L`architecture semi-enterrée Quel respect du site pour l`architecture

Transcription

L`architecture semi-enterrée Quel respect du site pour l`architecture
Mémoire de master
Décembre 2010
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Directeurs de mémoire
Jean-François Blassel
Juliette Pommier
Architecture et nature
L’architecture semi-enterrée
Quel respect du site pour l’architecture
semi-enterrée ?
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Flavie Benhenna
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Résumé
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Le questionnement porte sur l’architecture semi-enterrée dans
le cadre d’un thème plus large : «architecture et nature». La
problématique de départ est la suivante : Quel respect du site
pour l’architecture semi-enterrée ? Dans une première partie, les
documents du corpus nous renseignent sur la manière dont les
bâtiments s’insèrent dans le paysage. On identifie potentiellement
cinq manières de s’intégrer au paysage, la dissimulation, le
camouflage, l’incorporation, la fusion et le détachement. On
identifie aussi dans cette partie comment l’architecture bien
qu’enterrée offre des vues sur le paysage. Enfin, on s’aperçoit
avec les photographies de chantier comment le site d’origine est
dénaturé.
Dans un second temps, on présume que le choix de la stratégie
d’insertion influe sur la nature des espaces intérieurs et du parcours
mis en place. Pensée par soustraction de matière, l’architecture
semi-enterrée possède plusieurs intérêts, c’est une architecture
qui protège d’une part et qui préserve d’autre part. L’enterrement
engendre la pensée d’un accès particulier, dans certains cas il se
présente comme un parcours rythmés par les ombres et lumières.
La dernière partie s’ouvre sur la sémantique de l’espace souterrain.
Synonyme de confinement et d’enfermement, le travail des
ouvertures est primordial dans l’architecture semi-enterrée. On
identifie ici un premier paradoxe. Ces ouvertures créent des traces
dans le paysage. La question de la connexion du dessous au dessus
réside dans la manière de faire pénétrer la lumière dans le bâtiment.
Elle agit comme un connecteur physique entre l’architecture et
son site. De par son traitement du sol, l’architecture semi-enterrée
se rapproche du paysagisme, elle s’éloigne du gratte-ciel pour se
diriger vers le «gratte-terre».
Finalement, on recadre la question et on va au delà du
positionnement éthique. L’architecture semi-enterrée est une
solution possible d’aménagement du territoire qui répond aux
préoccupations actuelles : la préservation de l’environnement.
D’une part, elle se replie sur elle-même vis à vis du paysage, d’autre
part elle s’ouvre vers son environnement et tente de s’y intégrer tout
en signalant sa présence.
Flavie Benhenna
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Directeurs de mémoire
Jean-François Blassel
Juliette Pommier
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Mémoire de master
Matières à penser
Décembre 2010
9
1.
Comment l’environnement construit et paysager
influe t’il sur l’architecture semi-enterrée ?
13
1.1
Les stratégies d’insertion dans le site
13
L’art du camouflage
S’incorporer au modelage du sol
Faire fusionner terre et architecture
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Se détacher en affirmant sa nature artificielle
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Se cacher pour respecter le contexte architectural
1.2
Cadrer le paysage
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1.3
L’enterrement en question
27
Historique et évolution des techniques de creusement
L’enterrement dépend de la nature du sol
Structure du bâtiment et structure du sol entrent en résonance
Un acte destructeur vis à vis du site
35
2.
Des espaces intérieurs intimement liés
à ce qui se passe à l’extérieur
37
2.1
De la dissimulation des formes extérieures
37
2.2
Creuser dans la masse
43
Architecture soustractive
Architecture protectrice
Architecture préservatrice
2.3
Processus d’accès et niveaux d’enterrement
49
L’enterrement total du musée Chichu
L’affleurement du sol par la nouveau stade de Sienne
Faible encastrement dans la colline
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Un enterrement en profondeur
Une certaine forme de légitimité
61
3.
Architecture paysage
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3.1
Le monde souterrain dans l’imaginaire collectif
L’image du souterrain
La sensation d’enfermement
Une architecture non standard
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Introduction
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3.2
Une architecture de signes
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Les traces dans le paysage
Quel respect du site?
L’architecture de la superposition
Superposer pour organiser
De la rupture à l’interpénétration des sols
Connecter le dessous au dessus
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3.4
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3.3
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Séduction de l’image du semi-enterré
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L’entre-deux
La lumière, un connecteur de l’architecture et du site
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3.5
Le paradoxe du tout et de l’architecture paysage
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Repli sur soi et ouverture paysagère
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Bibliographie
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Introduction
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L’architecture semi-enterrée semble tendre vers une réconciliation,
si ce n’est une symbiose entre l’architecture et la nature.
Cette typologie architecturale qui prend profondément racine dans
le sol, induit, par son essence même, une relation particulière à la
nature. Elle semble appartenir à deux domaines; celui de l’objet en
tant qu’espace construit et celui du territoire en tant qu’ensemble
construit.
L’architecture semi-enterrée se présente sous trois formes. La
première et la plus ancienne prend la forme de grottes et de
cavernes. Il s’agit de la forme naturelle. Forgées par la nature
elle-même, il n’existe pas de réelle distinction entre nature et
architecture. La nature ayant engendrée l’architecture, l’architecture
étant nature. L’homme adapte sa manière de vivre en fonction de la
composition naturelle de la grotte.
L’homme s’inspire de la nature pour concevoir la deuxième
forme, il améliore cette dernière en la prolongeant. Il s’agit ici de
l’architecture troglodytique. L’homme s’appuie sur les formations
naturelles des cavernes et en perfectionne les espaces intérieurs.
Il les creuse afin de créer des espaces qui répondent à des besoins
donnés. Ici, l’homme commence à adapter l’architecture à son mode
de vie.
On note l’apparition d’une dernière forme, elle est quant à elle
artificielle et entièrement construite de la main de l’homme. Cette
dernière forme naît de l’évolution des techniques de creusement et
d’excavation, le site est terrassé, nivelé, le bâtiment est construit puis
recouvert de terre.
C’est cette dernière forme d’architecture semi-enterrée qui nous
intéresse.
Avec la situation économique actuelle et la croissance des
villes la construction souterraine développe une toute nouvelle
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popularité. Il semble que cette esthétique coupable soit de plus
en plus amenée à se développer. Son potentiel d’intégration à
l’environnement en fait-il une solution possible quant à la peur de
voir disparaître les campagnes et paysages ruraux?
Cependant, analysée à la lumière des récentes préoccupations pour
la Terre, on peut se demander si elle peut être une réponse valable
et légitime quant au respect de la nature et au réchauffement
climatique. Ces interrogations nous conduisent à nous poser la
question suivante : quel respect du site pour l’architecture semienterrée?
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Le corpus étudié se compose autour de cinq bâtiments, la diversité
de programme, d’échelle, et de site d’implantation vont nous
amener à étudier la manière dont les bâtiments s’insère dans le site.
Le corpus se compose de trois architectures ancrées à flanc de
colline, la nouvelle porterie de Ronchamp de Renzo Piano, le chai
Antinori à Bargino en Italie et les thermes de Vals de Peter Zumthor.
L’analyse se porte également sur un bâtiment entièrement enterré,
le musée Chichu de Tadao Ando sur l’île de Naoshima. Nous
étudierons également une dernière architecture qui s’enracine dans
le sol mais qui est pourtant largement ouverte sur son paysage, le
nouveau stade pour la ville de Sienne conçu par Iotti+Pavarani et
Marazzi Architetti.
L’architecture semi-enterrée est-elle en accord avec le site?
Comment parvient-elle à créer des ouvertures sur l’extérieur?
Comment les architectes tirent-ils parti de l’enterrement de
tels espaces pour contribuer à la scénographie intérieure? La
construction de ces bâtiments n’entache t’elle pas l’image du semienterré? Pourquoi cette image nous séduit-elle? L’analyse des
coupes nous éclairera sur les relations entre l’objet et le paysage,
les photographies aériennes sur la nature de l’insertion paysagère,
enfin, les images de chantier seront les témoins d’un temps oublié.
Chaque bâtiment du corpus amène différentes pistes de réflexion à
commencer par les stratégies d’insertion dans le site.
Nous verrons dans un premier temps quelles sont ces stratégies et
comment elles sont adoptées.
Dans une seconde partie, nous verrons comment ces stratégies
influent sur la manière de penser les espaces intérieurs.
L’architecture semi-enterrée est à mi chemin entre le monde du
dessus et celui du dessous. Elle apparaît légère tout en masquant
une massivité certaine, elle oscille entre ombre et lumière. Nous
nous questionnerons enfin sur la nature de la porosité qu’il existe
entre l’espace enterrée et son environnement.
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Comment l’environnement construit
et paysager influe t’il sur l’architecture
semi-enterrée ?
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1.1 Les stratégies d’insertion dans le site
La manière dont l’architecture semi-enterrée s’insère dans le
paysage s’apparente à celle des infrastructures. En effet, après
analyse du corpus, on s’aperçoit que l’on peut s’appuyer sur les
cinq typologies de présence physique de l’infrastructure dans le
paysage que Kelly Shannon et Marcel Smets développent dans The
landscape of contemporary infrastructure. Les typologies sont les
suivantes : «the artifice of hiding» (se cacher), «assimilation through
camouflage» (camoufler), «fusion into a new composite» (se fondre),
«incorporation into a piece of megastructure» (s’incorporer) et
«detachment through reliance» (se détacher).
*Se cacher pour respecter le contexte architectural et paysager
L’attitude visant à s’enterrer pour réduire son impact visuel par
rapport à un contexte architectural particulier parait logique.
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«In the more open countryside, hiding takes on another role.
Earthworks and the creative insertion of neighborhood-related
programs are employed to mask otherwise brutal infrastructural
impositions on the landscape»1.
Le projet de Renzo Piano et Michel Corajoud pour la nouvelle
porterie de la chapelle de Ronchamp va nous aider à comprendre la
stratégie qui consiste à cacher un bâtiment.
Pourquoi construire à proximité de la chapelle ?
1
SHANNON Kelly, SMETS Marcel, The landscape of contemporary infrastructure, Rotterdam, NAI Publishers, 2010, p.56
L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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nouvelles plantations
oratoire
fraternité
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1. et 2. Avant/après
Le montage avant/après l’intervention nous
montre la portée de l’impact des nouveaux
bâtiments/ Leur couverture végétale masque
toute perspective vers la vallée.
porterie
3. Coupe du projet
La coupe d’une des premières version du
projet de Renzo Piano pour la nouvelle porterie
nous montre à quel point la ligne de sol est
entrecoupée par les nouveaux locaux.
Images 1.2.3. issues du dossier remis à la fondation par Renzo Piano et mis en ligne par la revue le visiteur :
http://www.flickr.com/photos/27428052@N04/sets/72157605463559008
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Comment l’environnement construit et paysager influe t’il sur l’architecture semi-enterrée ?
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La fraternité des Clarisses souhaitait s’installer auprès de la chapelle
afin de faire perdurer son usage.
C’est en raison de cette proximité avec la chapelle que le choix a été
fait d’encastrer la résidence des soeurs et la nouvelle porterie dans
la colline. Il ne fallait pas, que depuis les abords de la chapelle, on
puisse voir la porterie et les chambres des sœurs.
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Construire à proximité de cette dernière est-il un acte brutal?
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Le projet a souffert d’une longue polémique, de pétitions et
d’affrontements. Au nom du patrimoine, un grand nombre
d’individus se sont affrontés pour ou contre la construction du
projet. D’un côté la Fondation Le Corbusier, de l’autre le légataire de
la Chapelle de Ronchamp.
Le projet d’origine proposé présente une architecture certes semienterrée, mais avec un effet non négligeable sur l’environnement.
La revue Le visiteur met à jour les aspects négatifs du projet. Comme
on peut le voir sur la coupe présentée, la topographie du site est
littéralement transformée. Elle est comme morcelée afin d’insérer les
différents éléments du programme.
