État des connaissances sur les drogues facilitant les agressions
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État des connaissances sur les drogues facilitant les agressions sexuelles et sur les interventions infirmières Myriam Bartura inf. B. Sc. M. Sc. (étudiante) Judith Lapierre Ph. D. Professeure du département des sciences infirmières, UQO Novembre 2005 Tables des matières Introduction ....................................................................................................... 2 Portrait des agressions sexuelles au Canada ................................................... 3 Les drogues facilitant les agressions sexuelles (les drogues du viol) ............... 5 Tableau de comparaison des diverses « drogues du viol » .............................. 6 Points à mentionner à une victime qui croit avoir été sexuellement abusée et droguée ........................................................................................... 11 Programme SANE .......................................................................................... 12 Conclusion ...................................................................................................... 16 Références ...................................................................................................... 17 Annexe A : Répertoire des services aux survivantes et survivants adultes de violence sexuelle à l’égard des enfants, au Québec ...................... 23 Au Canada , une jeune fille sur cinq de niveau secondaire est au prise avec une relation amoureuse abusive. Dans 60% des agressions sexuelles, la victime est âgée de moins de 18 ans. Plus de 13 femmes et fillettes sont agressées sexuellement, chaque jour, en Colombie Britannique. Seulement 10% des agressions sexuelles commises sur des femmes sont rapportées à la police. Au Canada, il y a environ 509 860 cas d’agressions sexuelles, rapporté ou non à la police, chaque année. Ceci représente 1 397 agressions sexuelles chaque jour. Cela équivaut à une femme ou un enfant agressé sexuellement chaque minute, quotidiennement. Depuis la nuit des temps, les agressions sexuelles sont taboues. Certains crient au sexisme de la communauté, d’autres expliquent ce phénomène par la mode vestimentaire ou par la violence et la nudité véhiculées par les médias. Quoiqu’il en soit, il s’agit d’une réalité sociale incontournable, franchissant les frontières de l’âge, du sexe, de la classe sociale et de l’ethnie. N’aidant en rien, diverses drogues employées pour commettre des agressions sexuelles ont récemment fait leur apparition. Le présent document a pour but d’informer et de faciliter le dépistage d’utilisation de drogues du viol, notamment lors d’agressions sexuelles. Il est important de prendre conscience que certaines victimes auront consommé des substances qualifiées de drogues du viol, à leur insu, alors que d’autres les auront consommées volontairement (U.S. Department of Justice, 2004). Ceci dit, une victime de viol n’est en aucun cas responsable de ce qui lui est arrivé. Le gouvernement du Québec (2001) en collaboration avec divers ministères ont produit des orientations gouvernementales en matière d’agression sexuelle. Voici la définition qu’ils ont élaborée : 3 « Une agression sexuelle est un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou, dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par du chantage. Il s’agit d’un acte visant à assujettir une autre personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite. Une agression sexuelle porte atteinte aux droits fondamentaux, notamment à l’intégrité physique et psychologique et à la sécurité de la personne. » Portrait des agressions sexuelles au Canada Selon Statistique Canada (2005), les taux d’agressions sexuelles au Canada tendent à être en constante régression depuis 2000. Les taux les plus bas se retrouvent au Québec (58,6 par 100 000 habitants) et les taux les plus élevés en ordre croissant sont au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et finalement au Nunavut, qui atteint un taux de 941,2 par 100 000 habitants, en 2004. Malgré le fait que le taux d’agression sexuelle au Québec soit très bas, il importe de le remettre en question. En effet, ce taux reflète-t-il une sorte de loi du silence qui serait toujours présente ou est-il réellement représentatif de la situation? Quoiqu’il en soit, il est important de se rappeler que l’objectif à atteindre est un taux de zéro agression sexuelle. Au Canada, les agressions sexuelles chez les enfants sont surtout faites par des membres de la famille ou des proches. Cependant, les adolescents de 14 à 17 ans sont les plus susceptibles d’être agressés par un pair ou un étranger (Statistique Canada, 2005). 