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EMMANUEL CHABRIER Les Mélodies - The Songs 1C1144 Poèmes Poems LE SENTIER SOMBRE M. de la Renaudie 1 THE DARK PATH M. de la Renaudie II est un sentier sombre au fond de nos vallées Où chaque soir Je viens m’asseoir. Et là je me souviens des heures envolées. Alors mon cœur S’ouvre au bonheur, There is a dark path deep in the valley Where every evening I come to sit And there I remember those vanished hours And then my heart opens To happiness, Car tous mes souvenirs sont pleins de ta personne. Et je te vois J’entends ta voix. À ce double plaisir mon âme s’abandonne Comme aux beaux jours De nos amours. For all my memories are full of you. And I can see you I can hear your voice. To this twofold pleasure my heart abandons Like during those beautiful days Of our love. L’ÎLE HEUREUSE E. Mikhaël 2 THE HAPPY ISLE E. Mikhael Dans le golfe aux jardins ombreux, Des couples blonds d’amants heureux Ont fleuri les mâts langoureux De ta galère. Et caressé de doux été, Notre beau navire enchanté. Vers des pays de volupté Fend l’onde claire ! In the bay of shaded gardens Happy golden-haired lovers Have flowered the languorous masts Of your galley. And caressed by the soft summer Your beautiful enchanted ship Towards voluptuous shores Cleaves through the clear waves! Vois, nous sommes les souverains Des lumineux déserts marins. Sur les flots ravis et sereins Berçons nos rêves ! Tes pâles mains ont le pouvoir D’embaumer au loin l’air du soir, Et, dans tes yeux, je crois revoir Le ciel des grèves ! You see we are the sovereigns Of the bright sea deserts On the gentle delighted waves Let us rock our dreams! Your pale hands have the power To embalm the far off evening air And, in your eyes, I believe I can see again The stranded sky! 2 Mais là-bas, là-bas au soleil, Surgit le cher pays vermeil D’où s’élève un chant de réveil Et d’allégresse. C’est l’île heureuse aux cieux légers Où, parmi les lys étrangers, Je dormirai, dans les vergers, Sous ta caresse ! LIED Théodore de Banville But over there, over there in the sun The vermeil country comes into view From where awaking And rejoicing song pours forth It is the happy isle of light skies Where among the exotic lilies I will sleep in the orchards Under your caress! 3 LIED Theodore de Banville Avec ces traits harmonieux, pareils A ceux des nymphes pures, Et ce teint rose, et ces anneaux vermeils Entre les chevelures, Avec les noirs sourcils, et les grands cils Dont l’ombre solennelle Se joue, orgueil de tes regards subtils. Sur ta vague prunelle. Ta beauté, Lys exalté, vêtement Joyeux que rien n’offense, Garde malgré l’épanouissement, Comme un duvet d’enfance. SÉRÉNADE A. de Chatillon With the delicate features Of a nymph, your pink carnation, and the Gilded silver rings Among your locks, The sombre shadows of your dark brow And your long lashes Play on the pride of the discerning look In your faraway eyes Joyfully dressed, your beauty, wild lily, Which nothing can offend, Retains, despite its blossoming, Something of a childhood’s down. 4 SERENADE A. de Chatillon La plus charmante femme, C’est bien vous, Ô madame. Belle de traits et d’âme, Bonne toujours ! Ô reine dont l’empire Est dans votre sourire, Je chante pour vous dire Régnez, régnez toujours ! The most charming woman, Is you of course oh my Lady. Beauty of features and of soul, Always so good! Oh queen whose empire Is in your smile, I sing to tell you Reign, Reign forevermore! Quand je vous ai surprise, L’autre soir à l’église, Près d’un pilier assise, Riant toujours ! La nef était bien sombre, Mais la foule, dans l’ombre, When I caught you. The other evening at church, Sitting near a pillar Laughing as always! The nave was so dark But the crowd, in the shadows 3 Fixait ses yeux sans nombre Sur vous, sur vous toujours ! Fixed their gaze On you, forever on you! La nuit quand le vent pleure, Devant votre demeure, Je vais, n’importe l’heure, Rêver toujours ! A votre porte close, Triste je me repose Un instant, car je n’ose Rester, rester toujours ! At night when the wind cries. In front of your house. Always to dream, I come at any hour. In front of your closed door I sadly rest Just for a moment, for I dare not Stay, stay forever! CHANSON POUR JEANNE Catulle Mendès 5 SONG FOR JOAN Catulle Mendes Puisque les roses sont jolies, Et