Le terrain apparaît donc comme « charcuté ». Cependant, ce qui
choque plus que tout autre chose, ce sont les cheminées de lumière
qui s’érigent au dessus des bâtiments. Ces dernières sont ont ellesmêmes masquées par les nouvelles plantations du paysagiste
Michel Corajoud. L’ensemble masque la totalité des vues sur le
paysage. Le projet sera finalement réalisé mais ce n’est pas sans
compter un remaniement du projet. L’impact semble moins lourd
de conséquences.
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Ce projet pose la question du patrimoine autant architectural
que naturel et de la manière juste de le respecter. L’architecture
souterraine répond à un récent besoin de préserver les zones
rurales et non/peu construites. En effet, la proportion des biens
naturels inscrits au patrimoine de l’Unesco est de moins d’un tiers
par rapport à l’ensemble du recensement. Il semble que ce type
d’attitude découle directement des différentes prises de conscience
concernant le réchauffement climatique et le respect de la nature.
L’insertion de l’architecture en milieu rural devient un sujet
délicat, l’architecture souterraine permet de répondre dans une
certaine mesure aux craintes de voir défigurer les espaces qui nous
paraissent encore naturels.
L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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1.2. Evolution du projet
Ces deux coupes nous montrent comment les
constructions ont été amené à s’éloigner de
la chapelle de Ronchamp et à supprimer les
cheminées de lumière. La seconde coupe met
l’accent sur la visibilité depuis le plateau de la
chapelle.
3.4 Rupture des niveaux de sol
L’image 4 est un zoom sur l’image 3. Le bâtiment
impose une fracture qui n’existait pas à l’origine,
il vient rompre avec la continuité du sol.
Image 1 issue du dossier remis à la fondation par Renzo Piano et mis en ligne par la revue le visiteur :
http://www.flickr.com/photos/27428052@N04/sets/72157605463559008
Image 2 et fond d’image 3 issue du site internet de Renzo Piano : http://rpbw.r.ui-pro.com
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La version du projet de la nouvelle porterie en cours de construction
est plus respectueuse de son environnement d’un point de vue
architectural et naturel. Elle prend place dans la colline et se met
en retrait dans une attitude révérencielle, sans fioriture et sans
interférer sur la manière dont le site de la chapelle est perçu puisque
le chantier n’est pas visible depuis la ville de Ronchamp. Par ailleurs,
le regard glisse sur les bâtiments sans perturber la vue originelle
depuis la chapelle vers son environnement.
La proximité de la chapelle a été un facteur décisif dans le choix
de l’enterrement des nouveaux locaux pour les concepteurs. On
remarque toutefois sur la coupe principale du projet en cours
d’édification que la réponse apportée -la chapelle mise à partcorrespond tout à fait à la morphologie du site, à savoir un bâtiment
enchâssé dans la colline.
Les deux coupes ci contre (1 et 2) nous montrent l’évolution du
projet.
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Il semblait par ailleurs absurde de mettre en place une architecture
enterrée qui a pour vocation de demeurer invisible et de la signaler
avec des cheminées de lumière et par des nouvelles plantations.
On s’aperçoit que les nouveaux locaux sont éloignés de la chapelle.
Au lieu des trois niveaux de bâtiments, Renzo Piano regroupe le
programme sur deux niveaux.
La deuxième coupe met l’accent sur la perspective inchangée sur le
paysage en dessinant le cône visuel.
Alors que la première version du projet était perceptible depuis la
chapelle, la nouvelle version dissimule complètement les nouveaux
espaces.
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Même si l’on tient à «cacher» cette opération. La coupe du projet
exprime quant à elle l’impact sur la colline de la chapelle.
Le schéma (3 et 4) superpose la ligne de sol avant et après l’intervention. On observe une rupture dans la continuité du sol.
En amont on ne perçoit pas du tout cette rupture de sol, en revanche, en aval, le bâtiment révèle toute sa présence.
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2. 3. Un monolithe sculpté
La pierre est sciée, les surfaces sont polies,
bouchardées et sablées. Le travail de l’homme
révèle la structure de la pierre.
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1. Un champ de vignes
La vue aérienne nous montre comment tous les
bâtiments sont recouverts de terre. Ces terres
servent à la culture de la vigne.
Image 1 issue du site des architectes du projet : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
Image 2 : Sigrid HAUSER, Peter ZUMTHOR, Therme Vals, Infolio, coll. Archi.Monograph, 2007, p.116-117
Image 3 : «Peter Zumthor», A+U, Architecture and urbanism Extra Edition, Fév. 1998, p.154
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Comme Shannon et Smets nous le rappelle, le camouflage
architectural s’est largement développé dans l’architecture militaire.
Les architectures militaires de la première guerre mondiale et
leurs concepteurs ont largement contribué à travailler la manière
d’intégrer un bâtiment dans un paysage sans que ce dernier ne se
distingue du tissu dans lequel il s’insère. Le bâtiment militaire ne
devait pas être identifié lorsqu’on le survolait par avion afin d’éviter
un bombardement.
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*L’art du camouflage
«This concept of imperceptibility and assimilation shares similarites
with that of hiding and putting out of sight. When incorporation into
the surrounding environment is fully achieved, the foreign body is
no longer visible/ Camouflage is thus a vital form of hiding. [...] The
strategy of inclusion aims to integrate a foreign object into a territory
and make it seem as though it had always been here.»2
Il s’agit donc ici de se faire passer pour ce que l’on n’est pas. Il s’agit
de tenter de se rendre invisible en prenant les caractéristiques
physiques du milieu dans lequel on s’insère.
Peut-on dire que l’on retrouve cette intention dans le cas du chai
Antinori ? On ne retrouve cette intention que partiellement. Le
bâtiment se fait passer pour un champ de vigne, il se fait donc
passer pour autre chose, cependant, il ne se fait pas passer pour ce
qui existait là avant. On observe clairement une discontinuité dans
le tissu du sol.
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Le camouflage permet ici de réduire l’impact du bâtiment dans
son environnement, mais ce dernier n’est pas poussé à l’extrême. Il
existe une nécessaire discontinuité dû à son statut commercial.
Cette architecture de camouflage se met en place également
par un mimétisme matériel. En effet, les thermes de Vals et
le stade de Sienne réutilisent un matériau local. On peut se
demander s’il s’agit là d’une imitation de la nature ou s’il s’agit
d’une démonstration de la manière dont l’homme réinterprète la
nature en tant qu’acte culturel. L’agencement des pierres de Vals
utilisées est tellement maîtrisé qu’il est évident qu’il ne rappelle en
aucun cas l’agencement naturel de ces pierres, on lit là une réelle
démonstration de la maîtrise artisanale des hommes.
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Ibid., p.68
L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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1. Machine v/s nature
On lit clairement ce paradoxe de la machine
(l’homme) qui vient agencer un élément naturel
(la pierre).
2. Nature plaquée
On visualise l’élément de plaquage pensé pour
recouvrir le bâtiment du stade.
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3. Continuité
Les gradins du stade s’insère dans une continuité
du sol.
Image 1 issue du site des architectes du projet : http://www.iotti-pavarani.com (18/12/2010)
Image 2 issue du site des architectes du projet : http://www.marazziarchitetti.com/schede/siena.php
(15/11/2010)
Image 3 : issue du site des architectes du projet : http://www.iotti-pavarani.com (20/09/2010)
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*S’incorporer au modelage du sol
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D’un autre côté la question de l’imitation de la nature se pose
réellement pour le stade de Sienne, dans la mesure où le projet fait
appel à un matériau typique de la région la pierre de Cantoni ce
qui confère une tonalité à l’édifice similaire à son environnement.
Cependant sa mise en œuvre pose question, on lit très clairement
le paradoxe de cette mise en œuvre en observant les images cicontre (1 et 2). La nature est alors pensée comme un élément de
recouvrement, il s’agit là d’un plaquage.
L’application architecturale de cette catégorie «incorporation into
a piece of megastructure» s’éloigne le plus de ce qu’en disent
Shannon et Smets dans leur ouvrage, en effet, ils parlent ici de
l’intégration d’une infrastructure dans le cadre d’une mégastructure,
on ne réutilise ici que le terme qu’ils emploient pour désigner cette
insertion : «l’incorporation». Il s’agit là d’une forme d’intégration
douce que nous pourrions illustrer par le projet de Iotti+Pavarani et
Marazzi Architetti pour le nouveau stade de Sienne.
Le stade pour la ville de Sienne s’inscrit dans un modelage du sol
et dans la continuité du sol extérieur. Ici, on s’éloigne donc de la
forme contemporaine des stades, on observe une rupture avec le
schéma habituel du stade complètement introverti et étanche à son
environnement du fait de l’élévation des gradins. Le parc du Borgo
Vecchio dans lequel il s’insère dicte ici les formes du stade. Ce ne
sont pas les images que l’on peut associer au programme, à savoir
un objet autonome qui vient se poser sur un sol. S’agit-t-il d’une
rupture avec la tradition et donc avec la culture de l’architecture de
stade au profit d’un mimétisme naturel ?
L’implantation du stade était laissée au choix des architectes, ces
derniers ont donc délibérément décidé de placer le stade en creux.
Étrangement, ce ne sont pas les seuls architectes à avoir répondu
par une architecture de type topographique, là encore cela nous
amène à penser que c’est la particularité du site qui a amené ces
concepteurs à penser le stade en creux.
La question du programme est ici ré-interrogée pour incorporer le
stade dans son environnement.
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Comment l’environnement construit et paysager influe t’il sur l’architecture semi-enterrée ?
Les architectes accentuent la dépression naturelle observée du
site et exagèrent la découpe naturelle du terrain. De cette façon, ils
insèrent entièrement les gradins dans une totale continuité du sol.
Cette démarche fait preuve du réelle prise en compte du paysage.
Cette insertion en creux permet également une certaine économie
de moyens quant à la construction du stade.
L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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1. Le musée Chichu
Architecture et nature ne font plus qu’un
1. La façade des thermes de Vals
La façade des thermes affirme l’indépendance
d’un bâtiment pourtant ancré dans la montagne.
Image 1 Photographe : Mitsumasa Fujitsuka
Image 2 issue du site http://hgeofm.over-blog.com/article-23728816.html
Comment l’environnement construit et paysager influe t’il sur l’architecture semi-enterrée ?
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«Fusion involves the combining of two distinct things, the merging
of different elements into one. Fusion is a state of amalgamation,
of joining together into a single entity.[...] In an inclusive landscape
project, inspiration is taken from the existing territory, but the initial
situations is, in turn, amended by the infrastructure that becomes part
of it. Absorption of a foreign element into a context always transforms
that context.»3
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*Faire fusionner terre et architecture
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Se fondre dans la nature consiste donc à ancrer le bâtiment
profondément dans le sol, jusqu’à l’inclure totalement. Visuellement,
le bâtiment est comme absorbé par la Terre.
Le musée Chichu pensé par Tadao Ando illustre bien cette manière
de faire fusionner l’architecture et la nature.
Tadao Ando a choisi d’enterrer totalement son musée, cet acte
lui confère une image forte. On peut lire dans cet enterrement du
musée comme une mise en abîme de l’île dans l’île car il lui confère
un second niveau d’insularité.
*Se détacher en affirmant sa nature artificielle
Le bâtiment peut s’insérer dans son environnement tout en
exprimant un certain détachement, une certaine autonomie.
«Man’s mark of civilization is a defensive act that challenges nature.
His interventions are defiant marks of difference, otherness, and an
artifice of human culture—a celebration of all that is not nature.»4
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Comme on a pu le voir en parlant du mimétisme matériel dans
les thermes de Vals, la manière dont l’homme réinterprète
l’agencement des pierres de Vals est une manière de se détacher de
son environnement tout en y restant ancré.
Lorsque l’on observe une vue des thermes, on voit bien en quoi la
façade qui s’avance vers le paysage est comme une vitrine d’une
nature artificielle retravaillée par l’homme. Elle affirme ici son statut
d’architecture en tant qu’objet.
