La Lettre des Achats - Pays

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LDA - n°162 - Juillet-Août 2008
Pays à bas coûts : les nouveaux visages du sourcing mondial
Les achats sont loin d’en avoir fini avec le levier des pays à
bas coûts. Après une vague d’interrogations sur la qualité,
l’évolution des parités monétaires et la hausse des prix du
carburant, se posent des complications supplémentaires à
gérer. Et si la Chine s’impose plus que jamais, d’autres
zones renforcent leur attractivité.
Par Julien Monchanin -
Le sujet des pays à bas coûts passionne toujours les directions des achats. Levier de réduction des coûts numéro un pour
les uns, risque inutile pour d’autres, le sourcing dans les pays émergents pourrait bien réserver quelques surprises, avec un
euro à 1,57 dollar et un baril de pétrole à plus de 135 euros. Toujours est-il que les ambitions des départements achats dans
les pays émergents sont de plus en plus clairement affichées, tant en matière d’accroissement du poids du sourcing que de
réduction des coûts. Et que les moyens suivent, notamment dans l’automobile.
« 20 % de nos achats sont déjà localisés dans les pays à bas coûts et nous souhaitons y doubler les dépenses », prévoit
Laurent Jacquemin, ingénieur global sourcing au sein de l’équipementier Westaflex Automotive. Pour cela, et sous
l’impulsion du japonais Maruyasu, devenu majoritaire au capital, le groupe « développe des partenariats mondiaux et
cherche à regrouper ses achats stratégiques ». 15 millions d’euros d’achats sont ainsi réalisés rien que pour les besoins
européens, un chiffre qui devrait être multiplié par dix dans les mois à venir.
Au chapitre des zones privilégiées, la Chine poursuit toujours son irrésistible ascension, avec 11,4 % de croissance en 2007,
selon des données du Minèfe.
La Chine et les PECO toujours en vedette…
Dès 2008, elle deviendra la troisième puissance économique mondiale devant l’Allemagne. Quatrième industrie mondiale,
elle est aussi devenue le cinquième fournisseur de l’Hexagone, derrière l’Espagne, mais devant les États-Unis et le
Royaume-Uni. 857 entreprises françaises étaient présentes en Chine au dernier recensement de juillet 2007, pour un total
de 1 798 implantations et près de 250 000 employés (voir aussi la tribune). De leur côté, les pays d’Europe de l’Est sont
également plébiscités par les directions des achats.
Mais dans les deux cas, auxquels il faudrait ajouter celui de l’Inde, l’effet low cost est condamné à diminuer, en partie avec
les hausses de salaires et une relative inversion programmée des rapports de force commerciaux. L’usine roumaine de
Dacia, où des grèves avaient éclaté en janvier dernier pour l’obtention d’une augmentation des salaires de l’ordre de 25 %,
n’en est qu’une illustration. Dès lors, pour Laurent Jacquemin de Westaflex Automotive, « L’innovation est devenue une
nécessité pour travailler dans les LCC. C’est ainsi que nous avons pu monter une fonderie de cire perdue en Chine pour
générer de nouvelles économies. De plus en plus de personnels locaux sont d’ailleurs formés dans nos universités et
connaissent mieux les exigences de notre industrie ». Gisements d’innovation et de productivité sont tout aussi essentiels
pour Philippe Peignon, directeur du sourcing d’Alstom Transport dans les pays émergents : « Déployer des achats
localement impose aujourd’hui de gérer l’évolution des coûts dans la zone choisie, pour les salaires comme pour l’énergie
utilisée. Confrontés à ces hausses, nous devons disposer d’outils pour initier des plans compensatoires de productivité »
(voir le reportage).
Le constat est semblable pour l’industrie électronique : « Dans un contexte de forte compétition technologique, nous avons
tout intérêt à développer la technologie chinoise en elle-même et des alliances avec nos partenaires chinois », soutient
Philippe Pellegrin, directeur des achats du spécialiste des circuits intégrés STMicroelectronics, dont les achats de
sous-traitance constituent le cœur de l’activité (voir le témoignage). Mais pour faire jouer le levier à plein, les directions des
achats misent autant sur la capacité d’innovation et la productivité de leurs fournisseurs chinois, indiens ou encore
est-européens, que sur d’autres pays à bas coûts pour le moment moins exposés.