puisque Jeanne l’est aussi, Tout fleurit dans ce monde-ci, Et c’est la pire des folies Que de mettre ailleurs son souci, Puisque les roses sont jolies, Et puisque Jeanne l’est aussi ! Since roses are pretty And so is Joan Everything blooms in this world So it’s madness To think of, anything else, Since roses are pretty And so is Joan! Puisque vous gazouillez, mésanges, Et que Jeanne gazouille aussi, Tout chante dans ce monde-ci, Et les harpes saintes des anges Ne feront jamais mon souci, Puisque vous gazouillez, mésanges, Et que Jeanne gazouille aussi ! Since you warble, blue-tits. And so does Joan. Everything sings in this world And the angel’s saintly harps Will never be my concern, Since you warble blue-tits And so does Joan! Puisque la belle fleur est morte, Morte l’oiselle, et Jeanne aussi... Rien ne vit dans ce monde-ci ! Et j’attends qu’un souffle m’emporte Dans la tombe, mon seul souci... Puisque la fleur est morte, Morte l’oiselle, et Jeanne aussi ! Since the beautiful flower is dead. Dead is the bird and Joan too Nothing lives in this world! And I’m waiting for my last breath To take me to grave, my only concern... Since the flower is dead, Dead is the bird and Joan too...! 4 COUPLETS DE MARIETTE Victor de Laprade 6 MARIETTAS SONG Victor de Laprade Son absence me désespère, Et je la vois avec frayeur, avec terreur ! Mais, malgré tout, son image si chère Sera toujours présente dans mon cœur. Ah ! douleur amère, malgré moi je sens Malgré moi je sens mon cœur se serrer. Toi, toi, toi qui depuis quinze ans Fut tout pour moi sur terre Il faut nous séparer. Nous séparer, hélas, nous séparer. His absence sorrows me And I feel it with fear, with terror But in spite of all, his image so dear Will always be present in my heart. Oh! bitter pain, in spite of myself I feel In spite of myself feel a pang of anguish You, you, you, who for fifteen years Meant everything on earth to me We must part. Must part, alas must part. Chaque matin dans ma chaumière En pleurant je dirai de toi : il pense à moi Et chaque soir à Dieu dans ma prière Je confierai mon amour et ma foi Ô douleur amère, malgré moi je sens Malgré moi je sens mon cœur se serrer; Toi, toi, toi qui depuis quinze ans Fut tout pour moi sur terre, Il faut nous séparer Nous séparer, hélas, nous séparer. In my cottage, every morning While I cry, I’ll say of you: He’s thinking of me And every evening in may prayers to God I’ll confide my love and my faith Oh bitter pain, in spite of myself I feel In spite of myself I feel a pang of anguish You, you, you, who for 15 years Meant everything on earth for me We must part Must part, alas must part. LES SOLDAT DU ROI Georges Briant 7 THE KING’S SOLDIER Georges Briant Pour rejoindre son régiment Un jeune et beau capitaine Chevauchait chantant gaîment Sur les routes d’Aquitaine ; Voit la Margotton en passant La trouve jeune et belle ; Lui glisse un coup d’œil caressant Et tendrement l’interpelle : — Je suis un soldat du Roi La belle, voulez-vous de moi ? (bis) To join his regiment A handsome young captain Sang gaily while riding Along the roads of Aquitaine; He sees Margotton passing by He finds her young and pretty And with a twinkle in his eyes Softly questions her: I am the king’s soldier Pretty one, will you have me ? (repeat) Margot, levant ses jolis yeux, Lui répond par un sourire Qui, pour notre homme, vaut bien mieux Que ce qu’elle pourrait dire. Le beau capitaine aussitôt Margot raising her pretty eyes Answered him with a smile Which for our man meant much more Than she could say. The handsome captain 5 Descend de sa monture Et prend deux baisers à Margot Qui rougit de l’aventure : — Holà ! beau soldat du Roi Vraiment, vous abusez de moi. (bis) Jumped down from his horse And stole two kisses from Margot Who blushed from the adventure: — Hey stop! handsome Captain Really you take advantage (repeat) De son légitime émoi La belle est remise à peine Que déjà le soldat du Roi galope dans la plaine. Et Margot, l’air désespéré S’en va, sous les grands charmes, — Sur son pauvre cœur déchiré Verser d’abondantes larmes, (bis) From her genuine emotion The beauty has hardly recovered When the king’s soldier is Already galloping across the plain. And Margot with a sorrowful air Walks away under the great charm And on her poor broken heart Sheds many a tear, (repeat) Braves gens, ne maudissez pas Le jeune et beau capitaine Qui chevauche gaîment là-bas Sur les routes d’Aquitaine ; Car, la Margotton, sûrement Trouvera, je le gage, Pour se consoler un amant Parmi les gars du village : — Margot saura, croyez-moi, Oublier le soldat du Roi ! (bis) Brave folk, don’t curse The handsome young soldier Gaily riding there Along the roads of Aquitaine For, Margoton will surely Find, I wager A lover to console her Among the village lads: Believe me Margot will, Soon forget the King’s soldier! (repeat) QUE LES AMANTS ONT DE PEINES ! 