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Ibid., p.80
Ibid., p.106
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Cadrage sur la ville de Sienne
La pente douce dirige le regard vers la ville de Sienn
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1. Cadrage des thermes
2. Panorama offert par le chai
3. La chambre des soeurs cadre le paysage
4. Cadrage vers le ciel du musée
5. Le stade cadre la ville de Sienne
Image 1 : «Peter Zumthor», A+U, Architecture and urbanism Extra Edition, Fév. 1998, p.145
Image 2 issue du site des architectes : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
Image 4 : Chichu Art Museum, Tadao Ando builds for Walter de Maria, James Turrel, and Claude Monet,
Hatje Cantz Publishers, feuillet en début d’ouvrage
Image 5 issue du site des architectes du projet : http://www.marazziarchitetti.com/schede/siena.php
(15/11/2010)
Comment l’environnement construit et paysager influe t’il sur l’architecture semi-enterrée ?
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1.2 Cadrer le paysage
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Non seulement les architectes tentent d’intégrer leur architecture
dans le paysage mais ils tentent également de cadrer des vues sur
ce dernier. Ainsi, chaque architecture du corpus offre un regard
privilégié sur son environnement.
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Comme on peut le voir sur cette dernière image, les relations au
paysage ne sont pas seulement pensées de l’extérieur.
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Les thermes de Vals proposent comme un parcours initiatique qui
sera détaillée dans la deuxième partie, on part de la Terre pour
arriver dans des espaces très ouverts sur l’extérieur et qui créent de
larges ouvertures sur le paysage. Ils apparaissent comme des postes
d’observation privilégiés.(1)
La perspective ci-contre nous montre comment le chai offre des
vues sur les alentours. Les deux failles découpées dans la terre offre
deux larges panoramas sur les vignes en premier plan et sur les
collines du Chianti en arrière plan. (2)
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La première coupe du stade nous révèle en arrière plan un cadrage
sur la ville de Sienne. Ce stade n’est pas un stade ordinaire, il s’agit
pour la municipalité de désengorger le centre ville de Sienne.
On a imaginé un stade qui serait plus qu’un stade de football, le
programme accueillerait une pluralité de sports, de cours, mais aussi
des espaces commerciaux, il serait aussi le support d’événements
culturels. (5)
La vocation de ce stade est d’être ouvert 7j/7. D’une part on se met
hors de la ville pour la désengorger, d’autre part on offre une vue
sur cette dernière.
Les chambres des Clarisses, créent par leur faible épaisseur un
cadrage sur l’environnement de la colline de Ronchamp. (3)
Quant au musée de Tadao Ando, les seules ouvertures portent vers
le ciel, une manière pour lui de reconnecter ciel et Terre. D’une part
il cadre des vues du ciel, d’autre part il filtre des portions d’éléments
naturels : la lumière et l’air. Nous verrons dans la troisième partie
comment ce travail est essentiel dans le cas d’une architecture semienterrée.(4)
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1. et 2. Décapeuse et bouteuse
Ces machines permettent à l’homme de
transformer le terrain d’une manière brutale.
3. Compacteur
Après avoir extrait la terre du site, on utilise un
compacteur afin de tasser le sol.
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Images 1.2 : http://www.planete-tp.com/article.php3?id_article=1013
Image 3 : http://www.planete-tp.com/article.php3?id_article=1019
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1.3 L’enterrement en question
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Les travaux publics nous apportent des réponses sur l’histoire du
terrassement par le biais de leur site internet.
A l’origine, on utilise la force des hommes et des bêtes ainsi que les
éléments naturels tels que l’eau, le vent, la gravité. Parallèlement on
construit des outils capables de décupler la force des hommes, tels
que les leviers, les pelles, les roues.
Au XVIIIe, on invente des excavateurs «flottants» d’abord sur l’eau
puis sur terre par l’usage de roues.
Dès la fin du XIXe on observe une amélioration des techniques
d’excavation, cela passe par la mécanisation des moyens. Dans les
villes, où l’enterrement des réseaux est devenu une réelle solution,
on développe des techniques toujours plus pointues pour creuser.
L’industrialisation et la mécanisation permet de répondre au besoin
d’enterrement des éléments techniques gênant dans des espaces
ou la place vient à manquer. Aujourd’hui, on continue à enfouir les
infrastructures tels que les autoroutes, les fluides, les réseaux électriques sous la forme de tunnels, on enfouit tout ce qui est consommateur d’espace mais surtout ce que l’on ne veut pas voir.
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*Historique et évolution des techniques de terrassement
Avec ces progrès techniques, les possibilités de construire en souterrain se sont étendues à plusieurs typologies de site qui paraissaient
inconstructibles auparavant, au delà des villes.
Après avoir utilisé les pioches et les explosifs, l’homme fait aujourd’hui appel à des machines toujours plus performantes pour
modeler le sol à sa convenance.
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Le modelage du site commence par l’excavation des parties du terrain non désirées. On extrait purement et simplement la terre de sa
place naturelle pour la déplacer plus loin, voire même l’acheminer
en décharge. Il semblerait toutefois que certains chantiers valorisent
ces terres en terre de remblai. Le nivellement des sols arrive dans un
second temps.
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2. Chantier du chai Antinori
3. Chantier de la nouvelle porterie
4. Chantier de la nouvelle porterie
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1. Chantier du musée Chichu
Images 1 : Chichu Art Museum, Tadao Ando builds for Walter de Maria, James Turrel, and Claude Monet,
Hatje Cantz Publishers, feuillet en fin d’ouvrage
Image 2 : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
Images3.4 : http://www.clarisses-a-ronchamp.fr/313_p_7176/quelques-images.html
4
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La forme du bâtiment plus que pour l’architecture qui s’érige sur
terre est intimement liée à la technique d’enterrement elle-même
découlant de la structure même du sol. Cependant, on s’aperçoit
dans le corpus étudié que la totalité des architectures ont été
réalisées de la même manière. En effet, il existe deux catégories
de types de sol : le sol dur constitué de roches, et le sol meuble
constitué de terre.
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*L’enterrement dépend de la nature du sol
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Les bâtiments creusés dans la roche relèvent plus de l’architecture
troglodyte, or ici les bâtiments du corpus sont tous en sol meuble,
la technique d’enterrement relève ici du terrassement. On met ici en
lumière le paradoxe de la construction semi-enterrée actuelle.
On retrouve ce paradoxe dans les photos de chantier du chai, de l’île
et de la nouvelle porterie.
«Trop d’espaces sont pensés dans une logique formelle appartenant
au monde du dehors et paraissent comme enfoncés sous terre au
tout dernier moment. Il est vrai que les méthodes constructives
contemporaines encouragent à cela : le sol est généralement largement
creusé, ses plaies sont stabilisées en périphérie de l’excavation et la
construction s’opère comme à l’air libre. Elle ne devient réellement
souterraine qu’après remise en place du terrain déblayé.»5
Contrairement à l’intitulé de ce chapitre, l’enterrement ne dépend
pas entièrement de la nature du sol, il dépend aussi du programme
du bâtiment et de la manière dont l’architecte perçoit le site.
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Le site est complètement détruit d’un point de vue physique pour
pouvoir construire le bâtiment. Ce dernier est ensuite recouvert
d’une partie des terres déblayées tout en essayant de retrouver la
morphologie la plus proche du site d’origine. On cherche à faire
«comme si».
Le projet dont l’impact semble le plus minimal, puisqu’il utilise la
terre comme la structure même des gradins est le stade de football
de Sienne. On identifie ici une certaine économie de matière dans
la construction. Y’a t’il une réelle économie de la matière dans le fait
5
MALET Michel, «Vertus du souterrain», in Vingt mille lieux sous les terres : espaces publics souterrains, Presses polytechniques et universitaires romandes, p.18
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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L’excavation qui semble la plus gourmande en structure et en retrait
de terre se lit sur la photo de chantier du musée d’Ando présenté sur
la page précédente.
Ce creusement important découle de la volonté de faire fusionner
totalement le bâtiment avec son site. La photo de chantier remet en
question cette belle idée.
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de retirer de la terre à son environnement d’origine?
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De même que pour le musée, il faut creuser énormément pour
ancrer les caves à vin et le reste du programme du chai. Les
architectes nous font part de leurs volontés :
«The container had to express the essence of the “content”: a product
tradition, a culture that is profoundly connected to the agrarian
landscape and the natural environment. «6
Il leur paraissait alors indispensable d’ancrer le bâtiment
profondément dans le sol. Leur discours sur la terre mère nourricière
du vin convient tout à fait à la théorie mais s’arrête au moment du
chantier. Cette dernière étant complètement mise à nue.
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On pourrait reprocher à l’architecture semi-enterrée son
fonctionnement à la manière d’une architecture traditionnelle.
Le chantier de la nouvelle porterie nous montre l’absurdité d’une
telle manière de construire. La facilité avec laquelle on creuse la
terre meuble n’amène pas les hommes à penser autrement une
telle construction. Il fait appel à ce qu’il sait déjà. La construction
s’apparente donc à la manière de construire habituelle. Tout comme
dans le cas du troglodytisme, on aurait pu espérer des méthodes de
construction plus chirurgicales dans la manière d’insérer le bâtiment
dans le paysage.
Il est difficile de trouver des photos de chantier des thermes de Vals,
d’ailleurs, l’ouvrage dédié au bâtiment écrit par Peter Zumthor lui
même ne fait pas mention des étapes de la construction. Si ce n’est
l’utilisation des pierres comme coffrage pour le béton.
En effet, on apprend beaucoup sur les origines du projet, la manière
dont l’idée est venue, la façon dont ils ont conçu ce bâtiment et bien
évidemment sur le résultat final. Cependant, cet ouvrage ne nous
6
Studio Archea : http://www.archea.it/uploads/progetti/pdf/Cantina_Antinori2.pdf
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1.2.3.4.5 Visualisation des forces
Schémas illustrant les forces et les poussées des
sols meubles sur l’architecture enterrée
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*Structure du bâtiment et structure du sol entrent en résonance
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présente aucune photographie du chantier et passe sous silence la
manière dont il a été réalisé. Pourquoi cette pudeur?
On imagine assez bien que des images du chantier viendrait
perturber la vision que l’on se fait des thermes comme étant un
bâtiment en accord avec son paysage.
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Sous terre, la structure du bâtiment doit non seulement soutenir le
bâtiment mais également retenir la poussée des sols meubles alentours. Ces forces invisibles doivent être « gérées» par l’architecture.
Cette dernière vient littéralement contre la nature. La coupe révèle
cette tension, l’architecture apparaît comme une greffe qui tente
d’exister et de repousser les forces de la Terre alors que vu de dessus
on visualise une architecture qui donne l’impression de s’insérer
harmonieusement dans le site.
«L’évolution des soutènement a conduit à rechercher d’autres formes
plus économiques mais moins expressives et à créer des points d’appui
qui modifient le système statique du soutènement au moyen d’ancrages ou d’étayage. L’expression statique découlant de la forme abandonne ici ses droits à la technique de construction.»7
Les coupes présentées ci-contre illustrent bien ceci.
A l’exception du stade, les murs sont droits et posés contre la terre.
Il s’agit ici de murs de soutènement en L qui ne répondent pas à la
forme des poussées de la terre.
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C’est le principe du mur droit qui conduit aussi à cette rationalisation car culturellement il est difficile de faire entrer les hommes dans
un espace non orthogonal. Le fait d’avoir des murs droits rassurent
par ailleurs quant à l’enterrement des espaces.
7
MUTTONI Aurelio, SCHERTENLEIB Pascal, «Statique,
techniques de construction et forme du souterrain», 2004,
in Vingt mille lieux sous les terres : espaces publics souterrains,
Presses polytechniques et universitaires romandes, p.76
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Un acte destructeur vis à vis du site
Après avoir fait l’état des lieux des différentes stratégies d’insertion
dans le site, nous avons pu voir comment l’acte de construire sous
terre peut être destructeur vis-à-vis du site.
On le perçoit d’autant plus de manière négative depuis que notre
société a une tendance à vouloir figer notre environnement
construit et naturel. Tout devient patrimoine, les objets,
l’architecture, l’environnement.
