R. M. c. Commission de l`assurance-emploi du Canada
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Citation : R. M. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2014 TSSDGAE 39 Appel no: GE-13-2312 ENTRE : R. M. Appelant Prestataire et Commission de l’assurance-emploi du Canada Intimée DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale – Assurance-emploi MEMBRE DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : Jean-Philippe Payment DATE D’AUDIENCE : 11 mars 2014 TYPE D’AUDIENCE : En personne DÉCISION : Appel rejeté. COMPARUTIONS Le prestataire a comparu en personne en compagnie de son représentant. DÉCISION [1] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire et conclut que ce dernier doit être exclu du bénéfice des prestations. INTRODUCTION [2] Le prestataire s’est vu imposer un permis de conduire restreint suite à une condamnation pour alcool au volant. Lorsque le prestataire s’est débarrassé de son véhicule, le permis de conduire restreint auquel était accolé une obligation d’utiliser un éthylomètre s’est vu automatiquement annulé. L’employeur ayant pris connaissance de ces faits a mis en congé le prestataire peu de temps après lui avoir soumis un nouveau contrat de travail, car être détenteur d’un permis de conduire est une des conditions de l’emploi inscrite au nouveau contrat de travail du prestataire. Le 5 juin 2013, le prestataire a soumis une demande d’assurance-emploi (pièce GD3-14). La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission ») a émis une décision initiale le 8 juillet 2013 indiquant que le prestataire a volontairement pris une période de congé autorisée par l’employeur (pièce GD3-20). Le prestataire a demandé une révision de cette décision et le 10 septembre 2013 la Commission a maintenu intégralement sa décision initiale (pièce GD3-34). Le prestataire fait appel de la décision révisée de la Commission auprès de ce Tribunal (pièce GD1-1). MODE D’AUDIENCE [3] L’audience s’est tenue pour les motifs énoncés dans l’avis d’audience (pièce GD1-1). QUESTION EN LITIGE [4] Le Tribunal doit déterminer si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). DROIT APPLICAB LE [5] L’article 31 de la Loi indique qu’un prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas à (a) la fin de la période de suspension, (b) la perte de cet emploi ou son départ volontaire ou finalement (c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de cette période, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1. [6] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Desson (2004 CAF 303), la Cour indique qu'il importe peu que l'employeur ou l'employé ait pris l'initiative de mettre fin à la relation employeur-employé lorsqu'il a été mis fin à l'emploi par nécessité et qu'un acte répréhensible est la cause réelle de cette cessation d'emploi une conclusion en ce sens peut reposer sur l'un ou l'autre des deux motifs d'exclusion prévus par cette disposition, dans la mesure où cette conclusion s'appuie sur la prévue. (Même si ce jugement a été rendu sur les articles 29 et 30 de la Loi, le Tribunal soutient que les définitions de l’article 29 s’appliquent aux articles 30 à 33 et que les articles 31 et 32 peuvent être assimilés à soit de l’inconduite ou à un départ volontaire et être couvertes par la jurisprudence en présence.) [7] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Larivée (2007 CAF 312), la Cour d’appel fédérale établit que pour décider si les agissements du prestataire constituent une inconduite justifiant son congédiement, il faut essentiellement examiner et apprécier les faits. [8] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Tucker (A-381-85), la Cour d’appel fédérale (la «Cour») précise ce qui constitue de l’inconduite, ce que la Loi omet de faire. Ainsi la Cour a établi que pour «(…) constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.» [9] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Hastings (2007 CAF 372), la Cour qualifie et raffine la notion d’inconduite. Ainsi la Cour à établie qu’il «(…) y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.» [10] Dans l’affaire McKay-Eden c. Canada (Procureur général) (A-402-96), la Cour appuie la jurisprudence constante en examinant principalement l’aspect de l’acte volontaire ou de l’insouciance. [11] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. McNamara (2007 CAF 107) la Cour soutient que le lien entre l’emploi et l’inconduite est un lien de causalité et non un lien de simultanéité. [12] Dans