Patrimoine et histoire de Pralognan Toponymie Pralognanaise (1ére
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Patrimoine et histoire de Pralognan Toponymie Pralognanaise (1ére
Patrimoine et histoire de Pralognan Toponymie Pralognanaise (1ére partie) Par Géologos Petite histoire des noms de lieux de Pralognan-la-Vanoise ou petit florilège de la toponymie pralognanaise. Vous avez sans doute remarqué que nous vivons dans un monde de plus en plus marqué par des noms pour nommer des lieux. Même des routes sans nom propre viennent à être baptisées. Des ruisseaux anonymes aussi... Or, combien de noms de lieux (toponymes) sont en passe de disparaître (ou ont déjà disparus)... Nous allons donc essayer d'en nommer (et en expliquer) le plus. En commençant par les deux plus importants de Pralognan-la-Vanoise, ceux-là même qui composent son nom : PRALOGNAN et VANOISE. Le premier, ne pose pas de « problèmes » pour nombre de pralognanais (ainsi que de nombreux allochtones) : il signifie « prés éloignés ». Effectivement, PRA (qui est aussi écrit « praz » comme dans les cas du Praz de Saint Bon Courchevel ou de celui de la commune mauriennaise de Saint André en aval de ModaneFourneaux. Nous avons aussi Praz sur Arly) vient du latin pratum, le pré. A voir ces trois sites, il faut penser que la platitude, plus ou moins importante, par rapport aux alentours, a poussé à utiliser ce terme... Pour notre Pralognan, le pré dit du Grand Plateau a du être un facteur déterminant. Vient ensuite LOGNAN. Qui signifierait donc « éloigné ». Là aussi, deux choses : 1. Si on revient sur les anciennes graphies de Pralognan : « In Prato longinquo » et « Apud Prata longinqua » au Xème siècle, « Domus de Pratolonginco » en 1184, « Prioi in Alpibus Prati Longinqui » au XIIIème siècle; nous pouvons remarquer le rattachement ou non du terme « Prato ». Et des variantes comme « Prati » ou « Prata ». Avec « longinquo », « longinqua » et « Longinqui », ces trois termes étant des variantes de déclinaison de « longincum ». Luimême synonyme du bas latin « longianum », qui signifie « lointain ». Cet adjectif étant formé sur le latin longe, « loin, au loin ». Sur une carte de 1648, on y voit la première mention de Pralognan sur une carte sous la mention « Pralorgnan ». Des lieux portent simplement ce terme : par exemple, la Montagne de Lognan, sur la commune de Chamonix-Mont-Blanc, non loin d'Argentière. Qui vit son terme « monté » au Glacier de Lognan. A Tignes, il existe un Chalet de Lognan. 2. D'autre part, il y a d'autres Pralognan en Savoie. Le premier se trouve sur la commune mauriennaise de... Saint André (coïncidence ?). Et en amont, rive droite, du ruisseau qui arrose la Praz de Saint André (notez ici que, comme dans le Chablais, on utilise le féminin. Alors que celui de Saint Bon est masculin. Pour ne pas les confondre ?). Notez que ce Pralognan garde des moulins à eau qui fonctionnent. Il en existe un autre, qui lui aussi mérite bien son nom, sur la commune de Bourg Saint Maurice. Celui-ci est donné à une Pointe (altitude 2663 m) et à un passage entre elle et sa voisine, la Pointe Noire. Ce passage permet de déboucher dans la Combe de la Neuva. Pour y accéder, il faut monter aux Echines de Bourg Saint Maurice. Et de là, remonter vers l'amont le cours du Charbonnet. Avant d'analyser le second terme, on pourrait admettre une parenté entre Pralognan et le toponyme « pralong ». le « n » aurait été changé de place, et voilà un « pré long, allongé ». D'autant que, nous avons, à Pralognan un grand pré qu'est le Plateau. Mais aussi la montée entre le Plan et les Darbellays. Ce que le Guide Michelin Vert des Alpes du Nord n'a pas hésité à affirmer. Et le doute pourrait subsister en regardant qu'à Saint Bon Courchevel, nous avons des « Chalets de Pralong » et une montagne du même nom. Là où s'est installé l'altiport. A regarder l'histoire (et la géographie) de Saint Bon, cet alpage est loin de Saint Bon. Mais il s'inscrit tout en long ! Bref, il faut comprendre que Pra Lognan aurait pu être un Pra Long. Et comment expliquer que ce soit Lognan qui ait pris « l'avantage » sur Long ? Il faut y voir la trace historique (et ecclésiastique) de