L’architecture semi-enterrée apparaît donc comme une fausse
réponse à la discrétion vis-à-vis du patrimoine.
Elle ne répond pas, d’un point de vue structurel à la manière dont le
site agit sur ce type d’architecture. L’homme a besoin de murs droits,
il s’arrange donc pour créer d’épais remparts pour se protéger des
forces de la nature.
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Ceci étant dit, plaçons nous maintenant dans l’envers du décor.
En pénétrant dans ces lieux, on s’aperçoit qu’une forme de
séduction se dégage de ce type d’architecture.
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Poché «artificiel»
caves à vin
Poché «naturel»
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1. Poché «artificiel»
En plus du poché «naturel» formé par la terre, les
architectes mettent en place un second poché
qui est lui «artificiel» afin de caractériser l’espace
des caves à vin.
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Des espaces intérieurs intimement liés
à ce qui se passe à l’extérieur
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2.1 De la dissimulation des formes extérieures
Les architectes sont amenés à tirer parti d’un des facteurs de l’architecture enterrée. Étant sous terre, on ne peut saisir le bâtiment de
l’extérieur. On ne peut même pas le saisir de l’intérieur, ce dernier
ne se lit qu’en coupe. Ici, la forme du bâtiment en tant qu’objet n’est
pas prise en compte, il s’agit plutôt de prendre en compte la forme
paysagère globale de l’intervention. Par ailleurs l’architecte se soucie
grandement de ce qui se passe à l’intérieur. Puisque l’on ne peut le
saisir entièrement, la pensée de l’espace se fait par séquences.
Lorsque l’on observe la coupe du chai Antinori, on s’aperçoit que les
architectes n’hésitent pas à mettre en place un geste architectural
expressif voire même à exagérer les voûtes des caves à vin pour
donner à l’espace une ampleur singulière. Il s’agissait là de mettre en
œuvre des voûtes asymétriques, peut-être pour retrouver l’image de
la grotte.
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Le bâtiment semi-enterré se lit en coupe comme un poché.
Dans le cas du chai, le poché va au delà de la terre qui entoure le
bâtiment. En effet, les architectes recréent un poché au sein même
de leur architecture.
Dans un article intitulée «De l’espace au vide» Jacques Lucan nous
parle du poché.
«Les termites creusent. Creuser n’est pas construire, n’est pas fabriquer
une pièce ou fabriquer un espace. Creuser est dégager un vide ; il s’agit
là d’une autre opération que celle de construire un espace. Comme on
le voit avec les projets de Koolhaas, de Herzog & de Meuron, MVRDV ou
encore HolI, cette opération d’excavation a partie liée avec le monoli-
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1. Coupe du chai Antinori
Le bâtiment s’organise de deux manières, une
partie ordonnée tournée vers l’extérieur, et une
partie irrégulière plus introvertie.
2.3. Coupe du chai Antinori
Vues intérieures du musée.
Les espaces sont très contrastés
L’ombre prédomine.
4.5. Vues de la faille lumineuse
Sur ces deux images l’ombre et la lumière
s’inverse selon que l’on soit à l’intérieur ou à
l’intérieur de l’espace
Images 1 : Rita CAPEZZUTO, « The wine under the vineyard », Domus, n° 883, Juillet 2005, pp. 66-67
Image 2 : Tadao Ando , Tadao Ando 3: Inside Japan, Toto Shuppan, 2008, p.390
Images3 : http://www.burkepaterson.com/bmad/uploaded_images/5-Naoshima-chichu5-708083.jpg
Image 4 : http://www.burkepaterson.com/bmad/uploaded_images/5-Naoshima-chichu55-775768.jpg
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thisme. On ne peut en effet réellement creuser que dans une masse, un
solide, ce que l’on peut nommer par extension un poché. Et la forme
de cette masse ou de ce solide est fondamentalement indifférente, ou
peut être le résultat de contraintes contextuelles ou programmatiques
assumées de façon littérale. Le poché n’est donc plus lié à une problématique spatiale, au sens où l’entendaient Kahn, Venturi et Rowe, mais
à une stratégie du vide, comme l’entend Koolhaas. [...] Composer ou
recomposer, c’est mettre de l’ordre ou concevoir un ordre dans lequel
se rangent les éléments. Un état entropique déjoue toute possibilité
de composer ou de recomposer. Dans une substance, un milieu entropique, dans un poché, on coupe, on tranche, on taille, on excave, on
creuse, on troue. On produit des vides.»8
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Des espaces intérieurs intimement liés à ce qui se passe à l’extérieur
Ici, le vide créé a pourtant bel et bien une intention spatiale forte.
En effet, il s’agit des voûtes abritant les caves à vin. Ces espaces sont
amenés à être traversé par le public. Elles résultent d’une envie des
architectes de mettre en scène le vin.
Au cours d’une conversation avec le magazine Domus, Piero Antinori, le maitre d’oeuvre déclarait ceci « Consumers of quality products—wine in particular— have become extremely curious. They
want to know what lies behind every bottle and about the world the
product comes from. [...] The wine cellar is to us what the showroom is
to fashion.»9
Cette déclaration confirme l’intention du maître d’oeuvre et donc
des maîtres d’ouvrage de jouer avec l’espace de la cave à vin, plus
que d’ améliorer le processus de vinification.
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Contrairement à Studio Archea, Tadao Ando préfère l’utilisation de
formes géométriques pour rythmer les espaces du musée. Par cet
usage, il tourne ainsi son discours vers l’obscurité et la lumière.
« It is possible to create almost any form underground as there are no
axes or directions as exist above ground, on earth. But this formal freedom made all the more comitted to primal geometrical forms. The outer expression of an underground building is invisible and, therefore, the
obvious issues of form were not an issue. My challenge was to achieve a
highly complex and varied sequence of « lightscapes » within a configuration of simple, geometrical forms. Based on the geometry, I carved
8
9
LUCAN Jacques, «La généalogie du poché», Matières, Janvier 2009, n°9,
p.41
«The wine under the vineyard», Domus, Juillet-Aout 2005, p.68
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
Des espaces intérieurs intimement liés à ce qui se passe à l’extérieur
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Son musée se compose d’une succession d’espaces tantôt sombres
tantôt lumineux pour mettre en valeur les oeuvres exposées à
titre permanent. Ces oeuvres ont un lien très étroit avec la lumière
puisqu’il s’agit du travail de Walter de Maria, James Turrell et de
Claude Monet. Les formes géométriques et les variations d’atmosphères entre obscurité et lumière ont pour but de mettre en condition l’observateur. Il s’agit de le placer dans une réelle condition de
concentration. L’architecture vise à focaliser l’attention du visiteur
sur les oeuvres.
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volumes into the earth and tried instill in them a sense of further depth,
which inevitably resulted in less light and intensified atmosphere. »10
10
Chichu Art Museum, Tadao Ando builds for Walter de Maria, James Turrel,
and Claude Monet, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz, 2005, p.88
L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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1
1. Accumulation verticale
Zoom sur la superposition des strates de pierre.
2.3 Accumulation horizontale
L’organisation de l’accumulation des blocs
organisent les espaces des thermes de Vals.
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Organisation de l’accumulation des blocs qui organisent les espaces des thermes
de Vals
Image 1 : Sigrid HAUSER, Peter ZUMTHOR, Therme Vals, Infolio, coll. Archi.Monograph, 2007, p.48
Image 2 : Sigrid HAUSER, Peter ZUMTHOR, Therme Vals, Infolio, coll. Archi.Monograph, 2007, p.40
Images3 : Sigrid HAUSER, Peter ZUMTHOR, Therme Vals, Infolio, coll. Archi.Monograph, 2007, p.100
3
Des espaces intérieurs intimement liés à ce qui se passe à l’extérieur
43
2.2 Creuser dans la masse
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On l’a vu dans la première partie, pour concevoir des architectures
enterrées l’architecte procède par retrait de matière.
Ce retrait de la matière fait apparaître les volumes de l’espace.
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Architecture soustractive
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« Dans son premier entretien sur l’architecture (1863), Viollet-le-Duc
écrit qu’ “élever une cahute avec des branches d’arbre n’est pas de l’art,
c’est un besoin matériel rempli”, ajoutant que, au contraire, “creuser
une demeure dans un escarpement de tuf […] voilà de l’art” . La qualité
de cette architecture soustractive — car elle se construit par retrait de
matière — s’explique par les relations qu’elle tisse avec le contexte dans
lequel elle s’implante, s’adaptant à la qualité du sol, à l’orientation, aux
conditions climatiques » 11
Cette architecture dite soustractive se caractérise par une réflexion
par les vides. Là encore, ce terme met en jeu ce que l’on a pu identifier plus haut. Dans le cas d’une architecture souterraine, l’architecte
soustrait plus qu’il ne faut. Comme on a pu le voir avec les photographies de chantier, il faut faire le vide pour pouvoir construire le
bâtiment, on fait donc table rase.
Paradoxalement, Peter Zumthor tente d’exprimer cette architecture
des vides en travaillant l’accumulation d’un élément plan. Il semble
étonnant de «fabriquer une grotte» non pas en la creusant, mais en
la créant de toute pièce par l’accumulation d’un même matériau.
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Dans l’architecture semi-enterrée, ce sont les volumes qui priment,
ces derniers sont généreux. Ils ont quelque chose de rassurant. En
procédant par retrait de matière on crée des respirations.
11
TERRIN Jean-Jacques, Le monde souterrain, Hazan, coll. Guide des arts,
2008, p.203
L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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1. Le musée Chichu
Architecture et nature ne font plus qu’un
1. La pointe du Hoc
Si vous voulez me croire, très bien.
Je dirai maintenant comment est faite Octavie,
ville-toile d’araignée.
Indication de la source
Image 1 Photographe : Mitsumasa Fujitsuka
Image 2 : http://www.ronwalker.org/normandy/Bunker1.jpg
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Le processus de retrait de matière, le fait de s’ancrer profondément
dans la terre, amène à l’architecture une dimension protectrice.
L’architecture qui se développe sous terre répond à notre besoin
de préserver et de protéger des biens. Ainsi, les glacières, les caves
à vin et fromages se sont appropriées l’architecture souterraine. Il
paraissait donc logique de faire figurer dans le corpus un chai qui
suit la tradition culturelle de conservation des vins.
Au delà du camouflage, l’architecture militaire et particulièrement
les bunkers s’approprient l’architecture enterrée de part ses
capacités de protection, elle agit comme une protection visuelle
mais aussi physique puisque la terre a la capacité d’absorber les
ondes de choc.
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Architecture protectrice
Le chai, le musée et les thermes découlent de cet héritage. Le musée
Chichu fait figure de bunker de l’art, son architecture s’affiche
comme une coque protectrice de béton.
« Les architectes ont toujours recherché la beauté introvertie des
espaces sombres et secrets. […] Cette fascination des profondeurs
a fréquemment conduit les architectes à installer des œuvres d’art
dans des espaces souterrains auxquels ils accordent une forte charge
symbolique. »12
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L’architecture du musée Chichu exprime cette symbolique, on
protège ce qui est sacré, ici l’art, et pour ce faire, cela passe par un
processus d’enterrement.
On peut faire la même remarque pour ce qui est du chai, le
précieux liquide est conservé à l’abri des regards et des agressions
extérieures.
Les thermes, par la massivité des murs et leur épaisseur tendent
vers cette idée de protection de l’eau thermale d’une part et des
baigneurs d’autre part.
12
Ibid, p.224
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partie recouverte de terre
partie enterrée : parking et caves à vin
1. Profondeur du sol et température moyenne
du sol
Graphique exprimant la relation entre la
profondeur du sol et la température annuelle
du sol. Plus on s’enterre, plus la température est
stable.
2. Variations annuelles de température
Graphique exprimant les variations de
température du sol à un niveau d’enterrement
donné. La température est la plus stable à -5m..
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3. Faussement enterré
La coupe du chai nous révèle que seuls les
parkings et la caves sont réellement enterrés. Les
autres locaux, pour un souci d’intégration, sont
simplement recouverts de terre.