4 La lutte n’est pas terminée puisqu’à l’heure actuelle, neuf agressions sur dix (10) ne sont pas dénoncées (Radio-Canada, 2005). La Sûreté du Québec estime pour sa part qu’entre 75 et 90% des abus sexuels ne sont pas signalés aux organismes de protection (Service des relations communautaires de la Sûreté du Québec, 1999). Le service des relations communautaires de la Sûreté du Québec (1999) affirme aussi qu’une femme sur trois et un homme sur six ont été abusés sexuellement avant l’âge de 18 ans (Radio-Canada, 2005). Il est primordial de comprendre que peut importe l’âge, le sexe ou l’orientation sexuelle des victimes, l’agression sexuelle est possible. En effet, il semblerait que la fréquence de la violence domestique chez les couples homosexuels est la même que chez les couples hétérosexuels (aardvarc), incluant la violence sexuelle. Fineran (2002) admet qu’il y a un problème d’harcèlement sexuel chez les étudiants homosexuels mais que cela est souvent mal rapporté par les professionnels du milieu car ces derniers tendent à banaliser la problématique, voir à l’ignorer. Au niveau municipal, les CALAS de l’Outaouais affirment avoir répondu à 220 demandes d’aide, incluant 59 accompagnements effectués dans le cadre du service d’accompagnement d’urgence en matière d’agression sexuelle (CALAS, 2005). Parmi ces demandes d’aide, l’organisme communautaire a vu une augmentation de la demande provenant particulièrement du groupe d’âge des 12-17 ans qui représente maintenant, 22% de la « clientèle », au même titre que le groupe d’âge des 30-39 ans (22%). Il est à noter que 37% des victimes qui ont recourt aux services offerts ont été agressées entre 0 et 11 ans. Ce qui porte à un total de 69% des victimes qui ont été agressées avant l’âge de 18 ans, alors que 32% d’entre-elles l’ont été entre 12 et 17 ans (CALAS, 2005). Les agressions incestueuses sont de l’ordre de 40%, dont 38% étaient commises par le père des victimes (CALAS, 2005). 5 Les CALACS de Laval qui accompagnent les femmes tout comme les hommes à travers leur croissance, ont un portrait de la situation pratiquement similaire à celui de l’Outaouais. En effet, 27% des demandes d’aide sont faites par des victimes appartenant au groupe d’âge des 30 à 45 ans. Vient ensuite, le groupe des 12 à 17 ans qui représente pour sa part 21% de la « clientèle ». De plus, 40% des victimes qui consultent ont été agressées entre 0 et 11 ans. L’inceste est le type d’agression le plus représenté en étant de l’ordre de 42% (CALACS, 2005). Cette dernière statistique est explicable par la forte proportion de victimes ayant été agressées entre 0 et 11 ans. En effet, tel que démontré précédemment à l’aide de statistiques, les enfants sont généralement agressés par des membres de la famille (Statistique Canada, 2005). Cette affirmation est soutenue par le fait que le lien entre la victime et l’agresseur, dont le pourcentage est le plus élevé, est à 27% le père ou le beau-père des victimes. Vient ensuite les connaissances à 19 % et la parenté à 17% (CALACS, 2005). Les drogues facilitant les agressions sexuelles (les drogues du viol) Lorsque l’on parle de « drogues du viol », on fait principalement mention à trois substances : le GHB (gamma hydroxybutyric acid), le rohypnol (flunitrazepam) et la kétamine (ketamine hydrochloride) (voir Tableau 1). Cependant, « l’alcool, le cannabis, la cocaïne et les benzodiazépines peuvent également favoriser les relations sexuelles forcées et être considérés comme des drogues du viol. » (Cybersciences.com, 2002). Le premier cas recensé d’agression sexuelle au Canada utilisant le rohypnol a eu lieu à Edmonton, en Alberta le 4 février 2000 (Banks & Cole, 2002). Différents auteurs s’accordent pour dire que le GHB est une drogue particulièrement prisée lors de « raves » (Cyberpharmacie, 2005; cyberscience.com, 2002; Bernèche et al., 2000; ). O’connell et al. (2000) Tableau 1 Comparaison des