Le contrôle par l`employeur de l`utilisation d ` I n t ernet et des
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Le contrôle par l`employeur de l`utilisation d ` I n t ernet et des
Liaisons sociales Eu rope N° 209 Du 2 au 15 octobre 2008 ESPAGNE Le contrôle par l’employeur de l’utilisation d’Internet et des messageries À retenir La Cour suprême espagnole a précisé l’étendue du contrôle par l’employeur de l’utilisation à des fins personnelles d’Internet et des messageries par les salariés. Lorsque aucun élément ne traduit le caractère privé d’un document informatique, l’employeur peut librement procéder à l’ouverture des fichiers. Les salariés doivent cependant être informés préalablement des conditions d’utilisation des outils de communication et des possibilités de contrôle. 2 E n Fra n c e, la Cour de cassat i o n vient d’aligner le contrôle des connexions à Internet sur celui des fichiers info rm at i q u e s , en affi rmant que le cara c t è re professionnel des fichiers temporaires est présumé et que, par conséquent, l ’ e m p l oyeur peut les identifier sans que la présence du salarié ne soit requise (Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-458 0 0 ). En Espagne, le droit de l’employeur à de tels contrôles a été précisé par le Tribunal Supremo dans une décision (TSJ, 26 septembre 2007, Rec 966/06) de laquelle émerge la reconnaissance d’une nat u re personnelle de ces fich i e rs. Les tribunaux se fondaient, jusqu’à cet arrêt, sur deux textes: E L’article 18 du statut des travailleurs (e s t atuto de los trabajadores – ET) prévoit l’interdiction de la fouille du s a l a rié et de ses effets personnels, sauf si une atteinte au pat rimoine de l’entreprise ou à la sécurité des autres salariés est caractérisée. E L’article 20.3 ET, pour sa part, garantit à l’employeur un pouvoir de contrôle et de surveillance par toute mesure utile et proportionnée, sous réserve cependant du respect du droit à la dignité du salarié. L’accès aux fichiers temporaires À la question de savoir si l’employeur pouvait accéder aux fich i e rs i n fo rm atiques (parmi lesquels ceux temporaires), une jurisprudence cont rastée s’est dégagée des décisions des juges du fond. Certains tribunaux l’interdisaient fo rmellement sauf si sont démontrées les ex c eptions re strictives exigées par l’art i cle 18 ET et l’info rm ation antérieure du salarié (TSJ Castilla La Manch a , 17 mai 2006, AS 1 9 3 2 ).D’autres validaient ces contrôles sur la base de l’art icle 20.3 ET, en ex i geant simplement l’existence et la publicité de règles internes en ce sens (TSJ Valladolid, 19 n ovembre 2004, AS 2 1 4 3 ). La décision du Tribunal Supremo est ve nue confi rmer l’ap p l i c ation de l’article 20.3 ET. À la suite du contrôle de son ord i n ateur, il est découve rt qu’un directeur général a consulté des pages Web à cara c t è repornogra- p h i q u e, ceci à plusieurs rep rises et d u rant les horaires de travail. Le sal a rié conteste avec succès son congédiement. En e ffe t , les juridictions de p re m i è re instance (Juzgado de lo social de Coroña) et d’appel (Tribunal S u p e rior de Justicia de Galicia) décl a rent la preuve de l’employeur irrecevable sur la base de l’article 18 ET. L’exigence d’une information préalable du salarié Le Tribunal Supremo confirme la décision des juges du fond en rep rochant également à l’employeur d’avoir examiné les fichiers temporaires «sans information préalable sur l’utilisation et le contrôle de l’ordinateur » ( T S, 26 septembre 2007, Rec 966/06), conditionnant dès lors la recevabilité de cette pre u ve à l’existence d’une charte info rm atique préalabl e. En revanche, il réfo rme la décision attaquée quant à sa base léga l e, en écartant expressément l’application de l’article 18 ET (appelé uniquement à régir la fouille d’effets personnels du salarié sans aucun lien avec l’env i ronnement professionnel), tout en c o n fi rmant l’application de l’articl e 20.3 ET lorsque le support en question est un outil de travail, ceci même si son utilisation à des fins personnelles (uso social) est tolérée. La base légale ap p l i c able déterminée, le Tribunal Supremo énonce deux app l i c ations possibles du tex t e, qu’il conditionne à l’existence d’une charte i n fo rm at i q u e. L o rsqu’il existe une ch a rte info rmatique en vigueur, l’employeur peut l i b rement procéder à l’ouve rt u redes fichiers, sous réserve de respecter les dispositions du t ex t e, notamment l o rsque celui-ci r é s e rve aux salariés un droit à uso social. Dans cette hypothèse, la Haute Cour conditionne donc la re c evabilité de la pre u ve à l’inform ation préalable du personnel quant aux conditions d’utilisation des outils informatiques et quant aux possibles contrôles. La démonstration de circonstances part i c u l i è res et la présence du salarié ne sont pas requises, l’intéressé ne pouvant se prévaloir du respect de la dignité que re n fe rm e l’article 20.3 ET. En reva n ch e, lorsqu’il n’existe en interne aucun texte en ce sens, l’absence d’une telle source est assimilée à un défaut d’«inform ation préalable s u r l ’ u t i l i s at i o n e t l e c o n t r ô l e d e l’ordinateur ». Dès lors et à ce jour, le pouvoir de contrôle de l’employeur est neutra l i s é , même si un droit de contrôle – a minima car soumis à une p ro c é d u re re n fo rc é e – se dégage de certaines décisions qui estiment cette application du texte trop radicale. La nature spécifique des fichiers temporaires La Haute Cour s’interroge cep e ndant sur la nat u re des fichiers temp o ra i re s , q u ’ e l l e d é fi n i t d ’ ab o rd comme « des marques ou des tra c e s de nav i gation et non des info rm ations à cara c t è re personnel qui se c o n s e rvent comme telles», avant de conclure en faveur d’une nat u re personnelle car « d é rivées de la navigation sur Internet et pouvant contenir comme telles des données sensibl e s» (CEDH, 3 av ril 2007, Aff. Copland). Dans une décision postéri e u re en d ate du 16 janvier 2008 (TSJ Madrid, 16 janvier 2008, Rec 4311/07), la j u ridiction d’ap p e l , après avoir fait une exacte ap p l i c ation de la base légale retenue par le Tribunal Supremo, développe cette réflexion en posant ex p ressément le principe d’une nat u re personnelle des fich i e rs temporaires, cara c t é risés par des info rm ations confidentielles sur la vie privée du salarié (idéologi e, orientation sexuelle…). Il découle des deux décisions citées que le contrôle des fi ch i e rs temporaires implique nécessairement l’existence et la publicité préalable de règles internes en ce sens. Selon la j u ri s p ru d e n c e, l ’ e m p l oyeur est non seulement tenu de mettre en place un règlement qui constitue la condition sine qua non de son contrôle, mais il est également astreint à une obl i gation d’exhaustivité et de précision, puisque tout ce qui éch appe à l’objet du texte se dérobe éga l e m e n t à sa surveillance. ■ Christophe Casado Bolivar, cabinet d’avocats Cuatrecasas, Paris. LI A I S O NS S O C I A LES EURO P E