La luzerne - Chambre d`Agriculture de la Dordogne
Transcription
La luzerne - Chambre d`Agriculture de la Dordogne
2012 1 La luzerne vers l’autonomie en protéine en élevage laitier La luzerne, fourragère aux qualités agronomiques et zootechniques reconnues, a souvent été abandonnée au profit de systèmes fourragers basés sur le maïs, plus sécurisants et a priori mieux adaptés à la taille croissante des ateliers. La volatilité du marché du soja et des autres sources de protéine, les années de sécheresse et les restrictions d’irrigation, la recherche de fibres de qualité… amènent de plus en plus d’éleveurs à s’intéresser à nouveau à la luzerne. En Dordogne, des éleveurs prenant le contre-pied des évolutions passées, basent leur système fourrager presque exclusivement sur la luzerne. Ces témoignages sont intéressants par leur côté extrême. Ils ne sont cependant pas reproductibles partout et présentent des limites. Témoignage du GAEC de Puycervier Des vaches laitières au régime luzerne Quelques chiffres Les surfaces (ha) 2 associés : Jean-François Lasmesuras et Nicolas Champagnol 198 ha de SAU 70 78 110 vaches Prim’holstein produisant… 935 000 litres de lait soit… 8 500 l/vache en 2011 (8 980 l/vache en 2010) 10 t de MS par hectare de luzerne récolté en 2012 4 coupes sur les parcelles irriguées et 3 coupes sur les autres en 2012. Le système fourrager du GAEC de PUYCERVIER a longtemps été basé sur l’ensilage de maïs, comme beaucoup dans la région. Mais depuis quelques années, la luzerne y prend de plus en plus d’importance, au point de distribuer aux laitières une ration de base 100% luzerne pendant plusieurs mois. Pourquoi tant de luzerne ? « La baisse du prix du lait nous a amené à chercher des solu- 27 Luzerne Maïs ensilé 22 Prairies Céréales tions pour diminuer l’utilisation de correcteur azoté. L’alimentation du troupeau était essentiellement basée sur le maïs. Au départ l’idée était d’introduire de la luzerne dans les rations à base de maïs. Pendant l’été 2011, la ration de base n’était constituée que de luzerne. Les résultats ont été probants. Aujourd’hui on distribue de la luzerne à volonté et des céréales. On a quand même gardé un peu de maïs ensilage par sécurité. » Fiche Témoignages Luzerne 2 Quel est l’objectif de longévité pour les luzernes ? Données de culture Période de semis : fin d’été Variété : n’y attache pas d’importance. 50% type Flamand / 50% type Méditerranéen Dose : 25 kg/ha Travail du sol : pas de labour. Outil à dents + disques Fumure : fumier, potasse (150 unités) Désherbage : la première année Irrigation : 1 passage à 50 mm sur environ 20 ha Récolte : enrubannage Durée de la culture : 3 ans Avez-vous eu des difficultés à implanter la luzerne ? « Il n’y avait pas eu de luzerne ici depuis de nombreuses années. Nous avons semé les premières parcelles il y a 5 ans. Nous avons la chance de pouvoir cultiver de la luzerne sur la totalité de l’exploitation, à part sur une dizaine d’hectares trop humides. Nous préférons semer les luzernes fin août - début septembre, plutôt qu’au printemps, pour récolter dès la première année. Les sols ne nécessitent pas l’inoculation de la semence. On n’attache pas d’importance au choix de la variété. On sème en principe un mélange de type nord et de type sud. » Fiche Témoignages Luzerne « On ne cherche pas à faire durer les luzernes plus de 3 ans car au delà le rendement diminue. En plus, cela s’intègre bien dans les rotations que nous envisageons : on commence par des orges d’hiver, puis trois ans de luzernes et ensuite un maïs – ce qui n’est pas l’idéal au niveau désherbage – ou un blé puis un maïs, le blé profitant de l’azote laissé par la luzerne. On envisage ensuite de remettre une luzerne après 5 à 6 ans avec une céréale à paille ou du maïs. » La récolte