la fondation du Prieuré de Pralognan. Dépendant du Chapitre de la Cathédrale de Moûtiers, il en était la structure la plus éloignée. Et avec les difficultés de circulation, surtout en hiver, en faisait un peu un bout du monde. Néanmoins, cette présence priorale était aussi là du fait de l'existence du chemin du Col de la Vanoise... Puisque nous venons de l'introduire, voyons ce que peut signifier le terme Vanoise. Là aussi, il faut remonter le plus loin possible pour trouver des formes permettant une analyse. Sur la carte de 1648, il est mentionné la Vanoife. Sur la version de 1652, plus de Pralorgnan, ni de Vanoife, mais le tracé du chemin, certes assez erroné... Néanmoins, grâce à Adolphe Gros, nous avons une trace du XIVème siècle. Sur un document termignonais, il a découvert une Vallis Noxia ou Noysia. Il fait aussi remarquer qu'il existe un autre Vanoise en France. Une autre source nous mentionne le terme Vanouèsa, mais il ne cite pas d'où vient sa source documentaire... Quoiqu'il en soit, à consulter la tentative de Marius Hudry pour clore le sujet, et les travaux de Paul Louis Rousset (et le site de Henri Suter), nous avons deux positions : 1. La première se base sur une interprétation dite préromaine. Le terme viendrait du préfixe « Van », venant du gaulois vanno (selon Suter) ou du ligure (selon Rousset) qui signifierait un sommet, une pente. Mais que serait le reste du terme (oise ou ouèsa) ? Et quel sommet aurait-il eu la primeur ? La Grande Casse ? Pointe des Encouloirs pour les Tignards, et probablement la Grande Casse par les Termignonais puisque casso, en Maurienne et Briançonnais, désigne de longs et grands éboulis. Comme ceux de la face Maurienne de la Grande Casse... 2. La deuxième se base sur la découverte de Gros. Le problème est de savoir où se trouve le dit document. Ensuite, Chapoutot nous confirme que Gros n'a pas osé s'avancer sur la signification... Il faut dire que celle-ci, et Hudry n'hésite pas (in Travaux Scientifiques du Parc National de la Vanoise, tome XIX, 1995), ne signifierait, non pas Vallée de la neige (ou des neiges) [et pourtant quel argument commercial en ces temps de neige « maigre »], mais vallée nuisible ou des nuisances ! En effet, en latin, noxia signifie mauvais... Or, Gros avait aussi noté que le dit document semblait avoir comme raison des évènements « désagréables » provenant de l'amont de Termignon. Son Doron avait-il fait des siennes ? Mystère. Et puis, n'oublions pas qu'il fallut attendre le 19ème siècle et les Romantiques pour que la montagne maudite devienne une montagne agréable, source de beauté... Enfin, le fait d'admettre un côté dangereux dans ce toponyme ne peut pas être forcément négatif. Car, on raconte que la Vanoise serait l'ancien nom du vent d'Ouest soufflant au Col. Vent ajoutant au désagréable si le mauvais temps s'y met (neige comprise). D'autant que de part et d'autre du Col (à Pralognan et à Termignon), nous avons un édifice religieux consacré à un vocable de la Sainte Vierge à des fins de compassion envers une épreuve difficile et périlleuse. Comme le passage d'un col (et de sa vallée) de mauvaise réputation... Nous arrivons donc à un constat : derrière un site qui, depuis, fut de nombreuses fois décrit en des termes élogieux de beauté, de grandeur; nous avons un toponyme évoquant un pré éloigné, reculé (Pralognan). Et qui se trouve non loin d'un lieu où règne des conditions peu agréables de pente ou de conditions climatiques et météorologiques (Vanoise). Mais, ce qui faut voir aussi, c'est que ces termes véhiculent aussi ce qui les a fait naître. Et que de ce côté là, constatons l'honnêteté de ces deux toponymes, car un lieu retiré, c'est aussi agréable pour le repos du corps. Mais aussi pour réfléchir (et ça, les chanoines l'avaient déjà compris). Mais qu'aussi, nous nous retrouvons dans un milieu physique et humain que l'on appelle la montagne. Et que ce n'est pas si évident d'y vivre. Une semaine ou deux par an, en terme de vacances; ce n'est pas à l'année... La prochaine fois, nous ferons connaissance avec les toponymes que sont nos hameaux (ou villages) de Pralognan, depuis le Villard jusqu'aux Prioux. Toponymie Pralognanaise (2éme partie) Par Géologos Avant de continuer, comme il avait été promis, j'aimerais revenir une nouvelle fois sur LES toponymes majeurs que sont Pralognan et la Vanoise. Le premier, ne nous avait pas posé de « problèmes ». Or, j'ai eu raison de me méfier de la parenté entre Pralognan et le toponyme « pralong ». En effet, si nous prenons le « dictionnaire étymologique des noms de lieux en France » d'Albert DAUZAT et Charles ROSTAING, à la page 545, au nom « Prades », rubrique 6 Epithète, nous pouvons lire : « Pralognan, Sav. (in Prato longinquo, XIIIe s. ; longianum allongé) ». Et voilà donc notre « pré éloigné » devenu « pré allongé »! Ensuite, revenons sur le terme Vanoise... Dans une autre publication des sieurs DAUZAT et ROSTAING (en collaboration avec Gaston DESLANDES), le « Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France », nous avons en page 230, dans l'article VANS (Les Grands), cette petite analyse de Vanoise : « Vanoise (Aiguille, Col, Massif de la), Sav., vaste ensemble de rochers et de glaciers au N.E. de Pralognan (Vanoesia 1622), 3951 m à l'Aiguille, 3852 m au Col : suff. -esia (?) ». Avec le préfixe « Van », qui serait d'origine préceltique et qui signifierait « chaos de rochers ». Comme celui à la base de l'Aiguille de la Vanoise au passage du seuil de l'Ouille. Arrivé à ce point, je ne peux résister à l'envie de vous citer ce que dit GROS Adolphe (1935/ 1973/ 1990) vis à vis de ce terme (et pour le plaisir, ce qu'il admet pour... Pralognan) : Tout d'abord, p. 487, voici sa définition de VANOISE (Col de la) : « Entre Termignon et Pralognan. La clé des hautes vallées de l'Arc et de l'Isère (alt. 2 846 m). -Vanoesia, 1622 [Jacques Bertrand, Diva Virgo Charmensis, 57]. - Vanoise dans la carte de Borgonio, XVIIe siècle, qui ne donne pas ce nom au col, mais à une montagne plus au nord que le col actuel. - Vanaise (Carte Chaix, 1832). - Vanoise, 1855 [Mortillet, Guide de la Savoie). Vanoise, 1856 (Carte Sarde). Homonyme : Vanoise, hameau de la commune de La Roche-Millay (Nièvre), Valnosia, XIVe siècle; Vallis Noxia, vers 1500; Vanoize, 1555 ;Vannoise, 1652. Les formes données ci-dessus de la Vanoise des Alpes de Savoie sont trop modernes pour permettre de conclure à l'identité des deux toponymes. Mais par un heureux hasard, il nous est tombé dans les mains un fragment de charte découpée pour servir de couverture à un livre. Cette charte, qui est du XIVe siècle, concerne la commune de Termignon et fait mention d'une Valle noysy. C'est tout ce que nous avons pu tirer de ce parchemin si détérioré, mais cette simple mention nous donne l'étymologie de la Vanoise de Termignon. Vallis noysy, dans la graphie de l'époque, est la même chose que vallis noysia, et ce dernier vient de vallis noxia, comme la Vanoise de la Nièvre. Dans les deux toponymes, nous observons l'amenuisement de val(vallis) en va : Vanoise au lieu de Valnoise ou Vaunoise, comme on s'y attendrait. Cf. Vaunoise, nom d'une commune de l'Orne, dont nous ignorons d'ailleurs l'étymologie. Autre homonyme : La Vannoise, ferme, commune de Margon (Eure-et-Loir); Valnoisa, 1130; Vaunoyse, 1573. » Remarquons, au passage, deux choses : l'altitude « étrange » du col (que se soit par DAUZAT et ROSTAING et par GROS). D'autant que, il y a cette allusion à cette « clé des hautes vallées de l'Arc et de l'Isère ». Il pourrait y avoir confusion entre La Vanoise et le Col de l'Iseran (qui n'atteint pas, non plus, 2846 m). L'autre remarque concerne la forme de 1622 (dont la source bibliographique est citée). Le problème est que « Diva Virgo Charmensis », c'est Notre-Dame du Charmaix, dans le vallon du ruisseau du même nom, au Sud-Ouest de Modane-Fourneaux (là même où est implantée la station de ski de Valfréjus). Notons que ce ruisseau a toujours été un danger pour Fourneaux (cf. MOUGIN, 1914/ 2001, pp. 1008-1015). Donc, Vanoesia, pourrait prendre ce sens, si négatif, qu'avance HUDRY (voir ci-après). Mais pour une autre vallée. Et comme l'a écrit CHAPOUTOT, GROS n'avance aucune « traduction » pour Vanoise... Contrairement à ce que j'avais affirmé la première fois. Et cela est de même pour Pralognan (p. 373) : « Commune du canton de