Le Baroque par la lumière

Transcription

Le Baroque par la lumière
Mémoire de master
Janvier 2011
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Directeur de mémoire
Jean Taricat
Le Baroque par la lumière
visite d’églises à Rome
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Mélanie Rattier
Mélanie Rattier
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Mémoire de master
Matières à penser
Janvier 2011
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Directeur de mémoire
Jean Taricat
Je tiens à remercier Jean Taricat pour m’avoir si généreusement accompagnée
tout au long de ce parcours, Jean-François Blassel pour m’avoir laissé la liberté
d’explorer cette piste et Georges Berne dont je poursuis ici le chemin (et qui a pris
le risque de me prêter ses très chers instruments de mesure).
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La technique au service de la lumière
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La lumière comme programme ?
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Une cohérence par la lumière
Bibliographie
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Introduction
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Propos tenus par Meaume le Graveur et rapportés
par Grünehagen. [...].
Sur son art : «le vernis à remordre doit présenter
la consistance du miel en hiver. Il ne faut pas dire
que son application est pénible à la main qui le
pose puisqu’elle doit être difficile jusqu’à ce point.
Les tailles suivent les ombres. Les ombres suivent la
vigueur de la lumière. Tout ruisselle dans un seul et
unique sens».
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Pascal Quignard in Terrasse à Rome
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Introduction
La lumière est au centre des analyses de l’architecture baroque. L’effet de lumière
serait l’acte fondateur, prévalant sur l’espace et la matière. La littérature semble
s’accorder sur ce point. Pour Heinrich Wölfflin par exemple, «le baroque considère
d’abord la lumière comme un facteur essentiel pour créer une atmosphère»
(Wölfflin, 1888), et il va plus loin encore : «l’effet de lumière acquiert une plus
grande importance que la forme».
Dans la littérature, la lumière baroque est d’abord caractérisée par opposition à la
lumière de la Renaissance. Heinrich Wölfflin oppose la clarté de la Renaissance à
l’obscurité du Baroque (Wölfflin, 1888). Jean Castex oppose l’universalisme de la
lumière de la Renaissance au particularisme de la lumière baroque (Castex, 1990).
Il existe aussi une caractérisation un peu plus précise comme une lumière
accidentée et contrastée. Giulio Carlo Argan pense que l’époque baroque
«exploite les accidents de la lumière et la diversité lumineuse des différents
moments de la journée» (Argan, 1957). Et pour Heinrich Wölfflin, ce style «cherche
à arrondir tout ce qui est plat, à gagner partout modelé, lumière et ombre. En
renforçant le contraste du clair et de l’obscur, on peut rehausser l’impression créée
jusqu’à donner celle d’un véritable jaillissement en avant» (Wölfflin, 1888).
La lumière baroque serait donc une lumière en clair-obscur s’opposant à celle de
la période qui la précède.
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Cependant, nous en restons au niveau d’une impression générale, apparemment
évidente et partagée par les différents historiens ou architectes ayant écrit sur le
sujet. Il n’existe pas d’analyse caractérisant plus précisément les effets de lumière
baroques nous amenant à cette vision. Et surtout, il n’existe pas d’analyse
interrogeant les procédés employés pour obtenir ces effets de lumière, une
analyse étudiant l’évolution des sources lumineuses qui produiraient une lumière
à ce point différente de celle de la Renaissance.
Et c’est sans doute ce manque d’analyse suffisamment précise qui fragilise cette
vision synthétique de la lumière baroque. En effet, des oppositions nettes
apparaissent déjà entre les maîtres de l’architecture baroque. Anthony Blunt
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Plan d’implantation des églises du corpus
1. Sant’Anna dei Palafrenieri
2. Gesù
3. Santa Madonna dei Monti
4. Chiesa Nuova
5. Sant’Andrea della Valle
6. San Giacomo degli Incurabili
7. Santa Maria della Vittoria
8. San Carlo ai Catinari
9. Sant’Andrea delle Fratte
10. Santa Maria Maddalena
11. Sant’Antonio dei Portoghesi
12. Santa Maria in Publicolis
13 . Sant’Ignazio
14. San Carlo al Corso
15. San Carlo alle Quattro Fontane
16. Sant’Agnese in Agone
17. Sant’Andrea al Quirinale
18. Gesù e Maria
19. Santa Maria in Campitelli
20. Santa Maria dei Miracoli
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oppose Le Bernin et ses effets lumineux dramatiques, à Borromini qui utilise la
lumière pour agrandir l’espace sans créer de contrastes (Blunt, 1979). Carlo Giulio
Argan relève lui aussi la manière différente avec laquelle ces deux architectes
appréhendent la lumière : «l’architecture du Bernin se présente toujours comme
[...] un libre jeu de pleins et de vides dans la lumière. L’architecture de Borromini,
au contraire, se présente toujours [...] comme la concentration de la lumière et de
l’ombre dans les profils nets et tranchants de la forme» (Argan, 1952).
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Nous partageons nous aussi l’intuition que la lumière a présidé à la conception
architecturale baroque et prenons aujourd’hui cette hypothèse pour débuter une
nouvelle analyse de cette architecture à travers l’analyse précise de sa lumière. En
espérant pouvoir dépasser les contradictions que nous venons de relever.
Nous choisissons d’étudier la lumière d’une vingtaine d’églises baroques à Rome.
Heinrich Wölfflin nous a indiqué le lieu de l’étude : «Nulle part ailleurs le Baroque
n’apparaît aussi tôt qu’à Rome. Le Baroque romain est la transformation la plus
complète et la plus radicale de la Renaissance» (Wölfflin, 1888). François Nizet
nous a orienté sur le choix typologique des édifices, puisque qu’à l’époque
baroque, «l’évolution des églises est remarquable. Le plan des églises se diversifie
et exploite des combinaisons géométriques totalement nouvelles» (Nizet, 1994).
Ces églises se construisent à la suite du Concile de Trente qui, dans la seconde
moitié du seizième siècle, définit une nouvelle liturgie, celle de la Contre-Réforme.
En choisissant ce corpus de bâtiments, il semblait que nous serions au coeur du
Baroque et de ses expérimentations. La sélection des églises se veut
volontairement éclectique : différents architectes, différentes dimensions,
différents plans1.
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Nous procédons à l’analyse précise de la lumière de ces églises avec une nouvelle
méthode : le relevé et la mesure in situ. L’analyse va s’attacher à différencier très
clairement la source lumineuse de l’effet de lumière. Nous remarquions plus haut
que la littérature s’attache à décrire les effets de lumière mais n’interroge jamais la
source du phénomène. C’est le relevé des sources de lumière et la mesure des
effets lumineux qui vont nous permettre de caractériser précisément la lumière
des églises du corpus. Les mesures se font avec un luxmètre qui mesure la lumière
reçue par une surface, et avec un luminancemètre qui mesure la lumière émise
par une surface. Nous définissons l’analyse concomitante de la source et de l’effet
de lumière comme étant l’étude de ‘dispositifs lumineux’.
Plus précisément, nous prenons l’hypothèse que la conception de la lumière des
églises baroques romaines, venant incarner les intentions liturgiques de la ContreRéforme, vient surdéterminer les choix architecturaux et que partant,
l’architecture de ces églises peut se définir comme une architecture de dispositifs
lumineux.
1 cf Planche A
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Frise chronologique des églises du corpus
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Aucun écrit de l’époque ne nous indique de quelle manière les architectes
baroques devaient traiter les dispositifs lumineux de leur église. C’est donc à
Rome que je me suis rendue pour visiter pendant un mois un grand nombre
d’églises, pour revenir à la source, et tenter de caractériser ce «charme
insaisissable de la lumière baroque» (Wölfflin, 1888).
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Plans des églises du corpus
· Planche A
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Le Concile de Trente
L’Eglise catholique se réunit de 1545 à 1563
et établit une nouvelle liturgie.
Estampe de Charles-Nicolas Cochin
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La lumière comme programme ?
«Aucune matière ne peut être intelligible sans
ombre et lumière. Ombre et lumière sont issues de
la lumière.»
Leonard de Vinci
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En réaction à la Réforme protestante menée par Martin Luther, le Concile de
Trente va énoncer les principes d’une nouvelle liturgie, celle de la ContreRéforme. Le courant de la Contre-Réforme voit dans la foi et le culte de masse la
meilleure façon d’éviter l’hérésie. Le lieu du culte doit diriger le choix et le
comportement des fidèles et empêcher les défections vers le mouvement
réformé. L’intention principale de la Contre-Réforme dans les églises baroques est
l’emphase persuasive. Il s’agit d’indiquer le parcours à suivre, clairement délimité,
vers un but bien défini : le manifeste de l’autorité religieuse.
Les intentions du Concile remettent ainsi en cause le plan centré de la
Renaissance et prônent le retour du plan en croix latine : «la Contre-Réforme
souhaitait un art de propagande, capable de rassembler et séduire les foules : les
églises devaient être vastes, et permettre à chacun des fidèles de participer aux
services liturgiques en voyant aisément le maître-autel» (Nizet, 1994). Les
architectes baroques ne cesseront d’imaginer de nouveaux plans pour leurs
églises, allant de l’adaptation du plan centré à de nouvelles interprétations du
plan en croix latine.
A la suite du Concile de Trente, le prélat Charles Borromée va rédiger des
instructions pour la construction des édifices religieux. Il ne s’agit pas là à
proprement parler d’un traité d’architecture, Borromée proposant une
interprétation liturgico-architecturale du Concile (Borromée, 1577), laissant libre
l’architecte face à ses questions techniques et esthétiques.
