Un étranger détaché, ça coûte moins cher qu`un salarié

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Un étranger détaché, ça coûte moins cher qu`un salarié
Politique sociale
DÉCRYPTAGE
■ Main-d’œuvre. Routiers polonais, soudeurs brésiliens, informaticiens indiens…
on ne compte plus les salariés détachés en France pour des prestations de
services. Si ces derniers sont censés bénéficier du même traitement social que
les Français, il y a loin du principe à la réalité. Car les employeurs redoublent
d’imagination pour profiter de cette main-d’œuvre au meilleur coût.
Un étranger détaché,
ça coûte moins cher
qu’un salarié français
Des informaticiens de nationalité indienne,
les élus du comité d’entreprise en ont dénombré jusqu’à 158 chez General Electric Medical Systems.Tous ingénieurs, salariés de TKS,
une filiale du conglomérat Tata avec lequel le
constructeur électronique américain a conclu
un accord mondial de prestation de services.
Arrivés en 2002 au siège de GEMS situé à
Buc, dans les Yvelines, ces salariés indiens ont,
sous couvert de stages de formation de trois
mois, progressivement supplanté leurs homologues français de Cap Gemini pour assurer la
maintenance des gros systèmes informatiques.
À un prix défiant toute concurrence! «Nous
savons que leur rémunération est loin d’atteindre le niveau de celle versée aux prestataires français, ce qui n’est pas acceptable»,
s’émeut Denis Lenglet, délégué syndical Force
ouvrière de GEMS et signataire avec la CGT
et la CFDT d’une plainte «pour délit de marchandage» déposée à l’automne 2002 au tribunal de grande instance de Versailles. Un recours jusqu’à présent demeuré sans autre suite
que d’inciter la direction de GEMS à ramener
à une soixantaine le nombre de salariés indiens employés à Buc.
Pour les représentants du personnel attachés
à l’égalité de traitement entre tous les salariés,
«le problème reste entier». Ce cas est loin
d’être isolé.Le nombre de salariés étrangers détachés en France dans le cadre de prestations
de services est «en croissance exponentielle»,
affirme Thierry Priestley, secrétaire général de
la Délégation interministérielle à la lutte contre
le travail illégal (Dilti),qui a réalisé en 2002 une
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HESTOFT/CORBIS SABA
● Par Valérie Devillechabrolle
En vertu d’un accord
d’entreprise, le personnel
navigant commercial de
United Airlines basé dans
les escales étrangères est
soumis à la législation
américaine.
enquête auprès des directions départementales du travail pour essayer de quantifier le
phénomène. Pour la seule année 2001, plus de
1800 sociétés étrangères représentant environ
8500 salariés avaient officiellement déclaré la
réalisation d’une intervention en France, soit
une hausse de 26% en un an. Et même de
38%, si l’on met de côté le départ des bûcherons venus de l’Est pour réparer les dégâts des
tempêtes de l’hiver 1999-2000. Sachant que
moins de la moitié de ces prestations sont déclarées, les experts de la Dilti estiment que le
nombre total d’employés étrangers réellement
détachés en France est plutôt compris «entre
18000 et 30000».
Secteurs les plus gourmands, l’industrie, avec
la métallurgie en tête, toute la chaîne du BTP,
du gros œuvre au montage de chalets ou de vérandas à la pose d’enrobé pour les particuliers, et l’agriculture, bien entendu. Mais les
services sont également de la partie, à l’instar
• LIAISONS SOCIALES / MAGAZINE • SE PT E MB RE 2003
du transport, de l’informatique, du tourisme, et
même des spectacles… Depuis une dizaine
d’années maintenant, les tour-opérateurs
d’outre-Manche ont pris l’habitude d’envoyer,
chaque hiver, quelque 10000 «chalet boys», à
80% d’origine britannique, dans les grandes
stations de ski des Alpes françaises pour accueillir et encadrer leurs touristes.Une pratique
en pleine expansion, qui «gagne de nouvelles
saisons et d’autres régions touristiques», souligne Francis Bontemps, membre de l’antenne
marseillaise de la Dilti. Comme l’atteste, également, l’envoi de personnels pendant l’été
afin d’entretenir les emplacements de camping loués par ces mêmes tour-opérateurs sur
la Côte d’Azur.