Bozel. - Jacet in Prato longinquo (Obit. de Tarentaise, X, XIIIe siècle). - Apud Prata longinqua (ibid.). Domus de Pratolonginco, 1184 [Besson, Preuves n° 37]. - Prioratus de Pratolonginco, 1257 (ibid., n° 57). - Prior in Alpibus Prati Longinqui, XVIIe siècle (Académie de la Val d'Isère, Documents, Tome I, pp. 26). Lognan vient de longianum, adjectif formé sur longe, adverbe. Quant à longincum, c'est un équivalent ou synonyme de longianum. ». De nouveau, GROS n'avance aucune « traduction » étymologique. Et il y a de quoi. Entre éloigné et allongé, les deux ont autant d'arguments vis à vis de ce pré... Mais, voyons enfin ce qu’avançait Marius Hudry. Et ceci dans trois publications : Les Cahiers du Vieux Conflans, 1969, n° 82-83, pp. 53-74. Le Dictionnaire des communes de Savoie (éd. Horvath, 1982, tome IV, pp.256-260). Et sa notice publiée dans le tome XIX des Travaux Scientifiques du Parc National de la Vanoise (1995, pp. 8-13). Dans l'article des Cahiers, sur « Pralognan-la-Vanoise, son passé », il revient sur l'étymologie (p.57). Pralognan est donc, selon lui, «la prairie éloignée ». Mais, il n'avance rien sur le terme « Vanoise ». Dans l'article du Dictionnaire, c'est de nouveau cette étymologie, mais au pluriel (« les prairies éloignées ». Et pour Vanoise, il traduit la mention latine trouvée par Gros (qu'il n'oublie pas de citer. Et dont il pointe le lieu d'utilisation) en la « vallée dangereuse ». Dans la notice, il essaye premièrement, comme Chapoutot, de délimiter la portée spatiale (et historique) du toponyme Vanoise. Il utilise pour cela des cartes (que l'on peut retrouver dans un CD-ROM vendu par les Archives Départementales de Savoie). Ainsi que des sources comme celle de la lettre du Duc de Savoie, Charles-Emmanuel II, à son châtelain de Maurienne, Grassis, datée du 22 Juillet 1667 : "Cher bien aimé et feal, Pour faciliter le commerce des provinces de Tarentaise, de Beaufort et Faucigny avec celles de la Maurienne et la vallée de Suse, il est nécessaire de faire réparer et maintenir en bon état les passages des Encombres, de la Vanoyse, du Mont Iseran et autres qui sont entre la Maurienne et la Tarentaise. Afin que les voitures et bétails puissent pratiquer les chemins sans danger, Nous vous ordonnons pour cet effect de faire travailler au plutôt en la susdite réparation en tous les dicts endroits et de prendre soin que les dicts chemins soient maintenus comme les autres de la Maurienne, s'agissant en cela de l'utilité publique, aussi bien que notre service; et nous assurant que vous ferez exécuter cet ordre avec ponctualité et diligence, Nous prions Dieu qu'Il vous ait en sa sainte garde. De Turin, le 22 Juillet 1667, Charles Emmanuel". Lettre qu'il citait dans un précédent article sur « Les Cols entre Tarentaise et Maurienne, Aperçus Historiques », in Cahiers du Vieux Conflans, n° 90, pp. 77-87 (HUDRY M., 1971, pp.83, repris par DE LEYMARIE J., 1990-1996, pp.23). Ainsi que celle venant des Archives Diocésaines de Tarentaise de Moûtiers. Cette source, datant de 1690 est de Monsieur TILLIER A. (ADT MM12), capucin de son état. Il signalerait les cols des Encombres et celui de la Vanoise (dixit HUDRY). Ayant consulté le dit document, je n'y ai pas retrouvé pareille affirmation. D’autant qu’une étude de BEGUIN et OUGIER SIMONIN, de 2004, confirme que cette source ne mentionne pas le Col de la Vanoise (et d'autres erreurs possibles concernant l'auteur même, son nom, sa profession...). Etude publiée dans : « Echanges et Voyages en Savoie. Actes du XL Congrès des Sociétés Savantes de Savoie, Saint Jean de Maurienne, 11 et 12 Septembre 2004. Travaux de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne (S.H.A.M.) t. XXXVIII-XXXIX, 2004-2005 et L'Histoire en Savoie, nouvelle série, n° 11, 2006 (revue de la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie). 