C’est ici que nous commençons notre analyse in situ des dispositifs lumineux, des
sources lumineuses et de leurs effets, dans les églises baroques romaines.
Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
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1.1 San Carlo al Corso, vue depuis l’entrée
La nef est éclairée de manière homogène.
1.2 Gesù, vue sur l’abside
Le contraste lumineux des parois est créé par le
seul travail de la matière.
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Un parcours homogène
Dès les premières visites, l’éclairage de la nef des églises nous donne l’impression
étonnante de se caractériser par une grande homogénéité.
Les prises de jour de la nef se disposent toujours parallèlement à l’axe
longitudinal de l’église, au-dessus de la corniche, au pied de la voûte [illustration
1.1]. Ce schéma n’est jamais remis en cause. L’implantation de ces prises de jour
est régulière et suit le rythme des chapelles latérales1. La fréquence de ces
ouvertures est assez élevée pour que la voûte de la nef soit uniformément
éclairée. En effet, une interdistance plus importante entre les ouvertures aurait
irrémédiablement tâché de lumière le plafond et amené de forts contrastes sur
cette surface. Par ailleurs, le plafond de la nef est voûté (une voûte en berceau
pour les églises à plan en croix latine) afin de permettre à la lumière de glisser
avec une gradation douce sur les courbes du plafond, là où un plafond plat aurait
accentué les contrastes. C’est sans doute pour cela que le Baroque préférera le
plafond voûté au plafond plat de la Renaissance.
La voûte vient alors diffuser une lumière uniforme dans l’espace principal de
l’église. Les relevés de niveaux d’éclairement effectués au sol, le long de l’axe
longitudinal des églises, n’indiquent que très peu d’inflexions2. Dans le détail,
nous observons un niveau d’éclairement un peu plus faible à l’entrée des églises,
s’expliquant par la présence d’une fenêtre en façade venant éclairer
longitudinalement la nef. Cette différence d’éclairement, mesurée par
l’instrument, n’est pas assez prononcée pour qu’elle soit perceptible par l’oeil
humain. Les mesures viennent donc confirmer cette sensation d’homogénéité de
l’éclairage de la nef. L’axe longitudinal des églises est un chemin sans embûche
lumineuse.
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La lumière comme programme ?
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L’agitation lumineuse des contours
Ce chemin est délimité par les parois de la nef et les chapelles latérales.
Les mesures locales de la luminance des parois de la nef (pour rappel, la lumière
émise par la surface) nous indiquent une grande hétérogénéité. Cela veut dire
que les parois reçoivent une lumière homogène, mais n’émettent pas la même
quantité de lumière localement.
C’est le travail de la matière qui transforme la lumière homogène de la nef en un
effet lumineux changeant. Et pour cela, plusieurs procédés sont employés. Les
architectes vont travailler des matériaux qui auront des propriétés absorbantes
différentes, comme Vignola pour l’église du Gesù [illustration 1.2] qui vient
opposer le marbre blanc au marbre rouge. Il utilise aussi les propriétés
réfléchissantes de la dorure, dont l’aspect change en fonction de l’angle de vue. Et
puis ce sont tous les modelés de la surface, la légère saillie d’un pilastre ou la
succession des modillons de l’entablement qui vont venir créer localement une
multitude de contrastes.
1 cf Planche B
2 cf Planche C
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Relevé de l’implantation des prises de jour
· Planche B
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Mesure de l’éclairement le long de l’axe longitudinal
· Planche C
Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
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1.3 Sant’Andrea della Valle, vue sur les
chapelles latérales
Ayant leur propre prise de jour, les chapelles sont
plus éclairées que la nef.
1.4 Sant’Andrea delle Fratte, vue sur les
chapelles latérales
Le fond des chapelles est plongé dans la
pénombre.
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Les chapelles latérales peuvent ou non avoir leurs propres prises de jour. Nous
prenons des exemples, illustrant les deux possibilités.
Les chapelles de l’église Sant’Andrea della Valle [illustration 1.3] sont éclairées par
le lanternon de leur coupole sur pendentif et par une prise de jour verticale. Cette
surélévation du plafond de la chapelle par rapport à l’ouverture cintrée reliant la
chapelle à la nef vient définir un volume lumineux spécifique. La lumière de la
chapelle s’enferme dans cette alcôve et ne vient pas déborder sur la nef. Nous
observons donc une lumière spécifique des chapelles, différente et plus forte que
la lumière de la nef. On ne cherche pas ici à uniformiser l’éclairage de la nef et
celui des chapelles, bien au contraire. Le choix de la voûte sur pendentif plutôt
que de la voûte en berceau vient renforcer leur différence et définir des unités
volumiques distinctes.
Dans l’église de Sant’Andrea delle Fratte [illustration 1.4], les chapelles et leur
voûte en berceau n’ont pas de prise de jour dédiée. Elles ne sont donc mises en
lumière que par l’éclairage diffus de la nef. Seul le bas de la chapelle est éclairé
quand toute sa hauteur est plongée dans la pénombre par l’ombre portée de la
voûte en berceau. Là encore, les chapelles de l’église ont une lumière tout à fait
spécifique, contrastant avec l’éclairage de la nef, en négatif de l’exemple
précédent. Le choix de voûte en berceau pour les chapelles sans éclairage
spécifique vient accentuer l’effet d’ombre portée qui aurait été estompé par
l’utilisation d’une voûte sur pendentif.
De manière générale, l’éclairage des chapelles est en contraste par rapport à
l’éclairage de la nef : la nef et les chapelles sont différemment éclairées. Il est
important de noter que les chapelles qui ne sont pas spécifiquement éclairées ont
une voûte en berceau, et les chapelles ayant leur propre prise de jour sont
construites avec une voûte sur pendentif, cela vient renforcer l’effet de contraste.
Nous pouvons alors nuancer les propos de Heinrich Wölfflin observant que «le
fond des chapelles disparaît totalement dans les ténèbres» et que «les espaces
secondaires autonomes disparaissent devant l’espace principal» (Wölfflin, 1888).
La généralisation de l’observation n’est pas applicable à toutes les églises
baroques à Rome. Une majorité des églises de notre corpus3 viendra éclairer plus
fortement les chapelles que l’espace central de l’édifice.
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Le travail de la matière et les contrastes qu’il génère crée donc une agitation
lumineuse des parois. Il devient inséparable de la qualité de la forme. Heinrich
Wölfflin parle «des masses noyées dans le flou» (Wölfflin, 1888). Le travail
lumineux de la surface la plonge dans une incertitude : l’enveloppe de la nef est
une accumulation d’éléments désordonnés et elle se dissout, par ses effets de
lumière, dans un infini à la fois proche et lointain.
La mise en lumière spécifique des chapelles latérales, en contraste par rapport à
l’éclairage de la nef, permet de les intégrer subtilement à la paroi. En effet, les
chapelles se fondent dans l’agitation lumineuse de la paroi en y ajoutant un jeu
de contraste supplémentaire.
3 cf Planche B
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L’agitation lumineuse des parois et des chapelles s’oppose à l’éclairage homogène
de la nef. Et cette agitation lumineuse délimite de fait un parcours.
En effet, le fidèle qui se meut à l’intérieur de l’édifice, entouré de surfaces
mouvantes et incertaines sur ses côtés, est incité à suivre l’axe homogène et
apaisé qui s’ouvre devant lui. Les effets de lumière des parois brouillent toute
autre direction, effacent les autres chemins que l’on pourrait emprunter.
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En analysant le travail de la matière des parois, Pierre Charpentrat va jusqu’à
parler de la «destruction de la surface» et plus loin : «le premier souci sera de
prendre ses distances envers l’enveloppe des églises, de lui ôter une grande partie
de son pouvoir» (Charpentrat, 1964). Il semble qu’elle ne se détruise pas
totalement, puisqu’on a fondamentalement besoin de sa présence, mouvante et
contrastée. En effet, la présence de la paroi crée un déséquilibre. Les architectes
baroques ne cherchent surtout pas l’équilibre des parties comme à la Renaissance,
mais une différence de potentiel entre l’agitation lumineuse des parois de la nef
et l’homogénéité de l’axe longitudinal pour faire naître le mouvement du fidèle
depuis l’entrée vers le maître-autel.
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Pour Giulio Carlo Argan : «l’architecture de tradition classique s’élabore toujours
par rapport à une luminosité universelle. A l’inverse, l’architecture baroque
cherche à situer l’édifice dans une ambiance lumineuse particulière» (Argan,
1957). Et, comme nous l’avons vu, Jean Castex reprendra la même idée en
opposant l’universalisme de la lumière de la Renaissance au particularisme de la
lumière Baroque (Castex, 1990). Ils parlent là sans doute de l’agitation lumineuse
des parois, mais omettent de décrire la source du phénomène : comme nous
l’avons vu, les églises baroques sont bel et bien plongées dans une lumière
‘universelle’ elles-aussi. Mais c’est la matière, et elle seule, qui vient se contraindre,
se déformer, se transformer pour créer localement des successions d’ombres et de
lumières. C’est la matière qui amène des contrastes lumineux, ce n’est pas la
lumière.
Omettre de décrire la source du phénomène lumineux peut porter à confusion.
En effet, cela peut sous-tendre que la source de lumière elle-même apporte les
contrastes, et nous pourrions alors parler de ‘clair-obscur’, mais cela n’est pas le cas
ici : la lumière baroque est une lumière homogène. Et nous pouvons aller plus
loin. Il faut revenir sur la notion de contraste de la paroi et surtout sur la notion
d’échelle du contraste. Ce que nous observons, ce sont des contrastes locaux, des
‘micro-contrastes’, créés par la matière elle-même, qui rendent la paroi confuse.
