Archive du Bulletin CCH fiscalité d`avril 2011

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Archive du Bulletin CCH fiscalité d`avril 2011
Bulletin CCH fiscalité d'avril 2011, Volume 13, No 4
Le Bulletin CCH fiscalité d'avril 2011, Volume 13, No 4, comprend les articles suivants :
Le don : droit civil et droit fiscal ne s’accordent pas toujours
Développements récents en taxes à la consommation
Publié par CCH à 06:48
Développements récents en taxes à la consommation
Par Mario Seyer, CA, Associé, Taxes à la consommation, PricewaterhouseCoopers LLP/s.r.l./s.e.n.c.r.l.
SECTEUR FINANCIER
Modifications annoncées le 28 janvier 2011
Le 28 janvier 2011, le ministère des Finances fédéral («Finances») a rendu public:
un document d’information «Modifications aux règles proposées relatives à la taxe de vente harmonisée
(TVH) applicable aux institutions financières», et
un avant-projet de loi et un avant-projet de règlement.
Le document d’information alors émis est divisé en trois sections: les modifications proposées qui sont
incorporées dans les nouveaux projets de règlements et articles de loi, les modifications qui n’y sont pas encore
incorporées, et les nouveaux sujets qui font l’objet d’analyse par Finances.
Les changements annoncés visent surtout les régimes de retraite et les effets sont résumés dans l’article du mois
dernier de Mel Thurlow (mars 2011) que nous vous invitons à consulter.
Parmi les autres modifications annoncées, il y a la possibilité pour une institution financière désignée qui a fait le
choix de produire de façon trimestrielle ou mensuelle, de revenir à une production annuelle. Étant donné la
complexité du formulaire GST 494F, toute institution financière désignée particulière («IFDP») voudra sans doute
considérer sérieusement la production annuelle. Pour la même raison, une IFDP aura généralement à s’inscrire
afin d’éviter la période de production mensuelle qui est automatiquement attribuée aux personnes qui ne sont
pas inscrites.
Dans les nouvelles dispositions de la loi proposées le 28 janvier, on inclut également les obligations d’inscription
en TPS pour les IFDP qui ont fait certains choix au niveau de la production de déclarations. On sait qu’entre
autres il y a possibilité d’inscription consolidée pour certains fonds d’investissements.
Il faut s’attendre à d’autres modifications au niveau des régimes de placement. Ainsi, dans le document
d’information, on fait référence aux régimes collectifs, et on sait que Finances analyse entre autres le statut des
régimes d’avantages sociaux assurés et non assurés, de même que les régimes de retraite qui ne sont pas visés par
les règles actuelles de l’article 172.1 de la Loi sur la taxe d’accise («LTA») et des dispositions connexes.
Il est évident que l’application de la TVH à des taux variables et seulement dans certaines provinces amène des
défis conceptuels qui rendent particulièrement complexes l’application de la taxe dans le secteur financier. On
peut difficilement combiner équité, uniformité et simplicité.
Services d’intermédiaires — Bulletin B-105
En février 2011, l’Agence du Revenu du Canada («ARC») a publié le Bulletin d’information technique B-105 («BIT
B-105») qui traite de la modification à la définition du terme «service financier». De façon générale, on reprend
les commentaires et politiques de l’Avis 250 qui avait été émis en juin 2010. Le BIT B-105 reprend les exemples
de l’Avis 250 avec peu de modifications de principes. On a toutefois ajouté deux exemples.
Le premier exemple est celui d’un concessionnaire automobile qui conclut des prêts avec des clients et les cède
ensuite à une institution financière. La cession de ces prêts constitue un service financier, exonéré en TPS.
Le deuxième exemple traite de commissions ou honoraires touchés pour mettre des investisseurs potentiels en
contact avec une société à la recherche de capital. Ce service est considéré comme une fourniture taxable, la
tâche exécutée ne pouvant répondre aux conditions du «prendre les mesures en vue de» de l’alinéa l) de la
définition de service financier.
On sait que les modifications, originalement annoncées en décembre 2009 et entérinées en 2010 sont venues
restreindre la portée du terme service financier, limitant les types de services d’intermédiaires qui peuvent se
qualifier à ce titre. D’ailleurs, le BIT B-105, comme l’Avis 250, inclut des exemples spécifiques d’opérations que
l’ARC considère maintenant comme des fournitures taxables alors que dans le passé l’ARC leur avait confirmé un
traitement exonéré.