535 p. pp. 217-230 ». Et là aussi, erreurs de ma part, puisque le manuscrit n'est pas anonyme (et il n'est pas du 15ème siècle, mais du 16ème siècle [1690]). Ensuite, nous arrivons à l'origine du nom « Vanoise ». Et là, HUDRY reprend ce qu'a relevé GROS dans son dictionnaire étymologique (cf. ci-dessus). Mais il va donc plus loin, de nouveau, en traduisant le latin « Vallis noxia », la « Vallée dangereuse ». Pour donner de l'eau à son moulin, il cite la description du col de la Vanoise par le géographe Adolphe JOANNE (1864, p. 192) : « Le col n'est bien indiqué que du côté de l'O(uest); à l'E(st), il se prolonge par un grand plateau de pâtis en pentes douces, que bordent à dr(oite) les escarpements et les neiges du Grand-Bec [NDA : il veut plutôt parler de la Réchasse]; à g(auche) l'Aiguille de la Vanoise [NDA : La Grande Casse actuelle] qui, de ce côté, ressemble à un volcan égueulé épanchant, au lieu de laves, une immense coulée de glaces. Pendant les mauvais temps, le vent s'engouffrant dans le col avec une fureur extraordinaire, accumule dans les creux des masses considérables de neige. C'est le passage suivi par les ouragans d'une vallée à l'autre et les habitants de la Haute-Maurienne ont donné le nom de Vanoise aux vents fougueux qui soufflent du nord-ouest. Aussi le col est-il assez redouté à cause de la soudaineté et de la violence des tempêtes qui s'y forment et il ne se passe guère d'années sans qu'il arrive des accidents. Des pieux, appelés guides dans le pays sont plantés de distance en distance pour indiquer la route en cas de tourmente » (la partie soulignée est celle rapportée par Hudry dans son article). Ici, nous pouvons relever une erreur possible entre le vent et sa possibilité de base de formation étymologique du toponyme Vanoise. En effet, DAUZAT, ROSTAING et DESLANDES mentionnent que la base préceltique *van- est souvent confondue avec vent (lat. ventus) ou van (lat. vannus; ustensile servant à vanner le grain). Pour finir, HUDRY introduit effectivement cette hypothèse (reprise dans l'ouvrage de PAULLOUIS ROUSSET). Celle-là même que reprend aussi HENRI SUTER. Or, pour « venger » (peut-être...) GROS, à qui on a reproché le nombre incalculable de toponymes venant de noms d'hommes, sans plus d'explications (ou pour d'autres raisons... que nous ne serons jamais, puisque GROS et HUDRY sont décédés); il nous montre un scepticisme certain à employer cette explication pour le mot « Vanoise ». D'autant que, il reste le problème du suffixe « -esia » (cf. DAUZAT, ROSTAING et DESLANDES) que personne, du côté des partisans d'un préfixe celte ou précelte, n'a tenté de « traduire »... Bref, en conclusion, HUDRY penche pour une explication vis à vis de la hantise du passage en cas de mauvais temps. Et de l'explication à partir de Gros et sa « Vallis noysy » de Termignon. Explication qui ne manque pas d'indices « religieux ». Pour ma part, pour en finir avec ces deux toponymes, je verrais bien un mixage des deux explications pour « Pralognan » et pour « Vanoise » : Pralognan, un pré allongé [ou en long] éloigné du Chapitre de la Cathédrale de Moûtiers (ou se trouvaient aussi des chanoines de Saint Augustin). Ceci est approuvé par le Pape Innocent II dans une « bulle » du 26 février 1145 (cf. PASCALEIN E., 1903, Histoire de la Tarentaise, pp. 71-72). Voire de l'Abbaye d'Abondance, maison mère de ces chanoines... Vanoise, une vallée dangereuse, avec des pentes et sommets montagneux garnis de chaos de blocs. Et ici, deux passages peuvent en être les clichés les plus frappants : le Seuil de l'Ouille, entre les moraines du Glacier de la Grande Casse et les éboulis de l'Aiguille de la Vanoise (actuelle). Mais aussi, en aval du Lac dit « du Col de la Vanoise » (dans le sens Pralognan-Termignon, il fait suite au Lac Rond) où s'imbriquent les délaissées glacio-torrentielles du Glacier de la Réchasse et les éboulis calcaires de la « casse » de la Pointe Matthews. Enfin, il faut savoir aussi que ce col « colporte » aussi des éléments extérieurs tout aussi néfaste (ou dangereux). Ainsi, en 1630, il est probable que la peste y a transitée. Et les armées aussi. Puisque le 11 Juillet 1709, l'avant-garde des troupes piémontaises (dixit savoyardes) sous le commandement du Comte de Thaun (6000 hommes) l'emprunte dans le sens Termignon-Pralognan. Moins de deux jours après, la troupe principale (24000 hommes) sous le commandement de Schullembourg fait de même. Ceci pour « contourner » le verrou de Saint Michel de Maurienne où se trouvaient les