8 WHAT SORROWS LOVERS HAVE! Là-bas, dans les verts prés Y a-t-un’ claire fontaine. Où s’en vont les amants Pour y conter leurs peines, Oh ! oh ! que les amants. Les amants ont de peines Oh ! oh ! que les amants Ont de peine en aimant ! Over in the green meadows There is a clear fountain Where lovers go To tell their sorrows Oh, what sorrows Do Lovers have Oh, what sorrows Do lovers have in loving ! 6 L’INVITATION AU VOYAGE Charles Baudelaire 9 INVITATION TO TRAVEL Charles Baudelaire Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes. My child, my sister, Think of the pleasure Of living over there together! To love at leisure To love and to die In the country which resembles you The watery suns Of the cloudy skies In my mind have the Mysterious charms Of your treacherous eyes, Shining through their tears Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. There, all is but order and beauty Luxury, clam and voluptuousness. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde ; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’yacinthe et d’or ; Le monde s’endort Dans une chaude lumière ! You can see on the canals The vessels sleeping They are in an idle mood It is to grant Your every wish That they come from the end of the world The setting suns Cover the fields The canals, the whole town, In hyacinth and gold; Everyone falls asleep In a warm light! Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. There all is but order and beauty Luxury, calm and voluptuousness LIED Catulle Mendès 10 LIED Catulle Mendès Nez au vent, cœur plein d’aise, Berthe emplit, fraise à fraise, Dans le bois printanier, Son frais panier. Walking aimlessly, light-heartedly In the spring woods Berthe fills one by one with strawberries Her fresh basket. 7 Les déesses de marbre La regardent sous l’arbre D’un air plein de douceur, Comme une sœur, The marble goddesses Look at her gently Under the tree As upon a sister Et, dans de folles rixes, Passe l’essaim des Nixes Et des Elfes badins Et des Ondins. And fighting wildly A swarm of nymphs pass by And playful Elves And water sprites. Un Elfe dit à Berthe : «Là-bas, sous l’ombre verte, Il est, dans les sentiers, De beaux fraisiers.» An Elf tells Berthe : «Over there in the green, shade, Along the paths there are Some lovely strawberries.» Un Elfe à la moustache Très fine et l’air bravache D’un reître ou d’un varlet. Quand il lui plaît. An Elf with a fine moustache And a courageous air of A ruffian or a menial servant When it pleases him. «Conduisez-moi, dit Berthe, Là-bas, sous l’ombre verte, Où sont, dans les sentiers, Les beaux fraisiers !» «Lead me» said Berthe, In the green shade Yonder to the paths Of the lovely strawberry plants!» Leste comme une chèvre, Berthe courait. «Ta lèvre Est un fraisier charmant,» Reprit l’amant. Berthe ran As nimble as a goat. ‘Your lips Are a charming strawberry, The lover continued. «Le baiser, fraise rose, Donne, à la bouche éclose Qui le laisse saisir, Un doux plaisir !» «A kiss, strawberry rose Gives to the ripened mouth Which receives it A gentle pleasure»! «S’il est ainsi, dit Berthe, Laissons sous l’ombre verte, En paix, dans les sentiers, Les beaux fraisiers !» «If that is so, said Berthe; Let’s leave in peace The lovely strawberry plants Along the paths in the green shadow!» 8 RONDE GAULOISE J’ai vu la fille du meunier Ô gué Comme elle est belle Ô gué Avec son ruban de dentelle Qui voltige au vent printanier. 