Daniel Libeskind Le MUSEE JUIF de BERLIN

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Daniel Libeskind Le MUSEE JUIF de BERLIN
Daniel Libeskind
Le MUSEE JUIF de BERLIN
1992-1999; architecture.
Lindenstrasse 14, Berlin- Kreuzberg .
*l’artiste :
Né en 1946 à Lodz en Pologne, D. Libeskind (D.L) est fils
de parents juifs rescapés de l’holocauste. Il est de nationalité
américaine et a étudié l’art et la musique à Tel Aviv ainsi que
l’architecture à New York et Essex en Angleterre. Il a été l’élève de
Peter Eisenman. En 1989, il s’établit à Berlin où il crée sa première
architecture et son bureau d’étude. Ses travaux sont très souvent
en rapport avec la Shoah (musées juifs de Copenhague et de San
Francisco). Pour lui, concevoir une architecture est un acte
artistique : tout en recherchant une autonomie dans l’architecture, il
voit comme une évidence de combiner le bâti avec l’histoire, la
littérature et la philosophie. Il a gagné le concours du projet de
construction de Ground Zero (espace de mémoire à l’emplacement des
tours jumelles détruites en 2001 à New-York).
Ce musée est un espace dédié à l'histoire des juifs allemands et il
met en scène plus particulièrement la destinée tragique qu'a été
e
celle du peuple juif au cours de la 2 guerre mondiale
I: Présentation
/usage :
1:Identification :
*l’architecture : le bâtiment se trouve sur le terrain attenant au Muséum de Berlin. Il s’agit d’un
musée 10000 m2 de surface au sol sur 5 niveaux, pièces plus ou moins grandes et corridors
2 : Contexte de la création : circonstance et contexte historique
En 1988, l'architecte Daniel Libeskind remporte parmi 165 concurrents le concours de projet pour
l'édification d'un musée juif. Le bâtiment est inauguré en septembre 2001. Pour des raisons financières
le bâtiment n’est pas tout à fait conforme au projet de départ (les murs extérieurs devaient être inclinés).
3 :Description de l’œuvre et sens du projet
Cette architecture est proche d’une sculpture à explorer, que l’on peut
parcourir. D. L intitule son projet d'architecture "between the lines" (entre les
lignes). Car la ligne est le fil conducteur dans la démarche de l’artiste.
C’est l'élément structurel principal sur lequel auquel il fonde son projet.
La ligne permet de donner forme à l'histoire du peuple juif. L'origine de la
ligne débute dans les écrits de l'Ancien Testament et se poursuit au travers
l'Histoire jusqu’ à la 2e guerre mondiale. Le peuple juif sera marqué de
façon définitive. D. L. donne dans son projet de musée une traduction
architecturale du drame de la shoah.
III : formes / techniques :
1 : Analyse plastique : plan, organisation- espace,
circulation, matériaux, couleur, lumière
DESCRIPTION Forme générale : Le plan du bâtiment forme une ligne brisée aux arrêtes
vives, les berlinois le surnomment le « blitz » : l’éclair.
Entrée : le musée juif ne possède pas d’entrée. On entre par le
bâtiment voisin, le muséum de Berlin au style baroque. L’entrée
surprend le visiteur. Car elle ne correspond pas aux codes habituels
d’un espace d’accueil (espace vaste et dégagé lumineux…). On
passe une entrée étroite et sombre pour descendre 12 m sous terre.
Distribution des espaces intérieurs : Pour l’architecte, le réseau de lignes qui structure son bâtiment, fait référence
à une archéologie de l’ancien quartier des résidences des Juifs. L’intérieur du bâtiment se divise en 3 axes qui font
référence à l’histoire du peuple juif. Ce sont les interprétations des « 3 chemins de la destinée ».
L’architecture du musée est donc conçue selon 3 lignes : Ces axes principaux « axe de la
continuité », « axe de la mort », « axe de l’exil » sont situés au sous-sol du bâtiment
Le 1er chemin : L’axe de la Mort menant à l’impasse de la tour de
l’holocauste. Le couloir étroit aux murs et au sol penché débouche sur une lourde
porte métallique, où l’on rencontre un gardien chargé d’ouvrir cette porte. On hésite un
instant à passer le seuil, car habituellement dans les musée les espaces sont ouverts et
libres à la circulation. On s’attend à une découverte. Dans le nouvel espace au-delà de la
porte, on est tout de suite saisi par un froid glacial et frappé par l’absence de lumière.