diverses « drogues du viol » Nom des drogues Présentation physique de la drogue GHB (gamma hydroxybutyric Rohypnol (flunitrazepam) acid) Liquide, sans odeur ni Comprimé qui se dissout dans les liquides, sans couleur. couleur; (NWHIC, 2004). Poudre blanche; Comprimé ou poudre blanche (cyberpharmacie, NWHIC, (Banks & Cole, 2002, RTCSM) 2004; RTCSM). Ketamine (ketamine hydrochloride) Poudre blanche (NWHIC, 2004). Poudre (RTCSM) ou liquide N.B. les nouveaux comprimés deviennent bleus au contact d’un liquide. (NWHIC, 2004 et Goût salé (Banks & Cole, Banks & Cole, 2002) 2002). Comprimé; (NWHIC, 2004, RTCSM). Effets La cyberpharmacie affirme que les effets cliniques deviennent manifestes 5 à 15 min. après la prise du produit. Sa demi-vie est de 27 min. Les effets varient de 1 à 4 heures. Les effets physiques les plus communs: amnésie durant la durée d’action, dépression du système nerveux central (dépression respiratoire, bradycardie, hypotension, Selon Banks & Cole (2002), les effets du rohypnol se font sentir en 20 à 30 min. Cependant, avec la combinaison d’alcool, les effets sont intensifiés. Le pic d’action se situe entre 1 à 3 heures avec une amnésie variant de 20 min. à 4 heures. Les effets physiques les plus commun : amnésie durant la durée d’action, hypotension, somnolence, anxiété, Les effets de la kétamine se font sentir environ 15 min après une ingestion orale. Le pic d’action est de 3 heures. L’amnésie dure de 1 à 2 heures. Il s’agit d’un stimulant du système nerveux central qui cause de la rigidité musculaire, nystagmus, des tremblements, dépression respiratoire, perte temporaire de vision, nausée, vomissement, 7 Autres noms somnolence, diminution de la fréquence respiratoire, coma (lorsque induit par GHB, il peut durer de 3 à 6 heures)) dyspnée, tremblement, sudation, impression de rêver, photophobie, ataxie, vertiges, nystagmus, nausée, vomissement, myoclonies, paupières tombantes, mouvements saccadés des yeux, incapacité des yeux de converger, convulsions, mort (surtout lorsque mélangé avec alcool, augmentation de la dépression respiratoire, arrêt respiratoire, mort) (Banks & Cole, 2002, cyberphar-macie, NWHIC, 2004; RTCSM). Bodybuilder’s, cherry meth, smart drug dans les party rave, Grievous Bodily Harm, GBH, Liquid X, Liquid E, Liquid Ecstasy, Easy Lay, G,Vita-G, G-Juice, Georgia Home Boy, Great hormones, Somatomax, Bedtime scoop, Soap, Gook, Gamma 10, augmentation des rêves, altération du jugement et étourdissement, impression d’être « soul », problème d’élocution, diminution de la motricité, perte du tonus musculaire, perte de conscience, confusion, problème de vision, problème gastrique. (Banks & Cole, 2002; NWHIC, 2004; RTCSM,) éruptions cutanées,. Difficulté à séparer les rêves de la réalité par la suite. (Banks & Cole, 2002) « The forget drug », Roofies, Rophies, Roches, Roaches, La Rochas, Rope, Rib, Forget Pill, Poor, Man’s Quaalude, Whiteys, Trip-and-Fall, Mind Erasers, Mexican Valium, Lunch Money (se qui réfère à son prix modique (Banks & Cole, 2002; Rape Treatment Gift of blankness, special K, super acid K, Vitamin K, Black hole, Bump, Jet, K-Hole, Kit Kat, Psychedelic Heroin, Purple (Banks & Cole, 2002; Rape Treatment Center de Santa Monica). Hallucinations, perte de la notion du temps et d’identité, distorsion de la perception des sons et de la vue, convulsions, engourdissement, perte de coordination, comportement violent ou agressif, problème d’élocution. (NWHIC, 2004; RTCSM). 8 Statut légal Energy Drink (Banks & Cole, 2002; Rape Treatment Center de Santa Monica). Le GHB est légal depuis peu aux États-Unis, pour le traitement exclusif de la narcolepsie. Par contre, il est disponible dans des « smartshops » aux Pays-Bas (cyberpharmacie). Au Canada, le médicament n’est pas encore commercialisé, mais pourrait devenir disponible légalement sous prescription seulement (un avis de conformité pour le Xyrem (GHB) a été émis par Santé Canada: http://www.nocdatabase.ca/). Le GHB est une drogue dite « drogue contrôlée » au Canada. Center de Santa Monica). Le rohypnol est illégal aux Etats-Unis. Au Canada, il s’agit d’une substance contrôlée non commercialisée (donc non disponible sous prescription), et donc illégale. Il est considéré comme une substance ciblée au Canada. Par contre, sa distribution est d’autant plus facile qu’au