De nouvelles sources compétitives pour les achats
« Malgré le bon développement des pays d’Europe centrale, il est difficile d’obtenir de la productivité dans les régions les
plus rurales », souligne Laurent Jacquemin. Le dirigeant de Westaflex Automotive confirme une tendance forte, évoquée l’an
dernier dans notre dossier sur l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’union européenne (voir La Lettre des Achats
n° 147 de février 2007) : « La Biélorussie, l’Ukraine et la Turquie sont de plus en plus aptes à produire conformément à nos
exigences et poursuivent le développement de leur savoir-faire ». Comme si les nouvelles frontières de l’Union européenne
avaient déplacé l’effet low cost de quelques centaines de kilomètres.
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Ce phénomène de glissement s’observe aussi en Asie, avec l’essor programmé des achats au Viêt Nam. « Avec l’inflation
des coûts en Chine, les grandes entreprises se posent des questions. Parmi les nouvelles sources potentielles, le Viêt Nam
semble se détacher. Son modèle économique est semblable à celui de la Chine. Avec moins de risques et plus de stabilité
que l’Indonésie, la Thaïlande ou la Malaisie qui voient leur attractivité s’accroître aussi », détaille Richard Laub, P-DG de
Dragon Sourcing. De plus, l’économie s’ouvre et enregistre une croissance annuelle de l’ordre de 10 %, avec des
infrastructures développées. Pays côtier, le Viêt Nam est aussi plus proche de l’Europe d’un point de vue logistique. Le tout
avec des coûts de main-d’œuvre extrêmement bas, « le salaire d’un vietnamien se situant autour du tiers de celui d’un
ouvrier de Shanghai », poursuit Richard Laub. Preuve est faite de la nouvelle attractivité du pays : en 2007, 11,2 milliards de
dollars d’investissements directs étrangers ont été réalisés dans les dix premiers mois, soit 36,4 % de plus que sur la même
période en 2006, toujours d’après le Minèfe. Rien d’étonnant à cela pour Sébastien Breteau, P-DG du prestataire Asia
Inspection : « Le sourcing asiatique évolue géographiquement. Au début des années 80, il y avait le Japon, relayé ensuite
par Taiwan et la Corée du Sud, puis par Hong Kong dans les années 90. Le Nord-Est de la Chine et le Viêt Nam ont
naturellement suivi ». Pour Sébastien Breteau, « La logique de coûts fait toujours évoluer le sourcing vers un compromis
entre le moins cher et l’obtention d’une qualité acceptable, et ce durablement ».
Des régions émergentes pour le sourcing
L’évolution du sourcing devrait donc être longuement émaillée de ces nouveaux glissements géographiques. Mais il se
pourrait que les États-Unis jouent les trouble-fêtes (voir l’encadré États-Unis). Même si le statut de LCC paraît plus
qu’impropre pour ce pays, de plus en plus d’observateurs en font une source à la compétitivité retrouvée et en progression.
« En termes de coût total de l’offre, toute une série de facteurs permettent aux États-Unis de lutter avantageusement avec
les LCC traditionnels, avec en plus la possibilité de faire jouer l’effet low cost via son voisin mexicain », précise Mark
Simmons, directeur du conseil opérationnel en Europe pour Archstone Consulting, cabinet américain qui inclut dans son
offre l’accompagnement au sourcing stratégique.
Ce retour en grâce du continent américain n’est pas un hasard. Alors que le cours du yuan est resté stable durant ces deux
dernières années, le dollar s’est déprécié d’environ 20 %, soit une réduction des coûts semblable à celle que les directions
des achats attendent généralement des LCC, avec de meilleurs délais de livraison, des risques plus limités sur l’offre et la
propriété intellectuelle, une qualité parfois supérieure et d’évidentes facilités de communication. Et le cours du dollar n’est
pas le seul nouveau paramètre pouvant faire pencher la balance. L’augmentation, certes liée, du poids du pétrole, alourdit
considérablement la facture transport et désavantage l’Asie du Sud-Est pour des achats rapatriés en Europe.
