1 L`intervenant est plein cadre à l`image, devant le micro

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1 L`intervenant est plein cadre à l`image, devant le micro
[L'intervenant est plein cadre à l'image, devant le micro, assis à la table de conférence, avec derrière lui et à ses côtés
un décor ESEN] .
ESEN
Ecole supérieure de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Yann BUTTNER :
Bonjour. Ravi de vous retrouver, pour certains, de vous trouver pour les autres. C'est toujours un plaisir de venir parler
dans cette école. Même si aujourd'hui, on va parler de choses moyennement rigolotes. On va parler de personnels en
difficulté, ou plus exactement, parce qu'il ne faut pas être trop hypocrite non plus, de personnels qui nous posent des
difficultés. C'est plus sous cet angle-là en fait qu'on va aborder la question. [Tout au long de la conférence, il lira
certains passages, tête baissée sur ses papiers, puis quelquefois développera, résumera, ou donnera des exemples) ] .
Feu le décret du 30 août 1985, aujourd'hui codifié, nous indique que le chef d'établissement a autorité sur l'ensemble des
personnels affectés dans son établissement. Alors, ce texte ne précise pas ce que signifie le terme autorité, et ne
distingue pas les différentes catégories de personnels travaillant dans les PLE. Pourtant, la réalité est complexe. Le chef
d'établissement doit gérer des personnels qui ont des statuts très différents les uns des autres. Et s'il a autorité sur chacun
d'entre eux, cette autorité ne sera pas toujours de même nature. Dans les PLE, on trouve des fonctionnaires de l'État, des
professeurs et des personnels administratifs, des fonctionnaires des collectivités territoriales de rattachement, les agents
de service, les anciens TOSS, des contractuels de l'État, des professeurs contractuels, par exemple. Des contractuels de
l'établissement, qui eux-mêmes se décomposent en deux, c'est-à-dire les contractuels de droit public avec les AED, les
contractuels de droit privé, les CUI, CAE, bientôt les emplois d'avenir, donc on voit que cette multiplication des statuts
rend la tâche du chef d'établissement particulièrement complexe. Outre le fait qu'il doit connaître les nuances statutaires
entre les différents agents, et qu'il doit donc adapter sa gestion en fonction de ces différences, le chef d'établissement
doit aussi nécessairement prendre en compte le fait qu'il n'a pas la même autorité sur ces différents personnels. On peut
distinguer, en fait, deux types d'autorités. L'autorité directe, sur les contractuels de l'établissement. En sa qualité
d'employeur, il prend quasiment seul toutes les décisions concernant la carrière de ses agents, du recrutement jusqu'à
l'échéance du contrat, et une autorité dite fonctionnelle, à l'égard des personnels de l'État et des collectivités locales.
Alors, c'est sur cette autorité fonctionnelle que nous allons nous pencher ce matin, car c'est elle qui pose le plus de
difficultés au regard du positionnement du chef d'établissement lorsque l'agent, justement, pose problème. A priori, c'est
comme ça que l'ont vécue des générations de chefs d'établissement, lorsqu'un fonctionnaire est en difficulté, il
appartient à la seule autorité académique, ou à la collectivité locale pour les agents de service, de régler le problème.
Dans la mesure où il appartient au recteur, ou au ministre, selon les corps de fonctionnaires concernés, de prendre les
mesures administratives qui s'imposent, le chef d'établissement
pourrait avoir pour réflexe, ou en tout cas pour envie, de se laver les mains du problème, après l'avoir signalé aux
autorités compétentes. Autrement dit, je me contente de signaler, untel pose problème, veuillez régler le problème. En
réalité, bien évidemment, les choses sont plus compliquées que ça. La légalité des différentes mesures va dépendre en
grande partie, pas seulement, mais en grande partie, des rapports factuels élaborés et rédigés par le chef d'établissement.
[Il tousse régulièrement depuis le début, là, il rit et boit un verre d'eau] . Le chef d'établissement, en effet, ne va pas
pouvoir se désintéresser, juridiquement s'entend, de l'objectif poursuivi par l'administration dans la gestion du
problème. Déjà, quelles sont ces mesures ? Que peut faire l'administration quand un agent pose problème ? De quelles
marges de manœuvre dispose l'administration, lorsque, justement, on est face à un comportement problématique ? La
procédure disciplinaire évidemment, c'est l'arme la plus souvent utilisée ou en tout cas, celle à laquelle on pense en
premier. Mais en fait elle est loin d'être la seule. On va trouver aussi tout un panel de mesures non disciplinaires, parmi
lesquelles on va évoquer le licenciement pour insuffisance professionnelle, la mutation dans l'intérêt du service, non
disciplinaire, qui se distingue du déplacement d'office en tant que sanction disciplinaire, on va y revenir, et le cas
échéant aussi la procédure médicale. Ces procédures s'avèrent différentes les unes des autres et correspondent à des
situations, de fait, qui peuvent aisément s'enchevêtrer. Il est en effet particulièrement difficile de tracer une frontière
infranchissable entre la faute, l'insuffisance, le conflit, ou encore, le comportement pathologique. Bien souvent, et ça va
rendre la tâche évidemment de tout le monde très difficile, un agent qui est professionnellement défaillant va également,
à l'occasion de ces défaillances, commettre un certain nombre de fautes. Il peut arriver également qu'un agent fautif
génère des conflits dans l'établissement. Et encore, les fautes, et, ou, cette insuffisance, vont pouvoir trouver leur origine
dans un comportement pathologique. Donc, tout cela se mélange, et pourtant ce sont des procédures différentes. Il va
bien falloir choisir. C'est la raison pour laquelle l'administration, au vu de la situation concrète, doit faire un choix. Un
choix qu'elle doit assumer et tenir jusqu'au bout. Or, ce choix va grandement être déterminé par les premiers retours que
va faire le chef d'établissement, du problème. C'est dans son rapport que l'on va déceler si l'agent est davantage fautif
que défaillant, ou l'inverse, ou s'il s'agit davantage d'un conflit auquel il faut mettre fin, que d'un comportement fautif.