Mexique, en Europe, en Asie, en Amérique du sud et en Australie, il demeure disponible sous prescription (Banks & Cole, 2002). À la base, il s’agit d’un médicament prescrit lors d’insom-nie et en tant qu’anesthésique. La kétamine est légale aux États-Unis et est utilisée comme anesthésique chez les humains et surtout chez les animaux. Il est à noter que plusieurs cliniques vétérinaires se font cambrioler pour la kétamine. Au Canada, la kétamine est disponible légalement sous prescription seulement. La kétamine est considéré comme un stupéfiant depuis mai 2005 (Santé Canada). N.B. Presque tous les articles traitant du rohypnol et du GHB, mentionnent un potentiel de dangerosité important lorsque mélangés avec de l’alcool. En effet, puisque ces deux substances dépriment le système nerveux central, le potentiel d’arrêt respiratoire en est augmenté. 9 reconnaissent que les jeunes sont les principaux consommateurs de GHB mais il ne faut pas oublier les culturistes puisque le GHB aurait des propriétés qui stimuleraient l’hormone de croissance et par conséquent la masse musculaire Au service de police de la ville de Montréal, « les agressions sexuelles liées aux drogues du viol représentent environ 10% des 1 500 cas» traités annuellement (Deléglise, 2002). À la clinique pour victimes d’agression sexuelle de l’Hôtel-Dieu, les agressions sexuelles susceptibles d’être liées aux drogues du viol seraient de 15% (Bernèche et al.,2000). Cependant, dans une étude menée par Slaughter (2000), sur 2 003 spécimens d’urine, le GHB et le rohypnol étaient présents dans moins de 3 % des cas. Ce dernier résultat est probablement explicable par le fait que ces drogues demeurent extrêmement difficiles à dépister. En effet, non seulement il faut à la victime quelques heures pour se rappeler ce qu’elle vient de vivre (lorsqu’elle y parvient) mais en plus la honte et la culpabilité font souvent en sorte que la victime n’ose pas se présenter à un hôpital. De plus, afin de détecter adéquatement les substances absorbées, des analyses doivent être faites de 12 à 48 heures suite à leur ingestion (Bernèche et al., 2000). Ceci dit, Deléglise (2002) affirme que des analyses d’urine permettent de détecter quelques substances chimiques au-delà de 72 heures. Le U.S. Department of Justice (2004) suggère des analyses d’urine jusqu’à 96 heures lorsqu’il est suspecté que des « drogues du viol » ont été utilisées. En résumé, le rohypnol, le GHB et la kétamine agissent tous en 10 à 30 minutes. Leur durée d’action se situe entre une à quatre heures. Bien entendu, cette durée est approximative et est en fonction du poids de la personne, du contexte de la consommation (si l’individu a consommé d’autres drogues ou alcool en même temps), de la voie d’absorption et du métabolisme de l’individu. 10 Les effets qu’ont en commun toutes ces drogues sont principalement de l’amnésie, de la difficulté à séparer les rêves de la réalité (sensation de rêver) et une dépression respiratoire. Les malaises gastriques (nausées, vomissements) sont présents pour chacune de ces substances. L’hypotension et la somnolence sont deux effets que l’on retrouve lors de la consommation de rohypnol ou de GHB. La kétamine et le rohypnol peuvent tous deux entrainer des troubles de l’élocution. La dépression respiratoire, les convulsions et le coma peuvent être des conséquences possibles, surtout lors de la consommation concomitante et en forte dose d’alcool. En ce qui a trait au GHB, il peut, en plus des autres symptômes mentionnés ci-haut, créer de la bradycardie, de la dyspnée, des tremblements, de la sudation (attention au risque de déshydratation), de la photophobie et des vertiges. Des nystagmus, des myoclonies (souvent confondues avec des convulsions) et de l’ataxie peuvent se produire. Finalement, des troubles dans la région oculaire peuvent survenir, tel que des paupières tombantes, des mouvements saccadés des yeux et une incapacité des yeux à converger. Quant au rohypnol, l’anxiété, l’altération du jugement et des étourdissements sont communs. Des problèmes d’ordre moteur peuvent survenir tel qu’une perte du tonus musculaire et une diminution de la motricité. La confusion, l’impression d’être « soul » et la perte de conscience sont d’autres manifestations possibles. La kétamine pour sa part cause de la rigidité musculaire, la