Un contraste qui aurait été créé par une lumière en clair-obscur, une lumière alors
non homogène mais dirigée et changeante, mettrait en opposition des
luminances de surface à une échelle bien plus importante. Un rai de lumière
tranchant une paroi de la nef viendrait perturber sa subtile agitation lumineuse,
viendrait changer la lecture globale de l’espace et créer une équivoque sur le
parcours à suivre. C’est pour cela que la lumière baroque n’est pas une lumière en
clair-obscur.
Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
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1.5 San Giovanni in Laterano, vue depuis la
nef sur les chapelles latérales
Une succession de volumes différemment
éclairés.
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Les chapelles latérales auraient pu venir perturber la bonne lecture de ce
parcours, en créant des entités identifiables sur les côtés, vers lesquelles nous
aurions pu nous diriger à tort. Et assez paradoxalement à première vue, c’est par
un éclairage spécifique, différent, qu’elles renforcent le tracé du parcours
longitudinal.
Une première intuition pour fondre les chapelles à l’espace principal aurait été
d’imaginer les éclairer uniformément, comme le faisait par ailleurs la Renaissance.
Mais des espaces clairement définis se seraient dessinés sur les latéraux de la nef,
appartenant à la nef, et pouvant faire diverger le parcours.
C’est au contraire parce que les chapelles sont en contraste par rapport à la nef
qu’elles rendent le parcours longitudinal plus cohérent. Comme nous l’avons vu,
leur mise en lumière spécifique permet de les intégrer à l’agitation lumineuse des
parois. Les architectes baroques cherchent à intégrer les chapelles à la confusion
lumineuse des parois, ils ne cherchent pas à les intégrer au volume de la nef.
Revenons alors sur la notion d’intégration spatiale au centre des analyses sur
l’architecture baroque. Christian Norberg-Schulz par exemple constate «une forte
aspiration à l’intégration spatiale d’ensemble. Cet aspiration a conduit l’architecte
à transformer l’édifice en un squelette transparent, cependant que les espaces
secondaires perdent leur autonomie pour devenir partie intégrante d’un système
ouvert» (Norberg-Schulz, 1971). Mais, pour les chapelles éclairées, en passant de
la voûte en berceau à la voûte sur pendentif, l’architecte baroque affirme au
contraire l’unicité des volumes latéraux qui ont leur lumière propre. Et nous ne
pouvons pas à proprement parler ici de ‘système ouvert’ ou d’intégration ‘spatiale’.
Il s’agit en fait d’une intégration lumineuse. Et cette intégration lumineuse est
subtile. En effet, ce n’est pas en éclairant uniformément la nef et les chapelles que
l’intégration se fait. C’est au contraire par un éclairage différent, qui génère un
contraste, que les chapelles viennent s’intégrer à l’agitation lumineuse des parois.
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La lumière comme programme ?
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L’église de San Giovanni in Laterano [illustration 1.5] est symptomatique de cette
volonté d’intégrer les chapelles aux parois de la nef par la lumière. C’est Borromini
qui deviendra l’architecte de la réhabilitation de cette basilique. Il base son travail
de reconstruction sur le rapport de l’espace et de la lumière. L’édifice est imposant
avec ses quatre nefs latérales, flanquées de chapelles. Il commence d’abord par
consolider la structure principale de la nef. Il englobe les colonnes jumelées
existantes dans de vastes piliers ne laissant place qu’aux ouvertures cintrées
correspondant aux nefs latérales. La première nef latérale a ses propres prises de
jour associées à une voûte sur pendentif, alternant longitudinalement avec une
voûte en berceau non éclairée. Nous voyons donc une suite saccadée de
baldaquins lumineux. La seconde nef latérale, à plafond plat, est laissée dans une
relative obscurité sans moyen d’éclairage propre. Et enfin les chapelles, éclairées
zénithalement et latéralement, sont des explosions de lumière.
Depuis la nef, l’effet de la perspective transversale est tout à fait surprenant. Il est
parfois impossible de discerner clairement l’existence des nefs latérales et des
chapelles. On aperçoit une juxtaposition incertaine d’unités volumiques
différemment éclairées qui ne laissent rien distinguer de précis et interdisent au
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La lumière comme programme ?
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L’éclairage spécifique des chapelles vient par ailleurs renforcer l’unité de la nef en
mettant en exergue son ossature. Depuis la nef de Sant’Andrea della Valle par
exemple, les chapelles sont séparées par des faisceaux de pilastres. La mise en
lumière puissantes des chapelles vient mettre en contre-jour ces éléments
verticaux continus, qui sont mis en exergue en se détachant mieux du fond sur
lequel ils sont lus. Les pilastres débordent alors dans l’entablement et se
continuent par des nervures transversales sur la voûte de la nef. C’est parce que
les chapelles sont contrastées par rapport à la nef que ces structures continues et
unifiantes sont mises en avant. Ce sont alors de puissants traits unificateurs de
l’espace principal, du parcours longitudinal.
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regard de se fixer sur un point de vue privilégié. Le regard fuit irrémédiablement
vers l’axe longitudinal.
Le but à atteindre
La lumière baroque vient dessiner un parcours longitudinal homogène, délimité
par des contours à la lumière agitée où le regard ne peut se poser. Le fidèle
avance naturellement vers la coupole.
Les prises de jour de la coupole sont intégrées au tambour rond. Leur nombre et
leur rythme peuvent être tout à fait différents4. D’après Heinrich Wölfflin, la forme
de la coupole va s’élancer au long de l’ère baroque : le rapport du diamètre sur la
hauteur maximale passera de trois à quatre (Wölffin, 1888). La grande majorité
des coupoles ont un lanternon au sommet.
Des relevés de luminance sont effectués depuis le haut de la coupole jusqu’au sol,
le long du tambour, d’un pendentif et d’une colonne5. Malgré les différences
d’intégration des prises de jour et l’évolution de la forme de la coupole, ces
relevés nous indiquent qu’il n’existe que deux distributions de la lumière : l’une
créant un appel visuel, l’autre créant un mouvement ascendant.
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La très grande majorité des diagrammes de luminance ont une très forte inflexion
au niveau du tambour. La mise en lumière chute très brutalement au-dessus et
sous le tambour. Ce qui nous indique que l’efficacité lumineuse de la coupole est
très faible. Le lanternon est un objet de décor non éclairant et la lumière du
tambour ne descend pas dans l’espace de l’église.
Nous pouvons rapprocher ces données des diagrammes de niveaux d’éclairement
le long de l’axe longitudinal6 qui présentent très peu d’inflexion à l’aplomb de la
coupole. Dans le cas où l’inflexion existe, une étude in situ des ombres portées
dans l’espace nous enseigne que la hausse du niveau d’éclairement à cet endroit
n’est due qu’aux prises de jour du transept et non à la coupole.
4 cf Planche D
5 cf Planche E
6 cf Planche C
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Prises de vue des coupoles
· Planche D
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Mesure de la luminance le long de l’axe vertical
· Planche E
Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
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1.6 Santa Maria in Campitelli, coupe
longitudinale
Visible depuis l’entrée, le tambour crée un appel
visuel par sa forte luminance.
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Les proportions de la coupole et de son espace sous-jacent ainsi que les facteurs
de réflexion des parois ne permettent pas à la coupole d’éclairer.
Nous pouvons alors préciser les propos d’Heinrich Wöllflin : «le but principal de la
coupole est de faire pénétrer dans l’église ces flots de lumière si essentiels au
caractère sacré du lieu» (Wölfflin, 1888). La coupole ne déverse pas ces ‘flots de
lumière’, la coupole n’éclaire pas l’espace. Elle reste seulement la surface la plus
éclairée de l’église.
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Le tambour de la coupole est donc un objet relativement très éclairé, mais non
éclairant. La très forte luminance du tambour vient créer un appel visuel dès
l’entrée dans l’église [illustration 1.6], l’oeil se dirigeant toujours vers les surfaces
les plus éclairées.
Pour certaines églises à plan centré, le diagramme de luminance présente une
ascendance régulière. Ici, la coupole n’a pas de tambour et englobe tout l’espace
de l’église. Comme précédemment, un appel vertical se crée mais d’une manière
différente, là où avant, seul l’oeil se déplace en hauteur, attiré par les fortes
luminances du tambour, ici c’est l’individu tout entier qui est au centre du
mouvement ascendant de la lumière.
La lumière baroque donne ici un sens et un but au parcours longitudinal. Elle va
diriger avec emphase l’oeil du fidèle vers les hauteurs. La mise en lumière de la
coupole crée un appel visuel au bout du parcours. Il s’agit là d’expliciter
clairement la présence de l’autorité divine à l’aide de la lumière. Giulio Carlo
Argan explicite l’intention : «la religion s’applique davantage à diriger choix et
comportement qu’à considérer et à décrire la logique providentielle au sein de
l’univers. Il est plus important dans de telles conditions de persuader que de
démontrer.» (Argan, 1957).
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Le passage obligé
Les effets de lumière des églises baroques dessinent un parcours sans équivoque
pour le fidèle. La lumière met l’accent sur un parcours longitudinal, mais aussi sur
un axe vertical à l’aplomb des coupoles. L’espace se dessinant avec ces deux
directions est dans un état de tension qui démarre naturellement le mouvement
du fidèle depuis l’entrée vers le maître-autel. La lumière vient de lui indiquer le
chemin qu’il doit suivre. Le fidèle se meut dans un espace totalement fabriqué par
la lumière. L’espace baroque peut alors se concevoir par ses seuls effets de lumière
et comme une succession de dispositifs lumineux.