Images 1.2 : graphiques issus du site http://abdistri.net/typo/index.php?id=292
Image 3 : «Camouflage», Lotus International, n°126, 2006, p.114
3
Des espaces intérieurs intimement liés à ce qui se passe à l’extérieur
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Le souterrain apparaît également comme une réponse technique à
des besoins climatiques spécifiques. Dans les espaces à fortes variations thermiques journalières, l’utilisation de l’inertie thermique de
la terre permet de limiter les effets de ces variations. La température
intérieure demeure constante.
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Architecture préservatrice
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Comme on peut le voir sur les graphiques ci-contre (1 et 2), plus on
s’enterre, moins les températures extérieurs influent sur la température du sol. Par ailleurs, on s’aperçoit également que plus on s’enterre, moins la température du sol varie tout au long de l’année.
Même si cette pratique n’est pas nouvelle, la crise énergétique de
1974 amène l’homme à prendre conscience du potentiel de ce type
d’architecture.
L’aspect bioclimatique de la construction enterrée à largement été
traité dans les logements, que l’on pourrait appeler « les nouveaux
troglodytes », mais également dans l’architecture des caves à vin.
On comprend alors aisément pourquoi l’agence Studio Archea
a souhaité enterrer les caves à vin du chai. On peut toutefois se
demander pourquoi ce principe a été étendu à l’ensemble des
activités annexes. D’ailleurs, quand on se penche sur la coupe du
chai, on s’aperçoit qu’il n’y a qu’une seule partie du bâtiment qui est
enterrée au sens propre du terme, il s’agit des caves et du parking.
Les autres parties du bâtiment sont simplement recouvertes de
terre.
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Y’a-t-il un réel bénéfice à construire sous terre ?
L’aspect écologique de telles construction a certes été pensée
comme une réelle solution de construction «verte». Cependant,
quand on observe de plus près les ouvrages généralistes de
construction bioclimatique, on s’aperçoit que la construction
souterraine ne prend guère plus que quelques pages voire pour
certains aucune. On peut alors se demander si ce procédé est
réellement efficace et nécessaire.
L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
2
1. et 2. Maquette du musée avec et sans sa
couverture
3. Vue de l’accès au musée
L’accès au musée débute par une lente
ascension.
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Images 1.2 : Chi Chu Art Museum, Tadao Ando builds for Walter de Maria, James Turrel, and Claude Monet,
Hatje Cantz Publishers, p.101
Image 3 : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ac/Chichu_art_museum01s2560.jpg
3
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L’enterrement total du musée Chichu
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Plus on s’enterre, plus la sensation sur l’individu est grande.
On remarque qu’il existe plusieurs niveaux d’enterrement. De ce fait,
il existe aussi plusieurs manières d’y accéder.
Les cinq bâtiments du corpus vont nous permettre d’examiner un
large spectre d’accès et de niveau d’enterrement du bâtiment.
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Tadao Ando a fait le choix d’enterrer complètement son musée seuls
les puits de lumière laissent deviner qu’il se passe quelque chose
dessous. Comment s’y est-il pris pour penser l’accès à un tel bâtiment ?
Comme on peut le voir dans la page ci contre, le musée se signale
par un mur qui semble avoir été extrudé du sol. Déjà, l’accès signale
la manière dont l’architecture va jouer avec le paysage.
Dans la double page suivante, on étudie les plans du musée. Ils nous
renseignent sur la séquence d’accès pensé par Ando.
L’accès au musée commence par une série d’escaliers qui montent
avec pour seul perspective, le ciel. Le paysage, apparaît au fur et à
mesure de la montée.
Il peut paraître étrange d’intégrer l’action de monter pour entrer
dans un musée enterré. A la lumière des différentes perspectives
que Tadao Ando tente d’offrir vers le ciel, cette séquence ne semble
pas si étrange que cela. Avec ce préambule, Tadao Ando annonce
les rythmes du musée, à savoir, les jeux entre les espaces sombres,
les cadrages sur le ciel et les espaces lumineux.
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2.3 Processus d’accès et niveaux d’enterrement
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
café
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plan RDC
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Claude Monet
James Turrell
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La pièce maîtresse du musée,
celle qui articule les trois espaces réservés aux artistes.
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Après avoir traversé le premier couloir sombre,
étrangement, le processus d’accès au bâtiment
enterré commence par la montée de quatre
escaliers. Le paysage apparaît petit à petit.
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Entrée
donne l’accès à
couloirs sombres identifiés
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3 plans issus de :
SUMA Stefania, Musées 2 : architectures 2000-2007, Arles , Actes Sud, 2007, p.222
plan R-1
4
Boutique
Couloir éclairé
naturellement
Bureaux
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plan R-2
Walter de Maria
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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emplacement du stade
1. Vue aérienne et topographie
L’image superpose les principales courbes de
niveaux du site à la vue aérienne. On s’aperçoit
que le stade s’inscrit entre deux collines.
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3. Stade panathénaïque d’Athènes
2. Maquette de site
La maquette de site renforce la première image.
Le stade crée tout de même une rupture avec les
formes du site. Les architectes tentent toutefois
de recréer des courbes de niveaux au sein du
stade mais qui sont de ce fait artificielles.
La maquette de site inclue la représentation du
stade, là encore ce n’est pas un objet détaché.
Images 1 : Google Earth
Image 2 : issue du site des architectes du projet : http://www.marazziarchitetti.com/schede/siena.php
(15/11/2010)
Image 3 : http://fr.academic.ru/pictures/frwiki/80/Panathinaiko_Stadium_panorama.jpg
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Comme on peut le voir sur la carte topographique ci-contre, le
nouveau stade de Sienne s’installe dans une dépression naturelle
du site. Les gradins se développent en U laissant un côté en pente
douce qui cadre le paysage de la ville de Sienne comme on a pu le
voir sur la coupe principale du projet.
Ce type de conception de stade semi-enterré en U n’est pas sans
faire référence à l’implantation du stade panathénaïque d’Athènes
conçu entre deux collines et datant du 4ème siècle av. J-C . Le stade
panathénaïque n’est pas réellement enterré mais il donne cette sensation d’appartenir à un tout. Les cimes des arbres de la forêt adjacente nous donne l’impression que le stade s’enfonce dans la terre.
Ici, il n’y a pas de réel processus d’entrée si ce n’est de gommer
le seuil entre l’environnement et son architecture. En effet, on ne
quitte jamais le paysage.
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L’affleurement du sol par le nouveau stade de Sienne
En observant la maquette de site, on s’aperçoit que le stade est
représenté à l’image des collines par un jeu de courbes de niveaux.
Bien qu’elles soient plus régulières, cela donne l’impression que le
paysage se poursuit dans le stade.
En plus de créer un dialogue ininterrompu avec le paysage, cette
ouverture atypique sur son environnement correspond au programme, ce dernier ayant pour vocation d’être ouvert et utilisable
7/7.
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L’accès se réalise donc de plein pied et en pente douce.
D’autre part, quelque soit l’endroit où l’on se trouve dans les gradins,
on ne perd à aucun moment de vue le paysage.
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1. Faible épaisseur
La coupe du projet révèle la faible épaisseur des
bâtiments.
Images 1 issue du site internet de Renzo Piano : http://rpbw.r.ui-pro.com
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Des espaces intérieurs intimement liés à ce qui se passe à l’extérieur
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Les bâtiments de la nouvelle porterie et des logements des soeurs
ont une faible épaisseur. De ce fait, l’encastrement dans la déclivité
de la colline ne se fait pas ressentir physiquement et physiologiquement en tant qu’un réel enterrement.
Il s’agit d’un enterrement horizontal plus que vertical.
Les espaces sont donc très peu profonds et offrent une large ouverture vers le paysage en contre-bas.
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Faible encastrement dans la colline
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La manière dont on accède à ces bâtiments renforce l’impression
que ces bâtiments ne sont pas «enterrés». L’accès se faisant de plein
pied, on a l’impression d’entrer dans un espace traditionnel.
Un enterrement en profondeur
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Le chai et les thermes de Vals, prennent la même forme en coupe
que la nouvelle porterie à Ronchamp, à ceci près qu’elles disposent
d’une profondeur horizontale et verticale.
La profondeur de ces espaces font que l’architecte est amené à
mettre en place un parcours sensible. En ce qui concerne le chai, on
passe de la lumière vers l’obscurité. En effet, l’accès se fait de plein
pied avec le niveau du sol extérieur et l’usager pénètre « progressivement » dans les profondeurs de l’architecture.
Pourquoi procéder ainsi ?
Le chai est bien plus qu’une architecture agricole, il s’agit aussi
d’une architecture commerciale. En plus d’abriter les caves à vins,
il contient également les bureaux, une boutique, une librairie, des
espaces d’accueil...
Le processus d’entrée est pensé dans une logique de rassurer plutôt
que de surprendre dès l’entrée.
«Montagne, Pierre, Eau : construire dans la pierre, construire en pierre,
construire à l’intérieur de la montagne, construire au flanc de la montagne, être au cœur de la montagne. Comment traduire toutes les acceptions et toute la volupté de ces expressions en langage architectural
? C’est en essayant de répondre à ces questions que nous avons conçu
cet édifice lequel, petit à petit, a pris forme sous nos yeux.» 13
13
Peter Zumthor, site internet des thermes de Vals :
http://www.therme-vals.ch
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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le tunnel, l’intériorité
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ouverture vers l’extérieur
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1. Parcours initiatique
Les dessins présentés ici dessinés par Peter
Zumthor expriment sa volonté de créer
des séquences dans l’espace par le biais de
la lumière. Le parcours est de plus en plus
lumineux.
2. De l’ombre vers la lumière
Les vides sont pochés en dégradé pour visualiser
la manière dont la lumière pénètre dans le
bâtiment.
3. Entrée du musée juif de Berlin
Images 1 : Sigrid HAUSER, Peter ZUMTHOR, Therme Vals,
Infolio, coll. Archi.Monograph, 2007, p.84
Image 3 : SCHNEIDER Bernhard, LIBESKIND Daniel,
BRENSING Christian, Daniel Libeskind Jewish Museum
Berlin: Between the Lines, Prestel, 1999, p.230
3
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A l’inverse, le parcours dans les thermes de Vals se vit comme un
voyage initiatique on passe ici de l’ombre vers la lumière. On peut
y voir comme une référence aux oeuvres de la littérature qui nous
amènent à évoluer au travers d’un parcours de l’ombre vers la lumière, métaphore de la connaissance.
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Dans ces deux architectures, on peut déterminer plusieurs séquences linéaires qui relèvent de l’obscurité et de la lumière.
On accède aux thermes par un bâtiment tiers—l’hôtel des thermes—
ce dernier nous mène dans les profondeurs de la montagne, une
progression lente nous emmène vers la lumière et vers le paysage.
Le bâtiment des thermes ne possède pas d’entrée identifiable. Cette
absence d’accès visible lui confère une identité mystérieuse.
On a pu voir que l’enterrement permettait une relative liberté à l’architecte mais cela permet également de surprendre l’usager.
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Ce dernier ne dispose d’aucun indice pouvant l’amener à prévoir
l’intérieur du bâtiment. L’architecte peut soit utiliser cet effet de
surprise, soit aménager un parcours. Le dispositif d’entrée dans les
thermes n’est pas sans rappeler celui qui mène au sein du musée
juif de Berlin, l’accès se fait par le biais d’un autre bâtiment, Daniel
Libeskind commence le parcours des usagers par une descente
dans les profondeurs. Cet accès détourné contribue à mettre en
condition le visiteur.
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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Séquences dessinées par Peter Zumthor :
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De la lumière vers l’ombre
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2.3 Deux séquences antagonistes
Les deux séquences présentées sont
radicalement opposées. La première nous
montre l’ouverture de l’architecture vers le
paysage, la troisième exprime le renfermement
de l’architecture dans les caves à vin.
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1. De la lumière vers l’ombre
La coupe du chai exprime les différentes
séquences.