Les intermédiaires financiers de tout genre ont donc intérêt à réviser attentivement le type de service qu’ils
rendent et, au besoin, présenter une demande d’interprétation. La portée exacte des nouvelles règles, beaucoup
plus restrictives, est parfois difficile à évaluer, créant ainsi beaucoup d’incertitude.
Lieu de la fourniture et fiducies de placement
On sait que les nouvelles règles au niveau du lieu de la fourniture en TVH et TVQ tiennent compte de l’adresse
d’affaires de l’acquéreur pour la plupart des services, sauf ceux visés par une règle d’exception.
La réponse de l’ARC dans une lettre d’interprétation émise en février 2011 (lettre datée du 27 août 2010, dossier
124124) illustre bien la difficulté d’application de cette règle pour certaines fiducies de placement. La réponse
de l’ARC traite de l’application ou non de la TVH, mais on sait que la même question se pose en TVQ.
Ainsi, on demande dans la lettre si, pour une fiducie, comme celle d’un fonds mutuel, on doit utiliser l’adresse du
fiduciaire ou celle du gestionnaire quand on rend un service. Une question similaire est posée pour les régimes de
retraite: doit-on utiliser l’adresse de l’administrateur du régime, l’adresse du fiduciaire ou l’adresse de l’endroit
où le régime est constitué? Même si ce n’est pas mentionné dans la lettre, si un comité de retraite existe, il faut
ajouter cet élément dans l’équation, et ce même si le comité n’est pas une personne aux fins de la LTA.
Dans la lettre, l’ARC rappelle que les services de fiduciaire en regard d’un REER, FERR, CELI, REEE sont réputés
fournis dans la province de l’adresse de correspondance du bénéficiaire ou détenteur du régime. Ces règles sont
relativement simples d’application car spécifiquement et clairement prévues au Règlement.
Par contre, dans les autres cas, il faut tout d’abord identifier le véritable acquéreur du service. Pour les fonds de
placement ou les régimes de retraite, cela va varier en fonction des ententes en place. La fiducie de régime, la
fiducie globale, l’employeur, le gestionnaire (dans le cas d’un fonds mutuel), le fonds lui-même (i.e. la fiducie,
en général) peuvent tous se qualifier comme acquéreur. Il n’y a pas de règle uniforme. Dans le cas du fonds
distinct d’un assureur, l’adresse de l’assureur devrait prévaloir.
Dans le cas d’une fiducie (d’un régime ou de placement), on spécifie que l’adresse peut être («may be») celle du
fiduciaire. Ainsi, alors que dans des communications et échanges datant de l’entrée en vigueur de la TVH en
Ontario, on semblait indiquer que l’adresse du fiduciaire était celle qui devait être utilisée pour le lieu de la
fourniture, la réponse est maintenant beaucoup plus nuancée et prudente.
Le concept d’adresse d’affaires est nouveau et on n’a pas d’historique en impôts ou en taxes, comme c’est le cas
par exemple pour les notions de résidence ou d’établissement stable. Et cette notion d’adresse d’affaires est
difficile d’application pour les fiducies. Par exemple, si un comité de retraite se réunit au Québec, que
l’employeur a son siège social au Québec et assume au Québec les fonctions afférentes à un régime de retraite,
mais que le fiduciaire réside en Ontario, un fournisseur de services retenu par le comité ou l’employeur doit-il
utiliser l’adresse ontarienne ou celle du Québec pour déterminer si la TVH ou TVQ devrait s’appliquer? L’ARC et
Revenu Québec n’ont pas encore fourni de réponse claire par voie d’énoncé ou de politique concernant cette
question.
Cette lettre nous rappelle que pour les fiducies, la réponse peut varier et qu’il ne faut pas assumer que de façon
systématique l’adresse du fiduciaire aura préséance.
HARMONISATION DE LA TVQ ET DE LA TPS
Dans le budget du 17 mars 2011, le Québec a fait le point dans le dossier de
l’harmonisation. Le document d’information «Le point sur les transferts fédéraux» résume la position du Québec,
qui demande une compensation de 2,2 milliards de dollars au gouvernement fédéral. Si on ignore l’aspect
politique et met l’emphase sur les incidences techniques, la conclusion du ministre des finances que l’on retrouve
aux pages B-15 et B-16 du document résument parfaitement bien les incidences pour les contribuables, que ce
soit au niveau corporatif ou individuel:
Puisque les autres démarches tentées jusqu’alors n’avaient pas permis de régler ce dossier, le Québec a transmis
au gouvernement fédéral, le 22 février 2011, une nouvelle proposition d’entente de principe sur l’harmonisation
de la TVQ à la TPS.