les affaires Canada (Procureur général) c. Cartier (2001 CAF 274) et Smith c. Canada (Procureur général) (A-875-96), entre autre, la Cour soutient qu’il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte d’emploi. Il faut que l’inconduite cause la perte d’emploi et qu’elle en soit une cause opérante. Il faut également, en plus de la relation causale, que l’inconduite soit commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. [13] Dans l’affaire Auclair c. Canada (Procureur général) (2007 CAF 19), la Cour affirme qu’il n'appartenait pas au conseil arbitral de se demander si le congédiement était la mesure disciplina ire appropriée eu égard à l'inconduite reprochée. [14] Dans l’affaire Fleming c. Canada (Procureur général) (2006 CAF 16), la Cour énonce qu’il ne revient pas au Tribunal de savoir si l'employeur s'est rendu coupable d'inconduite en congédiant le demandeur de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le demandeur s'est rendu coupable d'inconduite et si celle -ci a entraîné la perte de son emploi. [15] Dans l’affaire Fak hari c. Canada (procureur général) (A-732-95), la Cour soutient que « (…) l'appréciation subjective par un employeur du type d'inconduite qui justifie le renvoi pour juste cause ne saurait être considérée comme liant le conseil arbitral. Il n'est pas difficile d'envisager des cas où les actes d'un employé pourraient être régulièrement qualifiés d'inconduite, mais la décision de l'employeur de renvoyer cet employé sera à juste titre considérée comme arbitraire pour ne pas dire déraisonnable. Nous ne croyons pas que le simple fait pour un employeur d'être convaincu que la conduite en question est une inconduite, et que c'était là le motif de la cessation de l'emploi, satisfasse au fardeau de la preuve qui incombe à la commission (…) » [16] Le paragraphe 32(1) de la Loi indique qu’un prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations si, avant ou après le début de cette période (a) d’une part cette période est autorisée par l’employeur et (b) d’autre part, l’employeur et lui ont convenu d’une date de reprise d’emploi. [17] Le paragraphe 32(2) de la Loi indique que l’inadmissibilité pour un prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification dure selon le cas, jusqu’à (a) la reprise de son emploi, (b) la perte de son emploi ou son départ volontaire ou (c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de la période de congé, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1. [18] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Lamonde (2006 CAF 44) la Cour a indiqué qu’un prestataire qui prend volontairement une période de congé non justifié n’est pas admissible aux prestations d’assurance -emploi jusqu’à ce qu’il satisfasse à l’une des dispositions du paragraphe 32(2) de la Loi. [19] Dans l’arrêt Canada Canada (Procureur général) c. Russel (2009 CAF 177) la Cour indique qu’il ne suffit pas qu’une seule condition du paragraphe 32(1) de la Loi s’applique au prestataire, mais bien que les conditions entières dudit paragraphe soient remplies. PREUVE [20] La preuve documentaire au dossier est la suivante : a) un avis d’annulation du statut d’employé optant (nouveau poste aux heures réduites) (pièce GD2-8); b) un avis de congé non payé pour obligations personnelles d’un an (pièce GD2-9); c) une demande de congé non signée par l’employé (pièce GD2-10); d) lettre de l’employeur mentionnant que le prestataire ne rencontre plus les conditions d’emploi même après un premier arbitrage de grief datée du 5 septembre 2013 (pièce GD2-18 et 19); e) lettre de l’employeur mentionnant que le prestataire ne rencontre plus les conditions d’emploi datée du 29 mai 2013 (pièce GD3-20); f) une ordonnance d’interdiction de conduire pour une période de 12 mois (pièce GD231); g) les conditions d’obtention d’un permis de conduire pour le prestataire (pièce GD332); h) le rejet du grief par le directeur de l’unité des voies navigables du Québec de l’employeur daté du 22 juillet 2013 (pièce GD2-33); i) une demande d’assurance-emploi soumise le 5 juin 2013 (pièce GD3-15); j) un relevé d’emploi dont la date de rappel est « inconnue » à la case 14 et dont la cote à la case 16 est N ou « Congé » (pièce GD3-17). [21] La preuve présentée dans le cadre de l’audience est la suivante : a) un courriel adressé à l’attention d’un représentant de l’employeur sur les intentions du prestataire de réintégrer ses fonctions (pièce GD7-2); b) trois évaluations du rendement du prestataire par