L’idée que la lumière dans les églises baroques romaines organise un trajet vers
un foyer lumineux situé au-dessus de l’autel principal, nous y arrivons par l’étude
in situ. Or, elle semble très cohérente avec les prescriptions du Concile de Trente.
Le trajet qui mène à ce foyer est aussi le chemin liturgique de la messe. Le Concile
voulait rétablir une orthodoxie inspirée par les premières églises chrétiennes,
affirmer le rôle central de la Parole, redonner corps à l’incarnation par la lumière
en construisant ce point-foyer d’intercession miraculeuse entre la terre et le ciel.
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Malgré la grande disparité des plans et des dimensions des églises étudiées, nous
trouvons un dénominateur commun aux conceptions de la lumière des églises
baroques. Tous les architectes baroques ont appliqué un même schéma lumineux.
Et ce schéma est au centre de leur conception architecturale : leurs choix
architecturaux semblent se subordonner à ce schéma lumineux. Nous nous
demandons alors si cette lumière, incarnant les intentions de la liturgie, n’a pas pu
être le programme auquel les architectes baroques devaient répondre.
L’analyse précise de la lumière des églises du corpus nous permettrait d’ébaucher
une théorie de l’architecture baroque : la conception de la lumière baroque
rendrait cohérente l’architecture de chacune de ces églises et la lumière serait ici
le programme architectural.
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Une appréhension technique de la vision
Manière dont les images se forment sur le fond de l’oeil
Discours de la méthode, Descartes, 1637
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La technique au service de la lumière
«J’entends et j’oublie
je vois et je me souviens
je fais et je comprends»
Confucius
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L’architecte baroque n’est pas un théoricien, c’est un artiste technicien. La
conception de l’espace se rapproche de la technique de la construction. Au XVIIe
siècle, «la praxis passe au premier plan et le style de l’exécution suffit dès lors à
caractériser l’artiste. La praxis est technique. Puisqu’elle ne se limite pas à
manifester ou à traduire telle ou telle valeur, mais la réalise, la technique cesse
d’être une exécution manuelle et devient un processus qui détermine la valeur»
(Argan, 1957).
Les architectes peuvent lire à l’époque les traités de Descartes qui décrit les lois de
la réflexion lumineuse ou de Newton exposant sa théorie corpusculaire de la
lumière. Mais nous ne savons pas réellement si certains architectes ont consulté
les traités théoriques des savants.
C’est sans doute empiriquement qu’ils vont appréhender les effets de la lumière.
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2.1 Sant’Anna dei Palafrenieri, vue depuis
l’entrée
La forte luminance des prises de jour de la nef
est un élément perturbateur.
2.2 Gesù, vue sur les prises de jour de la nef
Les prises de jour deviennent une allégorie de la
puissance divine.
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Maîtriser la présence de la source lumineuse
Les architectes baroques portent une attention particulière à l’intégration des
prises de jour dans leurs églises.
En effet, la luminance d’une baie vitrée, qui est en fait la luminance de la voûte
céleste, est largement plus importante que la luminance des parois alentour. La
présence lumineuse des prises de jour amène donc un très fort contraste à
l’intérieur de l’édifice. Un contraste beaucoup plus important que les contrastes
lumineux de la paroi que nous décrivions plus haut.
Or, le regard se dirige toujours vers les plus fortes luminances. C’est pourquoi les
architectes vont chercher à minimiser la présence des sources lumineuses dans
les églises afin de ne pas donner à voir des baies vitrées perturbatrices venant
faire diverger le parcours en créant de nouveaux buts à atteindre.
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La technique au service de la lumière
Dans l’espace de la nef, à cette époque, on ose déjà percer des ouvertures dans la
voûte. Il ne s’agit donc pas ici de relever la découverte d’une nouvelle technique
constructive d’intégration, mais d’étudier la manière avec laquelle on a changé la
perception de la baie vitrée depuis l’intérieur de l’église.
Nous pouvons préciser le problème auquel les architectes vont s’affronter en
prenant l’exemple d’une église du Baroque débutant. L’intégration des prises de
jour de l’église de Sant’Anna dei Palafrenieri [illustration 2.1] est clairement héritée
de la Renaissance. Vignola cisaille la voûte pour absorber la verticalité de la
fenêtre. La surface vitrée est une surface lumineuse homogène et imposante. La
perception de ces prises de jour depuis la nef est très forte. Elles ne viennent
aucunement se fondre dans l’agitation lumineuse des parois environnantes. Elles
deviennent des éléments clairement définis qui attirent immédiatement le regard.
La prise de jour vient définitivement désorienter la lecture de l’espace et vient
entrer en concurrence avec le véritable but à atteindre. Les architectes baroques
vont alors essayer de lever cette embûche lumineuse du parcours en minimisant
la présence des sources lumineuses.
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Certains architectes vont essayer de donner du sens à la présence lumineuse
inconvenante des prises de jour, ne rentrant pas dans le schéma lumineux
souhaité. Dans l’église du Gesù par exemple [Illustration 2.2], les prises de jour
sont flanquées de statues élégiaques et des angelots sculptés viennent
interrompre le fronton. Carlo Rainaldi dans l’église de Gesù e Maria ou Carlo
Maderno dans l’église de Santa Maria della Vittoria utiliseront le même procédé.
Ils veulent ici que cette pénétration de la lumière dans les hauteurs de l’édifice
soit l’allégorie de l’autorité divine. La sculpture décorant l’encadrement de la baie
vient en faire la démonstration avec emphase.
Les architectes essaient donc de pallier la trop forte présence lumineuses des
baies vitrées par un procédé discursif rejoignant les intentions de la liturgie.
C’est par une intégration architecturale, et non plus discursive, qu’une autre
solution va s’ébaucher. La prise de jour doit se transformer en une source qui reste
lumineuse mais qui n’est plus visible.
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2.3 Santa Maria in Campitelli, vue sur une
prise de jour de la nef
L’hypertrophie de la corniche vient estomper la
présence de la prise de jour.
2.4 San Giovanni in Laterano, vue sur une
prise de jour d’une nef secondaire
La baie vitrée n’est pratiquement plus visible.
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C’est par l’hypertrophie de la corniche que les architectes vont d’abord cacher la
source lumineuse. A Santa Maria in Campitelli par exemple [Illustration 2.3], la
saillie accentuée et les détours de la corniche viennent, de certains points de vue,
totalement effacer la présence de la baie vitrée. La luminance trop forte de la prise
de jour n’est donc plus visible. L’agitation lumineuse de la paroi n’est plus
perturbée par un élément autonome identifiable. En évitant une vision directe de
la baie vitrée, l’architecte ajoute là encore de l’incertitude à la paroi d’où émane
une lumière diffuse qui n’a plus d’origine.
C’est ensuite la profondeur de l’embrasure des baies qui va être prononcée. Et la
vitre sera positionnée au nu extérieur de cette embrasure, et non plus à l’intérieur
comme à la Renaissance. C’est une forte tendance qui s’observe dans les églises
baroques : en reculant ainsi la vitre, elle s’efface du champ de vision direct du
fidèle qui entre dans l’église. Ce n’est plus une surface éclairante, la vitre, qui est
montrée, mais une matière éclairée, celle de l’embrasure, dont la luminance sera
moins importante que celle d’une baie vitrée.
Les architectes maîtrisent donc le contraste global de la paroi en estompant la
présence de la baie vitrée.
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La technique au service de la lumière
Ce phénomène va s’accentuer radicalement par la construction de véritables
‘boîtes à lumière’ [illustration 2.4], dont nous pouvons sans doute attribuer la
paternité à Borromini (peut-être de manière abusive, le corpus d’églises n’étant
pas assez large pour en avoir la certitude). Et Borromini ne sera de toutes façons
pas le seul à utiliser cette manière d’intégrer la baie vitrée. Il y a là deux plans
verticaux différents. le plan extérieur où est intégrée la baie vitrée, le plan
intérieur percé d’une ouverture s’intégrant à la décoration de l’église. Ainsi,
l’élément perturbateur, la baie vitrée verticale, est véritablement rejeté du
système architectural intérieur.
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Nous avons vu précédemment que les chapelles peuvent être éclairées par leur
propres prises de jour, intégrées verticalement ou zénithalement. Les architectes
baroques auront la même volonté de minimiser la présence de ces sources de
lumière.
Dans l’église maniériste de San Luigi dei Francesi [illustration 2.5], Giacomo Della
Porta dessine une prise de jour en demi-cercle au fond des chapelles éclairant une
voûte en berceau. La lumière vient se projeter vers la nef et la baie vitrée,
imposante, est immédiatement visible depuis l’entrée.
L’architecte baroque viendra occulter pour partie ces prises de jour verticales de
fond de chapelle par le débordement du fronton d’un autel par exemple comme
nous le voyons dans l’église de Santa Maria in Campitelli [illustration 2.6].
En ce qui concernent les prises de jour zénithales, la source de lumière n’est pas
perceptible depuis l’entrée, puisque l’arc cintré de la nef fait écran et arrête la vue
avant qu’elle n’atteigne le sommet de la voûte de la chapelle. Dans l’église de
Santa Maria della Vittoria [illustration 2.7], le plafond diffusant éclairant L’extase de
Sainte-Thérèse du Bernin n’est visible qu’en s’approchant très près de la sculpture.
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2.5 San Luigi dei Francesi (XVIe), vue sur une
chapelle latérale
La baie vitrée est immédiatement visible depuis
l’entrée.