Image 1 issue du site internet de Renzo Piano : http://rpbw.r.ui-pro.com
Images 2.3. issue du site des architectes : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
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Des espaces intérieurs intimement liés à ce qui se passe à l’extérieur
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Les activités du chai —les bureaux, les caves, les espaces d’embouteillage, de stockage, le restaurant, l’auditorium, le musée, la librairie, la boutique et l’espace de dégustation— semblent dissimulées,
cependant, l’architecture a une forte présence dans le paysage qui
relève de la nature même de cette architecture.
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Pour ce qui est du chai, on détermine deux grandes séquences,
l’une introvertie et abritant les fûts de vin, l’autre tournée vers la lumière et vers le paysage abritant toutes les autres activités du chai.
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Le paradoxe qui se posait pour cette architecture commerciale était
la visibilité dans l’environnement, comment rendre visible une architecture enterrée ? Les architectes ont pris le parti de mettre en scène
les deux failles d’entrées dans le bâtiment, l’architecture enterrée
nécessite par moment de signaler les entrées…
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
Des espaces intérieurs intimement liés à ce qui se passe à l’extérieur
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Une certaine forme de légitimité
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Même si la question du site peut remettre en cause la nature même
du semi-enterré, on peut se demander, à la lumière de cette seconde partie, si cette architecture peut trouver une certaine forme
de légitimité.
Nous avons vu par ailleurs comment l’architecture souterraine possède un réel pouvoir sémiologique et sociologique sur l’homme. Les
espaces souterrains ont la faculté d’agir plus que tout autre architecture sur l’état de l’esprit des hommes.
Que penser d’une architecture réfléchie pour satisfaire les hommes,
pour stimuler ses sens? Le prix à payer pour cette architecture des
sens n’est-il pas trop cher?
Au delà des questions du site et de l’espace enterré se pose la question de la manière dont ces deux éléments sont connectés. Quelles
sont les relations qui se jouent entre l’architecture et la nature?
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3.
Revenons sur l’imaginaire du souterrain afin de mieux comprendre
les enjeux de l’architecture semi-enterrée.
3.1 Le monde souterrain dans l’imaginaire collectif
*L’image du souterrain
Dans un premier temps les architectures enterrées servent d’abris,
d’habitation, mais rapidement, les constructions dites troglodytes
abritent des activités diverses. Elles sont d’ordre militaires, défensives, religieuses. Elles abritent des espaces de stockage, des espaces agricoles ou encore des zones artisanales ou industrielles.
C’est dans les villes que l’image d’un monde souterrain angoissant
commence à naître. Dès le XIIè siècle et jusqu’au Lumières, les espaces funéraires —catacombes et cryptes—, déjà peut admirés par
les hommes, sont délaissés suite à une urbanisation croissante. Il
sont alors assimilés à des lieux d’errance.
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« Dès lors, l’espace souterrain occidental —à la différence probablement
de l’asiatique— est très connoté : il est, comme les carrières ou les cimetières la nuit, lieu des oubliés, des peurs, des craintes, des résonances de
l’Enfer. Hanté »14
Parallèlement au développement des activités en sous-sol, les
écrivains, artistes et cinéastes participent à l’alimentation des peurs
et mythes associées à cet autre monde. Le monde qui se trouve
sous nos pieds est donc sujet à de nombreuses représentations.
14
BARLES Sabine, GUILLERME André, L’urbanisme souterrain, Paris, PUF, Coll.
Que sais-je ?, 1995, p.18
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
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Jean Jacques TERRIN, souligne dans son ouvrage que l’homme entretient une relation ambiguë avec l’espace souterrain, « il le perçoit
à la fois comme un monde de ténèbres, obscur reflet de ses angoisses, et
comme un monde de profondeur, source de connaissance, de sagesse
et de fertilité »15
Il est difficile de mener des expéditions au coeur de la Terre qui
sont souvent périlleuses, il en résulte une méconnaissance de cette
partie du monde. L’homme ne peut que suggérer la manière dont se
comporte la Terre souterraine.
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Elles peuvent être d’ordre symboliques, fantastiques, religieuses
ou encore philosophiques. On l’associe à de nombreux mythes et
légendes, rêves et angoisses.
*La sensation d’enfermement
*Une architecture non standard
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L’homme est-il vraiment fait pour vivre sous terre ? La symbolique
du monde souterrain nous amène à penser que le monde des
vivants se déploie au dessus, et le monde des morts se déploie
au dessous de la terre. Ayant cela en tête, les espaces souterrains
peuvent bien souvent mener leurs utilisateurs à le ressentir de
manière négative, puisqu’il apparaît pour lui comme synonyme de
d’enfermement, de confinement, d’aveuglement.
La manière de penser l’architecture souterraine diffère de celle
pensée au dessus du niveau du sol car de telles constructions
peuvent mener à des « conséquences » psychologiques et
physiologiques désastreuses si l’ambiance et l’atmosphère des
lieux n’est pas travaillée pour rassurer les usagers. L’ambiance et
l’atmosphère de tels espaces permet de légitimer la vie sous terre.
D’une certaine manière, on peut rapprocher les sensations
ressenties au 57ème étage d’une tour de bureaux à celui d’un
bâtiment enterré, la distance qui se trouve entre soi et la sortie est
en grande partie responsable.
Le terme anglophone « underground » qui désigne l’architecture
souterraine possède un deuxième sens. En effet, le qualificatif
d’underground, même en français peut qualifier une activité ou une
pratique de l’ordre du hors norme.
15
T. Jean-Jacques,,op. cit., p.8
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L’architecture enterrée apparaît alors comme une méthode
alternative et non standard. L’urbanisme souterrain mis à part,
peu d’individus ont été amené dans leur vie à pratiquer ce genre
d’architecture. De par ce fait et par l’imaginaire décrit plus haut, il
semble que construire sous terre, et mener les hommes à vivre sous
terre apparaît comme un défi insurmontable.
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On peut citer par exemple le rock underground, un bar
underground...
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L’architecte dispose cependant de moyens pour mener l’usager
à entrer progressivement dans de tels espaces que l’on a décrit
précédemment. On a vu avec Jean-Jacques Terrin qu’il existe deux
imaginaires liés au monde souterrain, l’architecte se doit de jouer
avec et de trouver un équilibre à son architecture, entre la peur de
l’inconnu et l’envie de découverte.
Quels sont les moyens dont disposent les architectes pour
construire sous terre sans pour autant évoquer les aspects négatifs
d’une telle architecture ? Les architectes se doivent de penser
intelligemment les relations qu’entretient l’intérieur avec l’extérieur.
Ils se doivent de se demander ce qui fait que l’architecture
appartient à un paysage et n’est en rien un contenant hermétique et
obscur.
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1. Cheminées
L’élévation de la première version du projet pour
la nouvelle porterie nous révèle les cheminées
de lumière qui n’existent plus aujourd’hui.
Ces dernières s’élevaient bien au dessus des
constructions et défiguraient le paysage.
2. Formes féométriques
Les espaces géométriques du musée Chi Chu
s’extrude jusqu’à la surface du sol.
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3. Lignes
La toiture des thermes révèle leur présence par
un dessin très fin de lignes, ces mêmes lignes
qui acheminent la lumière naturelle dans le
bâtiment. On note également la présence de
«fleurs artificielles».
Images 1 issue du dossier remis à la fondation par Renzo Piano et mis en ligne par la revue le visiteur :
http://www.flickr.com/photos/27428052@N04/sets/72157605463559008
Image 2 Photographe : Mitsumasa Fujitsuka
Image 3 : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2e/Therme_Vals_roof,_Vals,_
Graub%C3%BCnden,_Switzerland_-_20090809.jpg
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3.2 Une architecture de signes
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Alors que la plupart du bâtiment se terre, l’architecture semi-enterrée n’est pas pensée de manière dissociée du paysage. En effet, apparaissent dans le paysage quelques éléments qui tendent à révéler
la présence de l’intervention de l’homme.
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*Les traces dans le paysage
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Le signe dans le paysage a été en partie à l’origine de la polémique
envers le projet de Renzo Piano. En effet, ce dernier avait choisi de
disposer des cheminées de lumière au dessus des bâtiments encastrés dans la colline. Ces dernières venaient rivaliser en quelque
sorte avec la chapelle. On l’a vu dans la première partie, ces cheminées étaient par ailleurs cachées derrière des plantations pour que
depuis la chapelle, on ne puisse les voir.
Elles n’étaient vraiment perçues que lorsque l’on se plaçait de manière frontale à ces nouveaux bâtiments.
Le stade de Sienne n’est quant à lui pas entièrement enterré dans la
déclivité du terrain. En effet, il subsiste un élément objet qui abrite
les principaux espaces du stade, il fait également écran aux vents
dominants.
Précédemment, on a vu que les deux grandes failles du chai signalent les entrées du bâtiment. Ces dernières font bien plus, elles apparaissent comme une signature, une ré-interprétation des courbes
de niveaux par l’homme. Elles deviennent également le nouveau
symbole d’une architecture commerciale.
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Les thermes sont certainement ceux qui se signalent avec le plus de
subtilité. Ils se signalent par la façade frontale monolithique du bâtiment, et par des fins jeux de lignes qui découpent le toit terrasse.
En se promenant sur le toit des thermes on ne peut ignorer qu’il se
passe quelque chose sous nos pieds.
Tadao Ando choisit de révéler les figures géométriques issus du plan
du musée. Il les élève donc au dessus du niveau de sol de couverture. Ces formes géométriques habillent l’île et communiquent la
présence des espaces souterrains.
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2. Signature
Les deux ouvertures du chai s’affichent comme
une signature, une réinterprétation des courbes
de niveaux par l’homme.
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1. Objet
Le programme du stade s’insère dans un unique
objet une barre en forme de L qui encadre les
gradins. C’est le seul élément qui est perçu
depuis le paysage.
Images 1 Camouflage», Lotus International, n°126, 2006, p.116
Image 2 issue du site des architectes : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
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Ces signes dans le paysage apparaissent comme des éléments de
curiosité, le problème ne se pose pas nécessairement dans l’architecture des logements semi-enterrés puisqu’il s’agit d’espaces
privés. Cependant, dans ce cas précis, il s’agit de lieux publics qui
ont pour vocation d’attirer les individus et de les conduire à pratiquer ces espaces. Le signalement dans le paysage apparaît donc
comme nécessaire. Pour en revenir à la nouvelle porterie de Ronchamp, on s’aperçoit que l’évolution du projet tend réellement vers
une absence de signes, la chapelle en elle-même étant un signe
suffisamment fort. Il était légitime de se demander pourquoi Renzo
Piano avait décidé d’implanter ces cheminées, était-ce pour affirmer la présence de son architecture ? Quoi qu’il en soit, le projet en
construction semble répondre aux attentes des opposants, l’architecture de Renzo Piano demeurera enfouie contre la colline.
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Architecture paysage
L’architecture qui s’érige sur la terre a vu se développer très récemment ce que l’on appelle la cinquième façade. Dès lors que l’on a
pensé l’architecture semi-enterrée contemporaine la question de la
cinquième façade, à savoir le traitement du toit s’est posé.
S’agit-il simplement de recouvrir de terre et de planter du gazon?
C’est malheureusement le cas dans la plupart des architectures
contemporaines. Cependant, le corpus étudié nous montre comment la toiture d’un bâtiment semi-enterré va plus loin puisqu’elle
répond à une réelle volonté paysagère.
*Quel respect du site ?
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Un autre paradoxe peut être évoqué.
Dans plusieurs ouvrages, l’architecture enterrée est perçue comme
une réponse possible à la question «comment construire naturel ?»
Comment entend-on réellement le respect du site ? Le respect du
site apparaît comme purement visuel du point de vue du paysage
et comme économe en énergie grâce à l’inertie de la terre.
Lorsque l’on confronte la vue aérienne du projet aux photographies
prises lors du chantier on se rend compte à quel point le respect au
sens strict du sol ne peut passer par l’architecture semi-enterrée car
sa nature même pousse à un acte de modification intense de l’environnement : le retrait d’une partie du site et le remplacement par un
bâtiment.