11 GALLIC ROUND I saw the miller’s daughter Fa la la How pretty she is Fa la la With her lace ribbon Flying in the spring breeze J’ai vu la fille du meunier Ô gué La belle fille Ô gué La belle fille chantait Le long de la charmille. CHANTS D’OISEAUX Victor de Laprade I saw the Miller’s daughter Fa, la, la The pretty maid Fa, la, la The pretty maid was singing Along the tree-covered walk 12 BIRD SONG Victor de Laprade Quand nous chantons nos amours, Les vieux chênes sont-ils sourds ? Non sans doute. Mais à leurs pieds par bonheur, Dans l’ombre, un beau promeneur Nous écoute. When we sing our love songs Are the old oak trees deaf? Surely not. But by luck at their feet In the shade, a handsome stroller Listens to us. On le devine à ses yeux, C’est un amant soucieux, Las d’attendre. Charmez, oiseaux, son ennui, Trouvez un chant pour lui. Vif et tendre. We can tell by his eyes He is a troubled lover Bored with waiting Charm, birds, his boredom Find a song for him Lively and tender. Battez de l’aile, on entend Deux soupirs à chaque instant Se confondre. Voilà, voilà le fruit d’un baiser. Il va sans plus s’abaisser Vous répondre ! Flap your wings, your can hear Two sighs Joining at each moment Here, here the kiss bears fruit No longer humble He will answer you. 9 BALLADE DES GROS DINDONS Edmond Rostand 13 THE BALLAD OF THE FAT TURKEY COCKS Edmond Rostand Les gros dindons, à travers champs, D’un pas solennel et tranquille, Par les matins, par les couchants, Bêtement marchent à la file. Devant la pastoure qui file En fredonnant de vieux fredons, Vont en procession docile Les gros dindons ! With a calm and solemn step Mornings and evenings The fat turkey cocks Are walking stupidly in line Past the spinner who hums An old tune. The fat turkey cocks Walk in a docile procession. Us vous ont l’air de gros marchands Remplis d’une morgue imbécile, De baillis rogues et méchants Vous regardant d’un œil hostile ; Leur rouge pendeloque oscille ; Ils semblent parmi les chardons, Gravement tenir un concile, Les gros dindons ! They look like prosperous tradesmen Filled with stupid pride They eye you with the scornful look Of roguish and nasty bailiffs; Their red wattle flapping Among the thistles they seem To be gravely holding council. The fat turkey cocks! N’ayant jamais trouvé touchants Les sons que le rossignol file, Ils suivent, lourds et trébuchants, L’un d’eux, digne comme un édile ; Et lorsqu’au lointain campanile L’angélus fait ses lents din ! don ! Ils regagnent leur domicile, Les gros dindons ! Never being moved by the Nightingale’s song They follow with heavy and tottering steps One of them, as dignified as a town councillor And when from the distant bell-tower angelus Rings its slow ding dong They arrive home. The fat turkey cocks! Prud’hommes gras, leurs seuls penchants Sont vers le pratique et l’utile, Pour eux, l’amour et les doux chants Sont un passe-temps trop futile, Bourgeois de la gent volatile, Arrondissant de noirs bedons. Ils se fichent de toute idylle, Les gros dindons ! Fat and pompous their only likeness is For the practical and the useful For them, love and warbling are too Futile a pastime Bourgeois of the feathered creatures With their black potbellies They have no care for an idyll The fat turkey cocks! 10 LES CIGALES Rosemonde Gérard 14 THE CICADAS Rosemonde Gérard Le soleil est droit sur la sente, L’ombre bleuit sous les figuiers. Ces cris au loin multipliés, C’est midi qui chante ! Sous l’astre qui conduit le chœur, Les chanteuses dissimulées Jettent leurs rauques hululées De quel infatigable cœur ! The sun shines along the footpath The shade turns blue under the hg trees The faraway cries increasing Its midday singing Under the star which conducts the choir The hidden singers Never tiring, pour forth their High pitched drone. Les cigales, ces bestioles, Ont plus d’âme que les violes. Les cigales, les cigalons Chantent mieux que les violons ! The cicadas, those insects Have more soul than a viola The cicadas sing better Than the violins! S’en donnent-elles, les cigales. Sur les tas de poussière gris, Sous les oliviers rabougris Étoiles de fleurettes pâles ; Et grises de chanter ainsi. Elles font leur musique folle. Et toujours leur chansons s’envolent Des touffes du gazon roussi ! Giving their all the cicadas On heaps of grey dust Under stunted olive trees Starred with pale flowerets Carried away with this singing They make their wild music And still their songs soar from The tufts of scorched grass! Les cigales, ces bestioles, etc. Cicadas those insects! etc. Aux rustres épars dans le chaume. Le grand astre torrentiel, À larges flots, du haut du ciel, Verse le sommeil et son baume, Tout