Ou si le comportement problématique révèle, a priori, une pathologie. Là encore, même si on n'est pas médecin, on peut
voir quand même certains comportements, on peut s'interroger, disons, sur la pathologie. Et à ce moment-là ce sera plus
une procédure médicale qu'il faudra enclencher. Si le choix de la procédure incombe bien à l'administration,
gestionnaire de l'agent, c'est le chef d'établissement qui va générer le choix, et plus encore conditionner bien souvent la
légalité de la décision qui sera finalement prise. [Il résume sans lire et parle directement à l'assistance] . Alors, pour
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bien comprendre de quoi il s'agit, et avant d'aborder concrètement les différentes procédures, parce qu'en droit, vous
savez que c'est le problème, vous savez que ces comportements problématiques s'enchevêtrent, c'est-à-dire qu'il y a des
fautes, il y a des défaillances, ça génère des conflits, il y a peut-être de la maladie derrière. Tout ça se mélange et
pourtant, il va falloir prendre une procédure, la choisir et l'assumer. Alors, c'est-à-dire qu'il va falloir expurger tout le
reste, c'est-à-dire que le droit, ce sont des autoroutes. On choisit une procédure et on suit l'autoroute. Mais par contre, si
jamais, et ça, on va le voir concrètement pour chaque cas cela dit, mais si on décide de muter un agent dans l'intérêt du
service au regard du conflit généré entre plusieurs personnes, si jamais, pour justifier cette mutation, on va invoquer des
fautes, le juge administratif derrière risque d'annuler, en parlant de sanctions disciplinaires déguisées. Il va dire : vous
lui reprochez des fautes et vous le mutez dans l'intérêt du service sans avoir respecté la procédure disciplinaire. Vous
comprenez ? Même si, effectivement, la personne qui crée le conflit, qui justifie une mutation dans l'intérêt du service,
si cette personne a également commis des fautes, il va falloir les oublier, ces fautes. On va simplement s'intéresser, dans
le rapport, vous allez simplement vous intéresser dans le rapport que vous rédigerez, aux dysfonctionnements et au
conflit généré par la personne. Et ne plus, même si parfois, on se dit qu'on va tout dire, qu'on va tout mettre, parler des
fautes commises, à ce moment-là, si vous parlez des fautes commises à l'occasion de ce rapport, vous risquez bien
d'entacher pour le futur la mesure de mutation dans l'intérêt du service. On va reprendre tout ça, j'allais dire,
concrètement, pour chaque procédure. Alors, le choix de la procédure disciplinaire, c'est insuffisance professionnelle ou
procédure médicale. D'abord, le choix entre la procédure pour insuffisance professionnelle et la procédure médicale. [Il
lit de nouveau son papier] . L'insuffisance professionnelle doit être distinguée de la dégradation de l'état de santé d'un
fonctionnaire. [À l'image, une assistance studieuse prend des notes, puis l'intervenant revient à l'image ] . Le
licenciement devra être applicable que lorsque le comportement retenu par l'administration pour caractériser
l'insuffisance professionnelle dont un fonctionnaire a fait preuve n'a pas pour origine l'état de santé de l'intéressé.
Cependant, la présence de troubles de santé n'empêche pas d'avoir recours pour autant à la procédure pour insuffisance
professionnelle, dès lors que le licenciement intervient au regard des défaillances et seulement des défaillances. C'est
subtil, mais c'est quand même là-dessus qu'on doit jouer. Le choix entre l'engagement de la responsabilité disciplinaire
et la procédure médicale. Là encore, comme pour le licenciement pour insuffisance professionnelle, l'engagement de la
responsabilité disciplinaire se distingue de la procédure médicale. Cependant, l'état pathologique d'un fonctionnaire ne
l'exonère pas automatiquement de sa responsabilité pour ses actes fautifs. Ainsi, l'état de santé d'un fonctionnaire ne va
pas forcément faire obstacle à la poursuite d'une procédure disciplinaire. Ce n'est pas parce qu'on est malade qu'on ne
commet aucune faute et que ces fautes ne sont, dès lors qu'on est malade, plus sanctionnables. Un fonctionnaire qui
dirait qu'il peut faire n'importe quoi parce qu'il est malade, bon, évidemment, ça ne marche pas comme ça. La
jurisprudence admet parfaitement que l'état pathologique n'exonère pas forcément de la responsabilité disciplinaire. Elle
ne va le faire, et c'est d'ailleurs assez rare, que dans la stricte mesure où cet état de santé rend le fonctionnaire
irresponsable de ses actes au moment où les faits fautifs se produisent. On voit beaucoup de choses, mais ça reste
relativement rare, quand même. Tel n'est pas le cas, par exemple, lorsque l'avis du comité médical précise que l'agent ne
peut prétendre à un congé de longue durée. Par ailleurs, l'état de santé allégué peut justifier que le juge administratif
diligente une expertise médicale. Voilà. On a vu le choix entre la procédure pour insuffisance professionnelle et la
procédure médicale, le choix entre l'engagement de la responsabilité disciplinaire et la procédure médicale, on va voir
maintenant le choix entre l'engagement de la responsabilité disciplinaire et le licenciement pour insuffisance
professionnelle. J'allais dire que c'est la situation la plus fréquente. Une difficulté qui est récurrente. C'est vraiment
partager entre ce qui constitue de la faute, le fautif, et ce qui constitue la défaillance professionnelle. C'est souvent très
proche, mais c'est ça qu'il faut absolument essayer de séparer. Le juge de l'excès de pouvoir, c'est-à-dire le tribunal
administratif, vérifie si les faits reprochés à l'agent sont bien constitutifs d'une insuffisance professionnelle. Par
exemple, est irrégulier le licenciement dû, en réalité, à des raisons disciplinaires. Inversement, la sanction disciplinaire
prononcée pour des raisons tenant à l'aptitude professionnelle du fonctionnaire va être également illégal. C'est pour ça
qu'il faut vraiment choisir son autoroute, soit une procédure ou une autre. Mais on ne peut pas faire un mélange des
genres entre les deux. Pour vous donner un exemple, on va revenir dessus tout à l'heure, relève de l'inaptitude
professionnelle pour un enseignant l'incapacité à faire régner l'ordre dans sa classe, l'inaptitude à la communication
rendant impossible une intégration dans une équipe éducative. Ça, c'est de l'insuffisance professionnelle. Cependant, si
l'incapacité de faire régner l'ordre dans sa classe relève bien de l'insuffisance professionnelle, le refus de faire régner
l'ordre dans la classe devient fautif. On est vraiment sur des frontières ténues et ce sont des procédures qui sont parfois
bien voisines. Et pourtant, il va falloir choisir l'une ou l'autre. Pour bien comprendre les enjeux, on va, à travers un
certain nombre d'exemples, essayer d'expliquer ces différentes procédures, qu'on va séparer en deux. Le régime
disciplinaire, d'une part, et les mesures non disciplinaires, d'autre part. Mesures disciplinaires, c'est la faute
professionnelle. Et les régimes non disciplinaires, c'est la mutation dans l'intérêt du service, le licenciement pour
insuffisance professionnelle. Alors, le régime disciplinaire a pour objet d'assurer la répression des fautes commises par
les fonctionnaires, quand ces fautes ont un caractère professionnel, c'est-à-dire quand elles résultent d'un manquement
aux obligations qui s'imposent aux membres de la fonction publique. C'est l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, loi
bien connue, c'est en fait le statut général des fonctionnaires, la loi dite Le Pors. Voilà ce que nous dit l'article 29 : toute
faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction
disciplinaire, sans préjudice le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. Alors, la notion de faute disciplinaire.