« Les constructions remplacent la terre - c’est là le péché originel de
l’architecture. Un bâtiment propose quelque chose de nouveau, mais
il ne le fait pas ex-nihilo. Il vient se substituer à ce qui était autrefois un
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musée achevé
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Acte de modification intense
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On vend l’image d’un projet
en accord avec son environnement. Concrètement, cela
passe la table rase du site
d’implantation.
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1.2 Bâtiment fini/chantier
3.4 Image de concours/chantier
Image 1 Photographe : Mitsumasa Fujitsuka
Image 2 Chi Chu Art Museum, Tadao Ando builds for Walter de Maria, James Turrel, and Claude Monet,
Hatje Cantz Publishers, feuillet en fin d’ouvrage
Image 3.4 issue du site des architectes : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
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Dans le cas d’une architecture enterrée, les trois derniers reproches
que fait Aaron Betsky à l’architecture sont minimisés. Cependant,
que le bâtiment s’élève vers le ciel ou qu’il s’enfonce dans les profondeurs de la terre il supplante bel et bien les « compositions de la
nature ».
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espace dégagé, lumineux et aéré. Il supplante les compositions de la nature, bloque la circulation de l’air, intercepte le soleil, entrave le champ
visuel. »16
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Les photographies de chantier et les coupes pochées nous conduisent à nous poser certaines questions. Où est passée la terre ? Peuton réellement percevoir la terre comme un déchet ? Quelle énergie
a été dépensée pour la déplacer ? Quelle proportion de terre a été
replacée ? Comment l’écosystème a-t-il été modifié ? Y’a t’il eu une
migration de la faune, une action quelconque sur la flore ?
Les questions liées à un tel chantier ne peuvent malheureusement
pas trouver de réponse à moins d’enquêter minutieusement car
ceux sont des informations difficiles à collecter.
Il est d’ailleurs étonnant d’être en mesure de trouver ces images de
chantier qui font figure d’opération chirurgicale non maîtrisée sur
les sites internet et ouvrages des concepteurs et maîtres d’ouvrage.
On peut également lire cette modification du paysage comme une
ré-appropriation de son environnement par l’homme.
Peut-on aussi y voir une tentative plus ou moins réussie de réconcilier le culturel et le naturel, l’homme et la nature ?
Si l’on en croit le discours des architectes, leurs architectures tendent bel et bien vers cette réconciliation.
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Studio Archea écrit, au sujet du chai : «The image and substance of
the new winery evokes this indissoluble, intimate and radical bond
with the territory, to the point of being concealed by, and merging
with, the land. The conceptual construction has taken the form of a
“volume” that is built completely below ground, that by concealing all
the elements that are usually part of urban constructions, attempts to
achieve a difficult but necessary reconcilement between natural and
artificial.»17
16
17
BETSKY Aaron, GAUTHIER Patricia, Lignes d’horizon : l’architecture et son
site, Thames & Hudson, collection Essais, 2002, p. 2
texte issu de la plaquette pdf du projet : http://www.archea.it/uploads/
progetti/pdf/Cantina_Antinori2.pdf
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Ainsi, la volonté d’enterrer le chai viendrait d’une profonde nécessité de reconnecter le naturel et l’artificiel. Un chai n’est rien d’autre
qu’un endroit ou l’homme fait fructifier un bien naturel, la vigne.
Il est vrai que la vigne et le vin entretienne cette relation particulière
au naturel et l’artificiel. Ce projet parlerait donc de la manière dont
l’homme réussit à transcender ce qu’il lui a été confié.
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Tadao Ando nous explique sa relation à la nature dans son travail
d’architecture au cours d’une interview menée par Anatxu Zabalbeascoa :
« ̏The life of a human being does not consist in opposing himself to
nature or in protecting himself against it, or even in trying to subjugate
it. Man’s goal is to unite himself with nature. Contrary to what happens
in the West, in Japan culture tends to dismantle the physical barriers
between house and land, between interior and exterior˝
says Ando. He argues that the Second World War radically transformed
the relationship in his country between architecture and nature :
̏Japan exchanged an agrarian culture that was extremely close to the
land for an urban way of life imported from the West. Notwithstanding
that, the inhabitants of new urban spaces feel nostalgia for the land,
for proximity to nature. From the perspective of a separation from the
natural environment Ando warns that ̏when architectural ideas are
based solely on logic, what follows is order, controlled buildings which
ignore the human presence. A sense of humanity can’t be felt in such
spaces. The persence of nature - water, wind, light, open sky - is what
humanizes space. That’s rhe reason I try to design projects in which
water, wind and light exist in harmony with the stones.˝»18
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Le musée Chichu qui s’enfonce profondément dans le sol aurait
donc pour vocation d’unir l’homme —et son environnement : l’architecture—à la nature. Pour lui, la présence de la nature humanise
l’espace. Plutôt que de nous parler de naturel et d’artificiel, Tadao
Ando centre son discours sur la manière dont la nature possède
un pouvoir d’interaction sur l’homme. Se rapprocher de la nature,
concevoir dans la nature serait donc une manière de réconcilier
l’espace habité et son environnement.
18
ZABALBEASCOA Anatxu, «Architecture and spirit», interview de Tadao
Ando, 1999, p.58-59
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En pochant les vides, on se rend plus ou moins compte de la portion de terre
retirée.
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1.2.3.4.5 Vides pochés, terre supprimée
En pochant les vides, on se rend plus ou moins
compte de la portion de terre retirée.
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En définitive, le semi-enterré opère une séduction sur les individus
par l’image. On entend ici image dans les deux sens, d’une part les
images de concours, d’autre part la représentation mentale, l’idée
même de créer une architecture qui fusionne physiquement avec la
nature.
La société actuelle n’est pas étrangère à ce phénomène, à l’heure où
les écrans et les publicités ne cessent de nous submerger d’images,
l’homme devient obnubilé par l’image et les apparences. On se
laisse aisément séduire par des images de concours qui embellissent la réalité et nous font presque oublier les aspects néfastes sur
l’environnement, seule la coupe du projet détient ce témoignage
d’une architecture qui entame et modifie profondément son environnement. Au-delà même de cette image visuelle, l’idée même
de pouvoir se terrer au plus près de la terre sert le discours des
architectures semi-enterrées. L’architecture poursuit un idéal, celui
de sied à son contexte. On ne peut concevoir un bâtiment qui ne
s’intégrerait pas à son environnement qu’il soit naturel ou construit.
Théoriquement, l’architecture semi-enterrée apparaît donc comme
la réponse ultime et semble servir cet idéal de l’architecture qui
tend vers une fusion de l’architecture et de son paysage.
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*Séduction de l’image du semi-enterré
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vignes
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1. Superposer pour optimiser
Les vignes sont superposés sur les locaux du
chai, on ne perd ainsi aucun espace au sol.
2.3.4.5 Ouverture des sols
On lit ici comme une interpénétration des sols,
ces derniers se dilatent pour accueillir un espace.
Image 1 issue du site des architectes : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
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L’architecture dite traditionnelle entre en frontalité directe avec son
environnement, ici la relation à l’extérieur est différente, on superpose les sols en négatif. Aaron Betsky parle d’une architecture «
gratte terre » dans son ouvrage Lignes d’horizon. Le «gratte terre»
désigne pour lui toute architecture qui entretient un rapport au sol
particulier. Ce terme semble tout à fait approprié à l’architecture semi-enterrée par opposition au gratte ciel qui s’élève vers la lumière
et superpose une pluralité de plateaux plus ou moins identiques. Le
« gratte terre » possède un rapport à la superposition différent. On la
pense par paliers plus que dans toute autre architecture qui relève
du dessus.
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3.3 L’architecture de la superposition
*Superposer pour organiser
Contrairement au gratte ciel, le traitement des paliers se fait différemment selon les fonctions auxquelles ils répondent. Ainsi, les
vignes du chai Antinori qui nécessitent de la lumière et un terrain
à l’air libre prennent place au dessus du chai pour créer un champtoiture. Les tonneaux qui nécessitent fraîcheur et humidité sont
quant à eux entreposés en dessous, voire même en dessous du
dessous puisque le bâtiment s’étend sur deux niveaux. Cette manière d’aborder l’architecture semi-enterrée peut se voir comme une
volonté d’optimiser l’espace. (1)
*De la rupture à l’interpénétration des sols
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Précédemment, on a identifié une rupture de sols dans le cas des
architectures enchâssées à flanc de colline ou de montagne.
On peut aussi lire sur les coupes une sorte d’interpénétration des
sols de par leur superposition non achevée, comme si les sols
s’étaient dilatés de manière à pouvoir insérer les espaces en leur
sein. (2.3.4)
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L’architecture semi-enterrée · Flavie Benhenna
Architecture paysage
3.4 Connecter le dessous au dessus
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L’articulation, la manière dont l’architecte pense l’entrée dans son
architecture peut nous renseigner sur la façon dont l’espace semienterré peut être perçu par rapport à son environnement.
Le processus d’entrée, de seuil identifiable (ou non) peut nous permettre d’évaluer la manière dont un bâtiment s’insère dans son environnement du point de vue de l’homme. Nous nous intéressons ici
à l’espace ressenti et non à l’espace perçu visuellement. On n’obtient
d’ailleurs pas nécessairement les même conclusions que lorsque l’on
observe un bâtiment avec du recul.
Pour exemple, le processus d’entrée dans les thermes de Vals révèle
un paradoxe entre ce qui est de l’ordre du perçu et ce qui est de
l’ordre du vu. Visuellement, les thermes sont presque imperceptibles notamment lorsque l’on se place en amont de la montagne.
L’accès aux thermes se fait par le biais d’un autre bâtiment, l’hôtel,
l’usager est donc complètement coupé du monde extérieur lorsqu’il
pénètre dans les thermes. Ainsi, le bâtiment s’insère dans son environnement mais l’usager le perçoit dans un premier temps comme
étranger au paysage extérieur, il pourrait tout aussi bien penser qu’il
rentre littéralement dans le ventre de la Terre.
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*L’entre-deux
Au contraire, les failles d’entrée du chai assurent directement la
liaison entre le paysage et l’architecture, elles agissent comme un
lien rassurant.
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On retrouve la même intention que dans les thermes dans le musée
Chichu sur l’île de Naoshima, l’entrée se fait par un cheminement
bordé de murets. Cet entrée a quelque chose de très « urbain », l’architecture du musée agit comme une métaphore de la liaison entre
la ville et le paysage, à l’image d’un musée qui se trouve dans une
ville au bout d’une île.
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il se passe quelque chose au dessus
tout comme il se passe quelque chose au dessous
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1. Superposer pour optimiser
Les vignes sont superposés sur les locaux du
chai, on ne perd ainsi aucun espace au sol.
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2.3.4.5 Ouverture des sols
On lit ici comme une interpénétration des sols,
ces derniers se dilatent pour accueillir un espace.
Image 1 issue du site des architectes : http://www.archea.it/index.php/progetto/35
Image 2 issue du site des thermes de Vals : http://www.therme-vals.ch/uploads/tx_templavoila/Therme_
Vals_08.jpg
Image 3 SUMA Stefania, Musées 2 : architectures 2000-2007, Arles , Actes Sud, 2007, p. 221
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En surface, la lumière est partout, mais quand on vient creuser des
espaces dans l’épaisseur du sol il devient primordial de trouver des
moyens pertinents d’acheminer la lumière vers les profondeurs. La
lumière naturelle a un rôle rassurant. Elle est le témoin que l’espace
dans lequel on se trouve est proche de la surface. Par exemple, la
lueur au bout du tunnel nous assure que la sortie est proche. Elle
joue un rôle primordial pour matérialiser le lien qu’entretiennent
l’architecture et le site. On peut illustrer ceci en étudiant les puits
de lumière généreux du chai et du musée ainsi que les fines arêtes
lumineuses des thermes.
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*La lumière, un connecteur de l’architecture et du site
D’un côté, les puits de lumière dégressifs du chai marquent la
progression de l’usager vers les caves de l’autre, ils expriment une
certaine porosité de l’architecture. Certains assurent par ailleurs la
desserte d’un niveau à l’autre.
