Les grèves du Tarn. Mazamet et Graulhet - CEDIAS
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Les grèves du Tarn. Mazamet et Graulhet - CEDIAS
BIBLIOTHÈQUE DU MUSÉE LES JV\AZAMET & GRAULHET (1909-1910) PAR LÉON de SEI LHAC Délégué permanent du Musée Social au Service] ndustriel et Ouvrier PARIS ARTHUH 14. ROUSSEA U. RUE SOUFFLOT, ÉOITRUR 14 1910 Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org LES GRÈVES DU TARN MAZAMET ET GRAULHET (1909-1910) Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org BIBLIOTHÈQUE DU MUSÉE SOCIAL LES GRÈVES DU TARN MAZAMET & GRA li LH ET (1909-1910) PAR LÉON de SEILHAC Délégué permanent du Musée Social au Service Industriel et Ouvrier PARIS ARTHUI\ RO USSEA U, 1 +, RUE SOUFFLOT, ÉDITEUR 1+ 1910 Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org Les Grèves de Mazamet et de Graulhet INTRODUCTION Le département du Tarn est des plus industri eux; il fai t contraste avec la plupart des départements du Midi, qui sont purement agricoles. Dans chaque village du Tarn existe une industrie. Cette particularité tient-elle à la configuration du pays, où des cours d'eau rapide sont retenus dans des gorges étroites et forment des cascades dont la force peut être industriellement employée? Ou bien cette particularité a-t-elle pour origine les guerres de religion, pendant lesquelles les protestants traqués dans les campagnes se réfugiaient dans les villes et les bourgades et y créaient une industrie pour ne pas mourir de faim (1)? Ces deux causes peuvent être invoquées. Quoi qu'il en soit, cette (1) C'est à cette cause assurément que l'on doit, dans les pays protestants et catholiques, de voir toute l'industrie entre les mains des protestants, comme à Mazamet, par exemple. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -2's urvivanc0 de la petite industrie des campagnes qui existait un peu partout et qui consistait surtout dans la tannerie, dans le tissage et la préparation de la laine à domicile est curieuse à signaler. Les deux grèves que nous allons décrire sont fort intéressantes à des points de vue divers. D'abord, il y a connexité entre les deux villes où elles se sont développées et on ne peut trop s'étonner que la grève se soit transmise de Mazamet à Graulhet, de même que l'industrie de Mazamet se continue et se termine à Graulhet. A Mazamet,sont reçues d'Amérique, d'Australie et d'autres centres d'élevage du lTIOuton, les peaux entières des moutons écorchés. Ces peaux arrivent par balles dont le nombre des peaux varie suivant leur grandeur, mais dont le nombre est à peu près fixe d'après l'origine de ces peaux. Ces peaux sont entièrement rasées par l'industrie de Mazamet, qui est l'industrie du délainage. Elles sont aussitôt séchées, puis envoyées à Graulhet pour y être tannées et corroyées. l\1:ais quelle différence entre ces deux villes et ces deux industries! A Mazamet, il faut plusieul's centaines de Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -3mille francs pour établir une usine. Les i ndustriels trav ~illent toujours à découvert, c'est-àdire yu ' il se passe un certain temp s, souvent plusieurs mois, entre le moment où ils ont acheté et payé les peaux brutes et celui où ils revendent les laines arrachées au cuir, lavées et triées, prêtes à être üardées, peignées et filées. Et alors la spéculation intervient.lls esüomptent, non pas tant le produit du travail qu'ils auront fait subir il la peau brute, que la hausse, qui se sera produiLe sur ln. laine , entre le Inoment où ils l'auront achetée et le moment où ils la revendront. Mais, dira-t-on, la bai sse pourra se produire aussi bien que la hausse, et les bénéfices que les patrons peu vent retirer de la spéculation, ils peu vent aussi bien les perdre à ce jeu? Cela arrive. En 1900, il Y eut une crise qui coûta vingt millions à cette petite ville de 17.000 habitants. En 1907, le même phénomène se reproduisit, causé par la crise américaine et la stagnation des affaires. Pourtant la baisse est bien moins fréquente que la hausse.On nous en a donné l'explication suivante, mais elle est contestée par If>;S patrons. Lorsque les Maza111étains se présentent sur les marchés américains de la laine, ils arrivent les premiers et sans Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -4nombreux concurrents. Plus tard, ils se trouvent maîtres du marché de revente et jouissent presque d'un monopole, car Mazamet possède vraiment le monopole du délainag-e en Europe. Voilà donc les industriels de Mazamet. Ce sont des seigneurs de grande importance. La plupart sont fort riches. Beaucoup d'entre eux sont apparentés. Presque tous sont protestants. Et ceci s'ex· plique facilement, puisq ne toutes les maisons de Mazamet sont ou de vieilles maisons fondées par les créateurs de l'industrie dans le pays, les Houlès, les Cormouls, les Olombel, ou bien par les employés que ceux.-ci avaient à leur serv ice et qu'ils avaient choisis dans leur religion. Presque tous les ouvriers, par contre, sont catholiques et des plus pratiquants. Le dimanche, on les voit, lorsque l'église est pleine - ce qui est fréquent - entendre la messe , agenouillés devant le porche. II faut remarquer qu'on ne trouve cette ferveur que dans les pays où existent des protestants à côté de catholiques.L'antagonisme des doctrines stimule la ferveur de chacun. Les patrons de Mazamet ont des directeurs d 'usine, ils ne s'occupent que fort peu de l'in- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -5dustrie, ils ont l'air de faire fi de leur rôle industriel pour Re complaire dans leur rôle commercial et dans la spéculation : tels des commerçants du Havre qui spéculent sur les cafés, ou des commerçants de Marseille qui spéculent sur les grains et les huiles. A certaines heures de la journée, tout le monde est au café. Les affaires s'y traitent placidement. Quarante kilomètres séparent Mazamet de Graulhet. Il est vrai que, si on n'emploie pas de moyens automobiles, la distance est longue à parcourir. On doit prendre un premier train jusqu'à Castres, un second vers Albi et un tram à vapeur et sans rapidité pour arriver dans la ville vassale de Mazamet. A Graulhet l'aspect des choses est tout différent. Il serait bien difficile, le plus souvent, de distinguer un patron d'un ouvrier mégissier. Il n'y a - sauf quelques exceptions - que des petits patrons, vêtus ùe la même façon que les ouvriers (blouse et sabots), fréquentant les mêmes cafés, jouant aux cartes ensemble. Et l'installation d'une usine ne eoûte que quelques lllilliers de franc~. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -()- Aussi des ouvriers passent-ils facilement du salariat au patronat. Et ce ne fut pas un spectacle banal que de voir la grève de 19'10 conclui te, du côté patronal, par des hommes qui, quelques années plus tôt, la conduisaient du r,ôté ouvrier. Il suffit, dans la mégisserie, d'acheter les peaux et de les préparer rapidement. Il n'est pas i ci question de marché à terme, de spéculation et de gros bénéfices. Quelques sous d'augmentation accordés aux ou vriers peu vent détruire le gain de l'entreprise. On comprendra que ces patrons robustes et ouvriers d'hier aient résisté jusqu'au bout et finalement remporté la victoire par leur décision et leur entêtement. Ils se seraient ruinés plutôt que de céder. Ils en auraient été quittes pour redevenir ouvriers, et le fossé qui sépare les uns des autres est si étroit que ce n'est pas là une idée extrême et qui nécessite un superbe courage. Au contraire, les patrons de Mazamet di rent, dès le début et de façon un peu indiscrète, que la question de salaire n'étal t rien pour eux. Les ou v1'iers furent donc encouragés à· réclamer, voire même à exiger cette revendication facile. Et les patrons furent vaincus, de la façon la plus complète et la plus humiliante. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -7POlIr donner une idée de la différence conSIdérable qui existe entre les patrons de Mazamet et ceux de Graulhet, il suffit de dire que ceuxci, lorsqu'ils vont faire leurs achats de peaux brutes à Mazamet, ne sont pas reçus par les patrons et ne traitent pas avec eux, mais avec les commis de ces patrons. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org L'industrie de Mazalllet. Mazamet est une ville de 18.000 habitants qui a progressé depuis un sièele d'une manière continue. Elle comptait ~80 habitants en 1790. 1.360 en '1800. en 1820. 4 .670 en 1830. 7.170 en 1875. 1.4168 Elle est située au pied de la Montagne Noil'e, à l'entrée d'une gorge où coule l'Arnette , dont l'eau linlpide convient admirablement au lavage des lai nes. Cette rivière fut dérivée par un canal, c.reusé par les seigneurs de Nogarède, et où s'élevèrent les premières usines. On y fabriquait d'abord des cordelats ou bures. Au moment de la Révo· lution, les étoffes fabriquées étaient moins grossières : c'étaient des ?'iwlletons, des ségoviennes, des espagnolettes qui se vendaient au x négoçiants en g l'OS de Montauban et bientôt à ceux Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 9 de Limoges et d'Agen. Quelques -i ndustriels allaient eux-mêmes à cheval ou à pied vendre leurs étoffes dans les grandes foi res, telles que Toulouse et Beaucai 1'e (1). Enfin un des principaux fabricants, M. Olombel, habitué des marchés de Toulouse, y remarqua les draperies de l'Aude et consacra sa fabdcation à ce nou· veau genre. Il put envoyer à l'Exposition de 1803 du drap bleu, qui rivalisait avec celui de Sedan. - D'autre part, un voyageur des tabacs, M. Cabibel, fondait une société d'une dizaine d'industriels au capital de 280.000 francs. Cette société, dite Société des Casernes, eut un grand nombre de voyageurs, créa des ateliers d'apprêts, de teinturerie et des fabriques de 17wlletons, de jrisés et de cadis. Et 10 l'sq ue cette société prospère, dont la durée fut de 7 ou 8 ans, fut dissoute en 1814, il en résulta la création d'un certain nombre de maisons de fabrication ou d'achat et de commission, bien que les transports fussent difficiles et que la marchandise dùt être portée à dos de mulet. Les machi nes Cockel'ill à carder et à filer la (1) Voir il. ce sujet le remarquable uuvrage de Jean Loup, avocat il. Castres : L'industrie lainière dans le Tam, 19tO, TOll louse, Librairie des Etudiants, 6, rue des Lpi \3 . Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org 10 - laine venaient d'ètl'e inventées en Belgique; Mais leur prix élevé et le peu de hardiesse des industriels de Mazamet firent qu'un seul modèle fut installé chez 1\1. Cabibel. iVI. Pierre Olombel fils avait parcouru toute la France cl cheval, de Perpignan à Nancy et de Bayonne à Brest, pour placer les draps fabriqués par son père, et il avai t obtenu un réel succès. Il imagina de partager la carte de France en sections, dont chacune fut donnée à un voyageur. La formule fort habile était d'aller trouver le client chez lui au lieu de l'attendre au magasin, et de régler la production sur l'importance des commandes, en évi tant ainsi les soldes désastreux. Dans la maison Olombel se trouvait utt employé fort intelligent, lVl. Pierre-Elie Houlès. M.H oulès se retira en 1.819, pour fonder une maison destinée à devenir célèbre et qui ne s'oceupa d'abord que de commission. M. Houlès prit auprès de lui un de ses frère s. Ils parcoururent tout d'abord la province et, se voyant à la tête d'une clientèle importante, ils commencèrent eux-mênles il fabriquer en 1830. Leur fabrique l Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 11 - se développa rapidement, grâce aux marchés importants que les frères Olombel passèrent avec les ports de Brest, Lorient, Cherbourg et Rochefort pour la fabrication du n1011eton de la Marine. Puis le maréchal Sonlt, qui étai t originaire de la banlieue de Mazamet, eonfia à la fabrique Houlès des commandes importantes pour l'équipement des troupes. La fabrique occupa 1.500 ouvriers. En 1837, .M. Houlès introduisit le métier Jacquard qui produisit une véritable révolution dans l'industrie. En 1843, il introduisit également les .~Ij-ull-Jenny , métiers à filer en fer à 200 broches. Mais c'est en 1854 que se produit l'événement le plus important dans l'histoire économique de Mazamet. Les fabriques de drap étant en pleine production, les laines de pays ne suffir saient pas à les alimenter. C'est alors que M. Augustin Pél'ié, gui avait vu, sur le port de Marseille, des laines expédiées de Buenos-Ayres, eut l'idée d'envoyer dans la République Argentine un de ses employés, M. Hippolyte Mas,pour faire l'achat direct (1). (1) Le développement ùtdusll'iel el commercial de Mazamet, par M. GasLon Mercier, avocat a la COU\' d'appel de Montpellier. :Brochure. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -12 M. Mas remarqua que, dans lescampagnes. un grand nombre de peaux était perdu. Il en acheta et les envoya à Mazamet où on les nettoya en les frappant avec des barres de fer garnies de manches. Ce fut l'origine du sabrage. On n1ouillait ensuite les peaux et on les enterrait pour les faire venir à un certain degré de décomposition qui permettait d'arracher la laine; mais les peaux étaient perdues. Plusieurs autres industriels envoyèrent des acheteurs à Buenos-Ayres. Des comptoirs se fondèrent également en Australie; mais n'eurent pas un égal suceès. Bientôt Mazamet devenait le plus grand marché du n10nde pour les laines de peaux, importées en Europe , tandis que le plus grand marché des laines-?nèTes est Londres. L'arri vage des laines en peaux pour Mazamet en 1909 s'élèye il près de 47 mil lions de kilos. On appelle laine-mère, la laine de tonte et laine de peau, celle qui est enlevée sur la peau de l'animal écorché. Celle-ci est naturellement en quantités beaucoup moins considérables que la première qui est fournie par les tontes de toutes saisons (1). La laine de peau prov ient (1) Voir L'industrie !rtirtÎèl'e dan s le Ta 1'11 , pP), J e(l l1 Loup . Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 13- en grande partie d'animaux morts d'épidémie, ou par suite de sécheresse ou d'inondations. De plus en plus aussi, les moutons sont abattus pour êt.re livrés à la consommation, grâee à la facilité des transports dans les appareils frigorifiques. Mazamet expédiait en 1909 21.8~8 . 465 kilos de laine à 3 fr. 85le kilog (valeur moyenne), soit pour 85 millions 1~~.000 fI'. et 2.500.000 douzaines de cuirs à 3 fr. la douzaine, soit pour 22 millions 500.000 francs: en tout 106 millions 6~~.000 francs. Mais le prix de la laine est extrêmement variable sui vant les années. Il monte de 2 fr. 75 (rarement) à 4 fr. 20 et 4 fr. 40. Le prix de la douzaine de cuirs ou cuirots varie de 3 Ir. à 12 fr. et 17 fl'. La moyenne de la production est de cent millions de francs. Mazamet compte également d'autres industries, telles que la draperie, les molletons, flanelles, la bonneterie, la mégisserie. Mais c'est l'ind ustrie du délainage qui prédomine. Cette petite "ille industrielle jouit, sous ce rapport, d'un véritable monopole. On a essayé d'établir le délainage à Bordeaux, où arrivent les Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -14~ bateaux de la Plata, ainsi qu'à Gènes, dans le Nord de la France,en Angleterre,en Allemagne. Ce fut toujours· sans succès. Explique qui pourra ce problème. Mazamet est loin des ports cl 'arrivée. Une halle de laine paie d'Australie à Marseille 72 fr.75 la tonne,et de Marseille à Mazamet 24 fr. 2:5. Une balle de laine paie 24 fI'. 