La faute, c'est le texte qui nous le dit, doit être commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions,
constituer un manquement à une obligation. Les obligations sont des obligations qui sont soit textuelles, c'est-à-dire
celles qui figurent dans le statut général des fonctionnaires, soit jurisprudentielles, c'est-à-dire dégagées par le Conseil
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d'Etat. De façon générale, on n'a pas de définition de la faute. On a des définitions des obligations mais pas de la faute.
Chaque fois qu'un fonctionnaire aura un comportement, il faudra le qualifier. C'est-à-dire que ce comportement-là, on
va le qualifier de fautif au regard d'un manquement à une obligation qui, elle, est textuelle. C'est, j'allais dire, presque le
contraire du droit pénal. Le droit pénal, enfin le code pénal, lui, liste tous les comportements interdits. Il ne liste pas les
obligations qu'on doit suivre en société, il liste tous les interdits. Et si jamais on commet cet interdit, on est passible de
sanctions pénales. Là, dans la sanction disciplinaire, c'est pas la même chose. On liste des obligations et c'est à nous de
qualifier tout type de comportement de fautif ou pas, au regard d'un manquement à ces obligations. Alors justement, on
va en trouver de tout type. On a plein d'exemples. On va prendre un certain nombre d'exemples tirés de l'Éducation
nationale, mais pas seulement. On peut élargir un peu. Les faits de nature à justifier une sanction vont pouvoir, même,
être des faits commis en dehors du service. Par exemple, consultation donnée dans des conditions irrégulières,
manquement à l'interdiction d'exercer une activité privée lucrative, notamment. Alors, ça paraît être, j'allais dire, une
petite faute, ce manquement.
[Le plan sur Yann BUTTNER, moins rapproché, laisse apparaître le présentoir devant lui ] .
Yann BUTTNER
Juriste, Rectorat de l'académie d'Aix-Marseille.
Yann BUTTNER :
Méfiez-vous, c'est une faute considérée comme très grave par le juge administratif. Il a admis à plusieurs reprises que la
radiation des cadres n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, lorsqu'un personnel cumulait, j'allais dire,
mais même de façon accessoire, sans avoir au préalable demandé l'autorisation à son administration. Par exemple, un
professeur qui donne des cours en dehors de l'établissement, c'est quelque chose d'assez fréquent, des cours particuliers,
Acadomia ou que sais-je encore, s'il n'a pas au préalable demandé l'autorisation de son administration, c'est une faute
disciplinaire, et c'est une faute disciplinaire considérée comme très grave. Ça peut aller, selon les cas, jusqu'à l'éviction
de la personne de l'administration. Là, dernièrement, c'était un petit cumul, c'était quelques heures par semaine. Il y a eu
deux ans d'interdiction d'exercer, d'éviction de fonction. Donc, c'est une faute assez grave. Il faut le savoir. Bon, après,
on a d'autres types de fautes qui sont commises en dehors de l'exercice des fonctions. Proxénétisme, ça ne se fait pas.
