Dépressions sévères : aspects psychologiques

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Dépressions sévères : aspects psychologiques
L’Encéphale (2009) Supplément X, SXX–SXX
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Dépressions sévères : aspects psychologiques
de la prise en charge
Severe depression : psychological aspects of management
C. André
Consultations du Service Hospitalo-Universitaire, Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris
Mots clés
Dépressions sévères ;
Psychothérapie ;
Prévention des
rechutes ; Thérapies
cognitives et
comportementales
(TCC) ; Thérapie
cognitive basée sur la
pleine conscience
(TCPC) ; Psychologie
positive (PP)
Résumé Les dépressions sévères, dans leur phase aiguë, rendent difficile la psychothérapie, du fait du
handicap lié notamment aux troubles cognitifs et motivationnels. Mais elles représentent un enjeu
important en phase post-processuelle pour la prévention des rechutes. Les thérapies cognitives et
comportementales (TCC) et, à un degré moindre de preuves, la thérapie cognitive basée sur la pleine
conscience (TCPC) y ont fait la démonstration de leur efficacité. De manière plus expérimentale, le
courant de la psychologie positive (PP) incarne peut-être un nouveau courant de ressources (travail sur
optimisme, lien social, équilibre émotionnel…) pour la prévention des rechutes chez ces patients
vulnérables.
KEYWORDS
Severe depressions ;
Psychotherapy ;
Relapse prevention ;
Cognitive-behavioral
therapies (CBT) ;
Mindfulness-based
cognitive therapy
(MBCT) ; Positive
psychology (PP)
Abstract Severe depressions are not an easy target for psychotherapy, because of intense cognitive
disability linked to emotional and motivational symptoms. But psychotherapy remains an important tool
for the relapse prevention : this is the case for cognitive-behavioral therapies (CBT), and, at a lesser
level of proof, mindfulness-based cognitive therapy (MBCT). Finally, positive psychology (PP) will maybe
offer in a near future some interventions (on optimism, social link, emotional balance…) who shall
represent new possibilities in the quest of relapse prevention for those vulnerable patients.
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.
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« Ma souffrance était devenue si intense que j’estimais
tout à fait improbable que de quelconques entretiens avec
un autre mortel, même quelqu’un de professionnellement
expert en matière de troubles mentaux, puisse soulager
l’affliction. »
Dans son récit autobiographique Face aux ténèbres [29],
l’écrivain américain William Styron décrit la dépression
sévère qui le frappa, et dont il guérit. Ce texte fascinant
s’avère particulièrement intéressant pour comprendre
comment nos patients traversent l’épreuve d’une maladie
dépressive. On y retrouve le sentiment de sévérité du trouble : « Je restais là figé, impuissant, frissonnant, conscient
d’avoir été frappé non par de simples angoisses… mais par
une maladie grave dont j’étais capable, et ce également
pour la première fois, de m’avouer le nom et la réalité. »
La perception d’un risque éventuellement vital : « Ce fut
pendant l’une de ces crises d’insomnie que me vint la certitude – une bizarre et affreuse révélation analogue à celle
d’une vérité métaphysique longtemps occultée – que si la
maladie suivait son cours, il m’en coûterait la vie. » Et
l’immense difficulté à pouvoir mobiliser son intelligence et
son énergie pour s’en sortir : « J’avais maintenant atteint
cette phase de la maladie où tout vestige d’espoir avait
disparu, en même temps que l’idée d’un possible futur ;
mon cerveau, esclave de ses hormones en folie, était
devenu moins un organe de la pensée qu’un simple instrument qui, au fil des minutes, enregistrait les variations
d’intensité de sa propre souffrance. »
Quelle place pour la psychothérapie
dans les dépressions sévères ?
De fait, psychothérapie et dépression sévère ne font pas
bon ménage : les patients y fonctionnent au ralenti, n’arrivent pas à mobiliser leur motivation, sont étouffés par leurs
symptômes [16]… Comment les solliciter sans que la psychothérapie ne devienne elle-même une source de fatigues
et de souffrances supplémentaires ?