est mort, rien ne bruit plus Qu’elles, toujours les forcenées. Entre les notes égrenées De quelque lointain angélus ! To the peasants scattered in the fields The great star Pours in torrents from high In the sky, sleep and its balm Everything is dead, there is no other Humming except their, always busy, Between the rippling notes of Some far off angelus. Les cigales, ces bestioles, etc. Les cigales, ces bestioles, etc. VILLANELLE DES PETITS CANARDS Rosemonde Gérard 15 VILLANELLA OF THE LITTLE DUCKS Rosemonde Gérard Ils vont, les petits canards, Tout au bord de la rivière, Comme de bons campagnards ! They are off the little ducks, At the riverside Like good country folk! 11 Barboteurs et frétillante, Heureux de troubler l’eau claire, Ils vont, les petits canards, Dabbling and quivering Happy to cloud the clear water They are off the little ducks Ils semblent un peu jobards, Mais ils sont à leur affaire, Comme de bons campagnards, They seem a bit gullible They are at their business Like good countryfolk! Dans l’eau pleine de têtards, Où tremble une herbe légère, Ils vont les petits canards, In tadpole filled waters Where light grass quivers They are off the little ducks Marchant par groupes épars, D’une allure régulière, Comme de bons campagnards ! Moving in scattered groups At a regular pace Like goof countryfolk Dans le beau vert d’épinards De l’humide cressonnière, Ils vont, les petits canards, In the beautiful spinach green Of the wet watercress bed They are off the little ducks Et quoiqu’un peu goguenards, Ils sont d’humeur débonnaire Comme de bons campagnards ! And though a little mocking They are in an easy-going mood Like good countryfolk! Faisant, en cercles bavards, Un vrai bruit de pétaudière, Is vont, les petits canards, Chatting in circles as Noisy as a bear garden They are off the little ducks Dodus, lustrés et gaillards, Ils sont gais à leur manière, Comme de bons campagnards ! Plump, shiny and lively They are gay in their own way Like good countryfolk Amoureux et nasillards, Chacun avec sa commère, Ils vont, les petits canards, Comme de bons campagnards ! In love and quacking Each with its gossip They are off the little ducks Like good countryfolk! 12 PASTORALE DES COCHONS ROSES Edmond Rostand 16 THE PINK PIGS PASTORALE Edmond Rostand Le jour s’annonce à l’Orient, De pourpre se coloriant. Le doigt du matin souriant Ouvre les roses ! Et sous la garde d’un gamin Qui tient une gaule à la main. On voit passer sur le chemin Les cochons roses. Day is on its way from the east Purple in colour The smiling finger of morning Opens the roses! And under the eyes of a child Holding a fishing rod in hand We see the pink pigs pass by. Le rose rare au ton charmant Qu’à l’horizon, en ce moment. Là-bas, au bord du firmament On voit s’étendre, Ne réjouit pas tant les yeux, N’est pas si frais et si joyeux Que celui des cochons soyeux. D’un rose tendre ! A rare pink of a charming tone Which on the horizon at the moment Over yonder at the edge of the firmament Can be seen spreading. This does not please the eye so much as it Is not as fresh and joyful As that of silky pigs Of a delicate rose! Le zéphyr, ce doux maraudeur, Porte plus d’un parfum rôdeur. Et, dans la matinale odeur Des églantines. Les petits cochons transportés Ont d’exquises vivacités Et d’insouciantes gaietés Presqu’enfantines. The zephyr, that soft prowler Carries more than a lurking scent In the morning smell Of the wild rose. The little pigs carried away are Exquisitely lively And gaily carefree, Almost childlike. Heureux, poussant de petits cris. Ils vont par les sentiers fleuris. Et ce sont des jeux et des ris Remplis de grâces. Ils vont et tous ces corps charnus Sont si roses, qu’ils semblent nus Comme ceux d’amours ingénus Aux formes grasses. Happily, with little squeaks They take the flowered paths And its games and laughter Full of grace. They are going and all those fleshy bodies Are so pink they seem naked Like the rounded forms Of naive love. Des points noirs, dans ce rose clair, Semblant des truffes dans leur chair. Leur donnent vaguement un air De galantine. Et leur petit trottinement, The black spots in the pale pink Seem like truffles in their flesh. Making them look a little Like galantine. And their little trot 13 A cette graisse, incessamment, Communique un tremblottement De