25 la tonne, de la P lata à Bordeaux et 23 fr. 75 de Bordeaux à Mazamet. De plus Mazamet est éloignée du Nord où se trouvent les grands centres de consommation. N éanm.o ins elle reste le centre le plus important du délainage dans le monde entier. Aujourd'hui, cette industrie y compte 44 établissements et 3.500 ouvriers. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org La grève de Mazamet. Le 12 décembre 1~03, s'était terminée une première grève qui, pour n'avoir pas été aussi longue, avait été aussi violente. Au moment où les ouvriers se 1110ntraient le plus menaçants, des dissensions patronales avaient obligé les patrons à capituler. Cette capitulation ne rendit pas l'administration des usines chose aisée. Aussi, lorsqu'à la fin de 1908 il fut, de nouveau, question d'une nouvelle grève, les patrons acceptèrent sans hésitation l'occasion qui leur était offerte de rétabli L' leur au.torité méconnue et se refusèrent à transiger sur la question d'augmentation desalaire qui leur était réclamée, surtout eette demande se produ.isant après l'année de crise économique (contre-coup de la crise Alnéricaine) que Mazamet venait de tra-. verser, et qui avait coùté vingt millions à cette peti te cité industrielle. Les patrons étaientconvaincus q ue,s 'ils accor- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -16daient ee qU I leur éta it Jemalldé~ cette . 1lOLlvelle concession serai t considérée comme un acte de faiblesse dicté par la erainte et qu'ils finiraient ainsi de perdre toute autorité dans l'administration de leurs usines. Aussi répondirent-ils par une fin de non-recevoir absolue à toute revendication de leurs ouvriers. Cette intransigeance eut pour résultat l'abandon immédiat du travail par les ouvriers, et, par suite, la perte de nomb'reuses marchandise::; qui ne pouvaient attendre. Cet acte de sabotage eut pour résultat de couper les ponts entre les deux partis en présence. Enfin la grève eut pour résultat l'affiliation d'ouvriers, catholiques pratiquants et réactionnaires, en général, à la Confédération Générale du Travail. Il faut bien insister sur ce point: que la seule question du salaire aurait pu être tranchée dès le début, à la satisfaction des ouvriers, si les patrons n'avaient pas craint de voir leurs intentions de conciliation travesties en actes de faiblesse, et si le sabotage, qui suivit leur refus un peu rude, n'avait pas discrédité d'avance les sentiments de conciliation de beaucoup d'entre eux . Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -17La querelle devait êtee .vidée une bonne fois et la grève ne devait se terminer que par la victoi re complète nès patrons ou des ouvriers. Ce fueent les ouvriers qui triomphèeent. La grève de ·1903 avait eu pour résultat d'élever le salaire des sabreurs, en laissant de côté les salaires des peleu1's, dont le métier est aussi pénible, et des manœuvres ou maJ'1'agos, Il nous faut en deux mots expliquer le rôle de ces différents ouvriers pour comprendre les causes du confii t. La préparation de quinze b8.11es (1) de laine exige 1~ sabreurs et HO peleurs ou ma1'tagos. Les sabreurs travaillent il la machine. Ils font passer sous des rouleaux acérés les peaux hrutes, pour es dépouiller des ordures, de la boue et des chardons qui les remplissent. La grande habileté du sabreu r est de ne pas laisser couper les peaux par les rouleaux tranchants sous lesquels i.lles glisse et de gL~ider avec les mains les peaux, pour qu'elles ne se recroquevillent pas sous les rouleaux, ('1) Les balles sont de 450 i.t ;j00 l<ilos suivant la provenance des toisons et lem' g'randeur, Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org ~- 18 - Le peleur a une sorte de hachoir tranchant d'un côté, arrondi de l'autre. Avec le côté tranchant, il coupe la tête et les pattes. Avec le côté arrondi, il sépare la laine de la peau, Cette opération a été rendue facile ·par le passage de la peau à l'étuve, où elle a fermenté, où les pores se sont ouverts, ce qui rend l'arrachage de la laine plus aisé. Enfin les marragos servent à toutes les manœuvres, à toutes les manutentions de l'usine, mettent les peaux à l'eau avant qu'elles passent au sabrage, et les portent à l'étuve avant de les livrer au pelage. Le travail des sabreurs est pénible. Les mains constamment dans l'eau froide, lorsqu'lIs retournent les peaux pour les repasser sous les cylindres, ils sont éclaboussés par l'eau souillée des immondices de la toison. Le travail des peleurs est aussi difficile qlle celui des sabreurs et il est pénihle à cause de la situation penchée dn corps pour rtlcler les penu x sur les chevalAts et en détacher la laine. Oes femmes sont employées comme peleuses. :\1ais les sabreurs étaient des ouvriers pri vilégiés depuis la grève de 1903. Ils avaient retiré de cette grève un bénéfice de ~o cen ti mes par Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 19- balle, tandi s que les peleurs et le s marragos n'avaient pas été augmentés. La grève de 1909 n'éclata donc qu'au s ujet des peleurs et des manœuvres. Les sabreurs ne réclamaient rien et ne se mirent en grève que par solidarité. Voici quels étaient à peu près les salaires: Un sabreur peut gagner , en moyenne , 1.500 francs par an , U Il peleur : 9:30 francs. U Ile peleuse : 770 francs . . Un marrago : 814 francs. Une femme man'ago : 470 francs. Pour 10 heures de travail; nlaü~ tous ces chiffres variellt avec les périodes de chômage.Cette année, à la suite de la grève, les usines fonctionnent à plein! Tous les prix sont établis à la tàche. Dans ulle journée, un peleur pourra travailler 200 peaux, tandis qu'une femme n'en pèlera que 170 à 180. Pour les marl'agos qui font la manutention de l'usine, les hommes et les femmes sont payés à l'heure. Avant la grève, les hommes étaient payés 30 centimes par heure, soit 3 francs par jour, les femmes étaient payées 17 eent. 1/ 2 par heure, soit 1 fr. 75 par journée de 10 heures. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 20- Pour établir les conditions dans lesquelles fut déclarée la grève, nous donnerons ici la correspondance échangée entre patrons et ouvriers. La grève fut annoncée aux patrons par une première lettre des ouvriers, en date du 28 décembre 1908. En voi ci la teneur: Lettre du Syndicat ouvrier Syndicat de l'exploitation de la peatÎ de ??wuton. Mazamet, le 28 décembre 1908. Monsieur, Le Syndicat de l'exploilation de la peau de mouton, après étude de quelques revendications formulées par les peleurs et marragos, m'a autorisé à vous en informer, afin que ces revendications soient disctltées et solutionnées entre les patrons pris individuellement ou représentés par une délégation qui se mettra en rapport avec une commission ouvrière nommée à cet efl'et. Ci-après le texte des revendications: Considérant, d'une part, la cherté croissante de la vie et, d'autre pad , les longs chôma ges de l'industrie lainière; ConsidéTClnt encore que les peleu?'s et les mrlT'i'Cl"" Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 21 - gos sont les ouv?'iets les moins ?'ét?'ibués pa?' rapport à La somme de leU?' ttavail. Nous avons mi ssion de vous demander: 1. ° Pout les pelew's , une augmentation de 0 fr. nO pat 1.00 peaux, ce qui met les 1.00 peaux à 2 fr. 75; 2° La laine se lèvera dans toutes les u sines à. ['aison de 0 fI'. 35 par jour de travail; 3° Les morceaux provenant des peaux sabrées seront payés à raison de 0 fr . 30 la caisse; Les balles de morceaux feront l'objet d'une entente entre patrons et ouvriers ; 4° Les peleul's demandent que les peaux soient comptées dans toutes les usines et que, chaque fois que les femmes prendront dix peaux, les hommes en prendront treize; nO POUT les m,l.l?'?'agos des usines et des magasins, capables de (aire leur travail, une augmentation de 1.0 centimes par heure, soit 4 (1'. la j01l1'née de 1. 0 heUTes de travail; 6° Pow' les ( em,mes mal'Tagos des usines ou magasins, 2 (1'. 2n par jan?', soit une augmentation de 5 centimes pa?' hew'e ; 7° Pour les enfants des étuves et des étendages, nous demandons que l'au gmentation soit propot'tionnelle à celle de s m arr'agos ; 8° Nous demanderion s, en outre , que les patt'ons veuillent bien n'occuper que des ou vriel's sy ndiqués. Vous pouv ez ou bi en accepter indi viduellement ces Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 22- conditions, auquel cas nous vous prions d'aviser de votre acceptation le Secrétaire du Syndicat, à la Bourse du Travail, rue Méjanel, ou bien vous entendl'e avec vos collègues du Patronat, afin de vous faire représenter par une délégation qui se mettra en rapport avec la Commission syndicale ouvrière. Vous voudrez bien, dans l'un et l'autre cas, nous avise1' avant le 5 janvier 1909, aBrt que, dès cette date, nous soyons en mesure soit de faire valoir nos raisons auprès de la Délégation patronale, soit d'insister auprès des patrons qui auraient repoussé nos demandes et refusé d'entrer en discussion avec nous. Nous tenons à vous faire remarquer que nous ne vous menaçons nullem,ent de gTève. Le travail continuera, comme pa?' le passé, P('11dant les pou1'parle1's nécessaÏ1'es à l'élaboration des nouveaux tm'ifs, que 'nous voud1'ions voi?' mettre en application à pa1,tir du 15 Janvi,e1' ]'J1'ochain. L'éventualîté d'une cessation brusque de tTavaîl doit, quoi qu'il advienne, être écartée de vos préoccupations. Recevez, Monsieul', nos sincères salutations. Pour le Synd icat et par ol'dre: Le Secrétaire: ISIDORE BARTIIÈS, Cette première lettre étai t très digne, les réclamations formulées très justifiées, et les ouvriers y donnaient l'assnrance que , dans aucun ca~, Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 23 - le contrat du 10 août 1903 ne serait violé. Par ce contrat, les ouvriers s'étaient engagés à terminer le travail en cours avant de se mettre en grève, en cas de désaccord ... Combien est regrettable l'abandon qu'ils firent ensuite de ces engagements' Réponse des industriels délaine urs Mazamet, le 29 décembre 1908. Messieurs les Membl'es du Syndicat de l'exploitation de la peau de mouton, à Mazamet. Les questions des salaires qui ont fait l'obj et de votre lettre du 22 courant soulèvent une question pré~ judicielle, que nous avons le devoir de vous signaler tout d'abord. L'industrie du délainage a vu la question des salaires de son personnel solutionnée par la convention du 12 décembre 1903. Dans un but de conci liation que vous vous êtes plus à reconnaître vous~mêmes à cette époque, des salaires très élevés dans leur ensemble furent alors consentis et constituent, depuis lors, une charge très lourde pour notre industrie. Peut-être leU?' TépaTtition en fut-elle un peu hâti- vement étab lie. Un e ?'év1sion de ces conventions ne pOl.lTntit donc Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 24- être envisagée que si elle visait seulement une nouvelle répartition reconnue plus équitable entTe les diverses catégo?'ies des ouvriers délaineuTs. / Cette question de nouvelle répartition ne pounait, d'ailleurs, être examinée qu'à la suite d'une entente, préalable entre eux,des ouvriers des diverses catégo. ries. Nous devons rappeler aux ouvriers déJaineurs, et ceci dans leur propre intérêt. - que l'industrie de la laine est pleine d'aléas et que le commerce de Mazamet est encore tout meurtri de la ct'ise terrible qu'il vient de traverser, et dont les conséquences lamentables ne pourront être réparées qu'au prix de nombreuses années d'efforts. Au sUl'plus, l'industrie du délainage, qui implique des opérations à lon~ terme et à fOl'me spéculative, ne peut vivre dans une pel'pétuelle incertituoe, tant au point de vue du taux des salaires qu'à celui de la durée des conventions intervenues entre employeurs et employés. Il faut reconnaître enfin que les taux actuels de la main-d'œuvre pour les ou vriet's délaineurs à Mazamet) - eu égard au prix de la vie matérielle, prennent rang, par voie de comparai son, parmi les salaires les plus élevés qui exi stent à Mazamet et dans la région. Nous ne doutons pas , Messieurs, que , r econnaiss ant le blen fondé et l'exactitud e de ce qui précède, Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 25- vous renoncerez à vos demandes et que, demain comme hier, vous nous continuerez votre collaboration assidue. Veuillez agréer Messieurs, l'assurance de nos meilleurs sentiments. Pou?' copie can(onne: LA COi\IMISSION. Alby Félix, Augé Jacques, Balfet Jacques, Bénézeeh Auguste, Brieu Jean Cadet, Cèbe Jean, Eug.Cormouls-Houlès et G.de Latour, Cormouls-Houlès G. père et fils, Croses-Boudou J., Cormouls-Houlès Jules et Fils, Daure Paulin, DUl'and frères, Escande Augé A., Estrabaut Joseph, Estrabaut Pujol Vve, Galibert André Vve, Galibel.' t Ernest fils, Guiraud Jules, Gase M. et A., Guilhou A., Huc P. fils, Louet M., Pourcines, Rives et Armengaud, Rives Vidal E., Sabatié Ch . et Co, Tournier Georges, Vidal Edouard père et fils. Cette lettre contenait une expression impru .. dente et qui fut mal comprise de tous. C'était un mot de trop, dans la phrase suivante: (~ Une révision de ces conventions ne pourrait donc être envisagée que si elle -visait seule2 Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 26- ment une nouvelle réparti tion reconnue pl us équi table)). Cette expression fut immédiatement mal interprétée, ainsi qu'on le verra par la réponse des ouvriers. Le journal de l\L Amédée Reille, l'Union libéTale, qui prenait nettement parti pour les ouvriers, répliquait à cette proposition par les considération8 suivantes: « La grève de 1903 a eu pour résultat d'augmenter de 0 fr. 50 le prix de sabrage des balles. Il ne pouvait ètre question d'établir un salaire inférieur à celui d'avant la grève de 1903. Et cependant la proposition patronale équivaut à rétablir l'ancien tarif et à abaisser de 0 fr. ;50 le prix du sabrage. Cela admis, il convient de calculer que le sabrage de 15 balles exige environ tiO peleurs ou marragos : donc la réduction de fr. 50 par balle eût produit" fI'. 50 à répartir entre 50 ouvriers, soit une augmentation de o quinze centilnes pOUT chacun. )) L'intention des patrons était ainsi mal comprise. Ils n'entendaient nullement faire la répartit.ion d'une somme prise sur le salaire des Numérisé par la -'~ bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 27- sabreurs, considérés comme trop payés par rapport aux autres catégories. Ils déclaraient qu'ils consentiraient à augmenter pe leurs et ma1'l'agos, si les sabreurs acceptaient une réduction. En tout cas, cette proposition était maladroite. On ne peut pas rédnire les salaires d'ouvriers, alors qu'on n'a aucune raison pour le faire et que J'industrie est florissante, alors surtout qu'on dit assez haut pour être entendu des indiscreiJ, que la question du salaire n'existe pour ainsi dire pas dans l'industrie du délainage, qu'elle est d'importance secondaire et que le délaineur t ire la plus grosse part de ses bénéfices, non de l'industrie,mais de la spéculation ~ qu'enfin l'importance de la main-d' œuvre est tout à fait accessoire dans ce métier où la préparation des peaux se fait rapidement et avec un petit personnel. Les plus grandes usines n'ont pas cent ouvriers; La plupart n'en comptent que 50 à 60. Mais la plus grande maladresse que pouvaient commettre les patrons, c'était, par cette restriction de « seulement)) apportée dans leur lettré du 29, de clore délibérément la discussion avec leurs ouvriers. Ceux-ci répondirênt par un ultùnatum. Lé ton de la conversation a changé. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org 28 Lettre du Syndicat des Ouvriers. BoU?'se du TTavail (Rue Mejan el) Syndicats des oum'ie1's de l'exploitation de la peau dp- mouton. Mazamet, le 6 janvier 1909, Monsieur, La Commission patronale dont nous avions prévu la constitution par notre lettre du 22 décembre 1908, de même que nous avions prévu qu'elle se metlr'ait en rapports avec nous, s'est bornée à opposer à nos revendications une réponse que, pOUl' rester polis; nous appellerons ironique, Que demandions-nous, en effet? Une augmentatation de salaÏ?'e pOUT les peleuTs et maTragos, Que nous propose votTe Commission? Une diminution de salaÏ?'e poU?' les sabTeU?'s !!1 Sans doute elle reconnaît aussi implicitement que le salaire des peleurs et man'agos mérite d'étre relevé, mais il est indigne de gens sérieux de mettre comme condition à ce relèvement une diminution correspondante du salaire des sabreurs, Cela, au surplus, ne rbsiste pas à l'examen; il Y B. environ, et en moyenne, 24 peleurs ou marragos pOUl' 6 sabreurs; lorsque donc la Commission vient Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 29 - insinuer qu'on ne peut augmenter les uns que sous conditi on de diminuer les autres, elle dit que pour donner un salaire de 4 francs aux premiers! soit 24 francs, il faut diminuer les seconds de 24 francs soit de 4 fmncs chacun; le salaire quotidien d'un sabreur varierait ainsi de 0 fI'. 25 à 1 fr. Nous estimons que de telles raisons ne sont pas raisonnables, pas plus que celle qui consiste à parler de la moyenne des sabreurs. La moyenne des salaires n'a de valeur et d'intérêt qu'au point de vue de l'établissement des prix de re· vient, mais elle ne nous intéresse pas nous, cal' lorsqu' un ouvrier gagne 4 francs, par jour, et un autL'e 1 franc, ça ne fait pas du tout une mo)'enne de 2fr . nO. De même quand un riche gourmand attrape une indigestion en mangeant des perdreaux, tandis qu'un pauvre bougre dîne avec du pain et de l'eau claire, ça ne fait pas du tout la mo)'enne d'un bon repas. Ce que nous, ouvriet's, avons à considérer, c'est si le salait'e des uns et des autres est la jus~e rémunération du tra vail ; à ce point de vue, nous reconnaissons que le sabreur doit êtt'e pa)'é plus que ses camarades des autres catégories, et nous disons que cette différence est légitimée pal' la différence de travail. Cette question de diminue?' les uns pour augmen- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 30- te?' les autres doit êt?'e donc éca?'tée, pane qu'elle c0171,porte?'ait une solution injuste. Nous refusons nettement de l'examine?', et nous sommes surpris que là Commission ait osé la soulever dans un but qu'il est facile de deviner. Ce but n'est autre que de diviser les ouvriel's et de dresser les uns contl'e les autres, par la jalousie des salaires, les camarades de diverses catégories. Nous estimons que ce n'est pas le rôle du Patronat ; ce que vous avez à envisager, c'est uniquement . si les salail'es son t mérités et si l'augmentatiQn que nous demandons est juste. En essa-yant de mettre en avant d'autres questions, vous usez des moyens indignes d'une A.ssemblée patronale ; aussi nous ne vous suivrons pas SUl' ce tel'rain. Nous nous bornerons à répondre à la Commission que nous ne voulons même pas exam,iner la question de l'abaissement du salaire d'une que lconque calégo?'ie et, cela. fait, nous considérons comme inexistante une Comm ission qui ne ?'é]Jond pas aux denwndes posées. Et,cette Commission patronale considérée par nous comme inexistante, nous nous adressons de nouveau directement à vous pour solliciter une réponse précise à nos demandes précises. Nous vous demandons donc qu'à partir du iD jan vier courant, les salaires des marragos et des peleurs soient ainsi établis: 1 0 POUL' les peleurs une augmentation de 0 fr . nO Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 31- pal' .~ 00 peaux, ce qui met les 100 peaux à 2 fr. 70 ; 2 0 Chaque usine conseeve son organisation pour l'enlèvement de la pelade, Là où les peleurs enlèveront la pelade, il leur sera alloué une indemnité d e o fe. 35 pal' JOUl' de travail. Les usines où les pe~ leurs ne lèveront pas la pelade, le patron sera tenu de mettrr, le personnel nécessaire pour la faire enle\'er, à seule fin que les peleurs soient dégagés pOUL' faire leut' travail ; 30 Les morceaux provenant des peaux sabrées se l'ont payés à 0 fI'. 30 la caisse. Les balles de moe~ ceaux feeont l'objet d'une entente entre patrons et ouvriers; 4° Les peleut's demandent que les peaux soient comptées dans toutes les usines et que chaque fois que les femmes prendront dix peaux, les hommes en pl'ennmlt treize; DOPour les marragos des usines èt magasins, capa . bles de faire leur travail, une augmentation de o fl'. 05 pal' heure, soit 3 fe. 50 ponr la joumée de 10 heures de travail ; 6° Pour les femmes des usines et magasins, capables de faire leur teavail, une augmentation de 2 c. 1/2 par heure, soit 2 francs pOUL' la jouL'née de Lü heures; 7 0 Pour les enfants des étuves et des étendages, nous demandons que l'augmentation soit prop0L'tionnelle à celle des managos ; 1 Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 32- 8° Nous demanderions, en outt'e, que les patt'ons veuillent n'or,cuper que des ouvriers syndiqués; go Les sabreurs et peleurs refusent formellement de faire tout marragos ; 10° Les heures des dimanches et jours fériés seront payés double. - Les ouvriers de l'exploitation de la peau de mouton demandent que, quand ils auront besoin d'une pel'mission, elle ne leur soit pas refusée. Ce sont là nos dernières conditions pour arriver à une solution rapide, et pour prouver au PatL'Onat que nous savons tenir compte des difficultés qu'il a à vaincre, nous avons de beaucoup réduit nos 7Jréte'YI~ tions ; nous ne saurions les réduire davantage. Et comme, depuis le 22 décembre, vous avez eu le temps d'étudier les questions posées, nous sommes en droit de solliciter aujourd'hui une réponse à bref délai. Il nous serait agréable de la recevoir le samedi SOil' 9 janvier, afin que l'Assemblée générale décide le 10 courant, en toute connaissance de cause; si vous ne ?'épondez pas, vot1'e silence se?'a considéré comme la pu?'e et simple confirmation de la lett?'e de la Commission, que nous considàons comme ne ?'épondant pas, et nous vous faisons remw'que?' qu'à Pa1'ti?' du 9 janvie7', le Syndicat ne répond de rien et gue toutes les conventions que nous avons si.qnées ensemble sont toules a'fl.nulées, et nous prendrons toutes Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org les rneSUTes utiles POU?' 33la défense de nos droits . Pour les deux Syndicats réunis: Le Secrétaire, ETIENNE ALQUIER. Le Secrétai?'e, I SIDORE BARTHÈS. Réponse des industriels délaineurs. Mazamet, le 8 janvier 1909. Messieurs les Membres du Syndicat de l'exploitation de la peau de mouton, à Mazamet. La Commission des industriels délaineurs a l'honneur de portel' à votre connaissance la lettre suivante que les industriels délaineurs, réunis en Assemblée générale, l'ont chargée, à l'unanimité, de vous communiquer. Notre lettre du 22 décembre 1908 n'avait aucun des sous-entendus que vous avez voulu y voir et il ne peut y être question ni d'il'onie, ni de caprice. Elle a été éCl'ite après une étude raisonnée des salaires des ou vriers délaineul's et avec le souci de sauvegarder l'industl'ie de .Mazamet qui, dans l'intérêt de toute notre région, doit pouvoir lutter aVf;lC la conCUlTence étrangère. Le travail avait continué dans toutes les usines, sous la foi des conventions réciproques passées entre patrons et ouvriers en août 1903, confirmées par votre lettre du 22 décembre 1908. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 34- l,es menaces que contient vot1'e lett1'e du 6 janvier courant empêchent toute conve1'sation avec ceux qui l'ont éC1'îté et nous nous bornons à confi1'7ner dans son intégrité, notre letl1'e du 29 décembre 1908. LA CmlMIssION : Gaston COl'mouls-Houlès fils, E. Durand, J. Fraisse, P. Huc fils, Nègl'e, Ph. Rives, A. Sabatié. A la suite de cette lettre, la grève est déclarée. Elle est effective le lundi 11 janvier. Cependant les ouvriers ne s'opposent pas au travail de leurs camarades, que les patrons ont recrutés pour essayer de sauver les marchandises en péril, dont le travail ne peut être retardé. Lettre de la Fédération des Syndicats ouvriers du canton de Mazamet du 15 janvier 1909 : Messieul's les patt'ons industl'iels, Messieurs, Le Comité Génél'al de la Fédération et de l'Union des Syndicats, après élude des revendications formulées pal' les ouvriers de l'exploitation, a décidé, dans sa séance du 14 janvier, de vous demancle1' une en· trevue,qui aurait lieu clans '1.l~ lo cal quelconque POU?' Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 35- vider si possible les diffé1'enrls qtlÏ vous ilépa1'ent, entre la Commission pat1'onale et la Com,nûssion de g1'ève ouvrière. Persuadés que vous voudrez bien accepter l'entrevue demandée, agréez l'assurance de nos sentiments dévoués. Pour et par ordre de la Fédération et de l'Union des Synd icats. Le SecTétaire Général, LOUIS BARTHÈs Le Sec1'étaÏ1'e Général, Huc AARON. Lettre de la Commission patronale, en réponse à celle de la Fédération des Syndicats ouvriers du 15 janvier 1909. Messieurs les Secrétaires généraux, Bourse du Travail Messieurs, Nous vous accusons réception de votl'e lettt'e de ce jour nous demandant une entrevùe. Nous accepte l'ons de causer de la situation actuelle avec des délégués ouvriers,à condition toutefois qu'ils appartiennent tous à la corpo1'ation des ouvrie1's délain eurs. Agl'éez, Messieurs, l'assurance de nos sen timents distingués. Pour la Commission: Si gné: P. NÈGRE. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 36 - Le lundi (11 janvier) la grève, qui avait déjà été partielle l'avant-veille, était générale pour tous les ouvriers. * ". ". Deux points méri tent d'être examinés spécialement au début de cette grève: Les causes directes et accessoires de la grève. Le programme des patrons et celui des ouvriers. La cause la plus importante de la grève, ainsi que nous l'avons dit, c'est que, non seulement les patrons ne la redoutaient pas, mai s qu'ils la désiraient, pour trouver l'occasion de rétablir leur autorité compromi se. La discipline des ateliers s'était considérablement relâchée depuis la victoire ouvrière de 1903 et par suite du développement syndical qui en avait été la conséq uence. Le syndicat imposait à tout propos son autorité. Les patrons en avaient assez et ne redoutaient pas le conflit. C'est ce qui explique leur attitude peu bienveillante, n1ême un peu brusque, du début. Puis, ces événements se déroulèrent au moment où venait de se terminer une longue grève chez M. Sarrat, président de la Chambre Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 37- de commerce. Cette grève de 6 mois,déclarée non dans le délainage, mais dans la mégisserie, s'était terminée par le triomphe complet du patron, et cet exemple de fermeté et de succès avait souvent été invoqué par les patrons mazamétains. . Par un curieux hasard, M. Sarrat, dont les usines de délainage sont en dehors du centre touché par la grève, se trouvait hors du conflit, et on lui reprochait d'y avoir pris part, de l'avoir même attisé, en préconisant la manière forte, sans encourir aucun risque. C'est ce que l'Union libérale du 28 février nançait en ces termes : dé~ « Le public s'étonne et s'irrite. Il s'étonne à bon droit de voir les patrons de Mazamet menés, tels des ânes à la foire,par quelques usiniers de l'extérieur, à. qui la grève profite singulièrement, car ces « malins» ùnt répondu aux revendications de leurs ouvriers pal' la promesse formelle d'une augmentation égale à celle que les patrons mazamétains accorderaient aux grévistes; puis, au syndica t patl'onal de Mazamet) ils poussent à la plus farouche des intransigeances et s'a.ssurent ainsi de beaux bénéfices pal' la prolonga. tion de la gl'ève. » Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 38- On découvrit également chez les patrons une autre raison d'intransigeance, c'est que ces patrons sont protestants et républicains, tandis que la plupart des ouvriers sont catholiques et réactionnaires. Le syndicat ou·· vrier était considéré comme l'atout du baron Amédée Reille dans sa lutte électorale, et un certain nombre de républicains, qui étaient en même temps patrons, considérèrent la bataille économique comme une simple bataille politique, où l'influence de M. Reille devait être battue en brèche et succomber. Les grévistes trouvèrent donc des secours du côté du parti conservateur. Aussi vit-on, dans cette grève, ce spectacle nouveau de l'archevêque d'Albi venant apporter lui-même un secours personnel de ~oo francs aux grévistes, ordonnant . des quêtes en leur faveur, et le curé, soutenu par les catholiques de Mazamet, organiser des cantines scolaires et apporter aux grévistes tout son concours. tes patrons n'étaientpas constitués en syndicat. Tandis que les ouvriers avaient une organisation puissante, les patrons étaient divisés pal' la Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 39- divergence de leurs intérêts et aussi par la différence de leurs conceptions sociales. Dès le début, l'un d'eux essaya de briser le pacte qui les unissait tous pour la défense commune. Il accorda aux ouvriers ce que ceux-ci lui demandaient; mais il dut se soumettre à l'ultimatum du comité patronal, qui lui interdit toute concession. Par la suite, à travers les divers événements qui se produisirent, la cohésion entre les patrons fut diffieile à établir, et pour une raison bien étonnante et bien simple. Plus la grève durait, plus la hausse de la laine sc dessinait, de telle sor te que cette grève ne coûtait pas d'argent aux délaineurs de Mazamet mais leur en rapportait, à une condition pourtant, c'est que le travail reprit et que la laine pût être préparée pour être ve ndue. A ussi se produisit-il une certaine impatience chez la plupart des patrons, de voi r cesser les hostilités et se réaliser des ventes qui devaient être rémunératriees. Naturellement, c'étaient les plus petits patrons qui étaient les plus pressés d'en finir, et le Comité de grève eut quelque difficulté de ce côté. S'il avait voulu prolonger la grève, il eût été abandonné par un grand nombre d'entre eux. Les ouvriers, qui étaient au courant de ces Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 40- difficultés intérieures du Comité, sentaient leur victoire assurée, pour peu qu'ils attendissent. Et ils attendirent. Mais pour faire cesser la grève, il fallait que les patrons fissent l'abandon de leur première intransigeance. Ils avaient déclaré, au début de la grève, ne pouvoir rien accorder en fait d'augmentation de salaire. - Et, au fur et à mesure que se déroulait la grève, leur intransigeance faiblissait. Ils se trou vaient dans la fausse situation d'industriels, qui commencent une grève en déclarant que des concessions leur sont impossibles .. et qui sont obligés de faire ces concessions. Ils furent longtemps à piétiner dans cette difficulté d'agir , qu'une déclaration trop catégorique avait créée. Voici comment un patron établissait son compte théorique, pour nous montrer combien le côté commercial du délaineur de Mazamet l'emporte sur le côté industriel, qui, par comparaison, paraît presque négligeable. Un industriel achète à Buenos-Ayres, dans son année, 9.000 balles de peaux à 800 francs , il devrait donc débourser 7.200.000 francs. Pour ce chiffre d'affaires, un capital de Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 41- 2.000.000 francs seulement est nécessaire, car ri ndustriel-peut ?'enouveler 3 fois 1/4 à peu près ce capital dans son année (par ses ventes Rucces~ si ves). Ce capital de 2.000.000, l'industrielle paye !l % ; mais,comme il peut le placer en titres de rente 3 0/ 0, sur lesquels la Banque lui avance à 3 0/0, il ne lui reste plus que 2 % d'intérêt à payer. L'avance de 2 millions coûte donc comme intérêt 40.000 francs. Mais, comme négoeiant, l'industriel a également besoin d'un magasin, d'employés ... Ces frais peuvent s'élever à 20.000 francs environ, dont voici le déeompte : Employé chef Comptable Magasinier Employé Assurances accident.s Impositions, patente. Assurance Incendie. Loyer du magasin Total. 