l’employeur (pièce GD7-5 à 11); c) partie d’un document non connu démontrant les options d’un employé optant (pièce GD7-3 et 4). ARGUMENTS DES PARTIES [22] Le prestataire a fait valoir : a) que dans un réaménagement des effectifs, son employeur lui a offert un emploi « à la baisse » et il l’a accepté (pièce GD2-4); b) que l’offre d’emploi acceptée était assortie d’une clause de possession de permis valide (pièce GD2-4); c) qu’au moment d’accepter l’offre il n’avait plus de permis de conduire depuis deux ans, que c’était connu de l’employeur et que l’employeur lui a mentionné que ça ne posait pas de problèmes, qu’il allait l’accommoder comme les années passées (pièce GD2-4 et 6); d) qu’il est entré au travail le 9 mai 2013 tel que prévu et que le 24 mai 2013, il a été rencontré par l’employeur pour se faire annoncer qu’il ne répondait pas aux conditions d’emploi (pièce GD2-6); e) que l’employeur a décidé, contre son gré, de le placer en congé sans solde pour une durée d’un an (pièce GD2-7); f) qu’il a refusé de signer les papiers de congé personnel sans solde et que l’employeur a refusé de le faire travailler (pièce GD2-7); g) qu’il a déposé un grief demandant son retour au travail (pièce GD2-7); h) que dans son poste il devait conduire la voiturette de golf de l’employeur à l’occasion, mais que depuis la perte de son permis, il ne la conduisait plus (pièce GD3-19); i) que le prestataire est un employé exemplaire et que jamais ne lui a été soulevé le fait qu’il n’avait pas de permis restreint (Audience); j) que les éclusiers travaillent toujours en équipe de deux et que la voiturette de golf, il n’aurait pas eu à la conduire (Audience); k) que l’employeur n’a pas fait de recherches à savoir si le prestataire avait un permis valide (Audience); l) que l’employeur croyait qu’un permis restreint était un permis qui ne permettait de ne pas conduire que certains véhicules (Audience); m) qu’en congé sans solde, le prestataire ne peut avoir accès à l’assurance -emploi, ni à l’aide sociale (Audience); n) que l’employeur, quatre mois après la signature du contrat a été mis en congé sans solde forcé (audience); o) qu’il n’a plus de statut auprès de l’employeur (Audience); p) que dans l’ancien poste du prestataire, un permis de conduire était nécessaire et l’employeur était au courant qu’il n’en avait pas (Audience); q) que l’employeur n’a jamais fait mention du permis de conduire lors de la signature du nouveau contrat de travail du prestataire (Audience); r) qu’il a fait des démarches auprès de son syndicat et de son employeur pour que celuici lui retrouve un poste qui ne nécessiterait pas de permis de conduire le temps qu’il effectue les démarches nécessaires pour le ravoir (Audience); s) que durant la haute saison, il ne bouge pas du pont 9 à l’île-Sainte-Marie et il se rend à son lieu de travail en bicyclette (Audience); t) que l’employeur a commis une erreur en faisant signer l’offre d’emploi aux conditions réduites du prestataire (Audience); u) que l’employeur a tenté de trouver un statut d’emploi au prestataire (Audience). [23] L’intimée a soutenu : a) que concernant la question du motif valable, le critère qui doit être appliqué après avoir pris en compte toutes les circonstances, consiste à déterminer si, suivant la prépondérance des probabilités, le prestataire avait une solution de rechange raisonnable pour ne pas prendre congé au moment où il l’a pris (pièce GD4-4); b) le prestataire s’est retrouvé en congé sans solde à compter du 25 mai 2013, suite à la perte de son permis de conduire parce qu’il avait besoin de son permis pour effectuer son travail (pièce GD4-4); c) qu’à un moment, il en avait avisé l’employeur et des arrangements avaient été pris pour qu’il ne conduise que les voitures de golf, mais par la suite, vu l’annulation de son permis de conduire avec des conditions restreintes, l’employeur a appris que le prestataire ne pouvait pas conduire les voitures de golf et il ne répondait pas aux conditions d’emploi (pièce GD4-4); d) que le prestataire a refusé de signer les documents relatifs au congé parce qu’il voulait travailler (pièce GD4-4); e) que la Commission a conclu que le prestataire n’a pas démontré de motif valable pour avoir pris une période de congé de son emploi parce que la perte de son permis de conduire a fait qu’une des conditions essentielles à son emploi n’était plus remplie et que ce fait ne constitue pas un motif valable à la période de congé (pièce GD4-4); f) qu’il était de la responsabilité du