Légal… à certaines conditions
Faire travailler du personnel étranger en
France est bien sûr parfaitement légal… Mais
à certaines conditions.Au nom de la liberté de
circulation au sein de l’Union européenne,
tout salarié détaché d’une filiale ou d’une entreprise communautaires peut venir librement
accomplir une prestation temporaire en
France.A contrario, l’entrée en France de salariés détachés d’entreprises extracommunautaires est toujours conditionnée à la délivrance d’une autorisation par la Direction
départementale du travail qui en évalue «la nécessité économique» au regard du marché de
l’emploi français. «Une façon de protéger nos
chômeurs»,précise-t-on à la Direction de la population et des migrations du ministère des Affaires sociales.
Une fois dans l’Hexagone, tous les personnels détachés sont censés, conformément à
MOSCHETTI/REA
l’article L341-5 du
Code du travail, obéir
à un certain nombre
de règles applicables
aux salariés français
concernant à la fois la
rémunération minimale conventionnelle, les
dispositions en matière de temps de travail
maximal autorisé,de santé et de sécurité ou encore de non-discrimination entre hommes et
femmes.Une égalité de traitement pas toujours
bien acceptée par les prestataires étrangers,
d’ailleurs, comme l’explique Philippe Bouquet-Nadaud, le DRH des Chantiers de l’Atlantique : « Pour nos “coréalisateurs” étrangers débarqués à Saint-Nazaire avec leurs
quelque 2000 salariés, la mise en œuvre des
35 heures a viré au casse-tête. Car, pour maintenir leur compétitivité, ces sociétés ont au
contraire tout intérêt à faire travailler leurs
personnels en grand déplacement 40, 45, voire
48 heures par semaine.»
D’apparence rigides, ces contraintes d’égalité de traitement n’en sont pas moins largement contournées. Et le dumping social est
tel que certains hauts fonctionnaires du ministère des Affaires sociales n’hésitent plus à
qualifier ce phénomène montant de détachements de «délocalisations sur place». Pourtant, certaines distorsions de concurrence sont
Les ouvriers indiens
d’Avco ont fait grève
en mars 2003 à
Saint-Nazaire contre
une ponction de 350
euros sur leur smic
pour l’hébergement.
admises, par exemple en matière d’affiliation
à la Sécurité sociale. Conformément à la jurisprudence européenne mais aussi à de nombreux accords bilatéraux signés principalement entre les grands pays industrialisés, les
salariés d’un prestataire étranger peuvent en
effet rester affiliés à leur régime de protection sociale d’origine.
Personnel sous statut irlandais
Pour une entreprise américaine autorisée à
laisser son personnel détaché en France pendant cinq ans, le taux de charges sociales se limite alors à 18%, «plan de retraite inclus»,
contre 56% pour un salarié affilié à la Sécu
française, a calculé Laurence Avram-Diday,
avocate associée chargée du département Human Capital chez Ernst & Young Law. S’agissant d’un cadre bénéficiant d’une rémunération
annuelle de 200000 euros,l’économie n’est pas
du tout négligeable. Ce n’est sans doute pas un
hasard si Ryan Air, la compagnie irlandaise à
bas coûts,préfère utiliser du personnel navigant
sous statut irlandais pour accueillir les clients,
enregistrer les bagages et assurer la montée
dans ses avions en escale à Beauvais: «Cela lui
évite de recruter du personnel au sol qui aurait
été obligatoirement affilié au régime français»,
décrypte Hervé Alexandre, responsable du
secteur aérien de la FGTE-CFDT.
Quand une société
américaine détache du
personnel en France,
les charges sociales
se limitent à 18%, au
lieu de 56% pour un
salarié affilié à la Sécu
Autre moyen de tirer partie des failles du système, recourir à des salariés étrangers pour
des missions brèves en France. Cas d’école, le
transport routier de marchandises, grâce à la
libéralisation du cabotage, depuis 1998, au sein
de l’Union européenne:«Avec un Code du travail encore largement fondé sur une organisation industrielle de la production et incapable de prendre en compte cette notion de
salarié mobile à distance, tous les transporteurs européens peuvent déjà faire du business
en France avec des salariés employés aux
conditions sociales de leur pays d’origine.À raison de 400 à 600 euros de salaire mensuel
pour un chauffeur polonais, nous ne pourrons
pas résister longtemps à une telle concurrence», explique Hervé Cornède, le délégué
général de la fédération patronale Transport et
logistique de France (TLF).
