Conflit israélo-palestinien: Les chances de paix n`ont

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Conflit israélo-palestinien: Les chances de paix n`ont
Conflit israélo-palestinien: Les chances de paix n’ont jamais été meilleures
Richard Nadeau, professeur titulaire au Département de science politique et membre du
Réseau Moyen-Orient (RÉMO) du Centre d’études et de recherches de l’Université de
Montréal (CÉRIUM)
Angelo Elias, candidat au doctorat au Département de science politique de l’Université de
Montréal.
M. Nadeau présentera ces donnés lors de la table ronde Israël-Palestine : nouvelle donne,
nouveau départ, mercredi le 6 avril à l’Université de Montréal (pour détails :
www.cerium.ca).
L’opinion publique, un acteur souvent négligé dans l’étude du conflit israélo-palestinien, pourrait
jouer un rôle décisif au cours des prochains mois. Malgré des décennies de conflits, les
sentiments populaires ont convergé, tant en Israël qu’en Palestine, dans la direction de la
modération et de la reconnaissance mutuelle. La conjoncture récente a renforcé cette tendance. De
claires majorités soutiennent maintenant la reprise de négociations devant mener à une paix
durable entre Israéliens et Palestiniens.
La reconnaissance mutuelle
La convergence des opinions publiques palestiniennes et israéliennes a été le résultat d’un long
processus. Ce rapprochement peut surprendre car les deux camps partaient de positions fort
éloignées.
Au milieu des années 80, à peine 20% des Israéliens étaient favorables à l’établissement d’un État
palestinien. Une quinzaine d’années plus tard, cette proportion a été multipliée par trois. Trois
Israéliens sur cinq estiment maintenant que la constitution d’un tel État est à la fois souhaitable et
probable.
Un itinéraire semblable est observable dans l’opinion publique palestinienne. Au terme d’une
longue évolution, près de trois Palestiniens sur cinq (57%) estiment maintenant que la
coexistence pacifique d’un État palestinien et d’un État israélien constituerait la meilleure
solution pour mettre fin de façon durable au conflit avec leur voisin.
Ce mouvement de fond a certes connu des hauts et des bas. L’année 2002 a constitué une sorte de
creux de ce point de vue. Près de 80% des Israéliens estimaient alors qu’un conflit armé était
probable dans leur région au cours des trois prochaines années (cette proportion a chuté
dramatiquement depuis). Le même pessimisme était palpable chez les Palestiniens qui estimaient
alors dans une proportion de près de 85% que le processus de paix était dans l’impasse.
Ce pessimisme a contribué à cette époque à favoriser le soutien à l’emploi de moyens radicaux
pour faire face à la situation. Les niveaux d’appui en faveur du recours à la manière forte ont alors
connu des sommets dans les deux camps.
La situation avait déjà commencé à changer avant la mort de Yasser Arafat. Il est donc abusif de
dire que la disparition du leader palestinien a relancé le processus de paix. Mais il n’est pas moins
indéniable que la conjoncture au cours des derniers mois a évolué dans un sens favorable à
l’établissement d’une paix durable.
L’ère post-Arafat
La réaction de l’opinion palestinienne à la mort de Yasser Arafat est révélatrice. Quatre
Palestiniens sur cinq ont d’emblée reconnu sa contribution à l’avancement de leur cause, mais
une proportion non moins significative d’entre eux, trois sur cinq, ont affirmé en même temps
que son décès allait entraîner un changement politique significatif. L’optimisme quant à
l’amélioration des chances de paix, déjà en hausse depuis la fin de 2003, s’est brusquement accru
tant chez les Israéliens que chez les Palestiniens. La poursuite du processus de paix et
l’amélioration de la situation en Palestine sont clairement apparus comme les principales
motivations des électeurs qui ont porté Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne en
janvier dernier.
Ce changement dans les perceptions quant aux chances de paix a entraîné à sa suite une
réévaluation des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs visés par les deux camps. Le
soutien à l’Intifada, et plus encore aux opérations militaires contre Israël ont chuté de façon
significative dans le camp palestinien. La reconnaissance par une proportion significative
d’Israéliens que le plan de désengagement dans les territoires palestiniens proposé par Ariel
Sharon représente une victoire palestinienne constitue une reconnaissance à peine voilée des
limites de la politique d’implantation de colonies juives. Ce match nul stratégique, cette
reconnaissance mutuelle dans les deux camps que l’emploi de moyens radicaux n’a pas produit
les résultats escomptés paraît révélatrice et prometteuse pour la suite des choses.
Les chances de paix n’ont jamais été meilleures
La pression des opinions publiques palestiniennes et israéliennes en faveur de la paix ne doit pas
faire perdre de vue que celle-ci sera acquise au terme d’un processus qui devra régler les
questions délicates des frontières, du statut de la ville de Jérusalem, des réfugiés et de la sécurité
entre Israël et le futur État palestinien. Bien que là encore les enquêtes d’opinion montrent un
assouplissement certain dans les deux camps à propos de ces questions, il n’en demeure pas
moins que les obstacles sur la route d’une paix durable restent nombreux. Ces difficultés doivent
évidemment tempérer tout optimisme excessif dans l’évaluation des chances d’en arriver à une
solution permanente. Cela dit, compte tenu de l’état de l’opinion publique en Israël et en
Palestine, il est permis d’avancer que les chances de trouver une solution durable au conflit
israélo-palestinien n’ont jamais été meilleures.1
1
Les données de sondage auxquelles se réfère l’article proviennent pour la plupart du
National Security and Public Opinion Project (Jaffee Center for Strategic Studies de l’Université de Tel Aviv), du Palestinian Opinion Pulse
(Jesusalem Media Center)
, et des projets conjoints entre le Palestinian Center for Policy and Survey Research et le Harry S. Truman Research Institute for the
Advancement of Peace.