Relations avec des trafiquants d'alcool, pareil, ça ne se fait pas. [L'assistance rit doucement] . Un brigadier de police qui
se fait attraper pour conduite en état d'ivresse en dehors du service, ça non plus, ce n'est pas bien. Négligence grave et
entraîner la perte de son arme de service, toujours pour un policier, ça non plus, ce n'est pas terrible. Dissimulation par
un fonctionnaire des impôts d'une partie d'un prix d'un terrain acheté pour son usage personnel. Exercice d'une activité
interdite, par exemple, l'exploitation d'un débit de boisson par un fonctionnaire au cours d'un congé maladie de longue
durée. [L'assistance rit franchement] . C'est pas terrible. Un policier ayant hébergé un mineur en fugue et entretenant
des relations avec des individus défavorablement connus de la police, là aussi, c'est pas terrible. Bon, tout ça, ce sont
des exemples réels, ce n'est pas uniquement pour rire. Mais la faute, j'allais dire, la plus fréquemment commise, le refus
d'obéir, et particulièrement dans notre administration, où il y a quand même énormément de fonctionnaires d'autorité,
donc des fonctionnaires qui, comment dire, ont de l'autonomie dans leur travail et n'ont pas cette impression qu'ils sont
dans une administration très structurée, très hiérarchisée. Les enseignants, qui travaillent seuls dans leur classe, qui ont
une autonomie pédagogique, qui existe, qui est réelle, ont un peu de mal avec l'autorité. On va dire ça sobrement. C'est
pour cela que c'est le refus d'obéissance que l'on retrouve le plus fréquemment dans les procédures disciplinaires
diligentées contre les enseignants. Alors il y a des petits refus d'obéissance, il y en a aussi de plus gros. Il y a le refus de
se soumettre à un contrôle médical Et c'est quand même très, très problématique, ça. C'est pas grave, le refus de se
soumettre à un contrôle médical, là pour le coup, c'est une petite faute. Alors ça va générer un blâme éventuellement, un
avertissement, une petite sanction. Mais la personne qui refuse de se soumettre à ce contrôle médical, parce qu'on
soupçonne souvent, justement, une pathologie derrière, tant qu'elle refuse d'aller voir un médecin, on ne peut rien faire,
à part lui mettre des blâmes. Bon. On a un cas comme ça. On a un cas comme ça chez nous, mais je ne vais pas en
parler plus parce qu'il y a des caméras. [Il rit et l'assistance aussi] . Mais c'est particulièrement difficile. C'est
quasiment inextricable. Il refuse de se faire contrôler, bon. Et à partir du moment où, en plus, on a décelé cette
pathologie potentielle, on ne peut plus en bouger. C'est-à-dire que, comme je vous disais, on a fait le choix, au départ,
de la procédure médicale, et du coup on est obligés d'aller au bout. Et comme lui, il refuse de jouer le jeu, on est un peu
bloqués. Donc, il faudra peut-être trouver une autre solution en dehors des clous juridiques, peut-être. Bref. Donc,
parlons du refus d'obéissance. Par exemple, intervention auprès du procureur de la République en faveur d'un collègue
impliqué dans un accident. Ça n'a pas beaucoup plu. Directrice d'école maternelle commettant des erreurs et omissions
dans la tenue du registre d'appel de sa classe, et limitant l'inscription et l'accueil des élèves. Alors, pour le refus
d'obéissance, on peut parler d'une affaire qui nous a occupés quelque temps, et même qui nous a occupés quelque temps
médiatiquement, c'était, je ne sais pas si vous vous souvenez, ce qu'on a appelé des désobéisseurs. Certains professeurs
des écoles qui refusaient les ordres. Ils se sont eux-mêmes qualifiés de désobéisseurs, pour eux, c'était de la
désobéissance civile, civique. Pour l'administration, c'était simplement un refus d'obéir à un ordre hiérarchique. Ils
s'étaient opposés, par principe, par idéologie et politique, ils refusaient d'assurer l'aide personnalisée aux élèves en
difficulté. Et l'administration a doublement réagi face à cela. D'abord, elle a tiré les conséquences de ce refus
d'obéissance au plan financier. C'est-à-dire qu'elle a simplement retenu sur le traitement des fonctionnaires, les jours où
l'aide personnalisée n'était pas assurée. Et ensuite, elle a réagi au plan disciplinaire. C'est-à-dire qu'elle a sanctionné le
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refus d'obéir, le refus de mettre en œuvre cette aide personnalisée aux élèves en difficulté. Alors, finalement, on va
perdre. On va perdre parce que, justement, et ça, c'est intéressant, ça concerne le premier degré et ça ne concerne pas un
chef d'établissement, mais vous allez voir que c'est, par analogie, exactement la même chose. Pourquoi est-ce qu'on a
perdu ? On a perdu parce qu'à la base, l'inspectrice de l'Éducation nationale qui était en charge donc de la mise en
œuvre de ce dispositif d'aide personnalisée aux élèves en difficulté, n'a pas mentionné dans le rapport la réalité des
choses. D'ailleurs, elle n'était pas forcément d'une grande clarté par rapport à ça. On a su, mais ça, ce n'est pas
forcément dans le dossier au plan formel, mais on a su qu'elle était aussi contre ce dispositif. Donc, elle a un petit peu
traîné des pieds pour la mise en œuvre, voire même en disant : écoute, tu le fais pas, on le dit à personne et puis on verra
Bon, c'était un peu cela, l'esprit. Mais donc du coup dans son rapport, il n'y avait rien ! Il n'y avait même pas les jours
où cette personne devait assurer cette aide personnalisée. Donc, le juge administratif, quand il a vu ça, sur le principe,
sur le papier, c'est très joli, oui, évidemment. Il a effectivement refusé d'obéir, il n'a pas assuré son service. Ça, ce sont
deux réalités. Mais on ne sait pas combien de temps, pourquoi et comment. Donc, le juge administratif a dit qu'il était
désolé, et de lui rembourser ses sous, et puis le refus d'obéir, vous essayerez la prochaine fois de le qualifier un peu
mieux. Bon, voilà. Ça, c'est pour vous montrer qu'à la base, le rapport que vous allez rédiger a une importance capitale
par rapport à ça puisqu'il va, vous voyez, déterminer dans bien des cas, la légalité d'une décision qui, finalement, sera
prise. Dans l'idéal, l'administration devrait pouvoir contrôler ça, c'est-à-dire qu'elle reçoit un rapport du chef
d'établissement, elle dit qu'avec ça, elle ne va rien pouvoir en faire, elle le renvoie pour que l'établissement revoie sa
copie. Mais bien souvent, ça ne se fait pas comme ça. Le chef d'établissement envoie le rapport, l'administration ne sait
pas encore ce qu'elle va faire ou pas faire. Et puis tout à coup, le rouleau compresseur tombe, et ça se fait comme ça. Et
c'est pour ça qu'on se retrouve dans des situations un peu problématiques. Autre exemple de refus d'obéissance. Là
encore, ça s'est passé chez nous. C'est un exemple intéressant. En plus, on peut en parler tranquillement puisqu'il a
lui-même médiatisé, beaucoup médiatisé, son affaire. Il s'agit de monsieur Isnard, un professeur d'histoire-géographie
qui n'a rien trouvé de mieux que de montrer à ses élèves un film anti-avortement, particulièrement dur, un vrai beau
film, un vrai de vrai, particulièrement choquant, à des élèves de Seconde, qui l'ont relativement mal vécu. Alors, à ce
monsieur, on va lui dire d'arrêter parce que justement ça perturbe la communauté éducative, ça choque les élèves, tout
ça. Et c'est là qu'il va se braquer en fait. Il va se braquer et il va continuer, au contraire, amplifier, faire du prosélytisme.