2.6 Santa Maria in Campitelli, vue sur une
chapelle latérale
Le tympan de l’autel vient masquer la prise de
jour.
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La technique au service de la lumière
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Maîtriser la pénétration des rayons solaires
Nous venons de décrire les moyens d’estomper la présence de la source
lumineuse dans le but de ne pas perturber la subtile agitation lumineuse des
parois et la bonne lecture du parcours. Il s’avère que ces dispositifs d’intégration
des prises de jour minimisent par ailleurs grandement la pénétration du
rayonnement direct du soleil.
Les boîtes à lumière que nous venons de décrire sont aussi de véritables pièges à
lumière, ce sont les ‘brise-soleil baroques’. Cette volonté de piéger les rayons du
soleil renvoie à l’idée développée plus haut sur le clair-obscur. Les mesures nous
indiquent que le soleil direct éclaire dix fois plus qu’une lumière diffuse. La
pénétration des rayons solaires à l’intérieur de l’édifice viendrait contraster trop
fortement les parois et l’architecture baroque cherchera à éviter la pénétration de
ces éléments perturbateurs.
Quand Carlo Giulio Argan écrit que l’architecture baroque «exploite les accidents
de la lumière et la diversité lumineuse des différents moments de la journée»
(Argan, 1957), il occulte cette volonté forte qu’ont eu les architectes baroques
d’inventer des dispositifs leur permettant de minimiser justement cette ‘diversité
lumineuse des différents moments de la journée’, c’est-à-dire minimiser la
pénétration des rayons directs du soleil afin de maîtriser le subtil contraste de
leurs églises.
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Depuis la nef, seul l’effet lumineux nous parvient : les éclats d’une gerbe dorée et
les ombres du drapé en marbre blanc. La vision de la prise de jour est occultée
pour amener le regard sur le seul travail lumineux de la matière.
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Il est important ici de souligner la grande différence qui existe entre les boîtes à
lumière baroques et le dispositif d’éclairage de la nef de Sant’Andrea de Mantoue
par Leon Battista Alberti qui inventait là une autre sorte de boîte à lumière. La nef
de Sant Andrea est mise en lumière par des oculi percés dans les piliers creux de
la nef. La lumière arrive en second jour : «avant de rejoindre la nef par l’oculus, elle
s’est diffusée au-dedans d’une sorte de ‘chambre à lumière’» (Taricat, 2003).
Alberti invente ici un dispositif lui permettant d’éviter le rayonnement direct du
soleil qui serait venu perturber l’équilibre général de son édifice. Mais ici, l’oculus
de la nef est rempli d’une surface vitrée diffusante au nu intérieur de la paroi. Ce
n’est pas un creux, une aspérité comme c’est le cas dans les églises baroques. Et
c’est là une différence fondamentale de la vision de la lumière. Alberti a besoin de
la forte luminance de la baie vitrée diffusante de la nef qui est un élément
autonome en équilibre statique au milieu de sa paroi. Borromini à San Giovanni in
Laterano par exemple [Illustration 2.4] rejette la baie vitrée à l’extérieur. En nous
montrant ‘l’intérieur’ de la boîte, il oppose à la surface vitrée frontale albertienne
un nouveau jeu subtil de contrastes de la matière.
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2.7 Santa Maria della Vittoria, vue sur Sainte
Thérèse en extase
Le plafond diffusant ne se perçoit pas depuis la
nef, le regard se dirige vers la sculpture éclairée.
2.7
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Maîtriser le niveau d’éclairement
Des relevés de niveaux d’éclairement ont été effectués à l’intérieur des églises. Au
même moment, nous mesurons l’éclairage à l’extérieur de l’église. Le rapport de
ces deux mesures s’appelle le facteur de lumière du jour.
Nous estimons la moyenne des facteurs de lumière du jour de toutes les églises
baroques à 0,5%. Ce chiffre est peut-être difficile à analyser et nous ne pouvons
pas faire de comparaison avec l’époque classique par exemple. Nous avons
seulement une indication de Marc Fontoynont qui estime la moyenne des
facteurs de lumière du jour des églises gothiques aux alentours de 0,2%
(Fontoynont, 1999).
Le facteur de lumière du jour des églises baroques se caractérise par une très
grande hétérogénéité. Dans un premier temps, nous essayons d’organiser ces
données en fonction de la typologie et de la taille des édifices. Il est difficile d’en
faire une synthèse, nous ne voyons pas se dessiner de tendances. La typologie et
la taille de l’église ne sont pas des informations discrimant le niveau d’éclairement
moyen, comme nous aurions pu le croire. Il faut organiser les données en fonction
des dates de construction de l’intérieur des églises1 pour réussir à lire un
mouvement. Le baroque semble être passé par une période médiane de plus
faible éclairement.
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La technique au service de la lumière
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Les paramètres influant le facteur de lumière du jour sont la quantité de surfaces
vitrées, la productivité des prises de jour et la réflexion des parois.
En ce qui concerne la réflexion des parois, nous ne mesurons pas que les églises
les plus sombres aient spécialement des parois plus absorbantes. Ce n’est donc
pas un changement de revêtement qui peut expliquer cette tendance à
l’affaiblissement de l’éclairement.
La productivité des prises de jour est le rapport entre la lumière qui entre et la
lumière qui sort de la prise de jour. Les expérimentations décrites plus haut ont
pour conséquence d’affaiblir cette productivité. En effet, la fenêtre de Sant’Anna
dei Palafrenieri [illustration 2.1] est beaucoup plus productive que la boîte à
lumière borrominienne [illustration 2.4]. Mais là encore, nous n’arrivons pas à lier
la baisse de productivité des prises de jour à la baisse du facteur de lumière du
jour.
Nous en déduisons donc que c’est la quantité de surface vitrée qui a changé et
influencé le facteur de lumière du jour au milieu du siècle. Mais nous ne
remarquons pas que le nombre de prises de jour diminue pour les églises les
moins éclairées, l’implantation reste la même comme nous l’avons vu dans la
partie précédente. C’est donc la surface vitrée de chaque prise de jour qui a été
diminuée et qui a changé le niveau d’éclairement moyen.
L’observation se démontre difficilement. Il s’agirait de mesurer la proportion de
surfaces vitrées de chaque église, mais les données sur le bâti nous manquent.
Pour la Renaissance, le traité d’Alberti contraint la proportion des fenêtres. Pour
les basiliques : «la partie du mur qui se trouve entre les deuxièmes et troisièmes
corniches sera, quant à elle, percée de fenêtres et laissera passer la lumière.
1 cf Planche F
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Mesure de l’éclairement moyen par date
· Planche F
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Des fenêtres uniformes et se correspondant mutuellement seront placées dans les
intervalles de l’arcade supérieure. Leur largeur ne sera pas inférieure aux trois
quarts de l’entrecolonnement. Quant à leur hauteur, il sera commode qu’elle
occupe le double de leur largeur» (Alberti, 1485). L’époque baroque s’est donc
largement affranchie de cette contrainte. Elle a empiriquement testé différentes
proportions de fenêtres pour influencer le niveau d’éclairement.
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La technique au service de la lumière
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Après une première phase généreuse en lumière, les architectes ont
apparemment testé l’effet d’une plus grande obscurité, pour comprendre si le
dessin du parcours lumineux n’était pas plus pertinent en plongeant les parois
dans la pénombre.
Mais ils ont dû constater que le niveau d’éclairement global s’abaissant, ce sont
tous les contrastes de la paroi qui s’amenuisent. En effet, lorsqu’on éclaire moins
une paroi modelée, l’ombre d’un renfoncement, d’une aspérité ne change pas.
C’est la luminance du premier plan qui s’abaisse. Le contraste entre la partie
ombrée et la partie éclairée est donc moins important.
C’est sans doute pour cela que les architectes de la fin de la période baroque
reviennent à des niveaux d’éclairement plus élevés. Ils veulent regagner en
contraste et souligner l’agitation lumineuse de leur paroi. Le Baroque voudra et
demandera de plus en plus de lumière.
Une idée reçue persiste dans la littérature sur le niveau d’éclairement des églises
baroques. Heinrich Wölfflin commencera : «le Classique exige l’absolue clarté. Le
Baroque préserve une obscurité relative» (Wölfflin, 1915). Et les analyses
architecturales suivront le pas jusqu’à aujourd’hui : «le baroque se complaît dans
une obscurité relative bien différente de l’idéal Renaissance d’une absolue clarté»
(Nizet, 1994), l’idée a donc peu évolué. D’une part, il apparaît difficile de
cantonner la lumière baroque dans ‘une obscurité relative’, puisqu’elle évoluera
beaucoup tout au long de son développement. D’autre part, ces affirmations
occultent une tendance historique de l’architecture baroque : son aspiration
l’amène irrémédiablement vers la lumière.
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Un savoir-faire lumineux
Les architectes baroques vont mettre leur technicité au service de la lumière et du
programme lumineux que nous venons de décrire. L’appréhension de la lumière
se fera par l’expérimentation.
Contrairement à ce que pense Carlo Giulio Argan pour qui « La lumière est un
facteur extérieur que l’artiste ne peut pas modifier» (Argan, 1952), les architectes
baroques vont chercher à maîtriser parfaitement le contraste de leurs églises. Ils
ont cette conscience que l’effet de lumière a une source. Et que pour maîtriser
l’effet, il faut savoir maîtriser la source.
Ils vont d’abord chercher à estomper la présence de la source lumineuse afin de
ne pas générer de contrastes perturbateurs. Ils cherchent ensuite à minimiser la
pénétration des rayons directs du soleil pour éviter une lumière en clair-obscur.
