La bonne - Atelier Ares

Transcription

La bonne - Atelier Ares
RACING
Ford Escort Mexico, 1973
école
La bonne
On présente souvent la Ford Escort de première génération
comme une excellente école de pilotage. Petit problème :
les emblématiques versions Twin Cam et RS sont devenues
fort coûteuses. Que penser alors de la Mexico, soit la plus
abordable des Escort mark 1 affûtées ? Réponse au volant !
TEXTE : LOUIS-THOMAS FEDERSPIEL
PHOTOS : DANIEL DENIS
M
exico… Drôle de nom pour une Ford !
Quel rapport peut bien avoir avec le Mexique
une petite automobile destinée à une
diffusion européenne et construite par la
filiale anglaise de la Ford Motor Company ?
Il y a bien une explication, et celle-ci n’a rien à voir avec un
hommage de Ford Europe à Luis Mariano. Il faut se souvenir
qu’au début des années 60, les têtes pensantes de Ford ont
décidé d’engager le constructeur américain (et ses filiales
européennes) dans un programme très ambitieux baptisé Total
Performance. Il s’agissait de dynamiser l’image de Ford par un
engagement massif en compétition, l’épisode le plus glorieux
étant la domination de la Ford GT40 aux 24 Heures du Mans
par quatre victoires consécutives de 1966 à 1969. Au-delà
des brillants succès en endurance, Ford s’est aussi distingué
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RACING Ford Escort Mexico, 1973
en Formule 1 (entre autres catégories) avec le fameux V8
Cosworth DFV (Double Four Valve), mais aussi sur le marché
des voitures de sport avec les Fairlane, Falcon et Galaxie avant
l’arrivée d’une certaine Mustang et de ses versions musclées,
sans parler de l’AC Cobra motorisée par Ford.
Little Britain
Mais ce n’est pas tout ! En Grande-Bretagne, la filiale locale
a confié à Lotus la mission de donner un peu de muscles à sa
familiale compacte Cortina, exactement comme la BMC avait
demandé à John Cooper d’ensorceler sa Mini. La recette est
tout aussi gagnante. Le Ford Kent 1600 retravaillé par Lotus
pour son roadster Elan arrive tel quel sous le capot de la
Cortina, mais Colin Chapman ne s’est pas arrêté là :
le pont arrière rigide reçoit des leviers
triangulaires et tirants longitudinaux,
le freinage est renforcé (disque Girling
à l’avant), la caisse est constituée
d’un acier plus fin et les ouvrants
sont en alu. Ses succès dans divers
championnats européens de tourisme
ne se font pas attendre… La Cortina
Lotus Mark 2 prend le relais en 1966,
puis c’est au tour de la petite Escort
d’entrer en scène. Petite, car la Ford
Escort mark 1 apparue en 1967 n’est
pas du même gabarit que la Cortina.
D’ailleurs, elle ne la remplace pas
puisque la Cortina continue son petit
bonhomme de chemin jusqu’en 1980. En revanche, c’est
désormais l’Escort qui reprend le flambeau de la compétition,
ce qui n’a rien d’étonnant, l’objectif étant de promouvoir ce
nouveau modèle destiné à une très large diffusion. C’est ainsi
que les solutions techniques de la Cortina Lotus sont adoptées
sur la version de pointe de l’Escort baptisée Twin Cam
proposée dès 1968. On y retrouve logiquement le 1 558 cm3
préparé par Lotus développant 106 ch. Le modèle sera diffusé
de façon très confidentielle, surtout destiné à une élite sportive
qui s’engage en Saloon Cars. Pour ratisser plus large, Ford
propose la 1300 GT, mais avec seulement 72 ch, les amateurs
de performances resteront un peu sur leur faim. En 1970,
la Twin Cam est remplacée par la première représentante de la
lignée RS (pour Rally Sport), la RS 1600, qui reçoit un moteur
La Mexico est
la sportive la
plus abordable
de la gamme
Escort. Elle n’en
demeure pas
moins crédible.