est un aspect délicat de la luzerne. Comment vous organisez-vous avec une telle surface ? « D’abord, nous avons choisi de récolter toute la luzerne sous forme d’enrubannage. Une ration composée exclusivement de foin serait moins bien ingérée par les vaches et il nous a paru impossible de gérer une récolte en foin sur 70 ha. Ensuite on s’est équipé en conséquence : une faucheuse frontale et 2 arrières permettant 9 m de coupe. On fauche 60 ha en 2 fois, et on presse en 3 fois. Une faneuse et un andaineur de 9 m, un round-baller qui recoupe le fourrage et une enrubanneuse en continu. » Comment cela se passe-t-il au niveau de la production et des animaux ? « Il y a plusieurs points positifs : il n’y a pas de refus, pas besoin d’ajouter tout un tas de produits comme des tampons, de l’argile, moins de minéraux…On n’a pas assez de recul pour observer un effet sur la reproduction ou la qualité du lait. Ce qu’on observe cependant, c’est une perte d’état plus importante en début de lactation. Pour améliorer la digestion des protéines, on apporte du tanin de châtaignier directement sur le fourrage». L’avis du technicien d’élevage Jean-Louis Peypelut de Dordogne Conseil Élevage « Un tel niveau de luzerne est permis dans cet élevage par une SAU importante et des sols adaptés. L’autre condition de la réussite est la qualité du fourrage récolté : cela passe par une capacité de récolte adaptée, tant en terme d’équipement que de main d’œuvre. La luzerne, récoltée tendre, est recoupée dans la mélangeuse. Une mauvaise coupe peut entraîner des problèmes de rumination. L’élevage produisant suffisamment de céréales, le système est autonome sur le plan alimentaire. La luzerne est distribuée à volonté avec 10 kg de céréales auxquelles l’éleveur ajoute 100 g de tanin de châtaignier qui aurait un effet positif sur la digestion des protéines distribuées en forte quantité. » L’avis de l’agronome Richard Raynaud de la Chambre d’agriculture Dordogne « Le Gaec de Puycervier a intégré le réseau Dephy-Ecophyto en 2011. Le système initial de culture sur une partie de l’exploitation était basé sur des cultures d’hiver comprenant du colza. Le nouveau système de culture intégrant la luzerne permet de réduire de façon significative les intrants. La pression adventice est diminuée grâce à l’aspect « nettoyant de la luzerne » sur un grand nombre d’adventices à taux de décroissance annuel élevé (vulpin, ray-grass...) et sur chardons. A l’échelle de la rotation, la luzerne nécessite peu d’interventions phytosanitaires. L’indicateur de fréquence de traitement (IFT) du système actuel est inférieur de 50 % au système colza blé orge pour les herbicides comme pour les fongicides. La part de luzerne dans l’assolement doit permettre de laisser au moins 5 ans entre deux cultures de luzerne sur une même parcelle. On peut estimer cette part à 25 % au maximum, au risque de pénaliser les rendement des futures luzernes. » 3 Témoignage de Patrice Bonnamy Luzerne servie en vert aux chèvres Quelques chiffres 45 ha de SAU dont… 25 ha de luzerne 5 ha de prairie 10 ha de maïs grain 5 ha de céréales 170 chèvres Alpine produisant… 170 000 litres de lait livré en laiterie + 20 000 l transformé à la ferme. L’utilisation de la luzerne est plus répandue en élevage caprin. Le système de Patrice Bonnamy se distingue par la pratique de l’affouragement en vert. Une quinzaine d’ha sont ainsi récoltés avec une autochargeuse et distribués en vert aux chèvres. Le reste de la surface est récolté en foin. Qu’est-ce qui vous a amené à utiliser la luzerne ? « La luzerne est un fourrage de très bonne qualité, adapté à la production de lait de chèvre. Les rendements sont suffisants pour être autonome en fourrage. La luzerne permet en plus d’être moins dépendant en protéines. J’avais