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LIAISONS SOCIALES / MAGAZINE
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Politique sociale
Un étranger détaché, ça coûte moins cher qu’un salarié français
Pour l’armature du
béton du TGV est,
une société allemande
sous-traite à une
autre qui emploie des
Polonais détachés…
d’une troisième
Ardent défenseur des droits des chauffeurs routiers à la FGTE CFDT, Patrick Van
Crayenest est bien obligé d’en convenir:«Nous
avons parfois l’impression de scier la branche
sur laquelle nous sommes assis lorsque nous
faisons pression sur les entreprises françaises
pour les empêcher d’emboîter le pas à Willi
Betz», ce célèbre transporteur allemand qui
s’est illustré, dès le milieu des années 90, en faisant circuler dans toute l’Europe occidentale
des camions conduits par les chauffeurs de
ses filiales installées dans les pays de l’Est.
Mais le phénomène est loin d’être circonscrit
au transport, comme en témoigne l’augmentation, ces dernières années, du nombre d’autorisations temporaires de travail délivrées
par le ministère des Affaires sociales.
NASCIMENTO/REA
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Certains services sont encore exclus
des négociations sur la libéralisation du
commerce, au prix d’un assouplissement
des déplacements de la main-d’œuvre.
Bataille à
l’OMC
Relancées fin 2001 à
Doha, les négociations
sur la libéralisation du
commerce mondial des
services suscitent des
remous en France.
Principalement parce
que l’Organisation
mondiale du commerce veut y intégrer
tous les services marchands, soit 75% du
PNB français, y compris l’éducation, la
santé ou l’audiovisuel.
Si la France a obtenu
de la Commission européenne, qui pilote la
négociation, de laisser
à l’écart ces secteurs
politiquement sensibles, elle a dû lâcher
du lest sur l’extension
des déplacements temporaires de maind’œuvre étrangère
dans le cadre d’une
prestation de services.
Une demande des pays
en voie de développement, selon la Dree.
Dans l’état actuel des
discussions, qui devraient s’achever fin
2004, la France accepte une nouvelle catégorie de salariés
d’entreprises étrangères: les stagiaires
titulaires d’un diplôme
universitaire. Et elle
veut bien supprimer
le «test de nécessité
économique» imposé
aux déplacements
de moins de six mois
consécutifs (contre
trois aujourd’hui) de
travailleurs indépendants et de salariés de
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niveau bac + 3, venus
dans le cadre d’une
prestation relevant
d’une quinzaine de
secteurs ou professions réglementées
supplémentaires:
conseil juridique,
informatique, fiscal,
technique ou de gestion, construction,
agences de voyage,
prestations de services
environnementales,
interprétariat… Seule
concession faite au
ministère des Affaires
sociales, le volume de
ces déplacements
ne devrait pas excéder
un certain quota.
Si la Dree estime avoir
préservé l’essentiel en
évitant que cette libéralisation annoncée
«n’influe sur la législation en matière d’immigration», le ministère des Affaires
sociales est plus inquiet. Non sans
raisons. Comme le
rappelle Marie-Ange
Moreau, professeur
de droit à l’université
d’Aix-Marseille, «les
contours des règles
sociales applicables
aux salariés étrangers
sont beaucoup plus
flous dans le cadre de
l’OMC que dans celui
de l’Union européenne». Et l’acceptation des conventions
de l’OIT est loin
de faire l’unanimité
parmi les États
membres. Bref, le
dumping social a de
beaux jours devant
lui…
Sous-traitance en cascade
Pour bénéficier d’une main-d’œuvre à bas
prix, les entreprises redoublent d’imagination.
La complexité des montages juridiques mis
en œuvre en témoigne. Sur le chantier du TGV
est, la pose d’armatures nécessaires à la fabrication du béton armé des ouvrages d’art a été
sous-traitée à une entreprise allemande qui
l’a elle-même sous-traitée à une autre société
d’outre-Rhin, laquelle fait effectuer le travail
par des salariés polonais détachés d’une troisième société. Un montage de plus en plus
fréquent dans un secteur sinistré, dont les deux
poids lourds français ont déjà mis la clé sous
la porte: «Nous sommes désormais confrontés à des entreprises capables de soumissionner à des prix inférieurs de 35% à ceux du marché», se désole Michel Ferran, le président de
l’Association professionnelle des armateurs.