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issu de la Formule 2 constitué d’un bloc
de 1 601 cm3 et d’une culasse 16 soupapes.
Résultat des courses : 122 ch. Et c’est
là que nous partons enfin au Mexique !
L’aventure mexicaine
Cette année-là, la RS 1600 est engagée
au London to Mexico, un rallye très
exigeant de plus de 25 000 km à travers
l’Europe et l’Amérique du Sud à l’arrivée
duquel ne pointeront que 23 des 96
voitures engagées ! Et devinez
qui est en première position ? Bingo !
La RS 1600 pilotée par Hannu Mikkola. Ford Angleterre a eu
l’excellente idée d’exploiter commercialement cette victoire
en lançant l’Escort Mexico en novembre 1970, un modèle qui
représente un compromis intéressant. Plus convaincante que
la 1300 GT et plus abordable que la RS 1600 dont elle reprend
le bloc – mais avec une culasse 8 soupapes et un arbre à cames
latéral –, elle est la sportive populaire, mais crédible, de la
gamme. Sa puissance n’est certes que de 86 ch, mais comme
vous allez le voir, c’est déjà suffisant pour s’amuser comme
un petit fou. Pour que l’historique soit complet, ajoutons qu’en
1973, l’année où la RS 1600 reçoit un bloc tout alu, une version
plus rustique apparaît : la RS 2000. Son bloc Pinto de 2 litres
ne dispose que d’un seul arbre à cames en tête, un seul
carburateur (contre deux pour la RS 1600) et ne développe
Les 86 ch suffisent
pour se faire plaisir.
Merci au poids réduit
et à l’échappement
“sport” !
COURIR EN FORD ESCORT MEXICO
OÙ COURIR ?
Vous avez l’embarras du choix !
Outre le Tour Auto et les autres
événements du calendrier Peter
Auto, la Ford Escort Mexico sera
également la bienvenue au Rallye
Monte-Carlo historique ainsi que
dans de nombreux autres rallyes
de régularité ou épreuves moins
coûteuses. Naturellement,
les autres Escort sportives de la
même génération que sont les
rarissimes et élitistes Twin Cam
et RS 1600 seront vues comme
des pièces de choix plus
valorisantes, mais elles sont
encore plus rares que la Mexico,
et nettement plus chères…
Seule la RS 2000 est sans doute
plus “facile” à dénicher, mais sa
mécanique est à peine plus noble.
Pour un engagement au Tour
Auto, sachez que l’inscription
de la voiture seule vous coûtera
en principe 8 500 € qui incluent
l’hôtellerie et la restauration
pendant la semaine de l’épreuve.
L’engagement facultatif (mais
recommandé) d’un véhicule
d’assistance vous sera facturé
3 500 € supplémentaires. C’est
vrai, c’est cher et ça dure à peine
une semaine, mais quelle semaine !
Très difficile à débusquer, une
Escort Mexico en bel état se situe
aujourd’hui entre 20 000 € et
30 000 € en Grande-Bretagne,
voire plus si elle se trouve dans
un exceptionnel état d’origine.
L’exemplaire illustrant ces pages
a été acheté il y a quelques
années pour 17 000 €.
À cela s’est ajouté le coup de la
préparation. Dans le cas présent,
l’objectif étant de rester raisonnable,
on atteint un budget global de
25 000 €, ce qui est finalement
un bon rapport prix/plaisir
et surtout un excellent ticket
d’entrée au Tour Auto.
COMBIEN ÇA COÛTE ?