Il va passer à la radio, donc médiatiser l'affaire en disant qu'on ne peut plus rien dire dans ce pays, ce genre de choses.
Sa liberté d'expression était bafouée. Du coup, il a fallu sévir. En plus, le ministre de l'époque est intervenu en disant
que ça ne pouvait pas se passer comme ça, qu'on ne pouvait pas se comporter comme ça dans un établissement scolaire.
Du coup, après, l'affaire était pliée. Et il a donc fallu engager la procédure disciplinaire. C'était gênant, cette affaire.
Parce qu'au départ, c'est un excellent professeur, qui n'avait pas commis de faute particulière, qui ne posait pas de
difficulté particulière. Et là, il a fait une faute incontestable. Elle est énorme, elle est grave. Mais elle aurait pu
simplement s'arrêter là. J'aurais simplement pu lui dire qu'il déraisonnait, qu'il fallait qu'il s'arrête, et ça en serait sans
doute resté là. Mais comme il s'est, j'allais dire, braqué par rapport à la demande qui lui était faite, il ne pouvait plus en
être autrement, et il a fallu aller jusqu'au licenciement. Il a commis plusieurs fautes en faisant cela. La première, il a
refusé d'obéir. On lui a demandé de ne plus le faire et il a continué à le faire, c'est un refus d'obéissance. Et surtout, il a
violé son obligation de neutralité à l'égard des élèves. Ce qui justifie, en l'occurrence, un licenciement. [Il cherche un
passage écrit précis] . Voilà. Monsieur Isnard. Ça constitue des fautes d'une particulière gravité, incompatibles avec
son maintien dans la fonction publique. Autre refus d'obéir, qui est assez classique aussi, moins grave, c'est le refus de
se faire inspecter. Alors là aussi, ça coûte pas très cher, c'est pas très grave, ça coûte un blâme. Alors, toutes ces
questions, c'est sur ces questions-là que vous avez essentiellement travaillé ce matin. Vous avez travaillé, par exemple,
sur un enseignant qui refuse de participer à une réunion plénière parce qu'elle est placée un samedi matin. Bon, c'est un
refus d'obéissance. Une CPE qui refuse de considérer le proviseur adjoint comme son supérieur hiérarchique, et exige
de ne rendre des comptes qu'au chef d'établissement. Là aussi, c'est un refus d'obéissance classique. Un principal de
collège demande aux assistants d'éducation de vérifier systématiquement les cahiers de texte des élèves placés en étude
et de les mettre au travail si les devoirs ne sont pas faits. Les surveillants, soutenus, disent-ils, par leur CPE, refusent ce
travail, considérant qu'ils n'ont pas à s'impliquer dans la pédagogie. Refus d'obéissance. Quand même, sur le refus
d'obéissance, juste un dernier mot. Il faut savoir que c'est un principe absolu. On croit toujours qu'on a le droit de
refuser d'obéir dans certains cas. Mais le texte ne dit pas que c'est un droit, de désobéir. C'est un devoir de désobéir si
l'ordre est manifestement illégal et contraire à un intérêt public. Quand on dit, et, c'est très important. Même si l'ordre
est manifestement illégal, mais qu'il n'est pas contraire à un intérêt public, on doit obéir quand même. Donc, c'est quand
même très fort. Et moi, je n'ai pas vu encore, dans la jurisprudence, d'exemples où il était considéré que les deux
conditions étaient remplies. Donc, en gros, sauf si on vous demande d'aller tuer un élève, il faut obéir. Là, ce serait, je
pense, considéré comme contraire à l'intérêt public, en plus d'être manifestement illégal. Mais plus simple, imaginons
dans une agence comptable, l'agent comptable qui demande à ses agents de faire des fausses factures. Si les fausses
factures, c'est simplement pour, j'allais dire, faire en sorte, par un tour de passe-passe, que les comptes soient debout. Ce
n'est pas contraire à l'intérêt public. Ça le serait si c'était à des fins personnelles. De faire faire des fausses factures pour
s'enrichir personnellement, là, d'accord. On a le devoir de désobéir à un ordre comme ça. Mais si c'est pas le cas, on a le
devoir d'obéir, sous peine de sanction de refus d'obéissance. Donc, la posture de l'enseignant qui consiste à dire que
c'est impossible et qu'il ne le fera pas, là, il se place immédiatement, quelle que soit la nature de ce refus, il se place en
situation de faute professionnelle de refus d'obéissance. L'exemple suivant est intéressant, sur lequel vous avez réfléchi.