troupes du général français Berwick. Le 6 Juillet 1711 (après un repli fin 1709 en Piémont, par le Val d'Aoste), ces mêmes troupes, sous le commandement direct du Roi Victor Amédée II [Roi de Savoie et du Piémont] reprennent le même chemin pour éviter, de nouveau, les troupes de Berwick... (cf. PASCALEIN, 1903, pp. 276 et 278). Mais, pour reprendre HUDRY : « C'est une explication du toponyme Vanoise (NDA : et du toponyme Pralognan). Cette notice en suscitera d'autres si elle est contestée ». Toponymie Pralognanaise (3ème Partie) Par Géologos Après nous être longuement épanché sur le cas de PRALOGNAN et de LA VANOISE, nous allons voir aujourd'hui les noms des hameaux. Là encore, nous risquons de déborder de Pralognan post-1893. Mais cela ne sera pas une gêne pour autant. Nous finirons en revenant encore une fois sur notre Vanoise... Démarrons donc au Villard (du Planay), anciennement Villard-Goitroux. Le terme Villard (Villaret, Ville) nomme généralement un hameau qui, contrairement à celui qui pourrait être nommé Ville (et qui "porte" généralement un nom donnant sa prééminence en tant que centre de la commune); est une "petite" Ville. Le terme « Ville » étant pris dans un sens autre que celui actuel et Goitroux pour goitreux. En effet, par son manque de soleil (et d'autres facteurs surtout), ce lieu était propice à attraper le goitre, excroissance déformante le cou, voire plus. Et qui frappait aussi, en majorité, des gens déjà atteint de problèmes psychiques et/ou neurologiques. Aboutissant au célèbre "Crétin des Alpes". Pour en savoir plus sur le goitre (mais surtout sur les Crétins des Alpes, voir la bibliographie en fin d'article). Ensuite, nous arrivons au Planay, dominé par le Chambéranger et ses "vassaux" : la Rochette, le Gros Murger, Vers le Saut, Combe Louve, Le Mollard, Pélapoët et Plan Fournier. Si on reprend le Chanoine Gros, Planay est une "mauvaise" orthographe de Planet (forme primitive planatetum), qui contracté, et passé au français, donna plane ou platane. Mettre en avant la "planitude" (ou platitude) du lieu serait exagéré. C'est donc un lieu où poussent les platanes. Chambéranger, orthographié aussi Champbérenger ou Champbéranger, serait le champ d'un dénommé Béranger ou Bérenger. Certaines sources auraient effectivement retrouvé un tel nom d'homme en ce lieu. Rumeur, réalité ? Le Gros Murger, c'est un gros tas de pierres fait de main d'homme généralement. Par contre, un Mollard, c'est une colline rarement artificielle. Vers le Saut, c'est dire "en direction du Saut. Saut désignant un lieu-dit abrupt, un passage délicat, une cascade. Ici, celle du Nant des Gorêts. La Rochette ou "petite roche" (quand on la compare avec la Vuzelle, il n'y a pas photo). Combe Louve ne cache pas son jeu, cette "petite vallée sèche ou se terraient les louves [pour mettre bas ?]". Plan Fournier pour sa relative planitude et ayant appartenu à une famille ou un homme Fournier ? Enfin, Pelapoët, Poët, semble correspondre à un diminutif de Puy, une "petite hauteur" et Pela aurait comme signification le fait d'être pelée. Ce serait donc une petite hauteur "pelée". Reste à voir le lieu de ce nom. Peut être que de dire peler, voulait dire défricher, contrairement aux alentours ? Une étymologie à revoir sans doute... Ou alors, à demander au père de Claude Glise, l'alpagiste de Ritort (par exemple). Remontons encore, La Nova, ou plutôt la Novaz, alias la "Neuve", un lieu "fraîchement" défriché. Et même plutôt la (Villa)Novaz, sinon, comment expliquer le nom de la Pointe qui la domine, la Pointe de (Ville)neuve ? Ce qui reste "étrange" est le terme Ville. Pourtant, un toponyme tout proche dit "Le Château" pourrait en être l'explication. D'autant que l'on y a retrouvé des indices (couplés avec une fouille archivistique) d'une possible "châtellenie" (d'où château, CQFD). Ce qui permettrait d'expliquer aussi que l'on n'a pas pris le terme "Villard". Mais une Ville peut être aussi une villae gallo-romaine... Mais cela est pure hypothèse, voire affabulation car sans indices et fondements. Passons donc en pays de Pralognan avec... la Croix. D'accord, la montée de Pierra-Crépaz (ou de Boéd'zu pour les intimes) n'est