perte de coordination, des tremblements, des nystagmus et de l’engourdissement. Les hallucinations, la perte de la notion du temps et d’identité, la distorsion de la perception des sons et de la vue ainsi que la perte temporaire de vision sont 11 autant de symptômes qui peuvent surgir. Un comportement violent ou agressif peut se manifester. Points à mentionner à une victime qui croit avoir été sexuellement abusée et droguée Le National Women’s Health Information Center (2004) font les recommandations suivantes à toute victime potentielle d’agression sexuelle sous l’influence d’alcool ou de drogue : - Aller à une station de police ou à un hôpital le plus rapidement possible; - Faire un test d’urine le plus tôt possible afin de détecter les drogues utilisées; - Ne pas uriner avant d’avoir obtenu de l’aide; - Ne pas prendre de douche, de bain ou ne pas changer de vêtement avant d’avoir eu de l’aide. Cela peut effacer des pièces à conviction (Bernèche et al., 2000); - Le Rape Treatment Center de Santa Monica ajoute même qu’il ne faut pas se brosser les dents, ne pas se laver les mains, ne pas manger ni boire avant l’évaluation médicale. Il est aussi pertinent de donner les coordonnées de centres d’aide aux victimes (voir annexe A). 12 Programme SANE Il serait impossible de discuter d’agressions sexuelles sans présenter un programme qui prend de plus en plus d’ampleur aux États-Unis et qui est en émergence au Canada. Il s’agit du programme SANE (« Sexual Assault Nurse Examiner »). Ce programme est une initiative infirmière ainsi que de quelques leaders communautaire (Melton & al., 2001). Il voit le jour pour la première fois vers la fin des années 1970, à Minneapolis (Minnesota), Memphis (Tennessee) et Amarillo (Texas) (SANE, 2005). La mission du modèle SANE est d’offrir un traitement confidentiel, sympathique et approprié aux victimes d’agression sexuelle. Le programme aide aussi le système légal en amassant des preuves médico-légales et en témoignant lors d’audience devant la cour. Le programme a également pour mission de sensibiliser la communauté au problème des agressions sexuelles en faisant parvenir l’information pertinente à divers leaders politiques ainsi qu’aux corps policiers et médicaux. De plus, l’éducation et la prévention dans les écoles et les groupes communautaires font aussi partie intégrante du mouvement (Melton et al., 2001). Pour leur part, Du Mont et Parnis (2003) résument le but ultime du programme SANE comme étant d’augmenter le rendement, la cohérence et la qualité des soins de santé et des preuves d’agression (prélèvement, photo, ….) en utilisant qu’un seul professionnel. Le principal accès à ce service se fait par les hôpitaux mais quelques cliniques l’offrent aussi. En juillet 1999, la fondatrice du Programme SANE estimait à 300 le nombre de points de service majoritairement disponibles aux États-Unis (SANE, 2005). Pour sa part, l’association américaine des infirmières a reconnu en 1995 le « forensic nursing » comme une spécialité infirmière (SANE, 2005). 13 Le fonctionnement du programme SANE est d’avoir un groupe d’infirmières spécialisées, ayant reçu la formation SANE. Elles sont disponibles, par téléavertisseur, à tour de rôle. Le service doit être en fonction 24 heures par jour, sept jours par semaine. L’infirmière de garde se doit de répondre aux appels en 30 à 60 minutes. En général, le personnel médical des urgences (infirmières ou médecins) doivent s’assurer qu’aucune blessure de la victime ne met sa vie en danger. On estime à environ 3% les victimes nécessitant des traitements urgents pour leur blessure (Kagan-Krieger & Rehfeld, 2000; Williams, 2003). Par la suite, l’infirmière SANE prend le relais. Cette dernière a pour mandat d’intervenir en situation de crise, afin de diminuer l’anxiété de la victime et obtenir les preuves d’une agression, que la force a été utilisée et finalement trouver des preuves sur l’identité de l’assaillant. (Kagan-Krieger & Rehfeld, 2000). Pour ce faire, l’infirmière SANE se doit : - D’obtenir, au courant de l’entrevue, les informations pertinentes au traitement telles que l’histoire de santé du patient et les détails du crime; - Accomplir un examen fonctionnel psychologique afin de déterminer si la victime est orientée dans les trois sphères (temps, espace, personne) et évaluer