Autre secteur touché par ces pratiques, celui des spectacles: pris la main dans le sac en
décembre 2001 par la police des frontières de
Metz, l’organisateur français d’une manifestation animée par une troupe d’artistes russes
a reconnu que «le prix de son spectacle aurait
dû être multiplié par 3 ou 4 si les artistes avaient
été payés aux tarifs en vigueur en France».
Pour chacun des 40 concerts programmés, les
rémunérations variaient de 8,20 euros pour
un musicien ou un danseur à 53,40 euros pour
le chef d’orchestre… Les prestations de services à haute valeur ajoutée ne sont pas épargnées. Les informaticiens employés dans une
filiale d’IBM ont vu le contrat commercial de
leurs anciens prestataires français progressi-
• LIAISONS SOCIALES / MAGAZINE • SE PT E MB RE 2003
vement suspendu tandis que celui de la dizaine d’Algériens présents depuis déjà un an
était prorogé. Des collaborateurs «employés
à des tâches de pupitrage sous-qualifiées par
rapport à leur diplôme et rémunérés au moins
20% moins cher que la moyenne du secteur»,
observe un de leurs collègues.
«Nous nous retrouvons avec une multitude
de fraudes difficiles à détecter, à qualifier et à
poursuivre», reconnaît Thierry Priestley, le secrétaire général de la Dilti. Signe du désarroi
des inspecteurs du travail, le forum de discussion installé sur l’intranet de la Direction de la
population et des migrations est le deuxième
plus visité après celui consacré aux 35 heures.
Joint-venture italo-indien
Malheureusement, les contrôleurs ne sont
pas au bout de leur peine. Car l’Organisation
mondiale du commerce s’est attaquée à la libéralisation des services.Avec l’Accord général sur le commerce des services, l’OMC a déjà
supprimé en 1994 toute entrave aux déplacements temporaires des commerciaux en
voyage d’affaires,des «cadres dirigeants» et des
«spécialistes essentiels» des multinationales,
mais aussi ceux de moins de trois mois de certains fournisseurs de services spécialisés dans
l’installation de machines, l’enseignement supérieur, la recherche et le développement, les
prestations artistiques… Et ce n’est qu’un début, si l’on en juge par l’état des négociations
en cours (voir encadré ci-contre).
Indépendamment des économies de coût
de main-d’œuvre, le marché international des
prestations de services est promis à un bel
avenir. Avocat associé responsable du département droit social chez Ernst & Young Law,
Alain Ménard confirme être «de plus en plus
sollicité, depuis quatre à cinq ans, pour gérer
le détachement de salariés en provenance
d’entreprises étrangères n’ayant pas d’établissement en France». À charge pour lui de
dénouer le nœud kafkaïen de leur affiliation à
la Sécurité sociale, comme «cotisant salarié
employeur». Il est vrai que ce système de prestation de services offre aux entreprises un
moyen supplémentaire d’ajustement de leurs
besoins de main-d’œuvre. «Pour fabriquer les
cinq paquebots livrables cette année, nous
avions besoin de la totalité des spécialistes du
conditionnement d’air disponibles en France»,
explique Philippe Bouquet-Nadaud, pour justifier le recours à Avco Marine. Si, aux yeux du
DRH des Chantiers de l’Atlantique, ce jointventure constitué entre le climatiseur italien
Aerimpianti et l’indien Voltas, filiale du groupe
Tata,était «le seul capable de déplacer la maind’œuvre dans un délai raisonnable», il n’en a
pas moins été au printemps l’objet d’un conflit
Politique sociale
Un étranger détaché, ça coûte moins cher qu’un salarié français
Stagiaires tchèques et roumains
Histoire de compliquer un peu plus la tâche
des services de contrôle,la globalisation des entreprises entraîne elle aussi une augmentation
du nombre de salariés étrangers détachés.