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Minimiser la présence de la source lumineuse n’est pas nécessairement lié à une
baisse du niveau d’éclairement. Cacher la source, ce n’est pas réduire la quantité
de lumière. Les architectes baroques vont expérimenter ces deux aspects sans
qu’ils soient en opposition. En effet, ils testeront aussi l’influence du niveau
d’éclairement des églises sur leurs contrastes. Ils semblent avoir conclu que la
lecture du parcours s’améliore lorsque les niveaux d’éclairement augmentent.
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La technique au service de la lumière
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Francesco Borromini
Anonyme
Gian Lorenzo Bernini
Autoportrait
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Une cohérence par la lumière
«Désirer, c’est construire un agencement»
Gilles Deleuze
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Nous relevions en introduction les oppositions franches qui existent dans la
littérature entre les maîtres de l’architecture baroque sur leur manière
d’appréhender la lumière dans les églises.
Ce sont maintenant trois chefs-d’oeuvre que nous allons visiter. Il s’agit de trois
églises parmi les plus récentes et sans doute les plus innovantes : Santa Maria in
Campitelli, Sant’Andrea al Quirinale et San Carlo alle Quattro Fontane.
Lors de ces promenades architecturales, nous allons éprouver le programme
lumineux que nous avons défini auparavant. Il ne s’agit pas là de chercher à
réduire des chefs-d’oeuvre à un système. Nous voulons saisir si cette nouvelle
grille de lecture leur permet de trouver une certaine cohérence.
Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
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3.1 Santa Maria in Campitelli
Plan (Wittkower, 1958)
3.2 Santa Maria in Campitelli
Coupe longitudinale (Wittkower, 1975)
3.1
3.2
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Santa Maria in Campitelli
L’originalité de cette église réside dans le traitement de son plan [illustration 3.1].
L’architecte, Carlo Rainaldi, décide de juxtaposer deux systèmes centrés se
terminant par une abside semi-circulaire. En associant ces deux systèmes, il trace
un parcours longitudinal, «une longue perspective naît de ces recours successifs à
deux schémas de la Renaissance» (Charpentrat, 1964).
Chacun des systèmes centrés est composé d’un volume principal et de quatre
chapelles satellites. Mais ce n’est pas cela que nous percevons. A partir de ce plan
complexe, l’architecte va s’appliquer à indiquer clairement le parcours à suivre
pour les fidèles.
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Une cohérence par la lumière
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L’utilisation du plan centré est une difficulté pour l’architecte baroque puisqu’il
génère des directions transversales qui viennent perturber le parcours
longitudinal. Rainaldi cherche d’abord à résoudre le conflit des différentes
directions axiales, en traitant spécifiquement les axes transversaux des deux
systèmes centrés.
La nef est d’un blanc uniforme et Rainaldi va dorer l’arc en berceau des bras du
premier système [illustration 3.3]. Par ce changement de revêtement de surface,
les bras transversaux n’appartiennent plus au volume central. Les bras du second
système sont si réduits, qu’ils sont lus comme un renfoncement de paroi et non
comme des espaces connexes identifiables.
Les bras transversaux deviennent, de deux manières différentes, des chapelles
ouvertes sur le parcours longitudinal et non plus des espaces autonomes qui
indiqueraient de nouvelles directions à suivre.
Nous percevons donc, depuis l’entrée, une alternance de chapelles ouvertes (les
bras transversaux) et de chapelles fermées (les chapelles satellites). La voûte en
berceau dorée des bras transversaux rejoint d’ailleurs le traitement des arcs
cintrés et des balcons des chapelles satellites.
Rudolf Wittkower voit dans ce traitement de surface des bras un renforcement des
directions transversales (Wittkower, 1958). Il semble bien au contraire qu’on
essaye d’annihiler les transversales en travaillant leur matière comme pour les
chapelles satellites.
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Dans cette église, c’est l’utilisation foisonnante de la colonne qui va venir agiter
cet espace composite. Les pilastres de la nef et les colonnes dégagées des
chapelles fusionnent les deux systèmes adjacents. «La pléthorique futaie des
troncs cannelés fait oublier qu’il s’agit de deux édifices juxtaposés» (Charpentrat,
1964).
Les colonnes permettent la fusion des deux systèmes centrés, mais elles
permettent aussi d’intégrer dans une même agitation les chapelles ouvertes et
fermées. Une agitation lumineuse des contours du parcours est produite par les
colonnes. L’oeil se perd dans les jeux d’ombre et de lumière des cannelures des
colonnes et s’oriente alors sur le parcours longitudinal qu’il doit emprunter.
Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
3.3
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3.4
3.3 Santa Maria in Campitelli, vue depuis
l’entrée sur l’aile gauche
Le traitement des parois de la nef et des
chapelles diffère.
3.4 Distribution de la lumière
Rainaldi invente une nouvelle entropie de la
lumière
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Nous avons déjà détaillé dans la partie précédente la manière avec laquelle
Rainaldi a tenté de maîtriser les contrastes de cette église. Les corniches
excessivement saillantes ou le tympan des autels viennent diminuer la perception
des prises de jour aux luminances trop fortes. Il minimise aussi par ces procédés la
pénétration des rayons directs du soleil. Rainaldi porte donc ici beaucoup
d’attention à l’intégration de ses prises de jour.
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Une cohérence par la lumière
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Mais, l’innovation de son plan amène une autre subtilité dans le traitement de la
lumière. Nous pouvons pour la saisir comparer la distribution de la lumière de
Santa Maria in Campitelli à celle de deux autres églises : la Chiesa Nuova et
Sant’Andrea delle Fratte [illustration 3.4].
La nef de la Chiesa Nuova est flanquée de chapelles qui ont leurs propres prises
de jour. Comme nous l’avons vu dans la première partie, les chapelles éclairées
sont des alcôves à la lumière particulière qui est en contraste avec celle de la nef.
La nef de Sant’Andrea delle Fratte est flanquée de chapelles non éclairées. Les
chapelles sont alors des renfoncements obscurs qui contrastent avec l’éclairage
de la nef.
Dans ces deux cas, le particularisme de la lumière des chapelles se répète
régulièrement. C’est-à-dire que toutes les chapelles de l’église ont le même
traitement lumineux. L’agitation lumineuse qu’amène le contraste de l’éclairage
des chapelles est un ‘désordre régulier’.
Le schéma de distribution de la lumière de Santa Maria in Campitelli est plus
complexe. Les bras transversaux sont éclairés spécifiquement et plongent dans la
nef. Ils s’alternent avec des chapelles sans prise de jour qui absorbent l’éclairage
de la nef. La lumière ne va alors pas dans le même sens.
Par la mise en place de ce plan, Rainaldi invente une nouvelle entropie de la
lumière. Les chapelles éclairées et non éclairées se succèdent. C’est donc une
alternance de contrastes positifs et négatifs qui vient encore plus agiter la paroi.
Ici, l’agitation lumineuse des contours du parcours est fortement accentuée. Sans
confusion possible, il ne s’agit plus maintenant que de suivre le parcours
longitudinal et de se diriger vers le maître-autel.
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C’est le second système centré du plan qui reçoit une coupole.
Le premier système centré de l’église est plus imposant que le second. Les parois
longitudinales pointent donc légèrement vers la coupole, elles ne sont pas
parallèles. Le plan renforce donc l’effet de perspective vers la coupole.
Rainaldi s’autorise à déformer la forme des prises de jour de la coupole. Elles ont
une forme elliptique, plus nerveuse et moins statique que le cercle habituel. La
quantité importante des prises de jour et la couleur blanche du revêtement
permettent à la lumière d’illuminer l’espace sous la coupole. Nous notons sur les
diagrammes de luminance1 la régularité avec laquelle la luminance augmente le
long de l’axe vertical. La coupole n’est donc pas ici un simple appel visuel où la
luminance du seul tambour attire le regard. C’est tout le volume du second
système centré qui trace nettement l’axe vertical de l’église.
1 cf Planche E
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Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
3.5
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3.6
3.5 Sant’Andrea al Quirinale
Plan (Wittkower, 1958)
3.6 Sant’Andrea al Quirinale
Coupe transversale (Wittkower, 1958)
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Sant’Andrea al Quirinale
Le Bernin déforme ici le plan de la rotonde antique. Le plan est une ellipse
transversale coupée par un axe longitudinal, défini par une entrée imposante et
par le maître-autel [illustration 3.5]. L’axe reliant l’entrée à l’autel correspond au
petit diamètre du plan elliptique. Cependant les extrémités du grand diamètre, au
lieu de se prolonger par des chapelles latérales, s’arrêtent sur des piliers. Le Bernin
accentue ainsi le parcours longitudinal. Christian Norberg-Schulz le dit très bien :
«L’importance spatiale de l’axe transverse a été neutralisée en le faisant buter
contre des piles pleines au lieu de le prolonger par des chapelles. Le mouvement
se trouve de la sorte bloqué, et l’on perçoit au lieu d’un conflit de directions, deux
étoiles rayonnantes qui accompagnent le mouvement principal de l’entrée à
l’autel» (Norberg-Schulz, 1971).
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Une cohérence par la lumière
Le volume principal de l’église nous englobe littéralement. Les proportions de
l’espace sont celles du Panthéon [illustration 3.6] : «De telles proportions
rabaissent suffisamment l’assise du dôme pour que l’on sente physiquement le
mouvement d’abord enveloppant puis ascensionnel de la toiture» (Taricat, 2003).
La coupole prolonge directement les murs. Les fenêtres sont percées dans le
dôme-tambour et implantées de manière fréquente et régulière [illustration 3.7].