gélatine. Seems to make this fat Shake Llike jelly. Le long du ruisseau floflottant, Ils suivent tout en ronflotant, La blouse au large dos flottant De toile bleue, Ils trottent les petits cochons. Les gorets gras et folichons. Remuant les tire-bouchons Que font leur queue. Along the flowing stream, They follow, snorting, The flapping blue Cotton smock, The little pigs trot. Excited dirty little fat pigs Wriggling their Corkscrew tails. Puis, quand les champs sans papillons Exhaleront, de leurs sillons. Les plaintes douces des grillons Toujours pareilles, Les cochons, rentrant au bercail. Défileront sous le portail, Agitant le double éventail De leurs oreilles. Then when the fields without butterflies Utter forth from their furrows, The soft moan of the crickets As always. The pigs returning to the fold. Will file under the porch. Wriggling their two-fanned Ears. Et quand, là-bas, à l’occident. Croulera le soleil ardent. A l’heure où le soir descendant Ferme les roses, « Paisiblement couchés en rond. Près de l’auge couleur marron, Bien repus ils s’endormiront. Les cochons roses ! And when, over in the west, The hot sun collapses, At the hour when evening falls To close the roses, Quietly curled up, Near the brown-shaped trough. Well fed, they’ll fall asleep, The pink pigs! ADIEUX À SUZON Alfred de Musset 17 FAREWELL SUZON Alfred de Musset Adieu ! Suzon, ma rose blonde ! Qui m’as aimé pendant huit jours. Les plus doux plaisirs de ce monde Souvent font les meilleurs amours. Sais-je au moment où je les quitte Où m’entraîne mon astre errant ? Je m’en vais pourtant ma petite Bien loin, bien vite, toujours courant. Farewell Suzon my golden-haired rose! Who loved me for eight days The gentlest pleasures of this world Are often the best loves Do I know when I leave them Where my wandering star will lead me? And yet I’m leaving little one Far away very quickly, always on the run. 14 SOMMATION IRRESPECTUEUSE Victor Hugo 18 DISRESPECTFUL DEMAND Victor Hugo Rire étant si jolie. C’est mal. Ô trahison ! D’inspirer la folie En gardant la raison ! Laugh when so pretty Is bad. Oh treason! To inspire madness While remaining sane. Rire, étant si charmante. C’est coupable à côté Des rêves qu’on augmente Par son trop de beauté ! Laugh when so charming. Is guilty Considering dreams heightened By too much beauty! Une chose peut-être Qui va vous étonner C’est qu’à votre fenêtre Le vent vient frissonner, One thing which might Surprise you is that At your window the wind is Coming to shiver, Qu’avril commence à luire, Que la mer s’aplanit Et que cela veut dire Fauvette, fait ton nid ! That April begins to gleam That the sea smoothens And that means Warbler, make your nest! Belle aux chansons naïves. J’admets peu qu’on ait droit Aux prunelles très vives Ayant le cœur très froid. Beauty of naive songs I can hardly admit to be entitled To the lively eyes With a cold heart. Quand on est si bien faite On devrait se cacher, Un amant qu’on regrette, À quoi bon l’ébaucher ? When one is so attractive One should hide. A lover that you regret Why start with him? On se lasse, ô coquette D’être toujours tremblant ; Vous êtes la raquette Et je suis le volant. One gets bored oh coquette To be always trembling You are the racket And I am the shuttlecock. Le coq battant de l’aile, Maître en son pachalick Nous prévient qu’une belle Est un danger public ! A worn out cock. Master in his domain Warns us that a beauty Is a public enemy! Il a raison : j’estime Qu’en leur gloire isolés Deux beaux yeux sont un crime, Allumez, mais brûlez ! He is right. I consider That in their isolated glory Two beautiful eyes are a crime Light up, but burn ! 15 Craindre ceux qu’on captive, Nous fuir, nous lier, Etre la sensitive Et le mancenillier, To fear those we capture To flee from each other, bind us together To be the sensitive one And the euphorbiacca. C’est trop !... aimez, madame, Quoi donc ?... Quoi ! mon souhait, Où j’ai tout mis mon âme, Mes rêves, me hait !... It’s too much love, my lady What is it? what my wish. Where I put all my soul My dreams; detest me! L’amour nous vise ; certes Notre effroi peut crier. Mais rien ne déconcerte Cet arbalétrier. Love targets us; of course Our fear can cry But nothing disconcerts this Crossbowman. Sachez donc, ô rebelle, Que souvent trop vainqueur. Le regard d’une belle Ricoche sur son