La situation américaine convient très bien à certaines industries. « Bien qu’une partie de nos ventes soit réalisée en dollars
et l’autre en euros, ce qui nous rend moins sensibles que d’autres à la baisse, la plupart de nos concurrents travaillent en
zone dollar et nous imposent une recherche continue de compétitivité », illustre Pierre-Yves Morvan, directeur des achats,
de la supply chain et des systèmes d’information de Turbomeca (voir le témoignage). Cette filiale du groupe Safran,
spécialiste des turbines à gaz intervenant dans la motorisation des hélicoptères, est déjà présente au Texas depuis trente
ans.
Acheter local, penser global : oui, mais au bon endroit
Et elle vient d’investir 50 millions d’euros dans une nouvelle usine à Monroe, en Caroline du Nord, avec 180 emplois à
terme. Une opportunité pour une activité à faibles volumes d’achat à haute technicité. À l’avenir, l’essentiel de l’assemblage
devrait être réalisé sur ce nouveau site et celui de Pékin.
Les considérations monétaires et la croissance des prix des matières premières laissent à penser que pour des
multinationales européennes, le sourcing asiatique sera avant tout destiné aux besoins locaux dans les années à venir, à
moins que l’importance des volumes ne légitime un achat local pour des besoins européens. Bien souvent, l’Europe de l’Est
apparaît par exemple plus attractive : « Pour le développement informatique, il vaut souvent mieux regarder du côté de la
Roumanie ou de la Russie, les salaires des ingénieurs indiens augmentant très rapidement », note Sébastien Breteau d’Asia
Inspection.
Laurent Jacquemin de Westaflex étend le constat : « Nous avons beaucoup de contacts en Chine et en Inde, mais à cette
échelle, nous nous inspirons de la logique d’un Toyota, à savoir acheter là où nous vendons ». Parfois, l’intérêt d’un
sourcing en Europe de l’Est est même quasiment nul : « Pour le décolletage, l’Italie du Nord, le pays basque et la région de
Barcelone possèdent un savoir-faire qui rend peu probable la découverte d’une meilleure compétitivité ailleurs ». Des
conclusions partagées par Pierre-Yves Morvan de Turbomeca : « Le développement des achats dans des pays comme les
États-Unis, la Chine ou encore l’Inde correspond d’abord à l’extension du réseau commercial de Turbomeca ». Le projet
d’usine à Monroe en fait partie, suite au contrat passé avec l’armée américaine.
Un meilleur verrouillage du triptyque QCD
Mais ce nouvel enjeu géographique ne fera pas pour autant oublier les fondamentaux, à savoir la gestion du triptyque coûts
qualité délais. Pour Mark Simmons d’Archstone Consulting, « Beaucoup de clients demandent plus de performance de la
supply chain et ne s’arrêtent plus seulement sur les réductions des coûts ». C’est dire que les clichés véhiculés par les
accidents médiatiques et industriels de Mattel et Gap sont restés dans les mémoires, sans qu’il faille en déduire une moindre
qualité de la production locale.
Pour la branche Transport d’Alstom, Philippe Peignon confirme cet état de fait : « LCC ne veut pas dire dégradation de nos
produits ou de nos exigences. L’objectif coûts qualité délais reste identique pour nous, quelle que soit la zone. En outre, la
performance de nos fournisseurs LCC est du même ordre que celle de nos fournisseurs HCC ».
En conclusion, il y avait la qualité, la gestion de projet et les antagonismes culturels ; il y aura désormais la conjoncture
monétaire, salariale et matérielle. Et donc de nouveaux problèmes à résoudre, de savants calculs en perspective et toujours
autant d’évolutions à anticiper, comme l’importance croissante de la responsabilité sociale et environnementale des
donneurs d’ordres (voir l’encadré Achats responsables). Pour couronner le tout, il faudra compter sur une évolution continue
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du paysage du sourcing, avec de nouvelles zone compétitives. Plus question de ruée vers des économies faciles, mais bien
de projets complexes et d’investissements à longue échéance.