Cette proposition d’entente de principe de 6 pages est similaire aux ententes de principe signées par le
gouvernement fédéral avec l’Ontario et la Colombie-Britannique en 2009, sous réserve des adaptations
nécessaires qui découlent des trois enjeux fondamentaux mentionnés au début de la présente section.
Cette proposition d’entente de principe prévoit notamment que:
L’assiette de la TVQ, déjà substantiellement harmonisée à celle de la TPS, le serait encore davantage. En
fait, elle serait aussi harmonisée que la composante provinciale de la TVH dans les provinces participantes.
En particulier, la TPS serait retirée de l’assiette de la TVQ, les restrictions concernant les
remboursements de la taxe sur les intrants seraient éliminées graduellement sur une période de huit
ans (comme en Ontario et en Colombie-Britannique) et le Québec accepterait le principe de
l’harmonisation complète pour les services financiers.
La marge de manoeuvre du Québec en matière de politique fiscale serait la même que celle des provinces
participantes.
En particulier, le Québec accepterait de respecter la limite de 5 % de différences fiscales
(exemptions et remboursements de taxe).
Le Québec s’engagerait à préserver l’harmonisation des deux taxes au fil du temps, à défaut de quoi la
compensation financière reçue du gouvernement fédéral pourrait devoir être remboursée. Un engagement
équivalent existe dans les ententes conclues avec l’Ontario et la Colombie-Britannique.
Essentiellement, les seules différences avec la TVH dans les provinces participantes seraient les suivantes:
La TVQ et la TPS demeureraient imposées en vertu de lois adoptées respectivement par l’Assemblée
nationale et la Chambre des communes.
Le Québec continuerait d’administrer les deux taxes et d’assumer sa part des coûts de cette
administration, tandis que les provinces participantes ne paient pas pour l’administration de leur taxe de
vente par le gouvernement fédéral.
Les mesures d’intégrité fiscale mises en oeuvre par le Québec seraient maintenues.
Le Québec est d’avis que cette proposition justifie amplement le versement d’une compensation équitable
de 2,2 milliards de dollars.
En gros, on peut donc résumer les impacts techniques de la proposition du Québec de la façon suivante:
Maintien de l’imposition de la TVQ comme taxe distincte, mais calculée sur la contrepartie avant TPS, au
lieu d’y inclure la TPS
Maintien de l’assiette actuelle, qui est d’ailleurs harmonisée en presque totalité avec la TPS
Élimination des restrictions au remboursement de taxe sur intrants («RTI») visant les grandes entreprises,
échelonnée sur une période de 8 ans
Harmonisation complète pour les services financiers
Maintien des responsabilités, politiques et mesures de Revenu Québec
Donc, il y a peu d’effets visibles pour le consommateur sauf le mode de calcul pour la TVQ. Les grandes
entreprises appuieraient sûrement l’élimination des restrictions aux RTI, un casse-tête administratif causant
beaucoup de litiges dans le cadre de vérifications. L’effet pour le secteur financier serait toutefois le plus
important. Le traitement exonéré des services financiers et l’élimination de RTI représenteraient un coût
additionnel, souvent très important. De plus, l’instauration des règles de TPS et TVH complètes dans un contexte
provincial et interprovincial amènerait nécessairement un haut niveau de complexité. En outre, les règles
actuelles en TVH, notamment celles afférentes aux IFDP, déjà difficiles d’application, sont conçues dans une
optique pancanadienne. Ce serait tout un défi de les intégrer au système de TVQ.
Dans ce contexte, il est bon de rappeler que la taxe compensatoire a été instaurée à l’origine à cause du statut
détaxé des services financiers (menant généralement à des RTI complets) et que la taxe visait à imposer aux
institutions financières un fardeau semblable à celui qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la TVQ, au niveau
de l’impôt de la vente en détail. On peut présumer que l’imposition d’un statut exonéré créerait un coût
beaucoup plus important, toutes proportions gardées. La seule élimination de la taxe compensatoire n’aurait
donc pas un effet neutre pour l’ensemble du secteur financier.