6.000 francs. )) 4.000 2.000 » 1.500 » » !lOO 1.000 » 1.000 » » 4.000 20.000 » Commercialement, l'industriel a donc 60 .000 2. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 42- francs de frais généraux pour 9.000 balles qu'il a il traiter. * Passons au côté industriel L'industriel s'adresse à une usine, il y envoie ses 9.000 balles de laine à traiter,et on lui prend, pOlll' frais de façon, 40 francs par balle. Si l'u sine lui appartient, il aura comme bénéfice industriel la 111arge qui existe entre cette somme de 40 francs et celle qu'il dépensera réellement pOUl' le irai temen t de chaque balle et qui s'élève à 30 francs environ, ainsi décomposés: Frais de main-d'œuvre 15 fI'. Charroi,charhon 5 fI'. Loyer, impositions, assurances, amortissement,employé d'usine 10 ff. L'usinier a donc à son usine un bénéfiee de 10 francs par balle. Dans l'exemple, choisi par nous, d'un commerçant qui est en même temps usinier, les bénéfices sont donc de 90.000 francs au point de vue industriel; mais, pour gagner cette somme, le commerçant industriel aura dû se charger de Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 43- 60.000 francs de frais gé néraux commerciaux. Son bénéfice ne sera donc plus que de 30.000 franc s, pour un chilfre d'affaires de 7.200.000 francs etpour~.OOO balles ; soit3 fr.2~ par balle. La balle coûtant 800 francs, le bénéfice industriel se traduit par 0 fr. 40 pOUT cent, c'est-àdire qu'il est à peu près nul. Le bénéfice ou la perte ne provient que de la hausse ou de la baisse SUl' la laine ou le cuù'ot, à la réalisation. La balle qui coûte 800 francs est composée de hlÎ nes et de cuirs. . Une fois délainée, la laine et les cuÏ1'ots vendus laisseront ou non un bénéfice; suivant que le prix de vente dépassera ou atteindra 800 fl' . U n autre industriel de Mazamet nous di~ait : Il ne vaudrait pas la peine de faire ce métier s'il n'y avait la spécqlation. En effet la spéculation est tont. JI peut se produire des hausses de 100 francs sur chaque balle de laine, et l'on voit quel serait le bénéfice de l'industriel dans le cas cité plus haut, où il est question de 9.000 balles de laine. Les bénéfiees Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 44- peuvent se chiffrer ainsi par plusieurs centaines de mille francs. Il est vrai que le jeu est dangereux. Plusieurs données interviennent, qui peuvent contrarier toute prévision. 11 y a des questions économiques g6nérales, telles que la crise américaine en 1907 et la baisse générale des produits pendant l'année 1900. Tl Y a des questions économiques spéciales. La grève de Graulhet, par exemple, a entravé la ven te des cuirots, c'est · à-d ire des peaux délainées destin~es à la mégisseri e. La fabrique de Graulhet représente la moitié des débouchés de Mazamet.·-Un changement de mode peut faire baisser le cours de la laine fine d' A u~tralie, ou au contraire de la laine grossière de Buenos~Ayres. nne grande mortalité à Buenos-Ayres peut donner une année de bonne production à Mazamet et parfois aussi préparer une crise pour l'année suivante. Il peut y avoir peu de laine commune en perspective (et c'est une cause de hausse) et beaucoup de laine fine (donc cause de baisse et néeessité de préjuger l'avenir). C'est le cas de cet~e année; nlais à Roubaix on prétendait que le mode va être aux étoffes fines. Donc la baisse de la laine fine devait être entravée. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 45 - Enfin, il Y a des causes diplomatiques: guerres du Japon et de la Russie, guerres de tarifs entre les différents pays. On voit combien la question est délicate. Nous avons dit comment on pou vai t expliquer que la hausse étai t plus fréquente que la baisse et pourquoi les industriels de Mazamet ont à se louer des cours que suivent les laines, une fois leurs achats terminés. C'est qu'ils se présentent les premiers sur les marchés de la laine brute, surtout dans le dernier trimestre de l'année, et qu'ils n'y trouvent pas une très forte concurrence. Au contraire, le moment où. ils portent leur laine apprêtée sur les marchés, c'est celui où les filateurs et les tisseurs ùe laine ont besoin de matière à œuvrer. Les industriels de M.azamet gagnent donc de l'argent. C'est incontestable. Mais lorsqu'on leur demande d'élever les salaires de leurs ouvriers, ils répondent imperturbablement : comme industriels, nous ne faisons qu'un gain médiocre, et nous n'avons à considérer nos ouvriers d'industrie qu'au point de vue industriel. Nos gains commerciaux et nos bénéfices de spé- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 46- culalion, les ouvriers n'y sont p~ur flen et nous n'avons pas à les partager a vec eux. Et pourtant ils seraient bien venus d'associer leur ouvriers à leurs bénéfices et de pratiquer cette participation,dont les résultats ont été souvent si précieux pOIU la paix sociale. li est entendu que les industriels de Mazamet pourraient donner des salaires plus élevés que ceux qui sont payés pal' eux; mais il faut observer ici une incidence qui pourrait provenir de cette majoration el retomber sur les autres professions. Ces professions peu vent avoir des bénéfices très étroitement limités et la moindre augmentation pourrait parfois détruire une industrie dans le pays et la faire émigrer dans une autre région, en un mot la tuel' sur place. Ce danger est à craindre, dans certaines indus· tries qui ne se maintiennent que grâce à une sévère économie et à la modération des frais: telle est l'industrie de la mégisserie. Et cependant, si les ouvriers du délainage reçoivent de hauts salaires, nul doute que 18s ouvriers des autres industries n'en réclament ùe semblables, sans se douter que les conditions Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 47 - ne sont pas les mêmes. La gl'ève des peleurs et des ma1'7'agos de Mazamet ne provient que du haut salaire aceordé aux. sabreurs en 1903. Pourquoi les sabreurs étaient-ils davantage payés que les peleurs, dont le métier est aussi délicat et aussi pénible ~ Nous pouvons citer ici un exemple bien typi~ que. A Reims, les ouvriers des caves recevaient un salaire cl e ~francs et jouissaient du repos hebdomadaire. Ils se croyaient heureux, surtout par comparaison, lorsqu'ils regarda.ient les ouvriers du taxtile qui gagnaient 3 fr. ~O et travaillaient semaine et dimanches. Des grÈwes éclatent, qui donnent aux ouvriers du textile un salaire presque équivalent à r.elui des ouvriers des caves, une loi est promulguée qui leur accorde le repos du dimanche. Et voilà les ouvriers des caves mécontents de ne pas suivre la mème progression que les autres et prêts à se mettre en grève à leur tour. Les raisons q Ul firent se prolonger si longtemps cette grève de Mazamet sont faciles .l exposer. Tout d'abord, patrons et ouvriers parlaient, Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 48- chacun, un langage différent. lies patrons réclamaient des garanties tout d'abord, tandis que les ouvriers réclamaient avant toute chose une augmentation de salaires. Et le refrain des patrons étai t toujours le même: « Il nous est impossible, disaient-ils, d'encourager l'abandon brusque du travail, qui a menacé de perdre toutes nos marchandises, en donnant une augmentation de salai re, qui aurait l'air d'un encouragement, pour nos ouvriers, à persévérer dans ces méthodes brutales. Aussi leur semblait-il naturel de eommencer par prendre des précautions et d'exiger des garanties. * Plusieurs solutions furent proposées pour mettre fin à la grève. Le premier systè,me, proposé par les patrons aux ouvriers, fut très mal compris par ceux-ci. Il consistai t à prélever 10 % sur le salaire,jusqu'à ce qu'une somme suffisante fût réunie et pût servir de gage à la bonne exécution du travail. Les ouvriers considérèrent ce prélèvement eomme une simple diminution du salaire. Les patrons proposèrent alors un autre sys. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org . '" i!.. - 49 ~ tème. Ils imposèrent à leur personnell'accep la tion d'un règlement, en vertu duquel chaque ouvrier, en cas d'abandon du travail laissant la marehandise en péril , s'engageait à payer aux patrons un dédit de 50 francs pour les hommes, et de 30 francs pour les femmes. Tout ouvrier devait d'ailleurs, dans un cas urgent, contribuer à sauver la marchandise en péril et accepter, pour ce faire~ n'importe quel emploi. Mais quand les patrons parlaient de garanties. les ouvriers continuaient à réclamer l'augmen. tation de salaires qui était la base de leurs revendications. Enfin, il sembla, un moment, qu'on était prêt d'aboutir à une entente. Le 29 mars, une conversation s'engage en· tre la commission patronale et la commission ouvrière. On commence, par diplomatie, par diseuter les dernières conditions, en réservant les plus essentielles pour la fin. Peut. être, lorsqu'on sera d'accord sur toutes les questions accessoires, pourra-t-on faire passer le morceau de résistance, c'est- à-dire l'augmentation des salaires ? Vain espoir ! On se met d'accord sur la question de la commission mixte d'atelier, dont on espère qu'elle 3 Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 50 ~ cal mera loutes les difficultés de ménage entre patrons et ouvriers .- Sur toutes les questions accessoires:on tombe d·accord. Mais,sur la question d'augmentation, l'entente ne peut se faire. La proposition patronale, qui consiste à donner aux ouvriers, comme augmentation, des primes proportionnelles sur les salaires annuels rencontre une vive opposition.Il est vrai que ces primes ne seront acquises que si le travail n'a pas été interrompu pendant l'année.- Mais les ouvriers n'ont-ils pas déclaré qu'ils étaient prèts à offrir des garanties pour un travail suivi et que ne viendraient pas interrompre des caprices de grève?- Ce qu'ils veulent, c'est que leurs salaires soient augmentés chaque jour, que cette augmentation soit tangible, qu 'ils puissent en calculer l'effet dans leur salaire quotidien. Ce que proposent les patrons, c'est une augmentation de salaire payable en une fois, à la fin de l'année commerciale, c'est-à-dire le 30 juin, à condition que, pendant toute l'année, il n'y ait pas eu d'abandon brusque du travail. Ainsi les patrons offrent cette augmentation de salaire, qu'ils avaient déclaré ne pouvoir accorder. Et les ou vriers ne sont pas satisfaits! Ils refusent, les pourparlers sont rompUfL la g rève Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 51- reprend plus vigoureuse que jamais et l'état d'esprit de la population devient nerveux. M. Jaurès arrive à Mazamet et reproche aux ouvriers de se buter dans un refus stupiùe. Le fi avril· les deux Commissions patronale et ouvrière se réunissent de nouveau. Là, tout est rompu. Les patrons, qui avaient aceepté une augmentation de salaires, sous la forme de prime, reviennent sur leur concession, ils dédarent que cette augmentation est impossible, ils lisent la déclaration suivante, qui rompt tous les pourparlers: (( Considérant que la situation ne pel'metll'aû pas une augm,entation de sa laù'es , sans portel' atteinte à l'industrie du délainage; « Considérant que, pour appuyer leurs revend ications, les ouvriers: 1. - Malgré les engagements pris par leur syndicat,ont cessé brusquement le travail,occasionnant au commerce de MaZiamet une perte de plus de 500.000 francs ; sans avantage pour personne. 2,- Se sont livrés à des déprédations sur les Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 52immeubles, occasionnant de lourdes charges à tous les habi tants de la ville et se sont efforcés d'entraver]a liberté du travail; « Considérant que, malgré tous les efforts possibles pour la conciliation, en accordant une augmentation de salaires, qui, tout en donnant une satisfaction a ux ouvriers, les intéresse à ne pas laisser le travail en souffrance; « Considérant que les ouvriers ont répondu par un ultimatum à ces propositions; « Les patrons regrettent que les ouvriers ne veuillent pas continuer la diseussion sur ces propositions, leur en laissent l'entière responsabilité, les renouvellent et les précisent: « Il sera accordé une augmentation de salaires aux peleurs et aux man'agos, ainsi qu'aux catégories qui y sont assimilées, sous forme de 7 0; 0 sur le total de leurs salaires, payable en fin d'année commerciale, soit le 30 juin. ») Les ouvrlers répondent à cette déclaration quïls ne veulent discuter que su r la question de Faugmentation journaliè1'e du salaire. La di scussion s'aigrit. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 53- Nous ne pouvons discuter sous le coup de la menace, disent les patrons. Nous ne nlenaçons pas, répond le secrétaire du syndicat ouvrier M. Barthès; car lorsque je menace, je frappe 1 Et il ajoute: Nous nous refusons de continuer la discussion avec la commission patronale. Nous ne la pou_r~ suivrons qu'avec tous les patrons réunis, Tout est rompu. Les ouvriers étaient vertement blàmés de leur intransigeance par le journal de M, Reille, Ne voyaient-ils pas que c'était « le ra'deau de/'l'iè1'e lequel le patronat veut abriter sa défaite ») (Union libérale du 18 avril 1~09), Il Y a plus, ajoutait le journal conservateur, heaucoup de patrons se lasseront bien vite d'avoit' à tenir une comptabilité spéciale. Mais, après avoir blâmé les ouvriers, l'Union libérale morigénait les patrons, (\ Il fau t reconnaître que, pOUl' l'incohérence, le pompon revient aux patrons! Ils écrivent: « Nous proposons une augmentation de salaires» . ,.Et quarante huit heures après,ils écrivent sans sourciller: « Considérant que la situation ne Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 54- permettrait pas une augmentation de salaires ... » « La retenue, écrivait encore le principal rédacteur de ce journal, qui est le secrétaire de M. Reille, constituera pour les patrons une garantie plus morale que matérielle. « En admettant que l'augmentation de 50 centimes soit accordée, la retenue sera de 125 francs pour 2~0 journées de travail, payahle par semestre de 62 fr. 50. \( Qu'est-ce, pour un patron qui occupe 100 Olt v l'iers peleurs ou 'lnarragos, que cette retenue de 0.250 francs? Pour une industrie qui opère il coups de millions! « Les ouvriers vont prolonger la grève pOlir toucher 5 francs par quinzaine au lieu de 60 francs tous les 6 mois! )) Le H avril, la commission patronale déclarait a li préfet que les pourparlers ne seront repris qu'aux conditions suivantes: 1 La demande écrite devra en être faite pal' 0 les ouvriers. 2° Les négociations continueront entre la commission patronale aetuelle et la commission ouvrière. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 55- 3° La discussion s'ouvrira sur la question de la prime , Le 14 avril, se tint une réunion publique, où M. Griffuelhes fit ironiquement entenùre que, si la grève est désastreuse pour certains patrons, elle est une source de bénéficp,s pour d'autres. Le 17 a "ril, l'usine du moulin Lautier, il sept kilomètres de la ville, est incendiée. Une bouteille vide de benzine est trouvée dans un buisson. Le 18, l'archevêque d'Albi, Mgl' Mignot, réunit 1800 grévistes à l'église métropolitaine et leu r donne des conseils de calme, puis il fai t remettre 500 francs au Comité de Grève. Les journaux raillent cette grève de catholiques conduite par la Confédération Génél'ale dIt Tl'avail. Le 20, l'usine de Linouère, où le travail a repris, est assiégée par les grévistes. Un bloc de rocher est lancé de la montagne dans la gorge et frôle deux gendarmes à cheval. Les fantassins sont chargés d'explorer les àètes. et d'en déloger les grévistes. Lesjollrs suivants, des convois sont arrêtés et dévalisés, des pierres sont jetées sur la troupe, 11n(} cartouche de dynamite explose, un roch~r Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 56- de 1))00 kilos est lancé sur une usine remplie de soldats dans les gorges de l'Arnette. Enfin le 4 lnai, a lieu une réunion ùe trois patrons choisis hors de la commission patronale et de trois ouvriers pris dans la Commission syndicale. A u lieu des 50 centimes d'augmentation demandés par les ouvriers, les patrons en offrent 40. A u lieu du paiement immédiat demandé pal' les ouvriers, leurs représentants acceptent :2f) centimes par jour de t.ravail à payer à la fin Je la quinzaine et Hi centimes par jour payable à la fin de chaquA semestre. Et la paix est conclue le 6 Inai. La grève est terminée, l'allégresse est générale, et tout le monde s'aborde en disant: « Vous savez, c'est fini! » C'est fini, mais ~près 1 t 7 jours de grève. Le contrat suivant était signé par les deux parties: Payement diffél'é. supplémentaire: ~ Il sera allollé un salaire Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 57 - De 0 , 'l5 par 100 peaux pour les pe]eurs ; De 0,015 l'heure pour les marragos; De 0,01 l'heure ponr les femmes d'usine. Le 1er janvier on arrêtera le compte des som .. mes ainsi gagnées du 30 juin au 31 décembre. Ces sommes seront payées le 31 mars. De même,le 30 juin,on fera le compte des sommes ai nsi gagnées du 31 décembre au 30 j ni n, et ces sommes seront payées le 30 septembre. Dans le cas Ol! il Y aurait un abandon brusque du travail, laissant de la marchandise en sOllff~ance, les sommes sus-indiquéesreviendraientaux patrons. Les patrons s'engagent il s'efforcer que les marragos touchent des quinzaines équivalentes. Les ouvriers demandent qu'autant que possible les · quinzaines soient arrêtées le jeudi SOl r ou le vendredi et payées le samedi, Le reste du eontrat avait trait aux tarifs généraux et en voici le texte: Sous confirmation de l'accord du 10 août 1903 refait le 6 mai 1909, les tarifs suivants seront en v igneur à parti r du 7 mai 1909 : Sabrage. - L'opération du sabrage est payée il raison de 3 fI'. 50 la balle, avec deux hommes par sabreuse. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 58- .Le travail comprend les mani pulations SUlvantes: 1 0 Amener les balles en peaux et les tremper; 2° Les retirer des bacs de trempage et les sabrer; 3° Remettre les peaux dans le second bac de trempage; 4° Enlever le fumier de sur les grilles, choisir les morceaux de peaux et sabrer tous ceux qui peuvent être sabrés. La balle type sera de maximum: DOO kilos en Montévidéo ; 470 kilos en Buenos-Aires; 4DO kilos A ustralie , Cap et divers. Le sabrage à l'heure sera compté à 0 fr. 50 l'heure. Pelage. - 2 (1'. 50 les 100 peaux, morceaux payés en sus à iD centimes, la caisse de 40 centimètres de hauteur, longueur et largeur. Chaque usine conservera son ol'gani~ation pour l'enlèvement de la pelade et le pelage à un ou deux bancs. La Commission mixte pourra être faite juge d'une demande de changement de cette organisation, dans le cas d'une modification de l'usine. Là où les peleurs enlèveront la pelade , illeLlf Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 59- sera alloué une indemnité de 0 fr . 30 pal' jour de tra vail. Travail à la journée . - Les salaires à lajournée pour les hommes adultes et valides seront de 3 fr. 25. Les salaires à lajournée pour les femmes adultes et valides seront de 1 fr. 90. Les salaires des hommes de magasin adultes et valides seront de 3 fr. 25. Les salaires des femmes de magasin adultes et valides seront de 1 fr. 75. Il ne sera renvoyé aucun ouvrier, et aucun d'eux ne sera mis à l'index à la suite de la grève. La durée de la journée est de dix heures de travail effectif, commençant à 6 heures le matin et finissant à 6 heures le soir, avec deux heures de repos de 11 heures à 1 heure. Les heures supplémentaires du dimanche et jours fériés seront p'a yées double. Tout ouvrier, qui aura été commandé pour venir à l'usine et qui à son arrivée n'aura pas de travai l , aura droit à une indemnité de déplace.m ent de 0 fI'. 35. Les ouvriers assimilés aux luarragos auront une augmentation proportionnelle. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org L'industrie de Graulhet. Graulhet est une petite ville de 8.000 hahi. tants, dont le développement industriel, a-t-on fait remarquer ,est d'au tant plus étonnant qu'elle est en dehol's des voies de grande circulation. Mais Graulhet est la vassale de Mazamet et, Il ce titre. elle profite de l'étonnante fortune de sa voisine. C'est Mazalnet qui lui prépare la besogne et lui expédie les peaux de moutons délainées. qui doivent être I?égissées. 700.000 douzaines de peaux sont ainsi préparées. Graulhet domine le Dadou qui est une petite ri vière coulant dans un ravin profond et dont l'eau alimente ses usines. Voici en quoi consiste l'industrie . .La peau de mouton peut être séchée et se conservel'; mais, en c.et état, elle est dure, cassante et demande il être amollie. Pour cela, on doit lui faire subir un certain nOtr~bL'e de prf1pa- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 61 tions et la traiter au moyen d'agents chimiques et surtout uu tannin qui se trouve dans l'éeorce des arbres,et,dont l'effet empêche les fibres de la peau de se coller et de perdre leur élasticité. La première opération du mégissier, qui reçoit les peaux séchées sans apprêts, est de reverdi e ces peaux , e' est-à-dire de leur rendre l'humidité nécessaire pour qu'elles puissent être travaillées. Le mé gissier met donc les peaux trempel' dans un bain. Puis vient l'opération de la mise en chaux, dans le but de détruire, par la fermentation, l'adhérence des poils qui restent. Et alors commence le travail de 1'Ïvièl'e. Lorsque les peaux sont entièrement délainées, on les la ve à grande eau et on les écharne. Cette opération se fait au moyen d'une écharneuse, machine actionnée par la vapeur, qui enlève à l'intérieur des peaux tout ce qui reste de chair. Le pelage est l'opération semblable pour l'extérieur de la peau , la partie qui portait la laine et qu'on appelle la fleur de peau. Ici le travail est plus délicat, car c'est l'end'l'oit du cuir qui ne peut êlre trop rudement raboté; aussi ne doit-on pas se servir pour cette opération d'une Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 62- machine actionnée à la vapeur. Le trava il se fait donc à la maù~, à l'aide d'une sorte de hachoir à deux mains, tranehant d'un côté et non tranchant de l'autre. Le côté tranchant sert à couper les pattes et la tête; le côté non tt'anchant sert à aplanir les peaux et à en enlever délieatement toutes les adhérences et toute la 111atière grasse. Ce travail de pelage occasionne, chez les ouvriers qui en sont chargés, des pigeonneaux ou œils de perd1'i.x a11 bout des doigts. Par le cœu1'sage l'ouvrier adoucit le grain de la fleur de peau. La g1'and'façon ou façon de chair consiste à laver la peau jusqu'à ce que l'eau de lavage sorte absolument limpide; mais cette opération tend à disparaître eomplètement, par suite de l'introduction des (oulons et des turbulents dans les usines. La mise lm confit est tout simplementla mise des peaux dans un bain de son aigri, qui détermine une certaine fermentation, dilate les pores et les dispose à se laisser pénétrer par la matière tannante, Aujourd'hui, le son est remplacé par des acides. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - G3- Les peaux sorties de ces bains sont mises en r..uve ponr le tannage. Pour l'opération du tannage, certains produits étaient employés, dont la saveur pénétrante proYog nait des accès de toux; c 'étai t le cas du sumac qui a l'avantage de conserver à la peau sa hlancheur. A cause de sa saveur, on le remplaça par le quebracho pIns économique, ma.is qui donne à la peau une cou leur de tisane. Les peaux ainsi tan~ées doivent être colorées en foneé: noir, grenat ou havane. Les peaux tannées son t sorties des cuves et passées il la machi ne appelée éhutleuse qui enlève du côté de la chair toutes les parties de chair, encore adhérentes ai nsi que les excès de matières tannantes déposées sur la peau par suite du long séjour qu'elle 11. fait dans la cuve. Les peaux sont mises au vert. E lles passent dans une machine semblable à l'ébuttellse, mais dont le couteau, au lieu d'avoir des lames tranchantes en ac.ier,a des lanles arrondies en cuivre pour ne pas enlever la fleur, car eeUe opération se fait du cô té de la peau qui doit supporter la teinture et qui est l'endroit du cuir. La mise au vert a pou r effet d'aplanir la peau Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 64- et de faire disparaitre les veines et les plis qui laisseraient difficilement pénét.rer la teinture. La teinture s'opère de deux façons: A la plonge (ou à l'auge). A la brosse. C'est dans ces opérations que l'on est forcé d'employer certains acides et produits chimiques nuisibles à la santé de l'ouvrier. Le teinturier à la plonge prend deux peaux tendues l'une contre l'autre, chair contre chair et les passe à l'auge avec les mains. Pour teindre à la brosse, l'ouvrier étend, l'une après l'autre, les peaux sur une table, après qu'elles ont été mordorées, et il passe la brosse sur la peau. Cette teinture est généralement faite par des femmes. Après leur passage à la teinture, les peaux· renferment un excès de liquide colorant; on les en débarrasse en les soumettant à l'action d'une presse, et, de là, on les passe au séchoir; mais auparavant, surtout pour certaines couleurs, on les imbibe d'une légère couche d 'huile de lin pour leur donner plus de souplesse et un brillant plus naturel. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 65 - .Le corroyage termine ces diverses opérations. Il sert à lustrer les peaux , tout en les assouplissant. Le lissage du cuir est fait par des femmes. Les peaux sont ensuite portées au magasin par paquets de douze. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org La. grève de Graulhet La grève de Mazamet s'était terminée le 6 mai 1909 ; la grève de Graulhet commença le 5 dé. cembre. Le secrétaire général de la Fédération des cuirs et peaux , M. Griffuelhes, se trouvait dans la région et il voulut faire d'une pierre deux coups. La grève de Mazamet avait admirablement réussi pour les ouvriers. Les gens de Graulhet devaient d'autant plus s'inspirer de cet exemple que, chez eux, le syndicat est plus fort.. Graulhet s'honore d'avoir vu naître un des premiers syndicats ouvriers, en 1880, - avant la loi sur les syndicats. La petite ville industrielle, dont nous nous occupons, est éloignée de toute voie de chemin de fer. Un tram à voie étroite la relie à la ligne de Castres à Albi. Sa seule industrie est la mégisserie, elle est le principal centre pour la production des maroquins employés à la doublure des chaussures et des peaux employées pour la reliure, la maroquinerie, la gainerie. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - G7 - En 1896, on cornptait à Graulhet plus Je cent ateliers dans lesquels travaillaient 1. vOO hommes et 2vO ou 300 femmes occupées au finissage (corroyage et piquage). Mais, comme la maind'œuvre était insuffisante, cinq des plus importants patrons firent appel au machi nisme perfectionné : ce qui leur mit à dos les quatre-yingtquinze autres patrons, qui n'avaient pas assez de ressources financières pou r tra nsforme l' len r matériel primitif. La lutte fut grave entre les gros et les petits patrons. L'arrivée des machines avait inquiété les ou\Tiers. Les petits patrons on profitèrent pour attiser cette hostilité naturelle Je la force humaine contre la force de la maehi ne. Ils dénoncèrent la catastrophe q ni allait s'ensuivre, de telle sorte que les ouvriers se mirent du côté des petits patrons, et s'en prirent aux gros patrons. Ceux-ci, pour se défendre, durent fonder un syndicat philanthropique, d.ont voici les staluts, déposés à la mairi e le 28 jan,' ier 1896. Syndicat mixte et philanthropique pour le développement de l'industrie à Graulhet. Statuts et Tèglement. Le Syndicat a pOUl' but, la défense des intérêts Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 68- commerciaux, industriels et économiques de la mégisserie à Graulhet et établit en conséquence les statuts suivants: ART, 1 er , Il se compose: De membres fondateurs ayant versé à la Société une somme de cent francs au moins. ART. 2. - De membres adhérents payant une cotisation de cinquante centimes par semaine, ART. :J, - Les membres fondateurs paieront, en outre du versement indiqué à . l'article premier, une cotisation de un franc par semaine. ART. 4. - Les sociétail'es se l'éunil'ont en assemblée ~énérale tous les mois, tous les membres de la Société ont le droit d'y assister. ART. D. - Seuls les membres adhérents recevront des subsides de la caisse de la Société et établis ainsi qu'il suit: 1 0 En cas de chômage, chaque sociétaire ouvrier recevra un secours journaliel' du tiers du salai re moyen; 2° En cas de maladie, le secours est fixé R la moitié du salaire moyen ; 3° Les soins ct médicaments, fournis à l'ouvl'iel' sociétai re, seront gt'atis et à la charge de la Société. ART. 6, - Les membres adhérents seront garantis des accidents du tt'avail par des Compagnies d'assurances,et la prime, à ces Compagnies, sera ft la chat'ge individuelle de chaque membre fondateur. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 69- ART. 7. - " La Société sel'a administrée pal' un bureau composé de: 1° Un Prés id ent; 2° un V ice-pj'ésident; 3° un Secrétaire; 4° un Trésorier, pris parmi ses membres et élus ù la mnjori té des suffl'ages expl'imés au vote secl'et. ART. 8. - Le bureau est élu pOUl' un an et rééli- gible. ART. 9. - L'assemblée nommel'a, à la majorité des suffl'ages expr im és, des commissions pour étudier les questions soumises au hUl'cau. Ces comm issions se l'éuniront au lieu ol'dinail'e des séances SUI' a con vocat ion du pt'ésident. ART. 10. En cas de dissolution de la Société, les fonds l'estant f\n caisse seront versés au bureau de bienfaisance de Grau lhet. Fait à Gl'8ulhet, le 28 janvier 1896. Le P.résident, Le Vice-P1'ésident, CHARLES CATHALAfJ PONS PÈRE ET FILS Le Sec1'étai.re, ~IAnIUs CHABBAL Le Trésorier, MIQUEL ct TAYAC Les ou vriers, excités pal' les peti t.s patrons, essayè ren t d'interdire les machines. Tls mirent les cinq usines à l'index, et il s'ensuivit une grève de plusieurs mois, pendant lesquels le synd icat ouvrier dépensa cent mille francs. A la suite cle la grève, les patrons se refusant à sacri- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org l - 70 - fier leur machin1sme perfectionné, les OUVI'lers furent 0 bligés de réintégrer les usi nes sans autre bénéfic.e que de s'être ruinés dans l'intérèt un1que des petits pa trons. Des cinq g ros patrons d'alors, il en existe deux, MM. Chabbal et Armengaud, qui font encore partie des dlssidents rl u syndicat patronal. Les ouvriers devaient faire tous les frais de la lutte stupide, dans laquelle ils s'élaient lancés aveuglément. Les peti ts patrons réduisirent tout d'abord les salaires de leurs ouvriers pour soutenir la concurrence des gros patrons, que servait un machinisme perfectionné. Les gros patrons, an contraire, augmentèrent les leurs, dans le but de vaincre la résistanee des ouvl'lers et de se venger de la guerre hypocrite que lenr avaient faite les petits patrons, - tant et si bien que ces derniers durent se résoudl'e à disparaitre ou à moderniser leur ou tillage. Ceux qui. manquaient de capitaux trouvèrent à eq. em prunter à .Mazamet, qui avait besoin de Graulhet pour l'écoulement et l'utilisation de ses peaux délainées. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 71 - Mais la machi ne a eu deux résultats: 10 d'accroître les chômages, en activant la production clans les périodes de presse, 2 0 cl'allgmen ter considérablement le nombre des ouvrières uu détriment des hommes employés dans l'indllstrie. Sur ce dernier point, la tactique du syndicat a été extrèmement habile, Le synùicat ouvrier a réclamé pour les femmes une augmentation de salaire, de telle sorte que les patrons eussent moins d'avantage à employer les femmes, Les ouvrières étaient enchantées de ces ùemandes faites en leur faveur et des augmentations qui pouvaient leur être concédées, sans se douter que le résultat ob't enu, c'était la diminution du nombre des remmes, qu'on avait moins d'intérèt à employer, du moment que leur salaire se rapprochait de celui des hommes, Une grève avait éclaté en 1889, qui avait été terminée par la convention suivante ART. fer, POW' evite?' tout conflit, les deux Com- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 7?, - missions d'inle1'médiaÏ?'es se1'ont, à l'avenÏ?' et touj Otl1'S, saisis des desiderata des d3ux Syndicats, qui deV1'ont ém,ett1'e leU?' avis dans leu1's assem,blées 1'espectives, avant qu'elles se soient P1'O?10ncées, Copie de toute délibération devra êtTe transmise à titTe de ?'écip?'oci té. ART, 2. - Toutes les fois qu'un désacco?'d quelconque sU1'gÏ?'a dans une usine, les Commissions d'inte1'médiaÏ?'es se1'ont Téunies, et, en pTésence des inculpés, vide1'ont les diffé1'ents. ART. 3, -Les patt'ons restent entièrement lil.Jl'es pOUl' le développement et le perfectionnement de leur outillage; quant au chômage, il sera réglementé, conformément aux articles 1 et 2,pal' les Commissions intel'médiail'es des deux Chambres. ART. 4. - Dans toutes les usines où il y aura un contt'emaitre, cet employé sera le représentant abso lu du pa1l'on, il aura le dl'oit d'embauche et de ren voi, de direction entièi'e et, pour mandat pal,ticuliel', de veiller ù ce que les hommes fassent leUl' tra-' vail, toujours bien entendu, conformément aux lois de la morale et de l'équité. Comme ga l'antie de cet article et pour évite!' toute contestation de ce chef, le contl'emaître cessera de fail'e partie d u S~'nd icat ouvrier, le JOUl' où le patron le présentera aux ouvriel's de son usine comme son l'eprésentanL, et il sem réintégré de droit dans son Syndicat avec toutes les pl'él'ogatives d'ouvrier syndiqué, le jouI' où il Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 73- cessera d'occuper son emploi; il lui suffira de vel'sel' une somme égale à l'allgmentation ' qu'aUl'a pu subir, depuis son départ, le chiffre de la répartition pal' tête de la caissp, commune. ART. 5 . - A la demande du patron, les ouvriers devront donner le tour le dimanche et jours fél'iés (le SOil' en payant) ; également un ou vrier sera dési· gné pour l'allumage des fourneaux. avant l'heure réglementaire, les jours de teinture. ART. 6. - Pour entrer dans les vues du Syndicat ou vrie l' et afin que toute liberté soit lai ssée à l'ouvrier qui voudrait sortir de l'usine, les patTons consentent à supp?'im,e?' la huitaine réciproque. ART. 7. Tout. apprenti au-dessus de se ize ans, pour entrer dans le Synd icat ollvl' ier et profiter de tous ses avantages, devra sub ir, durant la ~remière année et chaque semaine, une retenue de 10 centimes par franc sur son salaire. ART. 8. - Les ouvriers laissent aux patrons la li· berté de faire trois heures supplémentaires par semaine à raison de 40 centimes l'heure. Le travail du dimanche est fixé à trois heures à raison du prix da l'heure de la journée, mais les heures en sus seront cons idérées corn me supplémentaires et payées comme telles. Tout sera oublié à J'égard de l'ouvrier, tous sans exception seront réintégrés . dans leurs usines respectives. La bonne harmonie étant une condition 4 Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 74 - J'existence pour les deux Chambres; à cette fin, les conditions établies entre patrons et ouvriers sont maintenues. Les patrons syndiqués ne doivent occuper que des ouvriers syndiqués, et réciproquement, les ouvriers syndiqués ne doivent travailler que chez des patt'ons syndiqués. Comme application de ce principe, les ouvl'iers qui ne se confol'meront pas à cette décision seront aussitôt considérés comme non syndiqués. En Tésum.é, la seule voie à suivre pOUT tout ce qui a tTait aux Tapports des patTons et des 01lVrieTS, c'est de se con!'onne?' strictement aux articles i et 2 cidessus mentionnés. Toute contravention à ces (~ivers articles sera considérée comme une déclaration de conflit. Copie des présents accol'ds sera signée pal' les représentants des deux parties. Fait double à Graulhet, le 22 août 1889. Pour le Syndicat des ouvriers, Signé: P?'ésidel/t. SeaétaiTe. PERRY ALFRED, BARTIlÈS JEAN, Pour le Syndicat des patrons, Signé: Président, Sec1'étaire. FONVIELLE COl\IBÈS, BIŒTHOUMIEUX JEAN, La grève de 1\HO avait donc éclaté en violation de cet aceord, subitement; brutalement et par Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 75 ~ surprise. Les ouvriers ne furent pas longtemps à reconnaître leurs torts. L'échange des lettres entre le Syndicat patronal et le Syndicat ouvrier jette la plus vive lumière sur les circonstances dans lesquelles cette grève fut déclarée. 11'. lettre du Syndicat des ouvriers moutonniers au Syndicat patronal. Grau lh et, le 4 décembre 1909. A M. le Président du Syndicat des Patrons Mégissiers de Graulhet et MM. les Membres du Syndicat. Après la réunion des femmes travaillant dans votre industrie et faisant partie de notre Syndicat, réunion qui a eu lieu le samedi soir 4 décemhre à la Maison du Peuple, Je tiens à porter à votre connaissance la décision qui a été votée à sCl'utin secret et qui consiste en l'augmentation du salail'e de la femme dans les conditions sui vantes: Question unique: « Salaire de la femme porté à o fr. 2D l'heure, à partir de lundi 6 décembre, » N .-B. Il est bien entendu que la durée de la j OUt'née de tL'avail devra restel' la même, c'est.à-dil'e 9 heures, Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -76 ~ Dans l'espoir, Monsieur le Président, que vous prendrez vos dispositions pOUL' communiquer à vos collègues la présente et que vous voudrez nous donner une réponse dans le plus bref délai, c'est-à-dire ce soir dimanche 0 décemb?'e 1909, Pour le Syndicat et par mandat: Le SecrétaiTe pe?'manent, A, CALVIGNAC. Cette première lettre fut remise au fils du Président du Syndicat des patl'ons:au café, à 10 heures du soir. Rentré chez lui, il ne voulut pas réveiller son père. Le lendemain matin, celui-ci étant parti de très bonne heure pour l'usine, la lettre ne put lui être remise qu'à 9 heures. Il convoqua immédiatement la commission patronale et répondit au t5yndicat ouvrier. Première lettre des patrons, C hamb?'e syndicale des pat?'ons mégissie?'s. Graulhet, le 0 décembre 1909. Monsieur le Secrétaire permanent du Syndicat des ouvriers moutonniers. j'ai reçu votre lettl'e d'hier au soir. 'route diligence a été füite il ce sujet. J 'ai réuni la commission Ce Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 77 - matin à 10 heures; mais, ne pouvant prendre sur elle la responsabil ité, elle a décidé de convoqller notre Syndicllt pour demain au soir lundi. Veuillez agréer, Monsieur le Secl'étaire, mes saiu· tations empressées. FONVIEILLE-COl\1BÈS. Réponse des ouvriers. Chamb1'e syndicale des ouvrie1's moutonniers. Graulhet, le fi décembre 1909. (au matin) Monsieur le Président et MM. les membl'es du Syndicat des Patrons Mégissiers. A la suite de votre réponse d'hiel', nous tenons à vous av iser que, dans votTe réunion de ce soir, vous aurez à tenir compte de la décision p1'ise par not1'e Syndicat dans sa Téunion de dimanche 5 décemhre. En voici la teneur: « Le travail ne sem rep,'js dans les usines que lorsque les femmes auront obtenu satisfaction à la demande d'augmentation générale de leur salail'e , qui doit être podé à 0 fl'. 25 l'heUl'e9 heures .de travail par joUI' (1) sans autres conditions aléatoi res. Agréez, Mess ieurs, mes salutations empressées. Pour le Syndicat et par mandat, Le Seaétai?'e permanent A. CALVIGNAC. (1) Les honimes ont 9 h. 1/2 de travail à l'usine. Les fem- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 78- N .-B. Vous voudrez bien faire parvenir votre réponse tt la Maison du Peuple. Sur l'initiative de quelques membres du Syndicat patronal, le bureau avait avancé à 2 heures de l'après-midi la réunion qui avait été annoncée pour le soir. Deuxième lettre des ouvriers, du même jour. reçue par les patrons dans leur réunion, (vers 3 heures). Chamb1'e syndicale des ouvrie?'s moutonnie?'S. Graulhet, le 6 décembre 1906. Monsieur le Présid!;llt et MM. lcs l\'l embres du Syndicat des Patrons Mégiss iers. Nous tenons il porter à votrc connaiss::ll1çC la décision votée pal' notre Synd icat, dans sa réunion du lundi 6 décembre, 2 heures de l'après-midi: « Vu la nwuvaise volon té des patro1/s (1) pOUT trancher une a(fai?'e d'une si faible importance, Le Syndicat estime que les pat?'ons doivent supporte?' mes ont un quart d'heure de plus avant onze heures et avant 6 heures du soil' pour aller préparer les repas. ('1) Cette mauvaise volonté avait consisté il. ne pouvoir convoquel' sur l'heure 70 patrons, sur tout un dimanche. où la poste ne fonctionne pas normalem e nt , Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 7~- les fl'ais de pe1'te de temps des ouvriers et ouvriè1'es pOU1' la fou1'née du lundi 6 décen~bre, foutes réserves j'aites pou?' la suite. » Veuillez nous donner une l'éponse sur le tout, pour la réunion de ce SOil' qui a lieu à 8 heures sous la halle. Pour le Syndicat et par mandat, Le .SecTétaÎ1'e permanent, A. CALVIGNAC. Réponse des patrons. Chambre syndicale des patrons 1négissie1's de Graulhet. Graulhet, l~ 6 décembr'e (4 heures) Messieurs, Nous a.vons l'honneur de portel' à volt'e connaissance la décision de notre Syndicat pl'Îse en assemblée générale, à la réunion de ce jour: « Conformément aux accords établis entre le Syndicat patronal et le Syndicat ouvriel', le Syndicat patronal donne mission ù son bureau et à sa commission de s'a lJoucher avec le bureau et la commission du S)ndicat ouvrier pour étudier la réglementation du travail et du salaire des femmes dans les usines. » Nous sommes donc à votre disposition pour nou~ réunir' à t'heure qui vous conviendl'a~. . , Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 80- Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire permanent, mes meilleures salutations. Le PTésident, FONVIEILLE-COMBÈS. Troisième lettre des ouvriers, du même jour. Chamb1'e syndicale des o1LV1'ie1's mo'UlonnieTs. GI'aulh et, le 6 décemhre 1909. M. le Président du S-yndicat . des Patrons Mégissiers, A lu suite de vott'C t'ép0nse de ce so il' et apt'ès ùé~ cision prise pal' notre Synd icat à ce sujet, je dois vous dire que nous SC t'ons à la disposition de votre commiss ion demain matin ù ·8 heures , pOUl' discuter sur les questions suivantes: 1" Augmentation du salaire de la femme porté à o ft'. 25 de l'heut'e : 9 heures de travail pat' jour. 2° Le lundi de perte de temps à la charge ùes patrons. 3° Diminution de la joul'née de travail pour l'homme; journée portée à 9 heures. Sauf communication contrôire, nous sel'ons au Tivoli demain matin à 9 heures. Agréez, Mons ieur, nos salutations empl'essées. 1?ouf le Syndicat et par mandat, le Sec1'étaÎ1'e pe1'1nanent, Al CALYIGNAC, Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 81 Ainsi au fur et à mesu re que les lettres se suc_ cèdent, les revendications s'accumulent. La grève s'était faite sur.la question du salaire des femmes. Voilà que pour n'avoir pas répond u assez tôt au gré du Syndicat, les patrons sont frappés d'une sanction,d'une amende d'une journée de tra vai!. C'est nettement compliquer la question. Il est bien certain que les patrons n'accepteront pas eetteamendehumillante, pourun retarddontils ne sont pas responsables. L'augmentation du salaire des femmes n 'es t pas une question d'heures. Elle peut attendre un jour, sans que la justice sociale en soit ren versée. Il faut remarquer, en outre, que par un précédent eontrat, les ouvriers ne peuvent décider une grève immédiate. Ils sont tenus à sauvegarder les matières que l'on a commencé à préparer et dont le travail ne peut être suspendu sans danger de perte. Mais cette complication de la deuxième revendication ne suffit pas encore au Comité. Il en ajoute une troisième. Fa vorisés par rapport aux autres métiers, les Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 8'2- ouvriers mégissiers ne font que neuf heures 1;2 de travail, alors que la journée normale est eneore de dix heures et que nombre d'ouvriers,non privilégiés par la loi, ont des journées de onze heures et plus. Ils exigent tout d'un coup neuf heures. Il semble que le syndicat ouvrier ait voulu la grève. S'il s'était contenté de réclamer pour les femmes, il aurait sans doute obtenu gain de cause. Mais on dirai t qu'il redou te d'obtenir trop facilement satisfaction. Il accumule les difficultés comme à plaisir. Il impose une humiliation aux patrons et il réclame une réforme de la journée de travail, contre laquelle il sait que les patrons sont irréductibles. Le Syndieat ou vrier aurait dû, s'il voulait présenter un programme complet de revendications, le présenter en bloc, dès la première minute. Une transactionaurait pu alors intervenirentre le Syndicat patronal et le SyndicaL ouvrier. Il aurait dû éviter surtout cette demande anormale du paiement d'une journée non faite, qui indisposa au plus haut point les patrons et les poussa à la résistance à outrance. Les lettres se suivent cependant, l'entrevue ayant eu li811 entre les ol:\.vriers et les ·patrons, Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 83- et ceux-ci ayant exigé tout d'abord la reprise du travail. Le Syndicat patronal reçoit cette nouvelle lettre des ouvriers. ChambTe syndicale des ollV1'iel's ?1wutonnieTS. Graulhet, le 7 décembee 1909 11 hcuees du matin. Monsieur le Président, MM. les Membres du Syndicat des Patl'ons Mégissiers. Nous tenons il porter à votee connaissance la décision peise par notre Syndicat dans sa eéunion de ce jour, 10 heures, concernant l'entrevue que nous a vons eue ce même jour. Votre proposition rr,lative à la reprise du travail et à discuter ensui te a été rejetée. Le Syndicat maintient donc sa décision antérieure qui vous 11 été communiquée hier soir. C'est-à-di,'c que nous acceptons la discussion, mai s sans reprendre le travail. Si toutefois vous croyez une deuxi ème en trevue possible, nous sommes à 'Votre disposition) à l'heure qui vous con viendra le mieux, si possible dans la soirée. POUl' le Syndicat et pat' mandat, Le Secrétaü'e pennanent, A. CALVIGNAC. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 84- Réponse des patrons. Chamb1'e syndicale des patrons mégissiers de Graulhet. Graulhet, le 7 décembre 1909. :M onsieur le Secrétaire pel'manent de la Cham ~ bre syndicale des Ouvriers Moutonniers. Nous avons l'honneur de vous accuser réception de votre lettre refusant de réintégrer nos usines en continuant les pourparlers. - Le S~ndicat patronal se voit obligé de fail'e le sauvetage immédiat de ses marchandises. Néanmoins la Commission et le bureau de notre SJ'ndicat restent ù vott'e disposition, conformément à nos accords précédents, pour nous aboucher avec le bureau et la Commission du Syndicat ouvl'ier. - Il est bien entendu que les portes de nos usines restent ouvertes aux ou vl'iet's qui veulent reprendre le travail. Veuillez agréer, l\fonsieul', l'assurance de notre parfaite considération. Le Président, FONVŒILLlt; COi\1Bl~ S. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 85 - Deuxième lettre des ouvriers, du même jour. Chamb1'e syndicale des ouvrie1'S l1wutonniers. G-l'aulhet, le 7 décembre 1909. Monsieur le Président et MM. les Membres du Syndicat des Patrons Mégissiers. En présence de votre réponse de ce so ir, que nous avons communiquée à nos camarades dans nott'e réunion de ce soir, nous tenons à vous communiquet' la décis ion prise dans cette dernière: Le Syndicat ne tient pas les pourparlers comme définitivement rompus, et la Commission de grève est toujours à vott'e disposition, toutes les fois que vous le jugel'ez utile et à l'heul'e qui vous conviendt'a. Agréez, Monsieur, nos salutations empressées. Pour le Syndicat et par mandat, Le Sec1'étaire permanent, A. CALVIGNAC. On remarquera que, dans toute cette COl'res" pondanee, il n'est nullement question du côté hygiénique de la réclamation formulée par les ouvriers au sujet des repos le matin et le soir. Cette explication fut en effet trouvée par M. Jaurès. Il ne suffit pas de de mander une réduction de la journée de tra vail, indiqua l'ha- Numérisé par la ._ -....1 . 1.... .. bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org J. ' _ _ bile orateur, surtout lorsque lajournée se trouve déjà plus réduite qu'ailleurs. Il serait néceHsaire d'expliquer et de justifier cette demande. Les ouvriers emploient les deux repos du matin et du soir à de légers repas. D'autre part, ils manient des matières dégoùtantes et dangereuses. Ils doivent se laver avant de manger, sous peine d'empoisonnement; - qu'ils réclament donc]e temps nécessaire pour se laver avant ees deux repas! Nous verrons dans la suite de la grève comrnent les patrons essayèrent de concilier ·ces légi li mes exigences et quelles proposi ti.ons furent faites aux grévis tes, que ceux-ci eurent le. grand tort de ne pas accepter, car elles leur donnaient à peu près entière satisfaction. Le Syndicat ouvrier de Graulhet compte à peu près tous les ouvriers et ouvrières de Graulhet: 1.1~O hommes et 6~O femmes. Le Syndicat patronal comprend les 7~ patrons de Graulhet moins deux dissidents, qui sont de gros patrons, MM. Chabbal et Armengaud. Ils faisaient partie des cinq qui uyaient formé, en 1896, ce Syndicat. philanthropique , dont nous Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org avons indiqué la constitution. M.Chabbal occupe 275 ouvriers et ouvrières. Nous avons dit qu'ils combattaient alors pour l' introduction de la machine dans l' industrie de Graulhet et qu'ils avaient été longtemps attaqués par les autres patrons,soutenus par les ouvriers, qui n'avaient pas su comprendre leur véritable intérêt et qui le reconnaissent aujourd'hui. En effet, la machine n'a pas eu pour résultat de supprimer le nombre des ouvriers et de réduire le travail. - Au contraire. - Les usines pouvant fournir avec plus de régularité et de célérité aux commandes , tous les centres de consommation du euir ont pris l'habitude de recourir à la fabrique de Graulhet (1). Mais le ressentiment des patrons dissidents contre leurs ad versail'es de jadis a persisté. Ils ont eu à subil', en effet, grâce à l'hostilité combinée de leurs collègues locaux et des ouvriers, des années de grèves persistantes. MM. Chabbal et Armengaud se trouvèrent ('1) On peul cependant observer que le machinisme a accentué les périodes de crises en' accélérant la production aux momenls de presse, tandi s que jadis on travaillait d'un bout de l 'anné~ il. l'autre pOUl' sa tisfaire aux commandes. Mais les ouvriers de Grau lh et, il demi-agricoles, savent s'em.. ; ployer aux travaux ùe la terre pendant les chômages. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org . ,.. ' ~ - 88- dans une situation tout à fait plaisante au débu t de cette grève. N'ayant pas à se concerter avec de nom breux collègnes, ils avaient pu, dès le dimanche soir, prévenir le Comité de la grève qu'ils acceptaient de donner aux ouvrières employées chez eux les 25 centimes d'augmentation rédamés. Ils se trou vaient donc en règle, si on peut employer ce terme pour cette sommation brutale, faite sous menace de grève. Les grévistes n'en empêchèrent pas moins les ouvriers de ces deux pa.trons de se rendre au travaille lundi matin. Les rues furent barrées par des piquets de sentinelles. Et la suite joyeuse de leur concession fut que le Syndicat ouvrier leur imposa le paiement de la journée du lundi, chômée contre leur gré.Ils se refusèrent du reste à accepter cette plaisanterie. * Le 1 ~ janvier 1910, un modèle de contrat fut proposé pal' M. Jaurès au. nonl des ouvriers. En voici le texte: Entre Messieurs .... , Représentants du Syndicat ouvrier. Entre Messieurs .. , .. , Représen tants du Syndicat patronal. Il a été convenu ce qui suit: Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 89- Il est accordé aux femmes 0 fr. 20 d'augmentation par jour, ce qui porte la journée pOUL' elle à 2 fI'. 20. Pour les hommes, pour une durée de présence à l'usine de 10 heUL'es, il est accordé un quart J'heure supplémentaire pOUL' chacun des petits repas, ce qui porte lajournée de trava.il effectif à 9 heures, au lieu de 9 heures 1/2. L'application de cette journée de 9 heUL'es est fixée à 8 jours après la reprise du travail) et cela pour permettre à Messieurs les Patrons d'avoir le temps d'organiser le travail, en se basant sur ces conditions nouvelles. Le présent accord est valab le jusqu'au 30 novernbl'e 191J. POUL' loutes les autres conditions de t1'avail j us qu'ici appliquées dans les usines, les ou vriers s'engagent pendant cette période à les respecter, sous ré. serve qu'aucune modification nou velle, tant au point de vue chimique .que mécanique, ne viendra changer ces conditions, aggraver le chômage el jeter un trouble dans la répartition du travail. Si pour un motif se rappol'tant_à ces faits, une difficulté surgissait, une Commission, composée à partie égale de Patrons et Ouvriers (le nombre peut en être fi xé d'un commun uccol'd) serait appelée à la résoudre. Dans tous les cas, les ou vriers donner'ont 3 jours à Messieurs les patrons pOUL' répondre à leur ëommuni ca tion; toutefois,pendant les pourparlers,le 4. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - ~o- travail sui vra. son:cou l's normal de pal't et d'alltl'e. Toutes les modifications pour un nouveau conteat devront être soumises, de pad et d'p.utl'e, avant le 31 octohre 19ti. Passé cette date, le contl'at sera, de con vention taci te, consid~l'é comme prol'ogé, pOUl' une nouvelle période de même d ul'ée. La discussion sur des pl'oposi tions nou velles devl'a commencer le Hi novembl'e HH 1, pour qu'une solution intel'v ienne au jouI' de l'exp imtion du présent contrat. Fait en double et de bonne foi. A Graulhet, le .... Le 20 janvier, les patrons du Syndicat répond aient, par lettre, à cette propusition : Ils déclaraient vouloir maintenir le principe de la journée légale, telle qu'elle a été votée par le Parlement, soit dix heures de travail interrompues par un ou plusieurs repos. ( .La gracieuseté du quart d'heure, pour chaq ne casse-cro'ùte matin et soir, reste consentie. Si l'insuffisance du quart d'heure pour chacun des ouvriers n'est pas un vain prétexte, ils seraient autm'isés à ' raugmenter, en diminuant d'autant le repos de deux heures. qui existe de onze heures à une heure, repos qu'on peu t remettre de Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - YI - onze heures ü midi 1/ 2, comme il l'avait toujours é té. - Il nous est impos sible d'aller plus loin , ajoutaient les patron s g raulhetois, sans nous 'm eUre en infé riorité avec tous nos concurrents. » C'était donc sur une question cIe principe que se tenait la discussion. Les ouvriers ne demandaient pas d'augmenta tion: _L es hommes qui travaillent à la machine sont payés de 4 à 4 fr . DO. Les ouvriers de rivière ou mégissiers qui tra· v aillent au chevalet reçoivent 4 francs. Les manœuvres 3 h. ~ O. Seules, les felumes qui n'avaient que 2 f['ancs réclamaient une augmenLation de 0 fr. 25, qui mettrait l'heure de travail (puisque les femmes ne font que neuf heures) à 2:$ centimes. Ces 25 centimes, tous les patrons étaient d'accord pour les accorder. Il n'y a donc plus de difficultés de ce côté. C'est seulemenlla question théorique de lajournée de travail qui était en jeu. Nous disons la question théorique, parce Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 92- qu'en fait les patrons ferment les yeux sur . « l'allongement du quart d'heure ,» qui souvent atteint 20 et 25 minutes. Il n'y a donc là, des deux côtés, qu'une question d'amour-propre. Les patrons ont peu!', en concédant les neuf heures pour les hommes, que toutes leurs concessions soient épuisées, lorsque les ouvriers sentiront le hesoin d'une nouvelle grève. D'autre part,ilssont maldisposésà l'égarddeces ouvriers, avec lesquels ils vivaient sur le pied de la familiarité la plus complète, et qui ont essayé de les étranglljr en cessant brusquement le travail et en risquant dlj leur imposer des pertes énormes. Heureusement, les patrons sc sont vite rappelé qu'hier encore ils étaient des ouvriers, et ils ont fait comme les patrons boulllngel'S qui mettent la main à la pâte, lorsque leurs ouvriers font grève. Aidés de leurs employés, ils ont repris le métier que beaucoup d'entre eux n'ont jamais cessé d'exercer et ils ont sauvé toutes les mal'chandises en danger. La grève est donc générale. Tout le mois de janvier se passe tranquillement. Les réunions se suc·cè'dent.On organise l'exode des enfants aux envi- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 93 - rons, à Mazamet, à Alhi, à Toulouse. La verrerie ouvrière d'Albi est surtout d'un grand secours, elle fournit de l'argent et s'occupe des enfants. A ces enfants qui vont partir ,on fait les honneurs de l'estrade, aux réunions syndicales. Le secrétaire de la Fédération des Cuirs et Peaux, M. Griffuelhes, le secrétaire du Syndicat de Mazamet, M. Barthez, le délégué de la C. G. T., M. Dret, assistent le secrétaire de Graulhet, M. Calvignae, M. Barthez donne des conseils de sagesse et détourne les ouvriers de la violence. On lui reproche même son calme et sa modération. c( Qu'on coupe des fils, qu'on décharge des charrettes,disait-il,ce n 'est pas eela qui terminera la grève. C'est de la discussion seule que peut sortir l'entente ... Il faut renouer le:; pourparlers. Les ouvriers montreront ainsi leur bon vouloir» (Réunion du 1er février 1910). Le 2 février,les grévistes décident de faire des ouvertures aux patrons, en vue de la conciliation. Mais les jours suivants, certains aetes graves sont commis. Les femmes grévistes n'écoutent rien : On assaille des officiers de gendal'merie, on Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 84 - arrète les cha l'rois et on les dépo u ille, le ehar})on envoyé à l'usi ne il gaz est dispersé.Le 11 février, une eal'touche de eheddite éclate dans le soupirail d'une maison appartenant à un mégissier et casse 11 ne partie des carreaux de la rue étroi te où se trouve cette maison. L'autorité prend immédiatement des mesures sévères t inslalle de nombeeux postes de soldats et fait faire des patrouilles fréquentes il la gendarmerie. Toute personne rencontrée dans les rues, après dix heures du soir, est identifiée. Le 12 féveiel', les patrons dissidents font une proposition aux grévistes , Voici queUe étai t la proposition, fort acceptable, de MM. Chabbal et Armengaud. Ils concédaient un quart d'heure de plus pour le petit déjeuner du matin. Il est vrai qu'ils reprenaient ce quart d'heure en le retenant sur les deux heures du repas de midi ; mais ils payaient ce quart d'heure aux ouvriers , en leur donnant un (ranc de plus pm' semaine, ce qui équivalait à 15 centimes du quart d'heure au lieu de 10 centimes, puisque l'heure est payée aux Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org -- 05ouvriers 40 centimes. C'étalt donc un paiement avec prime légère. 11 était sous-entendu que les ouvriers auraient le droit de refuser par la suite ce franc supplémentaire et de reprendre le quart d'heure qu'ils \\.vaient vendu. Ils n'auraient donc plus fait que neuf heures et quart de tra vai!. Dans l'esprit des auteurs de la proposition, cette concession avait pour but de donner une satisfaction au Syndicat ouvrier, tout en parais~ant sauvegarder le principe de la journée de dix heures, principe auquel tenait si fortement le syndicat patronal (1). Le syndicat ouvrier commi t la faute de ne pas accepter cette habile solution du problème. Il ne s'agissait iei que du temps de tt'avail de l'homme. Nous avons dit que la femme était autorisée à partir un quart d'heure avant 'c hacun des grands repas, pour les préparer, c'est-à-dire à 11 heures moins le quart et à 6 heures mOlns le quart. L'horaire est, en eiIet, ainsi fixée: 6 heures: entrée à l'usine. (1)' Ce principe n'était pas détruit par les arrê ts du travail pour les deux casse-croûtes, ces arrêts étant considérés comme une concession gracieuse des patrons. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - CJ6- Vers 8 heures: repos d'un quart d'heure. 11 heures: sortie de l'usine pour les hommes. (Pour les femmes: sortie à 10 h. 3/4). 1 heure : Rentrée. Vers 4 heures: collation d'un quart d'heure. 6 heures: sortie de l'usine pour les hommes. (Pour les femmes: sortie à 5 h. 3/4). Avant cette proposition. il y avai t eu celle du Syndicat patronal, qui avait offert de payer le qùart d'heure, mais d'attribuer les sommes provenant de ces versements à la constitution d'une caisse de garantie. Ensuite, il y en eut une autre présentée par M. Fagnot, enquêteur permanent de l'Office du Travail, qui laissait la durée de la journée de travail à 9 heuTes et demie, mais faisait payer cette demi-heure considérée comme supplémentaire., au prix onlinaire de l'heure, c'est-à-dire à 20 eentlmes. Les ouvriers touchaient donc 1 fI' . 