DE PILOTAGE
➊ POSTE
Le tableau de bord
CENTRALE
➋ CONSOLE
La console centrale
➌ CONTACT
La mise à feu s’effectue
➍ PÉDALIER
Le pédalier d’origine ne
➎ ALLÉGEMENT
Of course, la caisse
➏ PORTE-FUSIBLES
Afin de permettre des
d’origine a été conservé, mais
la présence d’un volant OMP
renforce l’ambiance “course”
qui règne à bord.
est constituée d’une plaque
d’aluminium recevant notamment
le coupe-circuit, le contact et la
commande de ventilateur.
en mettant le contact via
l’interrupteur à bascule,
puis en réveillant le démarreur
par une simple pression.
favorise guère la pratique du
talon-pointe. En revanche, l’ajout
d’un plancher en aluminium
améliore le confort de l’équipage.
a reçu un arceau-cage et a été
entièrement vidée. Isolants
phoniques et ciel de toit ont
disparu dans la bataille !
interventions rapides, un
porte-fusibles a été installé
de façon très accessible dans
le compartiment moteur.
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RACING Ford Escort Mexico, 1973
que 100 ch. Mais revenons à la Mexico.
Produite jusqu’en décembre 1974, elle était
proposée avec un jeu d’options qui permettait
de lui donner le grand méchant look de la
RS 1600 : bandes latérales autocollantes,
jantes spécifiques en alliage… Rien d’étonnant
à ce que des pilotes amateurs aient cédé
à la tentation de l’engager dans diverses
compétitions, dont le Tour de France
Automobile, ce qui permet à la Mexico
d’être aujourd’hui éligible dans la réédition
historique de cette épreuve organisée
par Peter Auto.
C’est pas le Pérou !
Éric Spetebroodt, le boss d’ARES (Atelier
de Restauration Automobile de l’Essonne),
est un habitué du Tour Auto. Tous les ans,
il suit plusieurs de ses clients engagés en
compétition ou en régularité. C’est à cette
occasion qu’il a fait la rencontre, il y a
quelques années, de l’actuel propriétaire de
cette Mexico. Lors d’un parcours de liaison,
dans un élan de charité chrétienne, il décide
de délaisser un bref instant ses clients pour
lesquels tout se passait comme sur des
roulettes, afin de porter secours à une pauvre
Lotus Europa en rade au beau milieu de nulle
part. Éric trouve la solution permettant à la
Lotus de reprendre la route et les deux
hommes sympathisent au point que le pilote
de la capricieuse anglaise lui demande
d’assurer son assistance technique pour la
prochaine édition du Tour Auto. Éric accepte
mais suggère un changement de monture,
Un coffre a pris place
entre les deux baquets
pour accueillir les casques
de l’équipage.
Caractéristiques
techniques
FORD ESCORT MEXICO, 1973
❶ Baquets Sparco et harnais cinq points OMP,
c’est le grand jeu !
❷ Ainsi nommée en hommage à la victoire
au London to Mexico, la plus modeste des
Escort sportives est devenue une vraie rareté.
❸ Fermeture à ressorts pour le coffre et
pare-chocs retirés. L’ennemi, c’est le poids !
histoire d’éviter de nouveaux ennuis…
Commence alors une quête improbable avec
un cahier des charges bien précis : la voiture
doit être suffisamment originale pour avoir la
garantie d’être acceptée au Tour Auto (Adieu
Porsche 356 et 911…) tout en étant abordable
et peu coûteuse à préparer. Ils jettent au final
leur dévolu sur une rare Ford Escort Mexico
dénichée après huit mois de recherche.