Publié par CCH à 09:21
Libellés : Taxes
Le don : droit civil et droit fiscal ne s’accordent pas toujours
Par Boriana Christov, avocate chez BCF s.e.n.c.r.l., membre de MERITAS, avocats à travers le monde.
La donation est l’élément fondamental du régime de financement du secteur des bienfaisances, au Canada
comme ailleurs. En général, selon la position administrative de l’Agence du revenu du Canada (ci-après
l’« ARC »), pour qu’il y ait don, il doit y avoir un transfert volontaire d’un bien, l’appauvrissement du donateur et
l’absence d’avantage ou de contrepartie ainsi qu’une valeur clairement vérifiable (1).
Le don en droit civil comporte des différences avec l’institution équivalente de la Common Law. Ces différences
sont à trois niveaux qui peuvent influencer les incidences fiscales du don. Il s’agit (i) des dons partiels, (ii) des
dons conditionnels et (iii) au niveau de l’empiètement sur le capital, ou ce qu’on appelle en anglais "the power to
encroach on capital".
Dans le domaine des dons, l’ARC applique l’uniformité pancanadienne et retient à cette fin les caractéristiques
plus restrictives du don en Common Law, qu’elle applique aussi aux dons faits au Québec. Cette position, bien
que logique, ne tient pas compte des particularités du droit civil québécois.
Il est admis que le droit fiscal est l’accessoire du droit civil et donc qu’il importe avant tout de cerner avec
précision la nature et les effets des rapports juridiques entre les personnes pour appliquer correctement les
règles de droit fiscal. La donation ne devrait pas échapper à cette règle.
In my opinion fiscal law is an accessory system, which applies only to the effects produced by contracts.
Once the nature of the contracts is determined by the civil law, the Income Tax Act comes into effect, but
only then, to place fiscal consequences on those contracts. Without a contract, without a law and an
obligation, there can be no fiscal levy. Application of the Income Tax Act is subject to a civil
determination, whether such a determination be according to civil or common law (2).
Les caractéristiques essentielles d’un don en droit civil et les différences qui existent entre celles-ci et celles de
la Common Law sont examinées. Ce survol permet de comprendre le traitement fiscal qui peut s’appliquer à
certaines particularités du don en droit civil québécois. Nous examinons les différences fondamentales entre les
dons en droit civil et en Common Law aux trois niveaux qui précèdent.
1. La nature du don en droit civil
C’est à l’article 1806 Code civil du Québec (3)(ci-après le « C.c.Q. ») que le législateur québécois définit le don :
La donation est le contrat par lequel une personne, le donateur, transfère la propriété d'un bien à titre
gratuit à une autre personne, le donataire; le transfert peut aussi porter sur un démembrement du droit de
propriété ou sur tout autre droit dont on est titulaire.
Cette définition est très semblable à celle de la Common Law qui est celle retenue par l’ARC.
A. Don partiel
À la différence de la Common Law, au Québec l’acceptation d’une considération partielle ne détruit pas le don.
D’ailleurs, l’article 1810 CCQ prévoit notamment que :
La donation rémunératoire ou la donation avec charge ne vaut donation que pour ce qui excède la valeur
de la rémunération ou de la charge.
En comparaison, la Common Law définit le don d’une manière différente et restrictive. Plus précisément, on
prévoit que le don est un transfert volontaire d’un bien par une personne en faveur d’une autre sans aucune
contrepartie, sans être le résultat d’une obligation contractuelle et sans expectative d’un avantage matériel (4).
La nature restrictive du don en Common Law est la cause de plusieurs déficiences pratiques qui ont quelquefois
teinté le don à des fins fiscales et qui ont nécessité l’intervention des tribunaux pour préserver certains bénéfices
fiscaux. Par exemple, dans l’affaire de La Reine c. Friedberg (5), la Cour d’appel fédérale est intervenue pour
décider que l’avantage fiscal accordé au donateur par la Loi de l’impôt sur le revenu (6) n’est pas un avantage
matériel qui vicie le don.
B. Don conditionnel
Au Québec, le don peut aussi être conditionnel pourvu que la condition ne soit pas purement potestative, c’est-àdire que la condition ne doit pas dépendre uniquement de la discrétion du donateur. Un don soumis à une
condition lorsque le donateur a le libre choix d’agir ou de retenir son don n’est pas valide, car le donateur n’a pas
transmis la propriété du bien s’il a conservé le droit de retenir l’objet du don.