La plupart des thérapeutes préfèrent suggérer alors à
leurs patients la prise d’antidépresseurs, même si ces derniers y sont réticents. On leur propose alors une métaphore :
l’épisode dépressif y est comparé à un naufrage ; pour y éviter la noyade, il faut une bouée de sauvetage, que sont les
antidépresseurs. La psychothérapie, c’est apprendre à nager :
on peut espérer que lors d’un éventuel prochain naufrage,
cela augmentera les chances de survie ; mais on ne peut
apprendre à nager alors qu’on est en train de se noyer…
La psychothérapie concerne donc préférentiellement, à
mon sens, les rescapés de la dépression, et particulièrement ceux d’une dépression sévère [26], dont on sait qu’ils
risquent fort de devoir un jour réaffronter le problème. Il
semble aujourd’hui acquis que symptômes résiduels et facteurs de vulnérabilité représentent des éléments accentuant le risque de récurrence dépressive, et qu’ils
nécessitent d’être la cible de la psychothérapie dans la
prévention des rechutes des dépressions sévères. Nous proposons d’envisager ici deux mécanismes psychopathologiques à risque : rumination et procrastination.
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Rumination et procrastination :
deux exemples de mécanismes
psychopathologiques en jeu dans
les dépressions sévères
Ruminations dépressives
Ruminer, c’est « se focaliser, de manière répétée, circulaire, stérile, sur les causes, les significations et les conséquences de nos problèmes, de notre situation, de notre
état » [17]. On utilise aussi en anglais le terme de brooding : couver. Paradoxalement, nombre de patients dépressifs ne sont pas conscients du phénomène, tant ruminer
leur est devenu comme une seconde nature ; ils ruminent
comme ils respirent. Les ruminations passent souvent inaperçues à leurs propres yeux, car ils croient alors réfléchir
[19]. Mais la rumination n’est pas une vraie réflexion, elle
est stérile, et aggravante. Elle se situe à un niveau général
et global de traitement de l’information, non spécifique, et
donc peu susceptible de déboucher sur des stratégies de
résolution de problèmes [21].
On a pu montrer que, dans la rumination dépressive, le
patient se focalise sur ses difficultés et leurs conséquences
éventuelles, et pas sur les solutions possibles, à imaginer
ou à mettre en œuvre [18]. Il existe aussi une importante
dimension d’évitement du problème – et de l’action – dans
la rumination. Ainsi, lors d’une étude conduite auprès de
femmes ayant un cancer du sein, les « ruminatrices »
étaient venues consulter en moyenne deux mois après les
« non ruminatrices » [15] : elles pensaient tout le temps à
leur boule dans le sein, mais n’allaient pas pour autant
consulter, et continuaient juste à se faire du souci.
Les thérapeutes cognitivistes ciblent volontiers la rumination dans leurs interventions, qu’ils comparent à l’inflammation, un mécanisme naturel de défense et de
réparation, qui a dépassé son objectif, et devient lui-même
une pathologie : ce qui devait n’être qu’une réflexion destinée à régler un problème devient une interminable chaîne
d’états d’âme douloureux et inutiles. Dans le cas des ruminations dépressives, les antidépresseurs fonctionneront en
quelque sorte comme les antalgiques et les anti-inflammatoires dans les lombalgies chroniques : ils ne soignent peutêtre pas la « cause » de la douleur, mais sont indispensables
pour que cette même douleur ne devienne pas paralysante.
Procrastination
La procrastination dépressive est sans doute plus familière
aux thérapeutes. Elle est une manière de mieux comprendre l’inhibition de l’action qui frappe les patients sévères :
loin d’une simple passivité, leurs difficultés à agir représentent une série de défaites, une continuité d’échecs face
aux nécessités d’action. Dès que l’idée d’entreprendre
quelque chose se présente à leur esprit, elle déclenche
aussitôt une avalanche de cognitions décourageantes et
inhibitrices. Or, « nous sommes ce que nous répétons chaque jour » écrivait Aristote. Plus les patients s’engluent et
se chronicisent dans les ruminations et l’évitement de l’ac-
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Tableau 1 Les différences entre rumination et réflexion
Rumination
Réflexion
Recherche des fautes, des erreurs, des coupables…
« Qui doit être critiqué ou puni ? »
Recherche des solutions…
« Comment faire maintenant ? »
En général, tendance à amplifier le problème.