Les prises de jour se situent donc au centre du volume. Ceci explique la très
étonnante homogénéité du sol et des parois que nous observons sur nos
diagrammes de luminance et d’éclairement2. Sant’Andrea al Quirinale est l’église
baroque à l’éclairage le plus uniforme. La lumière se diffuse de manière
parfaitement homogène le long du parcours longitudinal.
Le Bernin a traité l’agitation lumineuse des contours de façon tout à fait
personnelle. Nous n’observons que très peu de modelés dans les parois. Elles ne
sont par ailleurs séparées de la voûte que par un entablement très peu saillant.
Elles sont flanquées de pilastre et non de colonnes isolées. Il y a donc très peu
d’éléments émergents pouvant créer des ombres intéressantes.
Le Bernin travaille la lumière dans cet espace comme le ferait un peintre. Il utilise
plusieurs matières réagissant différemment à la lumière pour agiter ses parois :
des marbres polychromes rouges et blancs en bas et des dorures pour la coupole.
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Les prises de jour de la coupole sont intégrées de manière très ‘classique’. Aucune
obstruction, aucun élargissement de l’embrasure ne vient minimiser leur
présence. Bien au contraire, Le Bernin ose utiliser la forte luminance des baies
vitrées qu’il considère comme un éclat de plus parmi les ors de sa coupole. Il joue
aussi pleinement de la pénétration du rayonnement solaire car il les intègre à la
conception de l’image : sa matière dorée n’en paraîtra que plus chatoyante. Le
Bernin ne minimise pas ici la présence des sources de lumière et pourtant, il arrive
avec virtuosité à ne pas en faire des éléments perturbateurs, mais à les intégrer à
l’agitation lumineuse des parois.
2 cf Planches C et E
Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
3.7
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3.7 Sant’Andrea al Quirinale,
vue sur la coupole
Les ors de la coupole chatoient
sous un éclairage extrêmement
homogène.
3.8 Sant’Andrea al Quirinale,
vue sur une chapelle latérale
L’éclairage rasant de la voûte en
berceau accentue le contraste
des dorures.
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Le traitement lumineux des chapelles de l’église est très particulier lui-aussi. Par
différents moyens, Le Bernin vient les fondre dans l’agitation lumineuse des parois
du volume principal.
Tout d’abord, l’axe des chapelles n’est pas le centre de l’ellipse, mais bien l’un des
deux foyers de l’ellipse. Si les axes se croisaient au centre de l’ellipse, le fond de
chacune des chapelles aurait été visible depuis le centre de l’église. Mais ce n’est
pas le cas ici. Depuis l’axe, nous ne percevons que des fragments de surface de
chaque chapelle. L’architecte amène ainsi de l’incertitude dans la lecture des
contours du parcours.
Comme pour Santa Maria in Campitelli, l’éclairage des chapelles est différencié.
Les chapelles flanquant l’axe transversal ont leur propre prise de jour, les autres se
fondent dans l’obscurité. De la même manière que Rainaldi, Le Bernin amène de
l’entropie lumineuse en alternant le type de mise en lumière de ses chapelles.
Nous pouvons regarder plus en détail les chapelles qui ont leur propre prise de
jour [illustration 3.8]. La prise de jour en fond de chapelle est pour une grande
partie masquée par le tympan de l’autel afin d’éviter une trop grande présence
lumineuse qui désorienterait le regard du parcours longitudinal. Par ailleurs, la
voûte est revêtue de dorures qui, éclairées de manière rasante, ont des ombres
très prononcées qui viennent s’ajouter à l’agitation lumineuse globale des parois.
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Une cohérence par la lumière
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La définition de l’appel vertical dans cette église est complexe. L’axe vertical se
dessine par un jeu de regard ‘en trois bandes’.
Le parcours longitudinal se conclut par le maître-autel qui est retiré derrière un
écran de colonnes (les seules de l’édifice). Il est éclairé par un lanternon reculé,
non visible depuis l’espace principal. En cachant la source lumineuse, Le Bernin
amplifie son effet de lumière qui place le maître-autel sous une gerbe d’éclats
dorés. Il invente là un éclairage scénographique. C’est l’effet de lumière qui guide
le regard sur l’autel. Le Bernin est un metteur en scène. C’est bien par une mise en
scène qu’il guide le regard au bout du parcours longitudinal dès notre entrée
dans l’église.
Mais le maître-autel reste inaccessible, reculé derrière ses colonnes. Le regard
glisse donc irrémédiablement sur la sculpture de Saint-André émergeant dans
l’ouverture concave du fronton [illustration 3.7], uniformément éclairé par les
baies de la coupole. Saint-André monte au ciel sur un nuage et regarde le
lanternon de la coupole où plane la colombe de l’Esprit-Saint.
L’appel vertical de cette église est donc très scénarisé. Au départ, c’est un effet
lumineux sur le maître-autel et il faut ensuite passer par la médiation de la
sculpture de Saint-André, pour saisir la présence divine.
Anthony Blunt résume bien la sensation que nous avons dans cette église :
«l’architecture du Bernin est essentiellement fondée sur la recherche de l’effet
dramatique et une éblouissante exploitation de la combinaison de la sculpture et
de l’architecture, avec un emploi quasiment pictural de la couleur dans l’ajout de
dorures et de marbres dorés» (Blunt,1982). Le Bernin propose ici une architecture
d’image. Et la technique de l’image du Bernin est virtuose. Il propose à l’oeil de se
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Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
3.9 San Carlo alle Quattro Fontane
Plan (Wittkower, 1958)
3.10 San Carlo alle Quattro Fontane
Coupe longitudinale (Wittkower, 1958)
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déplacer comme il le ferait sur un tableau. Nous construisons alors l’espace de
manière statique. Et le fait qu’il choisisse de placer l’axe longitudinal sur le petit
diamètre de l’ellipse amplifie cette impression. En effet, l’attirance qui nous amène
à nous diriger vers le maître-autel est rapidement stoppée, l’espace se diluant sur
les côtés. Ce n’est pas le corps qui est mis en mouvement, c’est le regard. Il ne
nous met pas aux prises avec le problème d’un espace dont la définition intrigue,
il nous propose une solution. Le Bernin conçoit un parcours visuel. Rudolf
Wittkower nous avait prévenus : «dans les églises du Bernin, l’église n’est ni plus ni
moins qu’un décor dans lequel un mystère avec son émotion est révélé aux
fidèles au moyen du décor sculpté» (Wittkower, 1958).
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Une cohérence par la lumière
San Carlo alle Quattro Fontane
L’église est d’abord exceptionnelle par sa taille : «on souligne souvent l’exiguïté de
l’église en disant qu’elle pourrait tenir dans un des piliers supportant le dôme de
Saint-Pierre» (Norberg-Schulz, 1971). L’innovation est sans doute plus aisée dans
les édifices de moindres dimensions, mais cela ne doit pas minimiser
l’extraordinaire inventivité de Francesco Borromini, qui réussit là une synthèse
lumineuse.
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Le plan de l’église [illustration 3.9] est la fusion d’une ellipse longitudinale et d’un
plan en croix grecque. L’espace central est flanqué de quatre niches aux
extrémités des axes de l’ellipse. Les niches sont séparées par des pans de mur sur
lesquels reposent les pendentifs de la coupole ovale. Borromini transforme le plan
en croix grecque en un espace unique où tous les éléments sont liés par une paroi
continue. Contrairement à la précédente église du Bernin, l’axe longitudinal de
l’église est ici le grand axe de l’ellipse. Le parcours du fidèle vers le maître-autel se
dessine par la seule orientation de la forme elliptique : «La coupole ovale posée
dans le sens de la longueur souligne l’orientation. L’axe transversal, lesté d’un
autel en chacun de ses points d’impact, la contredit. Mais toutes les contradictions
sont résolues grâce à la souplesse des murs qui cernent, d’un même mouvement
ondulant, les extrémités du grand axe et le renflement central. Les géométries
initiales se noient en un espace indivisible, d’où l’angle est banni.» (Charpentrat,
1964).
Dans cette église, l’étude de la délimitation du parcours longitudinal et l’étude de
l’appel vertical sont difficilement dissociables puisque tout s’opère dans un seul et
unique espace.
L’éclairage de l’église se caractérise de deux manières. D’une part, il est très élevé :
il s’agit de l’église la plus éclairée du corpus3 et nous nous étonnons alors que
Siegfrid Giedion pense que «l’obscurité y est presque totale» (Giedion, 1941).
D’autre part, il est extrêmement homogène4.
Nous pouvons discerner sur la coupe [illustration 3.10] quatre niveaux : celui de
3 cf Planche F
4 cf Planche C
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3.11 San Carlo alle Quattro Fontane, vue sur
la fenêtre de façade
Borromini estompe la présence de chacune des
prises de jour de l’église.
3.12 San Carlo alle Quattro Fontane, vue sur
la coupole
Seuls les modelés du stuc blanc créent le
contraste évanescent des parois.
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l’assistance avec sa colonnade, celui des pendentifs, celui de la coupole et enfin
celui du lanternon.
Il n’y a aucune prise de jour au premier niveau. La première fenêtre apparaît au
niveau des pendentifs, il s’agit d’une prise de jour en façade [illustration 3.11].
Quatre ouvertures octogonales sont ensuite percées au pied de la coupole. Et
c’est enfin le lanternon, de forme elliptique, qui vient mettre en lumière l’édifice
[illustration 3.12].