prestataire de faire en sorte de posséder un permis de conduire valide afin de pouvoir exercer l’emploi qu’il occupait (pièce GD4-4). ANALYSE [24] Le paragraphe 32(1) de la Loi indique qu’un prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations si, avant ou après le début de cette période (a) d’une part cette période est autorisé e par l’employeur et (b) d’autre part, l’employeur et lui ont convenu d’une date de reprise d’emploi. Plus précisément, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Russel (2009 CAF 177) la Cour indique qu’il ne suffit pas qu’une seule condition du paragraphe 32(1) de la Loi s’applique au prestataire, mais bien les conditions entières dudit paragraphe pour considérer un prestataire en congé selon ce même paragraphe. [25] Dans cette cause, la Commission indique que concernant la question du motif valable, le critère qui doit être appliqué après avoir pris en compte toutes les circonstances qui consistent à déterminer si selon la prépondérance des probabilités, le prestataire avait une solution de rechange raisonnable pour ne pas prendre congé au moment où il l’a pris. La Commission affirme que le prestataire a refusé de signer les documents relatifs au congé parce qu’il voulait travailler, mais n’a pas démontré de justification pour avoir pris une période de congé de son emploi parce que la perte de son permis de conduire a fait qu’une des conditions essentielles à son emploi n’était plus remplie et que ce fait ne constitue pas une justification à la période de congé. Finalement, la Commission affirme qu’il était de la responsabilité du prestataire de faire en sorte de posséder un permis de conduire valide afin de pouvoir exercer l’emploi qu’il occupait. [26] Pour sa part, le prestataire affirme que lors d’un réaménagement d’effectifs, son employeur lui a fait une offre d’emploi « à la baisse » et il l’a accepté. Il dit qu’au moment d’accepter cette offre, il n’avait plus de permis de conduire depuis deux ans, que ce fait était connu de l’employeur et que l’employeur lui a mentionné que cela ne posait pas de problèmes, qu’il allait l’accommoder comme par les années passées. Il affirme avoir pris son poste de travail comme à l’habitude le 9 mai 2013 et avoir rencontré l’employeur le 24 mai 2013 pour se faire annoncer qu’il ne répondait pas aux conditions d’emploi de son poste. Le prestataire affirme que l’employeur a décidé contre son gré de le placer en congé personnel sans solde pour une durée d’un an. Le prestataire ajoute que dans son ancienne tâche il devait aussi conduire la voiturette de golf sur la voie publique , que dès sa condamnation il n’a plus conduit la voiturette et qu’il a tout de même pu exercer son métier. [27] Dans ce dossier, le Tribunal est d’avis que la Commission n’a pas relevé le fardeau qu’elle avait de prouver que le prestataire a quitté volontairement son emploi. En effet, le prestataire n’a pas pris volontairement une période de congé sans justification (« period of leave »). Les faits au dossier démontrent très clairement que le prestataire n’a pas pris de son plein gré une période de congé sans solde et pis encore, le Tribunal est d’avis que le paragraphe 32(1) de la Loi s’inscrit dans le cadre d’un acte volontaire, d’un geste posé de façon consciente d’où l’expression employée « qui prend volontairement », ce qui ne peut être appliqué à l’attitude et aux gestes du prestataire dans cette cause. [28] En fait, le prestataire n’a pas fait de choix, l’employeur a fait un choix pour le prestataire, un choix que le prestataire ne cautionne pas. Le prestataire a répété à maintes reprises qu’il n’a pas signé le document de congé sans solde, qu’il ne voulait pas de congé, mais qu’il voulait simplement travailler. Toutefois, cela ne veut pas dire que la Commission n’était pas en droit de considérer que le prestataire puisse nécessairement être considéré comme inadmissible au bénéfice des prestations. À ce titre, le Tribunal soutient, par analogie, que les litiges contenus aux articles 29 et 30 et les litiges contenus aux articles 31 et 32 se rapportent expressément à de l’inconduite (articles 31) et au départ volontaire (article 32) (Desson (2004 CAF 303)). Le Tribunal est donc d’avis que la Commission aurait très certainement dû appliquer l’article 31 de la Loi qui fait spécifiquement référence à ce qui peut être convenu d’appeler une inconduite , plus précisément une suspension à cause d’une inconduite. [29] Même si l’employeur ne libelle pas précisément la méthode