La base était saine et la préparation s’est
limitée à la fiabilisation de la mécanique et une
légère optimisation des trains roulants. C’est
ainsi qu’Éric nous présente les choses, mais
un gros travail de fond a tout de même été
réalisé : « Nous avons commencé par vider
la caisse pour l’alléger le plus possible :
garnitures, ciel de toit, contre-portes…
Nous avons ensuite remplacé les sièges
d’origine par des baquets, et la banquette
arrière par un arceau-cage. Au niveau
mécanique, la préparation s’est limitée
à une fiabilisation passant par le montage
d’un radiateur neuf, de durits renforcées,
de ressorts de soupapes plus durs,
de coussinets de bielles neufs et d’une pompe
à huile neuve. » L’expérience du Tour Auto
et de son rythme parfois endiablé a conduit
à soigner le refroidissement : « Nous avons été
attentifs à la gestion de la température avec
un ventilateur additionnel à déclenchement
automatique anticipé, également actionnable
au tableau de bord. » Finalement, le gros
du travail a été réalisé sur les trains roulants :
« Pour gagner en efficacité au freinage,
nous avons adopté des plaquettes dures et des
durits Aeroquip. S’agissant de l’ancrage des
trains, le caoutchouc d’origine a été remplacé
par de l’élasthanne, et même du téflon par
endroits. Tout a été raffermi, le train avant
a reçu un réglage de carrossage négatif
et le train arrière est désormais équipé d’un
différentiel à glissement limité. » Il s’agit
donc tout de même d’une préparation
complète et cohérente, mais comme Éric tient
à la rappeler : « C’était un exercice de style,
il fallait faire une voiture séduisante
à conduire pour un budget contenu. De fait,
nous avons évité tout ce qui pouvait être
vraiment coûteux. » Et pourtant, le résultat
est là ! Mes collègues expérimentés m’avaient
prévenu : « Tu verras, une Escort mark 1,
ça bouge dans tous les sens ! Tu seras vite
en glisse. » Eh bien, il faut croire que le joli
traitement administré à cette Ford a bien
transfiguré son tempérament ! Incroyablement
précise en direction comme en suspension,
elle se place au millimètre avec l’agilité d’une
Lotus Elise ! Le travail accompli permet de
contenir le roulis tout en évitant une raideur
excessive qui ferait sautiller la voiture sur la
moindre irrégularité de revêtement. Et si l’on
force le rythme, le train arrière, pas totalement
bridé par l’autobloquant, décrochera en
douceur, mais rien de brutal ou d’inattendu…
Une véritable école de pilotage, cette Escort
Mexico ! S’agissant du moteur, croyez-le
ou non, mais les 86 ch servis par l’excellente
boîte Ford à 4 vitesses suffissent à faire naître
le frisson. Il faut dire que l’échappement
maison donne de la voix et contribue
fortement à l’ambiance course qui règne
à bord. À l’heure où vous lirez ces lignes,
la petite Ford sera sans doute en plein Tour
Auto. Nous souhaitons bien du plaisir à son
heureux propriétaire…
Nos vifs remerciements à Éric Spetebroodt
pour son accueil chaleureux et la mise
à disposition de cette adorable Escort Mexico
(Atelier de Restauration Automobile
de l’Essonne, www.atelier-ares.fr), ainsi
qu’à son propriétaire pour sa confiance.
Moteur 4-cylindres en ligne
en position longitudinale AV,
1 601 cm3 (80,98 x 77,62 mm),
86 ch DIN à 5 500 tr/min,
12,7 mkg à 4 000 tr/min, rapport
volumétrique 9 à 1, 2 soupapes
par cylindre, 1 arbre à cames
latéral entraîné par chaîne,
vilebrequin 5 paliers,
1 carburateur inversé à registre
Weber 32/36 DGV, collecteur
d’échappement 4 en 1.
Transmission aux roues AR,
boîte 4 vitesses. Autobloquant.
Direction à crémaillère,
sans assistance.
Freins hydrauliques, assistés,
disques AV, tambours AR.
Suspension AV McPherson
renforcée, leviers inférieurs
simples, barre antiroulis, ressorts
hélicoïdaux, amortisseurs
télescopiques à gaz réglables ;
AR à essieu rigide, jambes
de poussée, ressorts à lames
semi-elliptiques longitudinaux,
amortisseurs télescopiques à gaz
réglables.
Structure/Carrosserie coque
autoporteuse et arceau-cage en
acier, coach 2 portes, 2 places.
Dimensions longueur 3,98 m,
largeur 1,57 m, hauteur 1,40 m,
empattement 2,40 m,
voies AV/AR 1,255/1,28 m.
Roues jantes alu 5 ½ J, pneus
Yokohama 185/60 R 13.
Poids (à vide) 891 kg.
Performances (usine) vitesse
maxi 166 km/h, 0 à 100 km/h
10,7 sec.
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