essayé le trèfle violet, mais les rendements étaient inférieurs et il y avait plus de gaspillage en affouragement en vert. » Et pourquoi l’affouragement en vert ? « L’affouragement permet d’exploiter le fourrage tôt, donc de meilleure qualité, même s’il ne fait pas très beau. Cela permet de Données de culture Les surfaces (ha) 5 10 25 5 Luzerne Maïs grain Prairies Céréales faire jusqu’à 6 passages, ce qui permet d’augmenter la production de fourrage. L’affouragement revient à exploiter l’herbe comme un pâturage sans les contraintes d’éloignement des parcelles et de parasitisme du troupeau. » Quels sont pour vous les inconvénients ou les limites de cette pratique ? « Sur le plan travail, l’affouragement en vert demande beaucoup de temps. Coté animaux, il y a un risque d’entérotoxémie en cas d’excès d’azote, ce qui peut arriver en distribuant en vert. En prévention, je vaccine les chèvres 1 mois avant l’affouragement en vert. » L’avis du technicien d’élevage Charles Drouot de Dordogne Conseil Élevage « L’affouragement en vert est pour l’instant peu répandu en élevage caprin en Dordogne. Ce principe permet cependant d’optimiser les surfaces en herbe quelle que soit la météo. Chez Patrice Bonnamy, la luzerne ne permet pas de satisfaire totalement les besoins en protéine mais les couvre tout de même à hauteur de 40 %. L’affouragement en vert est un gage de qualité car il permet de récolter le fourrage précocement alors que le rapport feuille / tige et la digestibilité sont optimaux. » Période de semis : printemps Variété : Dorine Dose : 25 kg/ha Travail du sol : labour et outil à dents Fumure : fumier, chaux (pH un peu bas), potasse (150 unités), bore foliaire Désherbage : si besoin l’année du semis Irrigation : non Récolte : affouragement et foin Durée de la culture : 5 ans Témoignage de la Grasasa Du bouchon à la balle Le groupe coopératif périgourdin Grasasa propose depuis de nombreuses années de la luzerne déshydratée sous forme de granulés. Soucieux de proposer un fourrage répondant mieux aux attentes des éleveurs, Grasasa expérimente depuis 2012 un système de séchage de bottes de luzerne inspiré d’une méthode italienne. Récoltées préfanées entre 50 et 70 % de matière sèche (MS), les bottes de luzerne sont pressées en balles rondes et disposées dans un séchoir à air pulsé à basse température (maxi 40°) pendant 8 à 24 heures pour les amener à 86 % de MS. Cette technique doit permettre de préserver la qualité du fourrage en permettant une récolte à un stade plus précoce que le foin, par l’obtention d’un taux de MS supérieur à celui d’un foin, avec une température basse respectant les qualités nutritionnelles et en conservant intactes les fibres du fourrage. Le coût de l’équipement, nettement inférieur à celui d’une filière haute température, permet d’espérer le développement de cette technique dans les années à venir. Fiche Témoignages Luzerne 4 La LUZERNE ELE001 - Chambre d’agriculture Dordogne - SUP.COM.DOC018 - 20/12/2012 Culture Type de sol : pH>6, profond et bien drainé. En sol acide, apport de chaux à l’implantation et inoculation de la semence. Variétés : type Flamand résistant mieux aux conditions froides. Type Méditerranéen adapté à l’irrigation et aux coupes fréquentes. Attention selon variétés aux résistances à la verse et aux nématodes. Préparation du sol : lit de semence fin. Implantation : en fin d’été ou au printemps (possible sous-couvert). Semoir en ligne à 1 ou 2 cm de profondeur. 20 à 25 kg /ha en pur. Désherbage : recommandé 1 mois après le semis au stade 2 feuilles trifoliées. Fertilisation : fumure organique bénéfique à l’implantation. 