qu’il emploie auprès du prestataire comme une suspension, elle peut être assimilée à ce fait assez aisément. Le fait que le prestataire ne se retrouve dans aucune catégorie d’emploi comme le représentant et témoin du prestataire le souligne, ne peut être retenue comme élément d’analyse par ce Tribunal. Il est un fait que le prestataire n’est pas à l’emploi de l’employeur, puisqu’il n’effectue pas d’heures assurables ou non-assurables pour l’employeur. Que le prestataire n’ait pas de lettre de cessation d’emploi importe donc peu dans les circonstances, l’état du prestataire doit être assimilée à une perte d’emploi au sens de la Loi. [30] Lors de l’audience, le prestataire exprime par ailleurs le fait que l’obligation d’avoir un permis de conduire existait dans la version antérieure de son poste et que l’employeur lui a mentionné qu’il garderait les mêmes « aménagements » lors de la signature de la nouvelle version de son poste. [31] Dans l’affaire McNamara (2007 CAF 107), la Cour rapporte des faits connus dans une autre affaire qui est étonnamment similaire au cas du prestataire (mon soulignement) : « (…) [14] Dans Smith c. Canada (Procureur général), [1997] A.C.F. no 1182, la Cour a jugé que l’inconduite peut résulter d’un acte ou d’une omission qui a eu lieu avant le début de l’emploi dont l’employé a par la suite été congédié si cette inconduite est la cause du licenciement. L’employé pourrait, autrement, sachant que son inconduite au travail risque d’entraîner son licenciement, simplement changer d’emploi. S’il est renvoyé de son nouveau travail , il pourra prétendre toucher des prestations d’ assurance ‑emploi, son inconduite ayant précédé son nouvel emploi, même si cette inconduite est effectivement la cause essentielle de la perte de son nouvel emploi. [15] Les faits de l’affaire Smith illustrent bien cette éventualité et les résultats incongrus qui risqueraient d’en résulter. M. Smith était accusé de conduite en état d’ébriété. Il a par la suite trouvé un travail comme chauffeur de camion. Déclaré coupable d’une infraction qu’il avait commise avant son entrée en fonction, il s’est vu retirer son permis de conduire et, par conséquent, ne pouvait plus faire le travail pour lequel il avait été engagé. Autrement dit, il n’était plus en mesure de remplir les obligations lui incombant aux termes de son contrat de travail. [16] Selon la théorie du droit appliquée par le juge‑ arbitre, et l’interprétation qu’ i l a donnée de l’art i cl e 30 de la Loi, M. Smith aurait eu droit à des prestations d’assurance‑ emploi. Il ne saurait en être ainsi. Ce n’est pas ce que prévoit la Loi étant donné que l ’ inconduite de M . Smith était bien la cause de la perte de son emploi. L’article 30 parle en effet de la perte d’« un emploi » en raison d’une inconduite. Selon cette disposition, l’exclusion du bénéfice des prestations ne se limite aucunement à l’emploi occupé à l’époque où a eu lieu l’inconduite. Le lien entre l’emploi et l’inconduite est un lien de causalité et non un lien de simultanéité. (…) » [32] Comme le démontre donc cette cause, la date de l’inconduite importe peu. C’est le lien de causalité direct entre l’emploi et l’inconduite qui importe. Même si le prestataire, et l’employeur à la limite, peut certainement se satisfaire du fait qu’il se fait conduire ou qu’il fasse le trajet jusqu’à son lieu de travail en bicyclette, cela ne réduit pas la portée de l’obligation de ce dernier de posséder un permis de conduire valide pour pouvoir remplir ses obligations contractuelles envers son employeur. [33] Malheureusement, le Tribunal doit trouver que les gestes du prestataire furent insouciants ou négligents et que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement comme l’arrêt Tuck er (A-381-85) l’instruit. Le Tribunal croit que l’inconduite du prestataire est la cause opérante de sa suspension comme l’arrêt Cartier (2001 CAF 274) le propose. Plus encore, il n’appartient pas au Tribunal de se demander si l’employeur a bien ou mal agit dans les circonstances, s’il s’est rendu lui-même coupable d’inconduite (Fleming (2006 CAF 16)) ou si le congédiement était la mesure disciplina ire appropriée eu égard à l'inconduite reprochée (Auclair (2007 CAF 19)). [34] Même si la situation semble ubuesque, le Tribunal ne peut qu’appliquer la Loi et la jurisprudence dans son sens ordinaire et non comme elle l’aurait souhaité. CONCLUSION [35] L’appel est rejeté. Jean-Philippe Payment Membre, Division générale DATE DES MOTIFS : le 21 mai 2014.