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LA LOIRE ET SA REGION
Actualité
Rédaction : 6 Esplanade de France, CS16438, 42964 Saint­Etienne Cedex 9 ­ 04 77 91 47 47 ­ Fax : 04 77 91 48 99 ­ [email protected]
Multirécidivistes de 13 à 16 ans, ils
réapprennent les règles du quotidien
L’Hôpital­le­Grand. Derrière les hauts murs d’une vaste
propriété du Forez, douze jeunes, au lourd passé pénal,
réapprennent des règles de la vraie vie, inexistantes
dans la leur. Et le Centre éducatif fermé (CEF) essaie
de leur redonner confiance. Reportage.
«Q
uand ils arrivent
ici, ils vivent la
nuit, ils mangent
n’importe quoi à n’importe
quel moment, ils font ce qu’ils
veulent. Ils sont réfractaires à
toute autorité et ne tolèrent
aucune frustration », explique
Elodie Vivat, directrice depuis
2011 du CEF (1). Et « leur seul
mode de communication, c’est
bien souvent la violence, vio­
lence qu’ils peuvent diriger
vers l’éducateur ou vers eux­
mêmes. Il ne faut pas oublier
qu’ils ont subi et/ou reproduit
de la violence », souligne­t­el­
le.
« L’apprentissage
du lien avec
les adultes »
Autant dire que, dans un pre­
mier temps, il y a, dans l’accom­
pagnement, une phase de
« fondamentaux » à revoir. « Il
s’agit de poser un cadre légal,
réapprendre les règles du quo­
tidien ». Au CEF, il y a des règles
de fonctionnement, intangi­
bles, avec des horaires à respec­
ter du lever au coucher. C’est
l’apprentissage du lien avec les
adultes, avec les autres qui y
est, d’abord abordé. Ensuite, à
l’issue de cette phase incluant
bilan scolaire, bilan de santé,
bilan de socialisation, peut
démarrer un projet éducatif
intensif s’appuyant sur la cons­
truction d’un projet d’insertion
pour l’avenir. Élodie Vivat
appelle cela un « travail de res­
tauration ». Les jeunes sont ins­
crits dans des temps d’activité
obligatoires (scolaire, sport,
ateliers) dont les dénomina­
teurs communs sont le respect,
la réappropriation du corps, le
goût de l’effort, de la concen­
tration. « On essaie de leur
redonner confiance en eux, les
autoriser à se voir réussir »
relève Bernard Poitau, direc­