20 de plus pal' semaine; mais ils avaient, comme dans la comhinaison des patrons dissident.s, la faculté de déclarer, par la suite, qu'ils p référaient renoncer au bénéfice de c~tte demi- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 97heure supplémentaire: ce qui entraînait la suppression de cette demi-heure de travail. A la suite de la réuniou où fut proposée la combinaison de M. Fagnot, quelques patrons ayant déclaré que probablement leur Syndicat ne l'accepterai t pas, les ouvriers prirent les devants et déclarèrent qu'ils ne voulaient pas euxmêmes l'accepter. Ils le regrettèrent depuis. En présence de ce refus, le Syndicat patronal décida de retirer toutes les concessions et propositions qu'il avait faites. Le Comité de grève riposta par une lettre ouverte aux patrons, où on lit notamment: « Pau\Tres fous! Comme si la classe ouvrière se laisserai t \r eprendre ce que vous avez reconnu pouvoir lui donner et ce que vaillamment elle sut conquérir! » C'était le 84 e jour de grève . Les pourparlers étaient aussi avancés qu'au premier jour. * Les violences étaient assez fréquentes. Les convo is de peaux à livrer à la gare étaient arrêtés pal' les grévistes. Les femmes se couchaient sous les pieds des gendarmes. Elles Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 98 -étaient les plus exaltées; on les connaissa it sou~ des sobriquets bizarres: la Canarde, la Pétrôle, la l\1anara; un groupe de manifestants, où les femmes étaient nombreuses, faillit jeter à l'eau le Président du Syndicat patronal. Enfin M. Chabbal fit à son personnel les propositions suivantes, qui furent ensuite adoptées par le Syndicat patronal: - 25 centimes d'augmentation pour les femmes. - Demi-fournée du premier samedi de chaque mois, pendant les six mois de bonne saison, pO'Lu' tout le personnel (repos payé). - Pendant les six autres mois, mêmes conditions qu'auparavant. - Rngagement des ouvriers de s01·tir les peaux en dépér-ition dans chaque catég01'ie de t'favait. - En cas de nouveau conflit, si les ouvriers violaient l'engagement, ils se rése1"vent un droit de poursuites individuelles. Les contre17wît1'es feraient pm'tie du Syndicat,mais seraient exempts de toutes réunions (1). (1 ) IL s'ag'it su l'tout des délégations . . Une section de 100 membres devait assister à tous les en terrements et à toutes les cérémonies. Trois contremaîtres sur six ou sept de Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 99 ils demandent en outre la nomùiatlon d'unè Commission d'usine pourexaminel' lesnouveaux èonflits. Si les différends n'étaient pas solutionnés, un arbitre serait p1'is au tirage au sort parmi les quat?'c {J1'ésidents des tribunaux du département. En ce qui concerne le chômage, il ne serait pas faz:t de renvoi partiel; le travail serait réparti d'une manière générale; les accords sel'aient établis jusqu'au 31 avril 1910, Pour Tendre effectives les garanties, les oum'iers, à leur entrée dans l'usine, devaient individuellement reconnaître au patron le droit d'opérer pal' cession une retenue sw' le salaire, conformément à l'article 2 de la loi du 12 janvier 1895. - L'inventaÏfe des dommages causés, en cas de bntsque cessation du travail, devait êt1'e fait par la Commission d'atelier. La Commission d'atr:lie1' devait être composée de cinq membres p1'is panni les ouv'riers de l'usine. Le secrétaire du Syndicat ouvrier et le patron étaient entendus à til1'e consu ltatif . et devaient assiste1' à toutes les discussions. l'usine pouvaient faire partie de la section désignée et cette abse nce des èonLremaitl'es était préjudiciable aux intérêts de la fabrication. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 100- M. Chabbal ayant prié ses ouvriers de venir causer avec lui, une vingtaine d'entre eux obéit et se présenta à l'usine. Ceux-ci furent vertement réprimandés à l'assemblée du Syndicat ouvrier, qui les expulsa. Or il faut savoir en quoi consiste cette punition. Un ouvrier non-syndiqué ne peut plus se placer dans les usines et, s'il veut rentrer dans le Syndicat qui l'a banni, il doit payer d'énormes amendes qui se chiffrent parfois par 300 ou 400 francs. Ces amendes sont, bien entendu, payées par le patron, s'il tient à son ouvrier, celui-ci étant dans l'impossibilité de se libérer. Ces vingt ouvriers étaient donc jetés à la rue par la sanction du Syndicat. M. Chabbal s'empressa de profiter de cette sévérité intempestive, en les recueillant et en rouvrant son usine. Cette réouverture se fit le 21 mars. - 35 ouvriers répondirentàl'appel du patron.Leur sortie, à 11 heures , s'effectua sous les huées. Ils passè· rent encadrés de gendarmes à pied et à cheval. Leur retour fut également protégé,de même que la sortie du soir. Le Syndicat patronal s'empressa d'imiter l'exemple de M. Chabbal, et des forces impo'" Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 101 - santes de gendarmerie durent protéger ceux qu'on Hppelle là-bas les lVIacchabées. Mais lorsque les grévistes les rencontraient seuls, ils leur lançaient des insultes et des r..oups. Pendant la nuit, ils défonçaient leurs jardins et en arrachaient les arhres frui tiers. Enfin, ils cadenassèrent pendant la nuit les portes et les fenêtres de quelques-uns des renégats, qui se trouvèrent ainsi emmurés et durent être délivrés par la gendarmerie. Les péripéties de cette grève furent nombreuses. Tout d'abord les soupes communistes fonctionnèrent de la façon la plus large. On servait 3.~00 portions par repas et le dépense journalière n'était pas inférieure il 900 francs ou 1.000 francs. Plus de 80.000 francs de secours afl'ivèrent au Comité de grève. Les exodes d'enfants se firent en grand. Dans ce département du Tarn,qui est si industriel,et dans les centres des départements voisins, tels que Decazeville, les enfants de lTraulhet furent reçus dans toutes les familles socialistes. Les heurts entre la gendarmerie et les grévis- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 102- tes étaient fréquents. Les charrois étaient arrêtés par la foule des grévistes qui se couehaient en travers de la route deyant les chevaux. Les femmes surtout étaient excitées. Le représentant de la Confédération Générale du Travail, M. Dret, disait au préfet: «. Nous nous opposerons par tous le s moyens à la circulation de n'importe quelle marchandise venant ou allant aux usines. Mais, comme les grévistes ne veulent pas porter préjudice au commerce local, toutes les autres marchandises pourront circuler librement, à la condition, toutefois, que les charretiers iront il III Maison du Peuple prendre un sauf-cond.ui t . » Le 22 jan vier, cent grévistes arrêtent et essayent d,e brûler un convoi de peaux. finies mélangées parmi les peaux brutes, dont la circulation n'avait pas été autorisée par le Comité de grève. « Cette supercherie patronale, dit le correspondant de l'fIumanité, viole les accords concernant la circulation, qui n'avait été accordée que pour les peaux finies (1). Trois balles ont été (1) Les grévistes voulaient empêcher crue l'on pût donner du travail aux 1'enégats, Mais il n'y avait eu aucune convent ion pour les charro is, entre palmns et ouvriers. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 103- éventrées, jetées: piétinées par les g'eévistes. Les femmes chantent et dansent au son de l'Internationale, les clairons sonnent. 300 grévistes arrivent au pas de course ... Les grévistes forment un mur humain. Il est impossible de faire passer la voiture. Le sous-p réfet parlemente a vec la foule. Les patrons veulent emporter les peaux à l'usine, mais les grévistes crient: « Retour à la gare iJ. Le sous-préfet propose aux patrons de faire conduire la voi tUl'e à leur domicile, leu r laissant lu responsabilit é de la voie encombrée (1). Les patrons, devant l'hostilité de la foule, ont préféré d'eux-lllèmes ramener le chargement à la gare ... «Ce haut faitpatronalleurcoûte2.000 fr.» Le 24 janvier une usine est incendiée. , «Un certai n mystère plane SUL' cet incendie, constate l'Huma.nité. Des peaux noires teintes sont aperçues plongées dans des pelains contenant de la chaux (2). C'est au moins une anomalie dans la profession, qui provoque des commentaires dans la population. » (1) Le sous préfet menaça les patrons de leur dressel' procès-verba l s'ils ne désencombraient pas la voie. (2) C'est-a-dire soumi ses aux opél'ations préparatoires a lors qu'elles avaient déjà passé par la teinture . C'était exact; mais les patrons dirent de leur côté que ce la prouvait que l'incen di e de l'usine é tait dLl à un acte de sabotag'e. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 104- Plus loin le même journal ajoute: Le patron de l'usine incendiée c.e matin a été conspué sur le pont neuf. Un patron nommé MenaI a été jeté à l'eau et .battu. )) Ce dernier fait était heureusement inexact.Il y eut cependant, par la sui te, risq ue pour II n patron d'être jeté à l'eau pal' un groupe d'ouvriers et surtout de femmes excitées. Des actes de sabotage étaient commis sur la voie du tram à vapeur, Une aiguille fut brisée. On s'en aperçut à temps. Une nouvelle bagarre éclata le 'Lü février. Les grévistes ' et surtout les femmes opposent des barrages aux charges des gendarn1es et au transport des marchandis'es, en se couchant au travers des routes. Il y eut des coups échangés ; mais heureusement aucune blessure grave. Le 11 février à 4 heures du matin, un pétard éclate avec fracas dans le soupirail de la maison d'un des patrons. Deux dames qui s'y trouvent manquent mourir de peur. En même ten1ps des poteaux de la transmission électrique avaient été sciés. Le lendemain, un lieutenant de gendarmerie est assailli par un groupe de grévistes qui veu t « Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 105- le jeter à l'eau. Tl se défend, revolver au poing, et 11 est secouru par une patrouille, Le 18 févl'ier, M, Fagnot, délégué du Ministère du travail, essaie, mais en yain, de trouver un terrain de conciliat.ion. Il se heurte à l'intransigeance des ouvriers, Les patrons retirent leurs premières cont~es SlOns. Les ouvriers se retournent du côté de M. Chabbal, dans lequel .ils avaient une entière confiance et qui toujours avait semblé prendre leurs intél'êts. On sait comment fut reçue par le Comité ouvrier de grève la proposition de M. Chabbal. * 4- • On vit alors se produire l'intervention d'un briseur de grèves, fort connu d'ailleurs dans l'exercice de ce métier, M. Raynier, de Charleville. Son intervention fut peu efficace. Elle eonsista en une affiche violente signée du « Comité ouvrier de protestation contre la grève)) et se terminant ainsi: « Tous aux usines et reprenons notre travail ! )) Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 106 - M. Raynier eut toutes les peines du monqe à trouver des colleurs pour ses affiches. Lui-même ne pouvait s'en charger, car, dès qu'il faisait quelques pas en dehors de l'hôtel ou du c,afé où il passait tout son temps, il se voyait suivi de près par cinq grévistes qui lui manifestaient des sentiments équivoques de sympathie. Enfin il trou va un vieillard de 75 ans; mais le malheureux se vit enfoncer son pot de colle sur la tète et ne put continuer ses opérations. Cependant quelques ouvriers exprimaient leur impatience. Ils reprochaient à leur Syndicat et surtout au secrétaire, M. Calvignac, d'avoir voulu la grève et de l'avoir renJue nécessaire par la hâte à réelanler une réponse des patrons. Ces ouvriers s'abouchaient avec leurs patrons et cherchaient visiblement à reprendre le travail. Le lundi 21 mars,le travail reprenait à l'usine Chabbal. On y comptait 35 ouvriers seulement. Le luême soir, un de ces ouvriers est victime d'une agression de la part des g rév is tes et un patron reçoit un coup de fronde ou une balle de revolver au front , alors qu ' il é tait à sa fenêtre. Les autres usine s ont également ou vert, mais le nombre des reprises de travail es t ex trême- Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 107 - ment faible. Les patrons déclarent qu'ils ne se lasseront pas et que,peu à peu, tous les ouvriers rentreyont clans les usines. Cette éventualité paraît certaine; mais il faudra quelque temps, avant que les ouvriers osent affronter les foudres de leur Syndicat. Les macchabées ou renégats sont hués par u"ne foule de 1. DOO manifestants et cela quatre fois par jour: le matin à six heures, à onze heures en sortant de l'usine pour déjeuner, en y rentrant à 1 heure et en sortant le soir à 6 heures. Pour éviter la fati g ue des nombreuses troupes de gendarmerie chargées d'organiser ces cortèges, on décide de garder les ouvriers déjeuner à. l'usine. On leur organise des cantines et pour DO centimes on leur donne des « soupes patronales »,qui sont composées de viande,légume ,des. sert," eafé et vin. Beaucoup d'entre eux s'habitueraient à ce régime qui est certainement plus confortable que leur menu ordinaire. Les grévistes attribuent à M. Chabballa mauvaise tournure que prend la grève. (( M. Chabbal, dit M. Calvi gnac, a été jadis l'adversaire du Syndic,at patronal; aujourd'hui il en est l'auxiliaire. » Il a trompé la confiance que les ouvriers avaient mise en lui , D'ailleurs le secrétaire du Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 108- syndicat ouvrier voit dans les événements un commencement de victoire ouvrière. Les patrons n'ont ils pas fait, à la suite de M.. Chabbal, des concessions sur la rédnction de la durée de travail, alors qu'ils avaient déclaré que SUl' ce point ils se refuseraient à toute concession? Mais ils ne veulent pas trai ter avec le Syndieat et ils prennent un biais pour se soumettre aux revendications ouvrières, d'Llne façon hypocrite et atténuée et sans avoir l'air de vaincus (Réunion du 23 mars). Le délégué de la Confédération Générale semble moins optimiste et il conseille aux gré .. vistes de se venger de ceux qui les ont trahis. Entre temps, les grévistes promènent des bœul's vivants destinés aux soupes communistes, pour répondre à ceux qui prétendent que la soupe est de plus en plus maigre. Deux boulangers suspendent le crédit au Comité de grève. Le 2 avril, un renégat de l'usine Chabbal reçoit un coup de couteau en plein visage. Un nouveau syndicat est créé, syndicat indépendant, avec 1\1. Calvignac, frère du secrétai re du Comité de grève, comme secrétaire. Il en résulte une haine fratricide entre les denx organisations. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org - 109- Le juge de paix essaie encore une tentative de conciliation le HS avril. Le Syndicat patronal lui répond: « Les usines sont rouvertes, rère des né go ciations est définitivement close. ) Enfin le 27 avril, les ouvriers décidaient la reprise du travail, sans avoir rien obtenu que ce que leur avaient concédé de leur propre mouvement les patrons, et après avoir refusé d'accepter des combinaisons plus avantageuses. Le 2 mai, eut lieu la rentrée générale. La grève avait duré 144 jours, sans que les ouvriers aient obtenu un gain appréciable, puisque les 25 centimes d'augmentation pour les femmes avaient été concédés dès le début. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org TABLE DÉS MATIÈRE~ Pagt:s • 5 L'industrie de Mazamet . 12 INTRODUCTION. • • • • La grève de Mazamet . 19 L'industrie de Graulhet 64 La grève de Graulhet. 70 A. Rousseau, Imprimeur-éditeur. - Paris. Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org 1 Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org Numérisé par la bibliothèque du CEDIAS-Musée social | http://cediasbibli.org