Tendance à relativiser, à donner au problème son importance,
sans en rajouter.
Tendance à juger.
Tentative de comprendre.
Simplifications abusives : par exemple « tout vient d’une
seule cause ».
Prise en compte de la complexité (sans s’y noyer) : il y a en
général plusieurs causes à un problème.
Plutôt tournée vers le constat, le « pourquoi ? »
Plutôt tournée vers le futur, le « comment faire ? »
Pas de but précis (d’où enlisement).
Le but est de résoudre le problème ou de s’en désengager.
Tendance à aborder les situations de manière générale et
globale (« malheur, malheur ! un gros problème ! »).
Tentative pour aborder les situations de manière précise et pas
à pas (« comment fragmenter mon gros souci en une succession
de petits problèmes ? »).
Centrée sur le problème (« quelle catastrophe, quel
malheur, quelle erreur, quel gâchis.. »).
Centrée sur la solution, la réparation, la prévention (« que
faire et comment réparer ? »).
Tournée vers les conséquences du problème (« ça va mal
finir, il va se passer ceci et cela »).
Tournée vers la prévention des conséquences du problème
(« comment agir pour ça se passe bien ? »).
tion, plus ils s’identifient aux schémas de pensée et visions
du monde qui les sous-tendent : « je ne suis capable de
rien, rien ne vaut la peine, toute action est inutile ».
Types d’interventions psychothérapiques
dans la prévention des dépressions sévères
La majorité des études contrôlées conduites à ce jour ont
concerné des approches ciblées, cognitives et comportementales.
Approches comportementales
Très tôt, on proposa aux patients déprimés des programmes
que l’on pourrait qualifier de « relance comportementale »
ciblés sur la pratique très régulière de nombreux exercices
destinés à inciter le patient à se remettre en action [14,
11] : activités quotidiennes (rangements à son domicile),
activités physiques (marche), activités sociales (reprendre
contact avec son entourage). Il s’avère que ces approches
psycho-éducatives sont plus faciles à proposer lors d’hospitalisations et hospitalisations de jour qu’en ambulatoire.
Leur efficacité est attestée [12]. Mais il faut que les patients
arrivent à se montrer observants, d’où l’intérêt de proposer de tels programmes comportementaux durant les hospitalisations éventuelles, ou peu après, en hôpital de jour.
Approches cognitives
Les thérapies cognitives, apparues ensuite, ont elles aussi
montré leur intérêt dans les formes légères à modérées de
dépression [4]. Dans les formes sévères, il semble préférable qu’elles soient associées aux antidépresseurs [31] ;
c’est-à-dire qu’il s’agit alors surtout de préparer le plus tôt
possible une démarche de prévention des rechutes [8] les
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aménagements des approches cognitives classiques ont été
mis au point : par exemple, centrés sur les ruminations [32]
ou sur les troubles de personnalité fréquemment associés
aux dépressions sévères [9, 35].
Les thérapies cognitives se donnent pour objectif
d’aider les patients à ne pas laisser les pensées automatiques dépressogènes s’implanter durablement dans leur
esprit. Un des éléments principaux de ces thérapies, à intégrer ensuite par le patient comme manière d’être [20],
c’est donc de prêter une grande attention à la manière
dont on pense, c’est-à-dire dont on se parle à soi-même. La
pensée dépressive y est considérée comme faite de paroles
abusives que l’on se tient en permanence à propos de soi et
du monde ; comme un murmure constant que le patient
n’écoute plus vraiment mais qu’il accueille inconsciemment, et qui tout doucement l’attriste, l’inquiète, le
démotive. La prise de conscience de l’existence de ces
pensées, de leur rôle psychotoxique et de la nécessité de
les discuter, tout cela est à la base de l’efficacité des thérapies cognitives.