Un enseignant refuse d'appliquer une décision du conseil pédagogique qui s'est entendu sur l'organisation d'un devoir
commun pour tout le niveau de Quatrième. Selon lui, ce devoir commun entre en conflit avec sa progression
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pédagogique. De plus, il dit que c'est contraire à la liberté pédagogique des enseignants. Alors là, ce n'est pas un refus
d'obéissance tout de suite. Parce que, comment dire, la décision du conseil pédagogique, elle ne s'impose pas à
l'enseignant. Par contre, ce qui va s'imposer, c'est la demande du chef d'établissement de la respecter. Si le chef
d'établissement dit à l'enseignant de le faire, refuser, là, ça devient un refus d'obéissance. Donc, il faut le qualifier
juridiquement, à un moment donné. C'est-à-dire qu'on ne pourrait pas considérer comme fautif le fait de refuser
d'appliquer la décision du conseil pédagogique. Si jamais on commence la procédure disciplinaire comme ça, on ne va
pas aller loin, parce qu'il n'a pas commis de faute. Il n'est pas tenu par cette décision pédagogique. Par contre, il est tenu
par cette décision si vous, en tant que chef d'établissement, ou l'inspecteur le cas échéant, si son inspecteur lui dit qu'il
faut le faire, qu'il y a une décision qui a été prise, que pour l'organisation, il faut le faire, alors là, ça devient un ordre
hiérarchique. Et à ce moment-là, la faute est celle d'avoir refusé d'obéir à son supérieur hiérarchique plus que d'avoir
fait
ce qu'il a fait. Voilà. En conclusion sur la procédure disciplinaire, le chef d'établissement doit, dans son rapport,
qualifier la faute de l'agent. C'est-à-dire, quel est le manquement ? Et à quelle obligation il a failli. Voilà, quel
manquement a été fait. Et si on n'y parvient pas, et c'est ce qui est intéressant, il faut réfléchir à ça, si on n'arrive pas à le
faire, c'est que peut-être on s'est trompé de procédure. Si on n'arrive pas à dire qu'il a fait cela et à définir ce que c'est.
Est-ce un refus d'obéissance ? Quelle faute a-t-il commise ? Si on n'arrive pas à la qualifier, c'est que peut-être, il n'y a
pas de faute. Et que du coup, c'est une autre procédure qu'il faudra utiliser. L'autre procédure dont je voulais vous
parler, qui est intéressante, c'est la mutation dans l'intérêt du service. Par mutation, on entend tout changement
d'affectation administrative. La mutation n'a pas toujours lieu sur la demande de l'intéressé. Elle va pouvoir être
d'office. Alors, on connaît la procédure de mutation de déplacement d'office dans le cadre de la procédure disciplinaire,
mais on connaît moins cette procédure, qui n'est pas disciplinaire, mais qui va consister à placer l'agent dans un autre
service, le muter, dans l'intérêt du service, parce que l'intérêt du service le commande, mais que la personne n'a pas,
pour autant,commis de faute disciplinaire. Alors, cette mesure est uniquement motivée par l'intérêt du service. C'est cet
élément, l'intérêt du service, qui est le fondement de la mesure et il doit ressortir des pièces du dossier. C'est là que vous
intervenez à nouveau. C'est vous qui allez permettre, dans votre rapport de déceler cet intérêt du service. La mutation
dans l'intérêt du service est décidée pour permettre de rétablir des conditions normales de fonctionnement dans un
service ou dans un établissement. Ce sont, en général, deux personnes qui ne peuvent pas se voir. Et qui plombent,
j'allais dire, tout travail en commun possible. C'est quelque chose qui arrive relativement fréquemment, et quand ça
atteint un tel paroxysme de haine ou similaire, ça bloque complètement le bon fonctionnement du service. Et ça peut
être des raisons extérieures au service. Deux personnes, je ne sais pas, anciennement amants, qui, tout à coup, se
détestent et ne peuvent plus travailler ensemble. L'administration, ça la regarde pas ! Ces deux personnes ne s'aiment
pas ou se sont aimées et ne s'aiment plus, d'accord, ça ne la regarde pas, mais maintenant, il faut en prendre acte quand
même. Ça bouleverse le bon fonctionnement du service. Donc, il va falloir prendre une mesure. Pour autant, ils n'ont
commis aucune faute, ces deux personnels, en tant que telle. Ce n'est pas une faute disciplinaire. Il n'y a pas un
manquement à une obligation. Ils ne peuvent pas se piffrer, c'est tout. Donc, à un moment donné, il faut mettre un terme
à cette situation. Et heureusement qu'existe cette procédure, qui n'est pas disciplinaire et qui permet de dire qu'on calme
le jeu, que toi, tu vas là, et que toi, tu vas là. [Il lit et explique à la fois] . Alors, sont de nature à justifier une mutation
dans l'intérêt du service, le caractère conflictuel des relations d'un agent avec sa hiérarchie, et avec certains de ses
subordonnés, ayant pour conséquence de nuire à la qualité de son travail. La dégradation des relations d'un agent avec
son chef hiérarchique. La mutation est alors décidée pour préserver la cohésion du service, remis en cause par la
dégradation des relations. La mauvaise atmosphère de travail qui règne entre les enseignants, et perturbe le bon
fonctionnement du service, et qui n'est pas exclusivement imputable au comportement d'un agent. C'est-à-dire que c'est
les deux qui ne vont plus ensemble. Par de nombreux incidents survenus au cours des enseignements d'un professeur et
par la détérioration des rapports de cet agent avec le reste de la communauté éducative. Vous voyez, c'est du quotidien.
Mais il faut savoir que cette procédure existe. Elle n'est pas disciplinaire et elle permet souvent de régler le conflit qui
rend impossible le bon fonctionnement du service. Le dossier de carrière doit contenir les pièces prouvant le
dysfonctionnement. C'est là que c'est important. Si jamais on fait le choix de cette procédure-là, il ne va pas falloir
écrire dans le rapport que cette personne a un comportement agressif. Non, il va falloir dire qu'on ne peut plus travailler,
parce que ces deux personnes ne peuvent plus travailler ensemble pour telle et telle raisons. Vous comprenez, c'est vous
qui orientez le choix. Soit vous orientez ça plutôt du côté disciplinaire, en essayant de trouver des fautes. Mais si on est
bien uniquement dans le conflit entre deux personnes, ou entre personnes, vous aurez du mal à les trouver. Si vous les
trouvez, elles ne seront pas suffisantes pour justifier un déplacement d'office de la personne. C'est donc vous qui allez
orienter le choix de la procédure dans les faits que vous allez retenir. La mutation ne doit pas être une sanction
disciplinaire déguisée. C'est-à-dire que si on mute, dans l'intérêt du service, une personne, au regard d'un conflit
évidemment, mais que dans le dossier, on ne mentionne finalement que les fautes commises par l'intéressé, à ce
moment-là on aura mélangé les deux procédures. Et le juge annulera nécessairement la mutation dans l'intérêt du
service, comme étant une sanction disciplinaire déguisée. Vous entendrez que vous auriez dû utiliser la voie
disciplinaire et respecter la procédure disciplinaire et donc, annulation de la mutation. Pour que la décision soit légale, il
faut également que l'affectation de l'agent ne modifie pas son statut, il faut rétablir la personne dans ses droits, puisqu'il
ne s'agit pas d'une sanction. Il faut la replacer dans un établissement où elle aura les mêmes droits ou les mêmes
niveaux de responsabilité. Alors, par contre, la mutation dans l'intérêt du service peut parfois être associée à une
sanction disciplinaire. Mais de façon bien séparée, c'est-à-dire qu'il faut qualifier la situation de conflit qui justifie une
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mutation dans l'intérêt du service et bien les séparer des fautes commises. Il y a un exemple. [Il cherche dans ses notes]
. Où est-ce qu'il est, cet exemple ? La sanction d'exclusion temporaire de fonction pour une durée de six mois prononcée
à l'encontre d'un principal pour détournement de fonds dans son établissement, dans la caisse du foyer socio-éducatif.
