi dur que ceux d’origine, car sur un clavier de contrôle standard, cela reste un peu fade. Pour avoir changé en cours d’essai pour un clavier semi-lourd, la différence a été significative. Comme quoi, le clavier de contrôle n’est jamais neutre dans l’expression des timbres qu’il contrôle. ULTRA ANALOG VA-1 Dernier test de la série, il a pourtant été essayé parallèlement à Tassman 4, pour comprendre ce qui distingue les deux approches. Nous sommes toujours face à la modélisation et il semble qu’ici, ce sont différents paramètres issus de plusieurs synthétiseurs analogiques marquants qui ont servi de base à cette modélisation. Encore une fois, il y a le timbre et, surtout, l’expression et l’évolution de celuici dans le temps et vis-à-vis de l’interprétation. Vous comprendrez qu’on est bien loin du sampling de base ! Cette similitude dans la technologie mise en œuvre offre certes quelques points communs avec Tassman, mais, d’une certaine façon, la présentation des modules de synthèse l’éloigne bien des modulaires et s’apparente plus à des super Juno, Matrix, etc. Le son, une fois de plus, est étonnant, et une fois désactivés les effets de réverbération (décidément !) grâce à une fonction Bypass (merci !), on retrouve toute la magie des synthétiseurs de la fin des années 70, début 80. Hormis le look un peu triste, l’Ultra Analog (figure 5) remplit pleinement son rôle et une fois assignés les paramètres à une remote de circonstance via le MIDI Learn (touche ctrl+clic sur le paramètre), on tirera toute la quintessence de chaque module. Notons enfin que les présélections sont particulièrement réussies et que, grâce à l’arborescence classique mais efficace, on peut déjà utiliser cet instrument en production ou en live avant même d’y mettre sa touche personnelle. CONCLUSION Ce type de Bundle nous permet de faire le point sur une marque et une offre données. AAS, dont la réputation va grandissante, ne manque pas d’étonner. Chaque logiciel a une personnalité propre et l’ensemble s’avère assez réussi. Hormis une certaine approche de synthèse qu’on pourrait recouper entre Tassman et Ultra Analog, bien qu’on en connaisse les différences de base, rien ne fait obstacle à l’utilisation simultanée de tous ces logiciels dans une production. On regrettera l’absence de déclenchement simple des timbres en dehors de tout périphérique MIDI car, même si c’est l’enfance de l’art de connecter aujourd’hui un clavier MIDI externe, on imagine mal comment on pourrait passer de longues heures nomades juste à travailler les sons. Seul, le VS-1 (et ses caractéristiques de cordes) peut éventuellement poser un problème de jeu quand on l’aborde de façon classique avec un clavier tempéré, et encore, le bon sens et quelques relevés ne devraient pas poser de difficultés, car même si VS-1 est forcément très à l’aise avec les timbres de cordes, les possibilités sont telles qu’on peut inventer autre chose avec ! C’est d’ailleurs aussi une des forces de cette suite logicielle, on peut sortir du contexte initial pour aller ailleurs, plus loin, et c’est suffisamment rare pour être signalé ! Dans l’ensemble, le ressenti est bien là, dans cette capacité de tous ces logiciels à être capables de sortir de leur contexte initial, ce que ne nous autorisent pas les copies d’instruments identifiés, en particulier, les réminiscences de synthétiseurs. AAS semble être passé maître dans l’art de modéliser des sources acoustiques, électriques ou électroniques. Pourtant, nous savons bien que nous n’en sommes qu’à l’aube de cette technique, dont le premier témoin fut le VL-1 en 1994 ! Aujourd’hui, que ce soit des équipes au sein d’une structure commerciale, comme AAS ou dans les universités et autres instituts de recherche, une des voies les plus prometteuses reste la modélisation. Dans ce sens, cette suite logicielle répond bien aux attentes en la matière. Christophe Martin de Montagu POUR Offre financièrement intéressante Chaque logiciel est au top dans sa catégorie Ergonomie soignée Son très réussi Ouverture vers d’autres textures CONTRE Double emploi possible entre Tassman et Ultra Analog sur certains registres Pas de bypass d’effets sur certains instruments Pas de MIDI Keys incorporé EN RÉSUMÉ Une suite logicielle comme celle-ci peut faire office de couteau suisse, il ne lui manque que les percussions/batterie. La qualité est au rendez-vous et la modélisation hissée au rang d’outil professionnel, avec un prix attractif. Une vraie découverte de l’acoustique et de l’analogique à mettre entre toutes les mains.