« Vous ne pouvez pas empêcher les oiseaux de la tristesse de voler au-dessus de vos têtes, mais vous pouvez les
empêcher de faire leur nid dans vos cheveux », dit un proverbe chinois. Ainsi, les quelques études disponibles montrent que lors de la guérison, les croyances négatives sont
toujours là et toujours actives (peut-être un peu moins fortement) mais que des processus de contrôle (mise à distance et critique notamment) les filtrent très vite. Les
pensées négatives montent toujours à l’assaut de la
conscience du patient, mais elles sont tout de suite passées
au tamis de la raison et du recul [25]. Autrement dit, il
s’agit d’un retour à des capacités de tristesse normale (et
non d’une présence de pensées positives permanentes,
comme l’imaginent parfois les patients).
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Approches basées sur la pleine conscience
Actuellement, un enrichissement de ces approches est proposé par la Thérapie Cognitive basée sur la Pleine Conscience,
que l’on désigne souvent par l’acronyme anglais MBCT
(Mindfulness Based Cognitive Therapy). Très bien protocolé
[23] et relayé par des self-help-books destinés à la pratique
à domicile des patients [33], ce programme a notamment
montré une efficacité dans la prévention des rechutes
dépressives [30], en particulier chez les patients ayant présenté trois épisodes ou davantage, situation fréquente dans
le cadre de dépressions sévères, en réduisant le nombre de
récurrences durant la période de suivi, ou en allongeant
l’intervalle libre [5]. Il semble aussi intéressant, dans ce
même cadre préventif, pour certaines dépressions résistantes [2] ou chroniques [13].
Par rapport à la thérapie cognitive classique, la MBCT
met l’accent non pas sur la modification du contenu des
pensées négatives (restructuration cognitive) mais sur la
modification du rapport à ces mêmes pensées (prendre du
recul, les observer, en noter l’impact, avant de chercher à
les fuir ou à les modifier). Par exemple, face à une pensée
du type « je n’arriverai pas à faire face » :
•le mouvement naturel des patients sera soit de fuir la
pensée (distraction ou engagement dans l’action) ou de
s’y enliser (rumination) ;
•la démarche de l’approche cognitive sera de lui opposer
un discours rationnel du type : « est-ce sûr que je n’y
arriverai pas ? quels arguments ? et si cela se révèle vrai,
est-ce que ce sera aussi catastrophique que cela me semble ? quelles conséquences au pire ? » ;
•l’approche de pleine conscience consistera plutôt à
encourager le patient à considérer ces pensés négatives
pour ce qu’elles sont : des productions de son esprit, qu’il
sera invité à accueillir, observer, et laisser aller et venir à
sa conscience, sans chercher, dans un premier temps, à
les contrôler ou à les modifier.
L’efficacité de ces approches, encourageant au recul et
à la régulation émotionnelle, est logique, vu les nombreux
« pilotes automatiques » et activations automatiques
d’émotions et états d’âme pathologiques [6] chez les
patients déprimés en rémission. Mais la méditation de
pleine conscience n’a pas été à ce jour validée lors des
périodes aiguës de la maladie, même si différents travaux
continuent d’être conduits [3].