Le Centre compte deux ateliers : travail du bois, remise en état de mobilier et espaces verts. Photo Philippe Vacher
teur départemental de la Pro­
tection judiciaire de la jeunesse
(PJJ). Voilà le canevas, sa mise
en œuvre n’a rien, bien sûr,
d’une balade tranquille. Des
phases de « bras de fer », tous
les éducateurs du centre en ont
connues. Ainsi les retours d’un
séjour en famille s’avèrent par­
fois difficiles. Lors de notre
visite au centre, ils se formaient
à l’anticipation et la gestion des
conflits, via une méthode qué­
bécoise.
« Notre rôle, c’est d’apporter
des cartes dans leur jeu, leur
montrer qu’ils ont des atouts,
un potentiel qu’ils sont capa­
bles d’être autre chose à la
sortie. » C’est donc une étape
dans la prise en charge éducati­
ve.
L e C e n t re é d u c a t i f fe r m é
accueille des mineurs multiré­
cidivistes (12), âgés de 13 à
16 ans, encourant une peine
égale ou supérieure à cinq ans.
La plupart a été dirigée vers le
centre suite à un déferrement
en justice. Ils font l’objet d’un
contrôle judiciaire, d’un sursis
avec mise à l’épreuve, voire
d’une demande de libération
conditionnelle.
Le placement en CEF est une
alternative à l’incarcération et
vient après l’échec répété de
mesures éducatives. Les jeunes
sont confiés au CEF pour une
durée de six mois, renouvela­
ble une fois. Chacun effectue,
durant son séjour, un stage en
entreprise. 
Alain Colombet
(1) Géré par l’association Le Prado.
« Le milieu ouvert représente 80 %
de notre action quotidienne »
Le CEF devrait déménager
à Saint­Germain­Lespinasse
Marie Veillerot, directrice
du service éducatif
en milieu ouvert
de la Protection judiciaire
de la jeunesse,
répond à nos questions.
Seules les autorisations administratives sont désormais attendues. Le CEF de la Plaine du
Forez devrait donc déménager
sur la commune de Saint-Germain-Lespinasse, précisément
sur la propriété Déchelette. Sur
celle-ci se trouve un bâtiment
qui serait entièrement réhabilité
lequel ferait l’objet d’une extension de 600 à 800 m².
Le centre actuel de L’Hôpital-leGrand (une ancienne institution
Qu’appelle­t­on
le milieu ouvert ?
C’est toute l’action que nous
menons en direction de
jeunes suivis, mais laissés
dans leurs familles.
Dans le domaine des
mineurs en danger et celui
des mineurs délinquants,
nous mettons en œuvre les
mesures décidées par le juge.
Nous assurons la prise en
charge éducative du mineur
que nos éducateurs rencon­
trent dès qu’un acte est posé,
dès la garde à vue, je dirais.
Quel est l’objet de
cette première rencontre ?
C’est une première analyse.
Le passage à l’acte est un
symptôme d’un mal­être.
Nous sommes là pour l’aider
à comprendre. Et puis l’Édu­
10

Marie Veillerot, directrice territoriale et Guylaine Brun, responsable
de l’unité de Bergson Saint-Étienne. Photo Yves Salvat

cateur fait le lien avec son
environnement, école,
famille, santé. Il peut mener
de mesures d’investigation,
(enquête sociale, recueil de
renseignements socio­éduca­
tifs), d’interventions et de
suivi dans le milieu familial.
Il proposera un accompagne­
ment éducatif et il met en
œuvre toutes les décisions
judiciaires.
Que représente le milieu
ouvert dans l’action de
LE PROGRES - JEUDI 4 DÉCEMBRE 2014
la PJJ dans la Loire ?
Cela représente près de 90 %
de notre activité quotidien­
ne.
Vous disposez aussi
d’un service éducatif
au tribunal.
Oui, il accueille les jeunes,
les familles qui se présentent
au tribunal. Il oriente les
mineurs déferrés, il formule
des propositions alternatives
à l’incarcération.
Recueilli par Alain Colombet
religieuse) ouvert en 2004
dispose de bâtiments bien entretenus et en bon état, mais sur
certains points, inadaptés.
D’abord, il ne répond pas aux
normes d’accessibilité pour les
handicapés. Y remédier supposerait d’importants travaux. Le
bâtiment abritant les chambres
(sur deux niveaux) n’est pas
particulièrement bien adapté.
Enfin, les locaux de L’Hôpital-leGrand sont surdimensionnés.
1 143
C’est le nombre de jeunes mineurs suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse de la Loire (chiffres 2012) créée en 1989
qu’on appelait jadis « L’Éducation surveillée » avec, dans la Loire,
l’établissement connu de Saint-Jodard. 7 % avaient moins
de 12 ans, 62 % de 12 à 16 ans, 22 % de 17 à 18 ans,
7 % plus de 18 ans. 85 % étaient des garçons.
48 % d’entre eux restent au domicile familial mais rencontrent
régulièrement un éducateur. 46 % sont suivis par la PJJ dans le
cadre de mesures d’investigation (quand un magistrat demande
à avoir des renseignements sur le jeune, sa vie, sa famille,
sa scolarité). 6 % sont placés dans des foyers.
29 jeunes ont été placés en CEF et 31 en Centre éducatif renforcé.
La PJJ 42 emploie une centaine d’agents titulaires, deux tiers
sur le secteur stéphanois, un tiers sur le secteur roannais.
LOI

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