La lumière liaisonne les différents niveaux entre eux et révèle par
ailleurs cette superposition.
« Un premier type d’architecture s’est tourné vers le ciel, symbolisé par la
hutte de branchages et de peaux du chasseur nomade. Un autre, mieux
abrité du climat et des intempéries, mieux protégé aussi des agressions
externes, correspond à un habitat plus sédentaire auquel on peut assimiler les premiers abris sous roche et les constructions creusées dans le
sol. D’un côté l’envol vers la lumière, de l’autre le repli dans la terre. » 19
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On s’aperçoit ici avec le chai que ce que dit Jean Jacques Terrin ne se
vérifie pas dans toutes les architectures souterraines. L’architecture
d’Ando pour le musée Chichu annulerait presque cette citation. En
effet, à la manière de James Turrell et de ses expériences dans le
Roden Crater, il s’enfonce profondément dans le sol pour mieux se
tourner vers le ciel. On a déjà vu précédemment qu’il cherchait, à la
manière d’un tableau romantique en clair obscur, à proposer tout au
long du parcours des passages tantôt obscurs, tantôt lumineux. La
lumière provient des larges découpes géométriques perçues depuis
l’extérieur.
Son architecture se tourne littéralement vers le ciel en échos aux
installations de James Turrell (les faux ciel). Au-delà même d’offrir
des cadrages spéciaux sur le ciel, la lumière de l’environnement extérieur vient rythmer les espaces de l’architecture souterraine.
19
T. Jean-Jacques,,op. cit., p.204
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Dans un premier temps, la lumière provient du toit, elle est filtrée,
elle pénètre seule, le regard ne peut aller au-delà. On observe
deux types de filtre, l’un est en bande et laisse passer la lumière
dans toute son intégralité. L’autre se présente sous la forme de
carrés ponctuels. Ces éléments agissent comme un filtre puisqu’ils
n’autorisent que la lumière bleue. C’est une manière de s’abstraire
encore plus du paysage dans la partie qui articule l’espace enterré
de l’espace ouvert vers le paysage. Le bâtiment déforme la lumière
et participe à sa propre mise en scène. A mesure que l’on avance
dans le parcours, la lumière pénètre par de grandes baies. On arrive
même dans un bassin à ciel ouvert. Ici, le bâtiment révèle son appartenance à un environnement très progressivement au moyen d’une
modulation des ouvertures et donc de la lumière.
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Même si Peter Zumthor ne procède pas tout à fait de la même
manière pour faire enter la lumière dans son bâtiment, la lumière
intervient là aussi pour rythmer le parcours.
Comme on ne peut parler de lumière sans parler de l’ombre, il faut
ajouter, et spécifiquement dans ces espaces souterrains que l’obscurité joue elle aussi son rôle. Elle n’agit pas comme un connecteur
avec l’extérieur. A l’inverse, c’est elle qui affirme la dimension souterraine du bâtiment et contribue à cette ambiance souterraine. En
alternant judicieusement ombre et lumière, les architectes contribuent à valoriser l’architecture semi-enterrée en tant qu’une architecture sensible et esthétique.
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Dans l’éloge de l’ombre, Tanizaki Junichiro nous parle de l’ombre
dans l’architecture Japonaise « […] Mais ce que l’on appelle le beau
n’est d’ordinaire qu’une sublimation des réalités de la vie, et c’est ainsi
que nos ancêtres, contraints à demeurer bon gré mal gré dans des
chambres obscures, découvrirent un jour le beau au sein de l’ombre, et
bientôt ils en vinrent à se servir de l’ombre en vue d’obtenir des effets
esthétiques »20
Cette citation nous éclaire sur les profonds contrastes qui se jouent
dans les architectures de Tadao Ando et particulièrement au musée
Chi Chu. L’ombre et la lumière contribue à caractériser son oeuvre.
20
TANIZAKI Junichiro (1933), L’éloge de l’ombre, Paris, Publications
Orientalistes de France, 1977, p. 51
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En quoi les architectures semi-enterrées s’apparentent au paysagisme ? Peut-on dire que l’architecture semi-enterrée est une architecture paysage ?
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3.5 Le paradoxe du tout et de l’architecture paysage
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« Journaliste : Toute une théorie de la perception explique le privilège de
la verticalité par rapport à l’horizontalité. Est valorisé ce qui se dresse…
Alors qu’effectivement le paysage travaille avec l’oblique, la pente…
Michel Corajoud : On peut dire à cet égard que notre préoccupation est
souvent celle de faire surface et nos efforts d’aménagement vont rarement jusqu’à la verticale.
Notre sol de prédilection est le « stabilisé ». Il est fait de terre dans
laquelle on ajoute certains éléments pour qu’elle devienne un peu plus
cohérente et qu’elle ait une meilleure portance. On ajoute un peu plus,
mais jamais trop, pour qu’il garde sa plasticité (qui est l’élément de
confort de ce sol) et pour que l’eau de pluie puisse toujours y percoler.
Ici, encore, il s’agit d’ouverture !
J’ai vérifié la grande différence entre l’architecture et le paysage quand
R.Meier a construit, devant chez moi, le bâtiment de Canal à Paris
L’édifice est fondé au bord de la Seine, sur un sous-sol que la rivière rend
très instable. Ils ont coulé du béton par milliers de mètres cubes, pour
anéantir définitivement toutes les forces qui, jusque-là, animaient le sol.
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J : L’architecture se pense rarement avec le sol, le sous-sol. Le thème de
la fondation et de la gravité ont pourtant à voir ensemble.
MC : Pour garantir sa verticalité, l’architecture a besoin de stabilité, elle
se fonde. Dès que les points d’appui sont trouvés, dès que la surface
du terrain est dépassée, elle a gagné toute sa liberté d’écriture. Nous
sommes nous tenus sans relâche possible aux contingences horizontales ou obliques d’un sol qui reste instable.
Lorsque vous commencez à vous enliser, dans un terrain trop meuble,
vous vous jetez à terre, allongé, bras et jambes écartés pour accroître
votre surface de contact et ne pas vous enfoncer. C’est de cette manière
que nous envisageons notre quête de stabilité. Faire surface est une
notion qui fonde la pensée paysagère
J: « Faire surface »… Alors que l’architecture cherche plutôt à « faire face
»…
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Les architectures semi-enterrées étudiées se rapproche du paysagisme dans la mesure où elles ne cherchent pas à faire face mais bel
et bien à faire surface.
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MC : C’est bien cela. » 21
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Lors d’une interview, Tadao Ando nous parle de la manière dont il
fait intervenir les éléments naturels tels que l’eau, le vent, la lumière
ou le ciel dans ses projets. «{...] When architecture is conceived from
such coordinates I think it could be said that a person ceases to make a
work and instead constructs a landscape.»22
Il semblerait donc qu’il considère ses travaux comme des paysages.
Peut-on aller jusqu’à dire que l’architecture semi-enterrée est une
«architecture paysage»?
L’architecture et le paysage ne feraient-ils plus qu’un ?
A la lumière du corpus, on aurait tendance à penser que ce type
d’architecture tend vraiment vers l’architecture paysage. L’usager
ressent la présence de l’environnement tout en étant contenu dans
un espace déterminé, il se sent bel et bien appartenir à un tout.
On notera tout de même que, pour le chai ou les thermes et pour
d’autres architectures enterrées qui ne figurent pas dans le corpus
principal, que ce tout énonce tout de même un paradoxe. L’usager
peut ne pas apparenter le bâtiment à une architecture paysage dans
la mesure où dans certains espaces —voire même la totalité pour
quelques cas— on ne perçoit à aucun moment le paysage.
L’architecture semi-enterrée s’apparente à une architecture paysage
mais seulement d’un point de vue visuel.
On l’a vu précédemment, c’est l’image qui compte. Une fois à l’intérieur, il peut exister une certaine indépendance de l’architecture.
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Dans ces espaces enterrés, au plus près de la terre, l’architecture
s’abstrait réellement du paysage.
21
22
Interview pour la revue « Face » de Michel Corajoud le 05 mars 2004
http://corajoudmichel.nerim.net/10-textes/01a-horizon.htm
ZABALBEASCOA Anatxu, op. cit., p.58-59
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La pratique du paysagiste et de l’architecte diffère dans le sens où
leur intervention dans le site n’a pas la même empreinte. L’intervention du paysagiste peut être légère. En effet, ce dernier s’il le
souhaite, peut penser son projet dans le respect complet du site.
En jouant avec les éléments naturels, le paysagiste crée un environnement qui aurait pu être. Il ne modifie que très peu les caractéristiques initiales du site.
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Dans le cas d’une architecture semi-enterrée, en quoi la manière
d’aborder le site pour un architecte diffère t’elle de celle d’un paysagiste ?
Au contraire, l’architecture semi-enterrée entraîne une série d’interventions lourdes dans le paysage. Les interventions de terrassements, de fondations, de remblais sont autant d’actions qui agissent
contre la nature.
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Il est difficile de considérer l’architecture semi-enterrée comme une
architecture-paysage dans la mesure ou ses implications dans le site
sont irréversibles.
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Repli sur soi et ouverture paysagère
A la lumière de cette analyse, on peut se demander s’il existe un
échange juste et équitable entre l’architecture et la nature ?
La nature prête ici ses attributs à l’architecture, elle lui confère une
identité, une ambiance, une structure. Que lui rend l’architecture ?
Elle propose des cadrages privilégiés et des vues sur les paysages
alentours. Elle offre une nouvelle perception de la nature. Elle se
présente comme un événement dans le paysage.
Le prix à payer réside dans la modification irréversible du site qui
passe par une série d’intervention qui demeurent oubliées.
Les photographies de chantier demeurent le seul témoin de ce bref
instant —comparé à la longévité du bâtiment— où la nature se voit
comme souillée et agressé par l’action des hommes.
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Il faut cependant aller au delà de la question éthique posé, à savoir
l’architecture semi-enterrée respecte-t-elle le site dans lequel elle
s’implante? Il s’agit également de se poser la question suivante,
comment le choix du semi-enterré intervient-il dans le processus de
conception?
Ce choix est intimement lié à la perception du site d’origine et à
celle que veulent lui conférer l’architecte et le maître d’ouvrage.
Ce choix premier, celui qui consiste à concevoir le bâtiment sous
terre influence un grand nombre de paramètres, si ce n’est l’ensemble des paramètres, à commencer par les ouvertures.
Penser le souterrain requiert une pratique architecturale radicalement opposée à l’architecture que l’on pose sur terre.
Ce choix est donc une prise de position par rapport au site mais c’est
également un positionnement sémantique. Construire sous terre,
c’est convoquer une pluralité de références.
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Schéma récapitulatif
Influence du site sur la perception de
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espaces géométriques extrudées
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cheminement rythmé par les ombres et lumières
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Sur le schéma ci contre, on observe que trois des architectures fonctionnent de manière similaire—les thermes, le musée, le stade. La
stratégie d’insertion induite par le site dicte les manières d’intégrer
les accès et traces dans le paysage.
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Au contraire, le chai et la porterie ne fonctionnent pas ainsi.
Le chai est une architecture commerciale qui ne peut se permettre
de déguiser ses entrées de la manière dont elle camoufle ses locaux.
Les entrées sont pensées pour être facilement identifiées. Le camouflage n’est pas total.
La stratégie d’insertion de la porterie relève de la dissimulation par
rapport à un point donnée, la chapelle de Ronchamp. L’accès aux
locaux se situant en contre bas n’a quant à lui pas besoin d’être dissimulé.
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Il faut également replacer cette étude dans le contexte actuel. Nos
manières de construire et de penser les territoires évoluent en raison des récentes préoccupations pour l’environnement.
Il en résulte une pluralité d’attitudes qui visent à préserver l’environnement tel qu’il est. Chaque réponse a ses avantages et inconvénients. L’architecture semi-enterrée apparaît alors comme l’une de
ces réponses.
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On identifie alors deux attitudes antagonistes dans les architectures
semi-enterrées, un repli sur soi—on se cache— d’un côté et une
ouverture paysagère—on fait partie de—de l’autre.
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