L’après-dépression et la psychologie positive
Écoutons l’écrivain Pierre Guyotat raconter la fin de sa
dépression [10] : « Après la clinique, c’est l’entrée dans la
dépression douce, la guérison lente : la récompense de cette
traversée de la mort, c’est, au lieu du palais enchanté que
l’on croit avoir gagné à la sueur de son sang mort, un monde
désenchanté, sans relief ni couleur notable, des regards ternes qui ne vous voient plus, des voix toujours adressées à
d’autres que vous qui revenez de trop loin, une obligation
quotidienne à survivre, un cœur qui ne fait passer que du
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sang, du sang qui ne chauffe plus… Il faut attendre. Sans
colère. S’appliquer à dormir, à se nourrir, à se laver, à se
vêtir, à marcher, chaque jour : le tout, presque seul, et sans
même soi-même à ses côtés : essayer par à-coups, si gauches, de reprendre du cœur. Patience, patience… »
L’après-dépression sévère ressemble ainsi parfois à un
immense chantier de reconstruction : se pose alors la question de l’apport des données issues du champ de ce que l’on
nomme aujourd’hui la « psychologie positive ». Cette dernière est une « réflexion scientifique sur le fonctionnement
humain optimal » [27], mais elle est aussi une autre façon de
penser à l’amélioration du bien-être humain, en se concentrant sur l’étude de ce qui construit notre santé, et non plus
seulement sur ce qui l’entrave. À ce titre, elle s’intéresse à
la manière dont les patients développent ou maintiennent
des activités ou attitudes mentales leur permettant, sinon
d’accéder au bonheur, du moins de savourer leur quotidien
de manière aussi agréable que possible [1]. Différents travaux suggèrent que l’absence de bien-être subjectif représente un facteur de récurrence dépressive [34], et justifient
que l’on propose aux patients ayant présenté des épisodes
sévères d’expérimenter des démarches psycho-éducatives
centrées sur l’optimisme, le lien social ou la régulation émotionnelle. Au vu des premières études disponibles [24],
même si celles-ci ne portaient que sur des dépressions d’intensité modérée, cela ne représente plus aujourd’hui une
démarche naïve, mais au contraire un souci de leur donner
toutes les chances de se rendre plus robustes.
Un de mes patients résumait ainsi la situation : « Il ne
suffit pas de guérir, il faut aussi réapprendre – ou même
apprendre – à bien vivre. Après la guerre contre la dépression – les traitements médicamenteux et les efforts psychothérapiques –, il faut aussi apprendre à vivre en paix, et à
reconstruire le mental sur des bases qui rendent la vie vivable ; même si c’est une paix armée… »
Sorties de dépression…
Avant de conclure, continuons de nous intéresser à ces
témoins exceptionnels que sont les écrivains ayant traversé
des dépressions sévères.
Pour certains, lorsqu’on a surmonté sa dépression, on
en sort un peu plus fort, comme l’affirme l’auteur américain Andrew Solomon [28] : « Cependant, j’ai découvert
une chose que je suis bien obligé d’appeler âme, une partie
de moi que je n’aurais pu imaginer avant qu’un jour, il y a
sept ans, l’enfer ne me rende inopinément visite. Presque
tous les jours, je connais des éclairs de désespoir et je me
demande à chaque fois si je suis en train de perdre pied.
{…} Ces sentiments me font horreur mais je sais qu’ils m’ont
amené à regarder la vie de plus près, à trouver des raisons
de vivre et à m’y accrocher. Il m’est impossible de regretter complètement le cours qu’a pris ma vie. Chaque jour,
parfois vaillamment et parfois à l’encontre de la raison, je
choisis de vivre. N’est-ce pas là un bonheur rare ? » Solomon
ne dit pas qu’il ne pourra jamais rechuter, mais il dit que sa
dépression l’a en quelque sorte enrichi et rapproché de luimême.
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Plus sombre et plus sobre, le suédois Stig Dagerman :
« Voilà ma seule consolation. Je sais que les rechutes dans
le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la délivrance me porte comme des ailes
vers le but vertigineux : une consolation qui est plus qu’une
consolation, plus haute qu’une philosophie : une raison de
vivre. » [7]
Le philosophe Clément Rosset est quant à lui plus circonspect avec l’idée de guérison : « Le plus sage est de
pactiser avec le mal, au lieu d’essayer en vain de l’éradiquer, et obtenir ainsi une honorable “partie nulle”, – comme
au jeu d’échecs… » [22]
Dans tous ces cas, on peut supposer qu’un travail d’élaboration a permis à chacun d’eux de donner un sens à ses
souffrances et sa maladie. C’est précisément ce type de
travail qui est visé dans les prises en charge psychothérapiques, quelle qu’en soit la forme.
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