150 à 180 unités de K2O et 50 à 80 unités de P2O5. Souffre, magnésie et bore selon analyses de sol. Récolte : 3 à 4 coupes par an. Rendement de 10 à 12 t de matière sèche. Stade bourgeonnement. Mais pour permettre à la plante de reconstituer ses réserves racinaires laisser fleurir une fois dans l’année. - Foin : difficulté de préserver les feuilles, riches en protéine. Fanage, andainage et pressage aux heures les moins sèches. - Pâture : risque de météorisation surtout sur les derniers cycles, et sur animaux avec panse vide. Culture sensible au piétinement. - Ensilage : conservation difficile en pur. Nécessite préfannage et conservateur. - Enrubannage : doit être préfanné à 60 %. Durée : environ 5 ans. Rotation : au moins 5 ans entre 2 luzernes sur une même parcelle. Intérêt agronomique : fixation de l’azote de l’air, système racinaire permettant une bonne résistance aux conditions séchantes et améliorant la structure du sol. Utilisation par les animaux Valeurs alimentaires UFL PDIN PDIE P Ca Ensilage 0,75 100 à 120 65 2,6 12,8 Enrubannage 0,70 100 75 2,6 12,8 Foin 0,65 100 à 110 85 à 90 2,2 11 à 14 Richesse en minéraux et fort pouvoir tampon présentant un intérêt pour sécuriser des rations à risque acidogène. Plusieurs utilisations habituelles pour des vaches laitières. Pour sécuriser des rations riches en maïs ou autres fourrages très ingestibles et digestibles, un apport de 2 à 3 kg de matière sèche de luzerne favorise la rumination et limite la baisse du pH. Dans ce cas, effet favorable sur le TB, sans incidence sur le TP et le lait. On peut également apporter 30 à 50 % de luzerne dans la ration à la place de l’ensilage de maïs pour diminuer la part de maïs dans la ration et réduire la quantité de concentré azoté de 30 à 60 %. Un apport de 3 à 7 kg de céréales sera nécessaire pour maintenir le niveau de production laitière et le TP. En ovin viande, une brebis allaitant 2 agneaux peut être alimentée avec une ration uniquement à base de foin de luzerne complétée par 1 kg de céréale. L’apport de luzerne est déconseillé pour les brebis en fin de gestation (risque d’hypocalcémie à l’agnelage). Pour les chèvres, plusieurs rations à base de luzerne peuvent être mises en place. Par exemple, une association avec de l’ensilage de maïs permet d’apporter une partie de l’azote et de l’énergie par le fourrage grossier. La luzerne peut être également employée dans des rations de type foin ou enrubanné. En général, la première coupe de luzerne est peu adaptée aux chèvres qui consomment mal les tiges grossières ; il est alors nécessaire de rationner le fourrage à l’auge pour favoriser son ingestion. La luzerne est fréquemment utilisée dans les rations des vaches allaitantes en lactation ou des génisses. Elle peut représenter Publication réalisée avec le soutien financier Fiche Témoignages Luzerne jusqu’à 50 % de la matière sèche ingérée dans une ration avec ensilage de maïs, et jusqu’à 30 % dans des rations à base d’herbe. Pour l’engraissement elle est utilisée principalement pour la finition des génisses ou des vaches de boucherie. De nombreux bouchers plébiscitent son utilisation pour la qualité de la viande. Intérêt économique L’impact économique de l’apport de luzerne dans une ration à la place de l’ensilage de maïs dépend essentiellement du prix des céréales et du prix des correcteurs azotés. Si le rendement en luzerne est identique au rendement en maïs ensilage (11 t MS/ha), l’apport de 4 à 5 kg de luzerne à la place de l’ensilage de maïs dans une ration vache laitière entraîne une économie de 2 à 5 € / 1000 litres (cf simulation Réseaux d’Élevage Pays de la Loire - Août 2012). Contacts Laurent AYMARD Olivier DEJEAN Charles DROUOT Camille DUCOURTIEUX Richard RAYNAUD Tél. 05 53 45 47 50 Boulevard de Saveurs Cré@Vallée Nord Coulounieix-Chamiers Adresse postale : CS 10 250 24060 PÉRIGUEUX CEDEX 9 Tél. : 05 53 35 88 88 Fax : 05 53 53 43 13 www.dordogne.chambagri.fr