Achats responsables
Les LCC dans la ligne de mire
Parmi les grands sujets du moment, celui de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises s’applique plus
que jamais aux pays à bas coûts de main-d’œuvre. « Depuis deux ans, l’éthique sociale s’inscrit dans une démarche
générale de développement durable et les problématiques d’image prennent de l’importance. La tendance est lourde et la
pratique de l’audit surprise par nos soins a été systématisée », résume Sébastien Breteau d’Asia Inspection. Ce dernier a
notamment investi dans la jeune société Ecovadis, plusieurs fois mentionnée dans nos colonnes récemment.
Pour Richard Laub de Dragon Sourcing, « Il s’agit d’une orientation majeure ». Rappelons que le prestataire est à l’origine
d’une étude pointant l’importance des efforts encore à accomplir dans les pays à bas coûts sur cette question : 22 % des
entreprises sondées envisageaient alors de lancer une démarche globale d’achats responsables dans les deux ans (voir
La Lettre des Achats n° 156 de décembre 2007). Rendez-vous donc en 2009 pour savoir si les déclarations auront été
suivies d’effets…
États-Unis
5 bonnes raisons d’y aller
1 La compétitivité liée au dollar, la réduction des délais de livraison et donc celle des coûts de transport
2 La limitation des risques du côté de l’offre et la meilleure qualité des infrastructures
3 La limitation des risques commerciaux, une législation très en pointe sur la protection de la propriété intellectuelle
4 Une qualité supérieure : malgré des disparités régionales, les processus de gestion de la qualité sont déjà en place
chez les fournisseurs de rang 1 et 2
5 Des temps de mise sur le marché plus courts et plus prévisibles, notamment du fait de la proximité culturelle
Pour Mark Simmons d’Archstone Consulting, ces cinq arguments devraient convaincre les directions des achats de
reconsidérer certaines dépenses au vu de la situation américaine.
Pays à bas coûts
Les 5 facteurs-clés de succès
1 Considérer et calculer le coût total à court terme, en incluant des scénarios de moyen terme. Investir dans les
compétences humaines requises pour cette analyse
2 Sélectionner le bon produit au regard de la réactivité de la supply chain, notamment face aux variations des volumes
commandés
3 Sélectionner le bon produit en fonction des risques liés à la fréquence des achats. Pour des achats peu récurrents, il
conviendra souvent de sourcer au plus près
4 Mettre en place un support sur les marchés émergents, avec un bureau d’achats ou des partenaires locaux, pour gérer
qualité, logistique et aspects juridique et technique sur la durée
5 Définir des plans d’actions locaux réalistes et investir dans des équipes mixtes (commerciales et techniques)
Sourcing LCC
Des prestataires au service des achats
A destination des directions des achats dans leur démarche LCC, le conseil se développe, avec pour but de prendre en
charge des tâches délicates et chronophages. Parmi les prestataires, outre des cabinets de conseil impliqués dans les
projets de délocalisation, il y a d’abord les spécialistes du sourcing. Avec leur propre répertoire de fournisseurs, ils
proposent de répondre aux besoins de deux types de clients : « Il existe une dichotomie en Chine. D’un côté, nous avons
de grandes entreprises qui ont déployé beaucoup de moyens ; de l’autre, de petits bureaux d’achats qui manquent de
moyens et n’ont pas atteint la taille critique nécessaire », explique Richard Laub, P-DG de Dragon Sourcing. Qui justifie
l’existence de sa société : « Beaucoup de grands groupes ne souhaitent pas s’installer en Asie du Sud-Est. Ils veulent
éviter de travailler avec les traders traditionnels et préfèrent donc externaliser auprès de nous leurs achats dans cette
zone ».
Autre prestation en vogue, le contrôle qualité. Des sociétés spécialisées épaulent déjà les directions des achats, comme
Bureau Veritas ou Asia Inspection, qui met 350 inspecteurs à leur service pour toute une série de vérifications, avec plus
de 2 000 clients dans 58 pays. « Auparavant, la démarche qualité s’appliquait aux nouveaux fournisseurs. Elle devient
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aujourd’hui systématique. Nous réalisons donc des inspections lors de la production avant chaque expédition, ainsi
qu’annuellement », souligne son P-DG Sébastien Breteau. Plus de 30 000 audits devraient être menés en 2008 par le
prestataire.
Fait partie du dossier Pays à bas coûts : les nouveaux visages du sourcing mondial
« Compenser la lourdeur de l’investissement industriel »
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