pas pour autant un chemin de... croix. Et c'est pour cela qu'ici, Croix a pour sens celui de creux, de vallon reculé. Comme la Creuse, quoi ! Et non pas comme l'avance Gros pour d'autres Croix qui, cette fois là, sont dus à la présence... d'une croix. Les Granges ? Du fait qu'il y en eut beaucoup, et c'est pour cela qu'en 1930, le 7 Septembre, elles furent fatales pour les trois quarts du hameau. Les Darbelays ? Dispersés comme les petits épicéas sous le coup des défrichements humains... ou « naturels ». Car un darbel, c'est un petit épicéa, les Darbelays étant un lieu où ils poussent... ou poussaient. Car maintenant, mis à part ceux plantés suite à une nouvelle construction. Alors qu'auparavant, la Creuse devait s'en charger... Cela explique les murgers (qui disparaissent eux aussi). Mais là, c'est une autre histoire. Le Plan ? Un lieu de plânes (ou platanes), pourquoi pas. Mais aussi le lieu de son implantation topographique, un plan au bout Nord-Ouest du Plateau, sans pour autant se risquer de côtoyer la Mey (une célèbre avalanche en hiver) ou les Colliou(x) [Roé et Clottet] aux rochers on ne peut plus véloces. Le Centre-Ville est l'agglomération de trois anciens noyaux (voire quatre) : les hameaux de l'Église (La Chapelle pour les intimes), du Grand Couloir, du Barioz et du Martinet. Pourquoi L'Église ? Car l'église y est, pour l'instant, toujours implantée. En effet, il semble qu'il était prévu qu'elle déménage avec le cimetière. Mais qu'à l'époque, cela n'a pu se faire. Avis aux chercheurs, il y a une « rumeur » à confirmer ou infirmer. Et pourquoi La Chapelle ? A cause de l'ancien prieuré qui exista en ce lieu et dont l'église était... la chapelle priorale jusqu'en 1365. Et qui fut élevé au rang d'église paroissiale en 1525. Le Grand Couloir, simplement parce qu'il côtoie le long couloir descendant du Mont-Bochor. Deux pare-pierres sont censés le neutraliser, car s'il s'énerve, la « grenouillère » risque de devenir une zone de tirs... La grenouillère est le bas des pistes, au pied du départ aval du téléphérique du Mont-Bochor. Mais là aussi, c’est une autre histoire. Le Barioz, c'est probablement la barrière d'octroi du passage du Col de la Vanoise côté Tarentaise. Là aussi, il y aurait à étudier plus précisément sur le sujet. Et le Martinet ? Plutôt un lieu-dit, mais de nouveau, un sujet à analyser. Car avec le Pré de la Scie et les restes d'un bief, ces lieux hébergeant un marteau de forge [un martinet] (il y en a un en maquette au Musée de l'Electrobus au [à]... Villard du Planay [Goîtroux]) et une scie hydraulique (il en existe une à Bellecombe en Bauges) mériteraient aussi d'être remis au jour. Le dernier village « permanent », les Bieux, tient son nom du bouleau, ou biol en patois savoyard. Des bieux, ce sont des bouleaux. Cela peut être orthographié aussi « biols ». Depuis plus de soixante ans, les Fontanettes ont rejoints les hameaux habités à l'année sur Pralognan. A nuancer toutefois. Il est possible que durant le dix-sept/ dix-huitième siècle, il fut aussi habité en hiver... Ces Fontanettes, ce sont la présence de sources. Il y en a dans les gorges en contrebas. Celles qui donnèrent le nom au lieu sont canalisées depuis longtemps... Restent enfin Chollière, les Planes, les Prioux, les Ruelles, les Ferrandes, la Rubatière, la Montagne, les Rossechèts et le Laitet. Chollière, c'est le lieu où poussent les "chols", alias les choux. Cela pouvait être aussi le chou-rave. Encore que là, il valait mieux éviter de les "chouraver", les voler (même si le verbe chouraver vient du Dauphiné voisin). Les Planes, comme le Planay, fut un lieu où poussent les platanes. Platanes pliants (mais ne rompant pas) sous l'assaut des avalanches descendant de Letchu... Les Prioux sont... des petits prés. Une vieille carte utilise la graphie « les Préaux ». Orthographe dangereuse, car ces prés ne sont pas les plus hauts de la vallée, loin de là. Les Ruelles, résumées en une petite exploitation peu en amont en rive droite des Prioux; n'est pas un ensemble de petites rues. Mais plutôt un nom pour désigner les sillons dans un pâturage, sillons pour étendre le lisier. Ancien français raie, raye, roie, roye, etc. « sillon », latin médiéval *riga, « parcelle labourée », gaulois *rica, « sillon », latin ruga, « ride, aspérité, pli ». Et les Ferrandes ? L'hypothèse retenue est une féminisation du nom Ferrand, forme germanique de Ferdinand. Ou de l'ancien français « ferrand » signifiant « grisonnant ». Ou alors, du vieux français feurre, « fourrage, paille », bas latin ferratus, latin fertus, « productif ». En effet, le lieu est encore fauché. Son fourrage doit donc d'être d'une qualité peu ordinaire... Redescendons, toujours en rive droite, par la Rubatière (selon l'IGN) ou la Rabatière. Ce nom serait le résultat que cet endroit était un lieu pour rabattre le bétail des alpages des Nants-Vallette-Marchets, et des alpages de Ritort-Planettes avant leur emmontagnée (ou inalpage), et à leur démontagnée des dits alpages, alpages appartenant aux communiers du Planay. Les trois derniers lieux sont, eux, au pied des Crêtes de Montcharvet. La Montagne ? Tout simplement parce qu'il est dans une prairie d'altitude. Mais ici, c'est une petite montagne réservée au petit bétail (chèvres, moutons) une partie de l'été. Le restant était prévu pour la fauche (comme au Bochor). Le manque d'eau ne permettant pas d'y faire paître le gros bétail. Les Rossèchets sont des « Rochers secs ». De nouveau, le manque d'eau, même si elle marque profondément le gypse en contrehaut. Et malheureusement, elle s'infiltre très facilement entretemps. Pour les Rossèchets, la source se trouve en contrebas du hameau, sur le chemin descendant à la Croix. Enfin, le Laitet pourrait signifier « un petit étang ou un trou d´eau ». Or, le lieu est au bord d'une superbe doline où va se perdre un petit ruisseau non pérenne (qui n'est pas permanent). C'est sur ces dernières lignes que nous concluons cette nouvelle plongée dans la toponymie pralognanaise. Toutefois, pour finir, revenons encore sur le terme la Vanoise. En effet, souvenons-nous que Gros (cf. toponymie Pralognanaise, 2ème partie) parlait de la découverte d'une charte du 14ème siècle concernant la commune de Termignon et qui fait mention d'une Valle noysy. Hudry, en 1995, n'hésite pas à traduire en la « vallée nuisible » ou « vallée des nuisances ». Or, nous avons trouvé une autre dénomination qui vient... du 13ème siècle ! Ceci grâce aux travaux de Monsieur Mouthon Fabrice qui, dans une publication de 2010, nous parle d'un problème concernant le bois des Fontanettes. Et ceci (traduction) « depuis les maisons de Fontanetes jusqu'au sommet de la Vanoise ». Le document original, écrit en latin, le désigne en « summum de Vau Noysi ». Après une affirmation côté Termignon (Maurienne), voici donc une confirmation côté Pralognan (Tarentaise). Et montrant de nouveau que nous avons un vau, donc un vallon (ou une vallée). Voyez l'expression « par monts et par vaux » Etnoysi, de noxa, noxius, « qui nuit, nuisible ». Résultat ? la Vanoise reste donc encore un lieu dangereux. Et qu'il ne fut pas bête de consacrer un lieu à la compassion pour ceux qui firent le voyage. Mais aussi pour ceux qui le feront. Enfin, cela montre bien qu'avant les Romantiques du 18/19ème, la montagne était vue comme dangereuse, et elle le reste encore, n'hésitant pas à nous le rappeler... En espérant que la source originelle soit accessible afin de pouvoir repérer d'autres noms de lieux pralognanais (et planérains), a bientôt pour les lieux-dits de Pralognan... Géologos. BIBLIOGRAPHIE GROS A., 1935, « Dictionnaire étymologique des noms de lieu de la Savoie ». Réédition La Fontaine de Siloé (1994), 517p. HUDRY M., 1995, « Vanoise, son étymologie », Travaux Scientifiques du Parc National de la Vanoise, tome 19, Chambéry, pp. 8-13. (http://www.parcnational-vanoise.fr/). MOUTHON F., 2010, « Savoie Médiévale, naissance d'un espace rural ». L'Histoire en Savoie numéro 19 (nouvelle série), Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie (SSHA), Chambéry, 176p. (http://www.histoire-en-savoie.org/). PALLUEL-GUILLARD A., 2003, « Goitreux et crétins des Alpes... et d'ailleurs ». L'Histoire en Savoie, numéro 5 (nouvelle série), Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie (SSHA), Chambéry, 128p. (http://www.histoire-en-savoie.org/).