«Nous sommes de plus en plus fréquemment
confrontés à l’intervention de salariés étrangers
détachés d’un groupe multinational pour travailler dans les services généraux,la paie ou l’informatique de sa filiale française»,note Michel
Poivre,président de l’Adpit,l’Association de défense et de promotion de l’Inspection du travail du Nord. Même situation pour Philippe
HARRIS/REPORT DIGITAL-REA
social: ses 300 salariés indiens se sont mis en
grève pour réclamer à leur direction la suppression de la ponction de 350 euros sur leur
rémunération au smic, au titre de leur hébergement.
Les chantiers nazairiens ne sont pas les seuls
à recourir à cette nouvelle forme d’ajustement
de la main-d’œuvre. Pour être certain d’achever à temps la construction des turbines géantes
du barrage des Trois Gorges en Chine,Alstom
Power n’a pas hésité à faire travailler sur son
unité de fabrication de La Ciotat une équipe
de soudeurs brésiliens en provenance de sa filiale de Taubaté, dans la région de Sao Paulo.
Seul problème, selon Alain Léautey, le délégué
syndical CFDT d’Alstom Power à Grenoble
qui fournit notamment des pièces détachées à
La Ciotat, «ces salariés sont, d’après nos informations, payés selon le barème salarial brésilien, primes d’expatriation comprises».Autre
souci pour les syndicats, une poignée de ces salariés ont fait leur apparition à Grenoble, peu
de temps après que les ouvriers français ont refusé d’entériner l’accord d’aménagement du
travail en trois-huit, sept jours sur sept, visant
à rattraper le retard pris sur cette commande.
Afin d’achever à
temps la fabrication
de turbines pour la
Chine, Alstom Power
a fait venir à La
Ciotat des soudeurs de
sa filiale brésilienne
groupe Renault, nombre de multinationales
d’origine française se sont fixé pour objectif
d’accroître le recrutement de cadres étrangers.Avec pour conséquence, chez le constructeur,le quadruplement en dix ans des transferts
de salariés de pays à pays. Pas moins de
150 étrangers,de 22 nationalités différentes,travaillent déjà au centre d’études et de recherches de Guyancourt dans les Yvelines.
Non sans quelques problèmes «de doubles
coûts de cotisations», reconnaît-on chez Renault. Si bien que le groupe travaille activement, selon Michel de Virville, à la mise en
place « d’une politique homogène, transparente et lisible basée sur une réglementation
unique de ces transferts, quels que soient les
pays d’origine et d’accueil».
À la sécu américaine…
Sold, directeur départemental adjoint du
Travail du Bas-Rhin,
qui vient d’être sollicité pour autoriser
l’entrée de stagiaires
tchèques et roumains dans la perspective de la
délocalisation d’une partie de la filiale d’INA
Roulements, une multinationale allemande fabriquant des roulements à billes.«Quel régime
social doit-il leur être appliqué?» s’interroge ce
dernier.En tous les cas,dans les grands cabinets
de conseil internationaux, la réponse tombe
comme un couperet: «La législation française
en matière de droit de l’immigration n’est plus
adaptée à la réalité de la vie des entreprises et
à leur nécessaire réactivité»,tranche Laurence
Avram-Diday, d’Ernst & Young.
Au nom de la recherche d’un «plus grand
multiculturalisme», pour reprendre l’expression de Michel de Virville,secrétaire général du
Selon les syndicats
d’Alstom, les salariés
brésiliens appelés
en renfort en France
sont payés au
barème en vigueur
au Brésil.
Un horizon qui semble déjà devenu réalité
pour certaines firmes qui créent une société
unique de gestion de personnels destinée à irriguer les autres filiales du groupe en salariés
détachés. C’est déjà le cas, de façon légale cette
fois, chez United Airlines, dont le personnel
navigant commercial basé dans des escales
étrangères est soumis à la législation sociale
américaine,«en vertu d’un accord d’entreprise
mondial», précise Michael-Eric Schwaabe, délégué syndical américain en poste en France.
Mais au risque d’entraîner des différences de
traitement sensibles en matière de congé de maternité et d’indemnités journalières avec ses
collègues français qui ont obtenu le droit de rester affiliés à la Sécu française. Une chose est
sûre: la multiplication de ces situations constitue un sacré défi lancé aux pays à protection sociale élevée. Et, en l’absence de progrès dans
l’harmonisation sociale au moins européenne,
la France apparaît bien mal partie… ●
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