si un risque de suicide est présent; - Exécuter un examen physique (examen spécifique); - Amasser et préserver des pièces à conviction. Documenter le tout; - Effectuer des prises de sang ainsi qu’un prélèvement urinaire et envoyer le tout à un laboratoire désigné qui est en mesure de déceler l’usage possible de « drogues du viol »; - Traiter et/ou référer la personne pour un traitement médical (l’infirmière SANE est en mesure de traiter des blessures mineures tel que de légères abrasions et lacérations); - Octroyer à la victime un traitement prophylactique contre des infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS); - 14 Apporter à la victime les références médicales et psychologiques nécessaires ainsi que des soins et du support (Littel, 2001). Il est à noter que les examens ne sont jamais exécutés sans le consentement des victimes (SANE, 2005). L’infirmière SANE est habituellement en étroite collaboration avec des agents de police, des avocats ainsi que des organismes communautaires spécialisés dans l’accompagnement des victimes. Au Québec, les CALACS seraient un exemple d’organisme communautaire d’accompagnement. Les bénéfices que procurent le programme SANE aux victimes d’agression sexuelle et dans certains cas, de violence conjugale, sont les suivants : - Un temps d’attente diminué en comparaison au temps d’attente dans une salle d’urgence (Stermac & Stirpe, 2002; Little, 2001). Ceci s’avère très important puisque durant le temps d’attente, la victime ne doit ni manger, ni boire, ni même uriner car tout cela risque de détruire des preuves de son agression (Campbell, 2004); - L’excellence de l’intégrité des pièces à conviction et la crédibilité des infirmières SANE lors de témoignages en cours (Melton et al., 2001); - L’augmentation de l’efficacité et de la rapidité de la collecte de preuves médico-légales, une diminution des coûts pour les patients (dans les pays dont le système de santé n’est pas universel et gratuit) (Melton et al., 2001); - Un meilleur accompagnement des victimes étant donné le temps d’interruption plus faible lors des soins (20%) que celui des médecins (25.1%) (Stermac & Stirpe, 2002). 15 Au Canada, ce programme est disponible au Manitoba (Kagan-Drieger & Rehfeld, 2000), en Colombie Britannique par le biais du « Sexual Assault Services » au « BC Women`s Health Centre » à Vancouver ainsi qu’à Prince George. À Edmonton, en Alberta, le service est disponible (Kent, 2000) et l’Université de Calgary ainsi que celle de Mount Royal College offrent un diplôme en Forensic Nursing. L’Université de Saskatchewan en fait de même. En Ontario, plus précisément à Toronto ainsi qu’à Ottawa (Stermac & Stirpe, 2002), un tel programme SANE est en fonction. L’hôpital général de North Bay vient de se doter de ce programme (Stephens, 2004), lui aussi. Pour sa part, la Nouvelle-Écosse a emboîté le pas avec un projet pilot de trois ans (Nova Scotia Department of Health, 2001). Malheureusement, au Québec, aucun document ne fait mention d’un tel programme. Pourtant, selon un communiqué de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, la loi 36 permet à l’infirmière de remplir la trousse médico-légale. Conclusion Le présent document a fait état de quelques statistiques en ce qui a trait aux agressions sexuelles au Canada. Les drogues facilitant les agressions sexuelles ont été expliquées, ainsi que le programme SANE. Finalement un répertoire des services aux survivantes et survivants adultes de violence sexuelle a été joint en annexe. Pour terminer, bien que les taux d’agression sexuelle aient diminué de manière constante depuis 2000 et que le Québec détient le taux le plus faible au Canada, il importe de ne pas se réjouir de ces chiffres dans l’immédiat. En effet, la réelle interrogation est de connaître la raison pour laquelle le Québec a ce faible taux. Est-ce parce que la loi du silence est toujours de mise ou est-ce parce que les programmes de prévention initiés par l’agence de santé publique et la Sûreté du Québec commencent à porter fruits? Quoiqu’il en soit, la meilleure arme dont on dispose pour le moment est très certainement la prévention mais aussi le dépistage précoce des agresseurs. Références Périodiques Banks, K , Cole, L. (2002). Drugged and sexually assaulted. 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