Il y a très peu d’ouvertures et pourtant le niveau d’éclairement est élevé. C’est en
fait la matière, le stuc blanc mat qui recouvre la majorité des parois, qui permet
une diffusion parfaite de la lumière depuis le haut vers le sol. Les parois sont un
très bon réflecteur. Elles permettent à la lumière de rebondir d’étage en étage
sans trop s’estomper et la diffusent uniformément.
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Une cohérence par la lumière
L’éclairage est parfaitement homogène et Borromini n’utilise quasiment qu’un
matériau mat sans reflet. C’est donc le seul travail de la matière qui va venir agiter
les parois de l’édifice et ainsi délimiter le parcours : «Borromini privilégie des
matériaux humbles et artificiels (brique, plâtre, stuc) alors que son idéal est celui
d’une suprême élégance. C’est la technique qui, ensuite, transforme ces humbles
matériaux en matières précieuses, et, en dernière analyse, cette manière de
raffiner et de rendre précieuse la matière jusqu’à la transcender en la plus pure et
la plus impondérable des matières, c’est-à-dire la lumière, n’est rien d’autre que la
forme» (Argan, 1952).
La lumière vient se perdre dans les saillies du stuc avec une grande douceur, les
contrastes de paroi sont graduels et subtils. Cet aspect velouté et évanescent fait
penser à la technique picturale du sfumato de Leonard de Vinci. Mais l’architectetechnicien Borromini travaille avec «la truelle du maçon, la spatule du stucateur, la
scie du menuisier, le ciseau du tailleur de pierre, le marteau du carreleur et la lime
du forgeron» (Argan, 1952). A San Carlo alle Quattro Fontane, on assiste à
l’évolution d’une technique qui devient tridimensionnelle : on passe du sfumato
leonardien au ‘stuccato’ borrominien.
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Revenons à la délimitation du parcours longitudinal. Comme nous le voyions,
aucune prise de jour, à la présence lumineuse trop forte, ne vient perturber les
contrastes du premier niveau de l’église où se trouve l’assistance des fidèles. Ici, ce
sont les colonnes qui créent une nappe ondulante autour de nous [illustration
3.13]. Elles guident notre regard jusqu’au tableau sombre du maître-autel qui par
un fort contraste accentue encore la profondeur du parcours longitudinal. Les
colonnes, qui dans un premier temps semblent accentuer une structure, sont en
fait par leur fréquence et leur échelle disproportionnée des éléments créateurs
d’ombres et de lumière qui dissuadent l’oeil de suivre le tracé du mur pour
l’amener vers le maître-autel. «En termes musicaux, cet arrangement de colonnes
est comparable à la structure d’une fugue.» (Wittkower, 1958).
L’appel vertical, dans cette église, est exceptionnel. Borromini dépasse largement
le simple appel visuel, pour venir créer un véritable ‘parcours’ vertical. Le
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3.13 San Carlo alle Quattro Fontane
La nappe ondulante des colonnes guide
le regard jusqu’au maître-autel.
3.14 Le Pantheon et San Carlo alle
Quattro Fontane
Les deux édifices ont une mise en
lumière identique.
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diagramme de luminance de l’église5 nous indique une gradation tout à fait
régulière de l’éclairage. Il n’y a pas un tambour plus éclairé qui attire
immédiatement l’oeil. C’est tout le volume qui s’illumine de plus en plus. Nous ne
sommes pas en train de regarder une zone plus fortement éclairée qui reste
inaccessible, mais nous sommes à l’intérieur même d’un mouvement lumineux
ascendant.
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Toutes les prises de jour sont intelligemment intégrées pour ne pas venir
perturber cette ascendance régulière. La fenêtre de façade est du type de la boîte
à lumière qui nous décrivions plus haut. Les baies vitrées au pied de la coupole
s’intègrent au motif octogonal des caissons. Elles sont par ailleurs masquées par
des feuilles ciselées qui couronnent la corniche. Et pour finir, les prises de jour du
lanternon ont une embrasure profonde. Borromini utilise donc là tous les
procédés permettant de minimiser la présence des prises de jour dans son église.
Il maîtrise parfaitement les contrastes.
En faisant cela, il contrôle aussi la pénétration des rayons directs du soleil. Le
rayonnement direct viendrait contraster beaucoup trop fortement les ombres
évanescentes de son stuccato. C’est pour cela que nous ne comprenons toujours
pas Giulio Carlo Argan quand il analyse la lumière de cette église : «la ‘lueur
particulière’ de Borromini est presque toujours une lumière rasante. L’une des
conditions déterminantes des structures de l’artiste, c’est la nécessité de les
exposer à la lumière de façon à obtenir une incidence rasante du rai lumineux»
(Argan, 1952). La lumière de Borromini est au contraire une lumière
exceptionnellement diffuse, homogène et contrôlée.
Et pour s’en persuader il faut être dans l’église à l’instant où un nuage vient voiler
un soleil estival. C’est l’ensemble des niveaux d’éclairement qui vient s’estomper,
mais toujours de manière uniforme. Et la magie opère lorsque le soleil se dévoile à
nouveau. Il n’y a pas de rayons lumineux qui tranchent alors une partie de l’église
pour mettre l’autre dans l’obscurité. C’est l’intégralité du volume qui vient
s’éclaircir, c’est toute la matière qui réagit en s’illuminant. L’église est une lanterne
et nous sommes à l’intérieur. Notre corps tout entier peut s’élancer alors dans une
ascension passionnée.
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Une similitude étonnante existe entre la répartition lumineuse de cette église et
celle du Panthéon : le niveau d’éclairement moyen est le même, l’éclairage du sol
est tout aussi homogène et l’ascendance des luminances de paroi suit la même
régularité [illustration 3.14] . Nous avons vu plus haut que Le Bernin à Sant’Andrea
al Quirinale reprenait les proportions de la coupole du Panthéon. Borromini lui
s’en éloigne complètement. Par contre, il reproduit très fidèlement l’éclairage de
cette référence antique.
Mais il y amène une différence fondamentale : il inverse le sens du mouvement
vertical. Là où l’oculus du Panthéon fait descendre les rayons d’une lumière
universelle qu’on contemple, San Carlo alle Quattro Fontane nous projette dans
un mouvement ascendant. Là où le Panthéon scénographie la toute puissance
5 cf Planche E
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Le Baroque par la lumière · Mélanie Rattier
3.15 L’oculus du Pantheon
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divine, Borromini propose au fidèle d’être en prise directe avec la matière. On ne
nous représente plus le chemin qu’il faut suivre comme à Sant’Andrea al Quirinale,
mais on propose au fidèle de construire ce chemin par son expérience du lieu.
Borromini méprise les matériaux nobles et précieux, peut-être trop bavards. Il
préfère un travail subtil de la matière, qui permet ensuite une participation active
du fidèle dans la construction de l’espace. Car selon lui, «la valeur ne réside pas
dans la chose, mais dans le faire» (Argan, 1957).
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Une harmonie baroque
Lorsque j’ai visité pour la première fois ces trois églises, elles me sont apparues à
ce point différentes qu’il me semblait impensable de pouvoir les lier dans un
même mouvement. Seule leur date de construction me permettait de les
rattacher logiquement à la période baroque. Et nous avons traversé, aujourd’hui
encore, trois propositions architecturales très singulières.
Mais après ces trois promenades, il semble qu’elles poursuivent une même
intention, celle de dessiner un parcours par leurs effets de lumière, et qu’il soit
possible de les définir toutes les trois comme une succession de dispositifs
lumineux. Aujourd’hui, notre interprétation de la lumière baroque parvient à
rendre cohérentes ces propositions architecturales, réputées irréconciliables. Ces
trois édifices ne sont aucunement antinomiques ou incohérents, ils démontrent
seulement l’extraordinaire inventivité des architectes baroques. Inventivité avec
laquelle ces architectes auraient proposé différentes interprétations d’un même
programme lumineux. La lumière aurait présidé à la conception architecturale
baroque et lui rendrait sa cohérence : nous sommes d’accord avec la littérature.
Mais de manière, finalement, presque opposée.
Ce programme lumineux que nous construisions au départ comme un jeu de
l’esprit a-t-il réellement existé ? Un jour peut-être le retrouvera-t-on, manuscrit
égaré pendant des siècles théorisant le Baroque par la lumière.
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Ce mémoire établit, par l’étude in situ de la lumière d’une vingtaine d’églises
romaines, une grille d’analyse de l’architecture religieuse baroque. L’analyse
s’attache à étudier concomitamment les sources de lumière et leurs effets
lumineux, en même temps qu’elle les discerne.
La conception de la lumière de ces églises, venant incarner la nouvelle liturgie
définie par le Concile de Trente, semble surdéterminer les choix architecturaux.
L’espace baroque pourrait se concevoir par ses seuls effets de lumière et
l’architecture baroque pourrait alors se définir comme une architecture de
dispositifs lumineux.
L’application de cette grille d’analyse à trois chefs-d’oeuvre architecturaux très
singuliers montre la manière avec laquelle la lumière leur offre une nouvelle
cohérence, en même temps qu’elle souligne l’extraordinaire inventivité de leurs
architectes.
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Built upon the study of light in about twenty churches in Rome, this research is
setting up an analysis framework of baroque religious architecture. The analysis
attempts to study simultaneously light sources and their luminous effects, yet
differentiating them.
The conception of the light of these churches, embodying the new liturgy defined
by the Council of Trent, seems to induce the architectural choices. The baroque
space could be grasped from its sole luminous effects and the baroque
architecture could then define itself as an architecture of light devices.
The application of this analysis framework to three very singular architectural
masterpieces shows how light brings them a new coherence, in addition to
underlining the extraordinary inventiveness of their architects.