cœur !... Know this, oh rebel When often too victorious The look of a beauty Rebounds on her heart! Vous pouvez être sûre Q’un jour vous vous ferez Vous-même une blessure Que vous adorerez. You can be sure that one Day you will wound yourself And you will adore it Vous connaîtrez l’extase Voisine du péché Et que l’âme est un vase Toujours un peu penché ! You will know ecstasy. Which is next to sin And that the soul is a vase Always a little tilted. Vous saurez, attendrie. Le charme de l’instant Terrible où l’on s’écrie : Ah ! vous m’en direz tant ! You will know, full of tenderness The charm of the terrible Moment when one cries out. Ah you will tell me about it! Vous saurez, vous qu’on gâte. Le destin tel qu’il est. Les pleurs, l’ombre et la hâte De cacher un billet ! You will know you whom we spoil Destiny as it really is, Tears, the dark feeling and the haste With which you hide a billet! Oui, pourquoi tant remettre ? Vous sentirez, qui sait. La douceur d’une lettre Qui tiédit le corset. Why put it off? Who knows, you will feel The softness of a letter Which warms your corset. 16 Vous riez ! votre joie À tout préfère rien... En vain l’aube rougeoie. En vain l’air chante ! eh bien ! You laugh, above all your joy Prefers nothing... Daybreak blushes in vain The wind sings in vain, well, Je ris aussi ! tout passe ! Ô Muse ! allons-nous en ! J’aperçois l’humble grâce D’un toit de paysan ! I laugh too. everything passes, Oh muse let’s away! I can see the simple charm Of a peasants’roof! L’arbre, libre volière. Est plein d’heureuses voix, Dans les pousses de lierre, Le chevreau fait son choix, A tree, open aviary Full of happy voices In the sprouting ivy The kid makes its choice, Et, jouant sous les treilles, Un petit villageois A pour pendants d’oreilles Deux cerises des bois ! And playing under the climbing vine A little villager Wears as earrings Two wild cherries! TES YEUX BLEUS Maurice Rollinat 19 YOUR BLUE EYES Maurice Rollinat Tes yeux bleus comme deux bluets Me suivaient dans l’herbe fanée, Et près du lac aux joncs fluets. Où la brise désordonnée Venait danser des menuets ! Your eyes as blue as two cornflowers Followed me through the withering grass And near the lake of slender rushes Where in the wild breeze, Comes to dance minuets! Chère ange, tu diminuais Les ombres de ma destinée, Lorsque vers moi tu remuais Tes yeux bleus ! Dear angel, you lessened The shadows of my destiny When your blue eyes Settled upon me! Mes spleens, tu les atténuais Et ma vie était moins damnée À cette époque fortunée. Où dans l’âme à frissons muets Tendrement tu m’insinuais Tes yeux bleus ! You lightened my melancholy And my life was less damned At that happy time Where in my silent quivering soul You tenderly insinuated Your blue eyes! 17 L’ENFANT Victor de Laprade 20 THE CHILD Victor de Laprade L’enfant est roi parmi nous Sitôt qu’il respire ; Son trône est sur nos genoux Et chacun l’admire. Il est roi. le bel enfant. Son caprice est triomphant Dès qu’il veut sourire ! The child is king among us As soon as he breathes His throne is our knees And everyone admires him He is king of lovely child, His caprices are triumphant As soon as he smiles! Il fait de ses cheveux d’or L’anneau qui nous lie, Il fait qu’on espère encor, Il fait qu’on oublie. Lorsqu’un orage a grondé, Que les pleurs ont débordé, Il réconcilie ! With his golden hair He forms a ring which binds us He makes us hope again He makes us forget When a storm has brewed When tears have flowed He brings peace! C’est pour lui qu’on a semé, Qu’on remplit la grange. Le pain blanc reste enfermé Pour le petit ange. C’est pour lui, joyeux garçon, Que chacun dit sa chanson, Pour lui qu’on vendange. We have sown our seeds for him We have filled the barn for him The white bread is locked up For the little angel Everyone sings their song for him Happy boy We harvest for him. RUY BLAS (À quoi bon entendre) Victor Hugo 21 RUY BLAS (What’s the use of listening) Victor Hugo À quoi bon entendre Les oiseaux des bois, L’oiseau le plus tendre Chante dans ta voix. What’s the use of listening To the birds in the wood When the most tender bird Sings in your voice. Que Dieu montre ou voile Les astres des cieux, La plus belle étoile Brille dans tes yeux ! If God reveals or veils The stars in the sky The most beautiful star Shines in your