C'est une faute, on est d'accord. Elle a pu être associé à une mutation dans l'intérêt du service, eu égard à la gravité de la
sanction. On peut tout à fait comprendre. Le principal adjoint, pendant six mois, il n'est pas là, parce qu'il est suspendu
de ses fonctions pour ça. S'il revient six mois après dans son établissement, après avoir détourné des fonds du foyer,
c'est pas sûr qu'il y ait une bonne ambiance. Donc, en plus de la sanction disciplinaire, une mutation dans l'intérêt du
service a pu, en l'occurrence, se justifier. Pour que la décision soit légale, j'allais dire qu'à ce stade-là, c'est plus la
problématique des services de gestion du rectorat, il faut lui permettre de consulter son dossier, il faut consulter la
commission, la CAPA, quoi, en fait, sur l'opportunité de cette mutation dans l'intérêt du service. Voilà. Alors on a un
exemple qui nous a fait beaucoup souffrir aussi, parce que, justement, on n'a peut-être pas choisi les bonnes procédures
au départ, et peut-être que l'on s'est trompé de soutien. Une principale, qui s'entend très, très mal avec sa CPE. Au
départ, ça va bien. La CPE est une très bonne CPE. C'est une grande gueule, mais c'est une très bonne CPE. La chef
d'établissement arrive, un peu plus effacée, un petit peu plus en retrait. Et très vite, la CPE prend sa place, en gros. Elle
considère que, dans ce bahut, on n'est pas dirigés et qu'il faut vraiment qu'elle fasse tout. Je caricature, mais c'est en gros
ce qui se passe. Et évidemment, ça se passe de plus en plus mal entre la chef d'établissement et la CPE. Mais personne
ne commet de faute, en l'occurrence. Bon. Elles ne s'entendent plus, elles se détestent. Donc, on décide d'utiliser, j'allais
dire, cette voie de droit qui est la mutation dans l'intérêt du service. Et on décide de muter la CPE. C'est peut-être là
qu'on a fait une erreur. En fait, et ça, on l'a découvert par la suite, et on l'a découvert par la suite parce que la CPE n'était
pas contente, elle a considéré que c'était du harcèlement et une sanction disciplinaire déguisée, rien que ça. Quand elle
nous a attaqués, il a fallu qu'on creuse un petit peu. On s'est rendu compte qu'effectivement, la chef d'établissement,
pour se défendre de cette CPE insupportable qui voulait lui piquer sa place, a eu un comportement pas toujours d'une
grande clarté. Et, justement, est apparu dans le dossier des rapports où elle explique qu'il a fallu déplacer son bureau et
que ce bureau était éloigné du service Vie scolaire. Pour une CPE, c'est un peu embêtant. Qu'elle n'a pas eu le téléphone
pendant six mois. Et là, on a dit que bon, oui, peut-être que ça allait être un peu plus compliqué. Et effectivement, la
mutation, dans l'intérêt du service, a été annulée au regard de la situation d'ensemble. C'était, sans aller jusqu'à parler de
harcèlement, des faits de nature à entacher d'illégalités, la procédure qu'on avait finalement choisie, c'est-à-dire la
mutation dans l'intérêt du service. Peut-être qu'on aurait dû muter, dans l'intérêt du service, la chef d'établissement, en
l'occurrence. Ça aurait été possible, parce que ce n'était pas imputable à l'un ou l'autre des deux. Ou alors muter les
deux, peut-être que ça se serait mieux passé. Ou peut-être régler le problème autrement. Encore que là, c'était difficile,
mais bon. Et donc, on a perdu. Nous avons perdu, elle est revenue. Ça a recommencé et puis finalement, c'est la chef
d'établissement qui a demandé à partir, elle aussi, finalement. Tout ça pour ça. Troisième procédure, le licenciement
pour insuffisance professionnelle. Comme je le disais, l'insuffisance professionnelle est une cause de radiation des
fonctionnaires. Elle conduit le ministre ou le recteur à prononcer une mesure de licenciement. Là, on est dans une
procédure radicale. Dans l'administration, on doit être compétent, c'est-à-dire ne pas être en situation de défaillance
professionnelle, sinon on n'a pas vocation à travailler dans l'administration. C'est, en gros, ce que nous révèle cette
procédure. C'est ce que nous disent les textes. Les faits de nature à justifier le licenciement pour insuffisance
professionnelle. L'administration doit démontrer par des faits ou des motifs précis que l'agent a fait preuve d'incapacité,
d'inaptitude au service par des événements circonstanciés qui doivent permettre, d'une part, à l'intéressé d'en discuter
utilement, et d'autre part au juge d'en apprécier la portée. L'insuffisance professionnelle doit absolument être distinguée
du comportement fautif. Pour apprécier l'insuffisance professionnelle, il faut se fonder sur l'ensemble du comportement
de l'agent. Dès lors, des faits peuvent être évoqués, des faits qui, pris individuellement, pourraient être sanctionnés
comme constituant un comportement fautif. Mais simplement, ces faits ne peuvent servir de fondement à la procédure.