Par ailleurs, en Common Law, le don existe lorsque l’objet du don est dévolu irrévocablement au donataire. Cette
notion de dévolution irrévocable ("indefeasible vesting") n’existe pas en droit civil. Dans notre droit, les
conséquences d’une dévolution irrévocable se retrouvent à travers les effets des conditions suspensives et
résolutoires. Ainsi, dans le cas d’un don sous condition suspensive, le don sera parfait à l’arrivée de la condition
alors que pour la condition résolutoire, le don sera annulé rétroactivement à la réalisation de la condition.
Malgré ces différences significatives entre le droit civil et la Common Law, nos tribunaux siégeant en matière
fiscale ont retenu seulement la définition de Common Law du don. Cela est peut-être par souci d’uniformité dans
l’application pancanadienne des règles fiscales.
1. Empiètement sur le capital
De la même manière, l’empiètement sur le capital d’un don sera traité différemment sous un régime ou l’autre.
En Common Law, le pouvoir du donateur d’empiéter sur le capital empêche la dévolution absolue du bien et
suspend le don jusqu’à la parfaite dévolution. Pour l’ARC, l’existence d’un droit d’empiéter sur le capital
disqualifie le don à des fins fiscales.
En droit civil, la faculté d’empiéter pourrait être assimilée à une condition qui peut avoir deux conséquences
différentes.
i. ce droit peut influer sur l’existence même du don; ou
ii. il peut avoir une incidence seulement sur la valeur du don.
Dans le premier cas, le don est suspendu jusqu’à l’extinction du pouvoir d’empiéter. Ce sera le cas d’une fiducie
en faveur d’un conjoint où le capital de la fiducie est donné à un organisme de bienfaisance au décès du conjoint.
Au moment du décès et dû à la disparition du pouvoir d’empiéter, le don est parfait et il devrait produire ses
effets fiscaux rétroactivement au moment de la création de la fiducie conformément à l’article 1506 CCQ.
La condition accomplie a, entre les parties et à l'égard des tiers, un effet rétroactif au jour où le débiteur
s'est obligé sous condition.
Dans le second cas, la valeur réelle du don est déterminée en fonction de la probabilité que l’empiètement puisse
être exercé en faveur du conjoint. Cette probabilité peut dépendre de multiples considérations qui influeraient
sur la nécessité d’utiliser une partie du capital au profit du conjoint. Ces considérations pourraient comprendre,
entre autres, la situation financière du conjoint et son expectative de vie.
En vertu de la Common Law, cette rétroactivité n’existe pas. Une condition préalable ("condition precedent") qui
n’a pas de terme pourrait être traitée comme une condition suspensive du droit civil, elle suspend la création de
l’obligation jusqu’à ce que la condition soit satisfaite. Dans ce cas, en Common Law, l’obligation naît à la
réalisation de la condition et sans effet rétroactif.
2. Quel est l’effet des obligations conditionnelles en droit fiscal dans le domaine des dons?
Si le droit fiscal est l’accessoire du droit civil, il s’en suit que la condition résolutoire ou suspensive devrait
produire un résultat fiscal qui est conforme à ses effets légaux. Comme en droit civil, les effets de la condition
devraient rétroagir, le moment du don en droit fiscal devrait s’apparenter au moment du don en droit civil.
Cette conclusion est conforme aux dires de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire St-Hilaire c. Canada (7)où la
Cour a défini le test applicable aux fins fiscales.
[65] Ce qui, je pense, devrait déterminer s'il y a lieu ou non de recourir au droit privé (au Québec, le droit
civil), ce n'est pas le caractère public ou privé de la loi fédérale en cause, mais le fait, tout simplement,
que la loi fédérale, dans un litige donné, doit être appliquée à des situations ou à des relations qu'elle n'a
pas définies et qui ne peuvent l'être qu'en fonction des personnes affectées. On ferme en quelque sorte le
cercle et on revient au point de départ, à l'article VIII de l'Acte de Québec de 1774: quand ces personnes
affectées sont des justiciables et que leurs droits civils sont en litige et n'ont pas été définis par le
Parlement, c'est le droit privé provincial qui vient combler le vide. Bref, le droit civil s'applique, au
Québec, à toute législation fédérale qui ne l'écarte pas.