eyes! Qu’avril renouvelle Le jardin en fleur, La fleur la plus belle Fleurit dans ton cœur. Let April replenish The garden with flowers The most beautiful flower Blossoms in your heart 18 Cette vive flamme. Cet astre du jour, Cette fleur de l’âme S’appelle l’amour. TOUTES LES FLEURS Edmond Rostand This lively flame This star of the day This flower of the soul Is called love. 22 ALL FLOWERS Edmond Rostand Toutes les fleurs, certes, je les adore ! Les pâles lys aux saluts langoureux. Les lys fluets dont le satin se dore. Dans leur calice d’ors poudreux ! Et les bluets bleus Dont l’azur décore Les blés onduleux Et les liserons qu’entrouvre l’aurore De ses doigts frileux Mais surtout, surtout je suis amoureux. Cependant que de folles gloses S’emplissent les jardins heureux Des lilas lilas. Et des roses roses ! Of course I love all flowers Pale lilies, with their languorous wave Slender lilies their satin turning gold In the calyx of powdered golds! And the blue cornflowers The blue which decorates The waving corn And the convolvulus which Dawn half opens with shivering fingers But most of all I am in love While glosses Happy gardens fill. With lilac lilac And roses, pink roses! Toutes les fleurs, certes, je les adore ! Les cyclamens aux fragiles bouquets. Les mimosas dont le buisson se dore. Et les chers jasmins si coquets. Et les doux genêts Dont la brise odore, Et les fins muguets. Les muguets d’argent, si frais quand l’aurore Mouille les bosquets. Mais surtout, surtout je suis amoureux. Cependant que de folles gloses S’emplissent les jardins heureux. Des lilas lilas, Et des roses roses ! Of course I love all flowers The delicate bunches of cyclamen The mimosa bushes covered in gold And the dear jasmine so coquette And the gentle broom Of which the breeze is scented And the delicate lily of the valley The silver lily of the valley so fresh When dawn moistens the copses But most of all T am in love While glosses, Happy gardens fill With lilac lilac And roses, pink roses! Toutes les fleurs, certes je les adore ! Toutes les fleurs dont fleurit la beauté. Les clairs soucis dont la lumière dore Tes cheveux aux blondeur de thé. L’iris velouté Qui te prête encore Of course I love flowers All the flowers from which your beauty flower The light marigolds whose golden light turns Your hair into a blend of tea The velvety iris Which lends you 19 Sa gracilité. Et l’œillet qui met ta joue et l’aurore En rivalité ! Mais surtout, surtout je suis amoureux, Dans tes chères lèvres décloses Et dans les cernes de tes yeux, Des lilas lilas Et des roses roses ! CREDO D’AMOUR Armand Silvestre Its gracefulness. And the carnation which makes rivals of your Cheek with the dawn! But most of all I am in love For in your hardly parted lips And the shadows of your eyes Reflect lilac lilac And roses, pink roses! 23 CREED OF LOVE Armand Silvestre Je crois aux choses éternelles De la lumière et de l’amour ! Car la beauté comme le jour Allume un feu dans les prunelles ! Car les femmes portent en elles L’ombre et la clarté tour à tour ! Je crois aux choses éternelles De la lumière et de l’amour ! I believe in eternal things In light and love For beauty like daylight Lights a flame in the eyes For in them, women bear Darkness and light in turn I believe in eternal things In light and love Je crois que tout vit, sur la terre, Par le soleil et le baiser ! Car tous les deux savent briser L’effroi de la nuit solitaire ! Car la douleur,divin mystère, Tous les deux savent l’apaiser ! Je crois que vit, sur la terre, Par le soleil et le baiser ! I believe everything on earth lives Through the sun and a kiss For both know how to break The fear of nightly solitude. For both know how to appease The divine mystery of pain I believe everything on earth lives Through the sun and a kiss! Je crois que tout meurt et se presse Vers l’ombre du dernier sommeil ! Hors l’éclat de l’astre vermeil ! Et le pouvoir de la caresse ; Hors ce que nous versent d’ivresse Ou le sourire ou le soleil ! Je crois que tout meurt et se presse Vers l’ombre du dernier sommeil ! I believe that everything dies and rushes Towards the shadow of the last sleep Without the light of the red star And the power of a caress Without this flow of ecstasy From a smile of from the sun! I believe everything dies and rushes Towards the shadow of the last sleep!