Les faits révélant l'insuffisance professionnelle doivent être la cause déterminante. C'est ça qui est important, la cause
déterminante de la mesure envisagée. C'est une ambiance générale. C'est-à-dire, comme je vous le disais au début, qu'un
agent ne va pas être dans la situation de l'autoroute juridique soit de l'insuffisance, soit du fautif, soit de la maladie. Il
est un peu tout à la fois souvent. Nous, ce que nous devons faire, vous ce que vous devez faire, c'est déceler l'ambiance
générale. Est-ce qu'il est davantage fautif ? Ou est-ce qu'il est davantage nul, en gros ? Et justement, qu'est-ce qu'on
choisit ? Est-ce qu'il est un peu nul et un peu fautif, mais peut-être pas assez nul pour aller jusqu'au licenciement ? Parce
que c'est ça, la question qu'on se pose. Si on enclenche la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle,
il n'y a pas d'alternative. Soit l'administration estime que la personne n'est pas suffisamment défaillante et à ce
moment-là eh bien il n'y a rien, on la remet à son poste. Soit on estime qu'elle est défaillante et on la vire. Je pourrais
dire que c'est la guillotine, cette procédure, on ne peut pas moduler. Donc, c'est ça. Au moment où l'on constate des
comportements chez un agent, il faut apprécier quelle est la cause déterminante, l'ambiance générale qui permettra
ensuite de choisir la procédure la plus adaptée. [Il lit une phrase puis développe] . Alors, c'est ce que je vous disais,
l'insuffisance professionnelle va être révélée par l'incapacité d'une enseignante à faire régner l'ordre dans sa classe.
J'insiste là-dessus, parce qu'on n'y pense pas forcément. Parce que c'est quelque chose d'assez récurrent. C'est pas une
faute. Souvent, on essaye de qualifier ça comme fautif, mais non, c'est de l'insuffisance professionnelle de ne pas être
capable de gérer une classe. Ça fait partie du B.A.ba du métier d'enseignant. Si on n'arrive pas à gérer sa classe, c'est
qu'on n'est pas fait pour être enseignant. C'est en tout cas comme ça que le perçoit la jurisprudence. [Il lit la liste de ce
qui est considéré comme des insuffisances professionnelles, sur ses notes] . La mauvaise organisation dans le travail, la
transgression des horaires de travail, l'incapacité de travailler en équipe, l'absence de rigueur dans l'exécution des tâches
conférées, la lenteur et la médiocrité du travail réalisé, le manque d'éthique professionnelle. Alors là, on est à la
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frontière entre la faute et l'insuffisance. L'insuffisance professionnelle doit être distinguée de la dégradation de l'état de
santé. Ça, on l'a déjà dit. Ce qui est très important, oui, c'est que cette insuffisance professionnelle doit être décelée,
autant que faire se peut, en début de carrière. [Réactions et quelques rires dans l'assistance] . Bah oui. Imaginons qu'on
découvre, 20 ans après, qu'un professeur n'est pas à la hauteur, le juge administratif nous dit qu'on aurait pu s'en rendre
compte avant. Pas toujours, cela dit. Cependant, l'insuffisance professionnelle peut se révéler plus tard. C'est-à-dire
qu'au début, la personne est tout à fait compétente, et puis il y a un changement qui fait qu'elle devient de moins en
moins compétente. Il y a eu pas mal de soucis au moment où l'administration s'est dotée d'Internet. Il y a beaucoup
d'agents administratifs qui ont eu du mal à passer ce cap révolutionnaire un peu. Ils étaient encore au stencil. Tout d'un
coup, de tout faire de façon numérique, pour certains, ça a été compliqué. Et certains se sont, du jour au lendemain,
retrouvés en défaillance professionnelle. Puisque tout devait se faire sur ordinateur, qu'ils étaient incapables de l'utiliser,
alors qu'au début c'était des agents parfaitement compétents, ils se sont révélés, par un changement technologique,
incompétents. On peut également trouver cela chez des enseignants. Imaginons un professeur de SVT particulièrement
compétent sur sa discipline. Tout d'un coup, dans les programmes, on lui demande de parler des maladies génétiques, de
l'ADN, et au début de sa carrière ça n'existait pas, et tout d'un coup, on se rend compte que cet enseignant est incapable
de se mettre à jour dans sa discipline parce que le changement a été trop important par rapport à ses habitudes et à ce
qu'il connaissait. Donc, normalement, et dans la plupart des cas, l'insuffisance professionnelle se décèle en début de
carrière, mais elle peut se révéler, selon les circonstances, également un peu plus tard. Alors, pour le respect de la
procédure, c'est le même qu'en matière disciplinaire pour l'insuffisance professionnelle. Elle va s'en écarter pour trois
raisons. Une mesure de suspension ne pourra pas être prononcée en parallèle à une procédure pour insuffisance
professionnelle, puisque la suspension ne peut intervenir qu'en cas de faute grave. Et là, précisément, on ne reproche
pas à l'agent ses fautes, on reproche sa défaillance professionnelle. On ne peut donc pas assortir la procédure
d'insuffisance professionnelle d'une suspension. Les membres du conseil de discipline ne votent pas selon l'échelle des
sanctions. Mais ils doivent dire si oui ou non, la personne est défaillante professionnellement. Si oui, on licencie. Si
non, rien. Enfin, le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle peut saisir le Conseil Supérieur de la
Fonction Publique en tant qu'organe supérieur de recours. Voilà. J'en ai terminé avec l'exposé de ces différentes
procédures. Maintenant, si vous le voulez bien, je peux essayer de répondre à vos questions, voir ce que je vous ai
raconté a suscité comme interrogations.
L'animatrice : [à ses côtés, mais qui n'est pas à l'image]
Merci beaucoup Monsieur Buttner.
[L'assistance applaudit.]
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