De tels effets rétroactifs ont été reconnus par la jurisprudence, entre autres, dans l’affaire M.R.N. c. Faurer (8)
décidée par la Cour suprême et dans la décision de la Cour fédérale dans Furfaro-Siconolfi c. La Reine (9).
En dépit de cette reconnaissance jurisprudentielle, l’ARC n’accepte pas l’effet rétroactif d’un don
essentiellement parce que la valeur du don ne peut être déterminée avec une précision raisonnable au moment
de la donation. Cette position, même si elle convient dans les provinces de Common Law, n’est pas acceptable au
Québec, car elle ignore les effets juridiques d’un don conditionnel en droit civil québécois.
Pour le moment, l’ARC applique les conséquences légales dictées par la Common Law même aux dons régis par le
droit civil québécois. Cette position se heurte au principe du bijuridisme autant qu’aux articles 8.1 et 8.2 de la
Loi sur l’interprétation (10), qui exigent :
RÈGLES D’INTERPRÉTATION
Propriété et droits civils
Tradition bijuridique et application du droit provincial
8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière
de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou
notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un
texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et
notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.
Terminologie
8.2 Sauf règle de droit s’y opposant, est entendu dans un sens compatible avec le système juridique de la
province d’application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de
Québec et des termes propres à la common law des autres provinces, ou qui emploie des termes qui ont un
sens différent dans l’un et l’autre de ces systèmes.
II. Propositions législatives
Cet accroc aux règles habituelles d’interprétation et d’application des lois fiscales uniformes à travers le Canada
sera remédié en partie par l’entrée en vigueur des nouveaux paragraphes 248(30) à (33) de la Loi de l’impôt sur
le revenu applicables aux dons partiels.
Le Projet de loi C-10 de 2006 propose des changements significatifs au régime fiscal des dons de bienfaisance et
aux avantages conférés au donateur. De façon générale, les règles proposées prévoient que le montant admissible
du don aux fins de la déduction ou du crédit pour le don de bienfaisance devrait tenir compte de l’incidence
économique du don pour le donateur (avant la prise en compte de l’avantage fiscal).
En effet, le nouveau paragraphe 248(31) proposé, qui s’appliquera aux dons effectués après le 20 décembre 2002,
précise que le montant admissible d’un don représente l’excédent de la juste valeur marchande du bien donné
sur le montant de l’avantage dont bénéficie le donateur et qui découle du don.
De plus, le Projet de loi C-10 permet au donateur de tirer un avantage du don dans la mesure où (i) la valeur de
l’avantage qu’il reçoit n’excède pas 80 % de la valeur totale du bien donné avant le calcul de l’avantage et où
(ii) le donateur établit, à la satisfaction du Ministre, que le transfert a été effectué avec l’intention d’effectuer
un don.
Ces modifications rendront les conséquences fiscales de certains dons plus compatibles avec leurs caractéristiques
en droit civil du Québec. C’est le cas du don partiel. Mais la rétroactivité qui caractérise le don conditionnel en
droit civil n’est pas résolue par ces amendements proposés. L’ARC changera-t-elle son approche dans ce domaine?
Les propositions existantes semblent répondre à cette question par la négative.
1.
Voir Nouvelle technique No 26, en date du 24 décembre 2002.
2.
La Reine c. Lagueux & frères inc., 74 D.T.C. 6569, à la p. 6572 (F.C.T.D.).
3.
L.Q. 1991, c. 64.
4.
Voir, Woolner c. Canada et al., 99 D.T.C. 5722; (C.A.F.), aussi La Reine c. Zandstra, 74 D.T.C. 6416, p. 6419; La Reine c. McBurney, 85 D.T.C. 5433, p.
5435 (C.A.F); La Reine c. Burns, 88 D.T.C. 6101, p. 6103 (F.C.T.D.); aff. 90 D.T.C. 6335 (C.A.F); La Reine c. Friedberg, 92 D.T.C. 6031, p. 6032
(C.A.F.); et Pustina et al. c. La Reine (sub nom. Whent c. La Reine), 96 D.T.C. 1594, p. 1602; aff. 2000 D.T.C. 6001 (C.A.F.).
5.
92 D.T.C. 6031.
6.
L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.) telle que modifiée.
7.
[2001] 4 F.C. 289 (C.A.F.).
8.
77 D.T.C. 5228 (C.S.C.).
9.
90 D.T.C. 6237 (F.C.T.D.).
10.
L.R.C., c. I-21.
Publié par CCH à 07:01
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