La lecture de l’espace se fait pourtant rapidement : on se trouve dans une très haute (20
m) et étroite tour de béton brut aux angles aigues. Cet espace hermétique nous produit
une très forte impression : nous sommes enfermés, cloisonnés, emprisonnés pour un
temps. C’est par une maigre ouverture entaillée au sommet, que l’architecte apporte de
la lumière, une source d’espoir qui nous fait lever la tête vers un plafond d’un noir
absolu. Le regard s’y perd dans la sensation troublante d’y rencontrer un espace
infini. La tour de l’ holocauste et le dispositif lui-même avec le couloir et la porte
mystérieuse, peut nous rappeler les sensations ressenties chambres mortuaires
Egyptiennes.
Le 2d chemin : L’axe de l’Exil conduisant aux Jardin de
l’Exil, (jardins d’E.T.A. Hoffmann ) Sur les murs sont inscrits en lettres noires
les noms des villes d’asile des juif ; la typographie et les variations d’échelle des
lettres animent les surfaces des murs. A l’extérieur on l’on découvre 49 stèles.
Elles sont inclinées, ce qui donne l’idée que les alentours du jardin ne sont pas
d’aplomb. Cela nous déstabilise dans notre perception de l’espace. Le sol du
.jardin est penché de telle manière que notre parcours est aussi désorienté.
Nous perdons nos repères. L’architecte nous fait vivre ce que peut ressentir toute
personne exilée contrainte de vivre dans un univers qui n’est pas le sien. Les
stèles représentent la fuite en exil. Ces solides piliers sont plantés de 49 oliviers qui
symbolisent d’idée du déracinement. DL veut signifier ici l’arrachement que connaît
chaque exilé à sa terre natale. Même si Le Jardin de l’Exil est un espace à ciel
ouvert, il est clôturé par des murs très hauts. On ressent l’impossibilité d'en
sortir. Cette sortie à l’air libre n’est alors qu’un semblant d’accès à la liberté.
L’architecte impose une direction de circulation et par là même, une signification
de plus à l’espace architectural. Le spectateur ne peut revenir à l’intérieur du
musée qu’après avoir visité le jardin, ainsi DL montre que l’exil est une prison,
quand il n’est pas choisi, mais imposé.
Le 3ème chemin : L'axe de la continuité menant à l’escalier et étages
L’escalier étroit et très long à l'ascension éprouvante nous permet d’’accéder aux salles
d’exposition des étages. Cet axe représente la continuité de la présence des juifs en
Allemagne. Cette ligne symbolise la symbiose germano- juive
Les " tours : « les Vides » : En contre point à l’axe de la continuité, l’architecte
consacre aussi des espaces à l'absence du peuple juif. Une absence qui fait suite à
l'Holocauste et à l'Exil. Il la représente par l’élaboration de six tours de béton implantées
tout au long du bâtiment. Cinq tours sont absolument vides et on ne peut y pénétrer. La
sixième « à visiter », qui s’appelle "Le Vide de la Mémoire"
On peut y vivre une Installation réalisée par l’artiste Menasche Kadischman .
Des milliers de cercles d'acier jonchent le sol. Ces formes sont percées de
trous et font penser à représentations anthropomorphiques. On y voit des visages
humains, à la bouche béante. Ceux d'hommes aux visages exsangues, aux yeux
vides, aux bouches sans voix, captés dans les photos prises à la libérations des
camps. Nous marchons donc sur ce sol de visages de métal. Sous nos pas, les
cercles s'entrechoquent en émettant des crissements désagréables. On peut très
vite avoir le sentiment de piétiner des visages qui se mettent à crier. Le bruit du
métal fait écho dans l’architecture. En tant, que spectateur ces cris nous
évoquent les images de ces victimes juives conduites en masses et
inexorablement vers les chambres à gaz.
L es aspects plastiques du bâtiment : La structure
est dynamique et agressive, car la ligne est brisée, anguleuse
avec des accents pointus. Cela donne un aspect tranchant,
dangereux. La peau (l’enveloppe architecturale) en revêtement
de zinc étincelant est rythmée par des fentes triées vitrées, des
échancrures, des fissures. Cette ligne structurelle avec ses
distorsions et ses brisures aigues conduit une distribution
atypique, des pièces intérieures. Le spectateur est amené à
traverser des volumes vides sans fonction, ouverts à toutes
les interprétations possibles. On découvre aussi à travers notre
circulation des niches aux contours aigus découpées dans les
murs des couloirs. Celles-ci constituent autant de petits musées
intimes sur la vie de certaines familles juives. Ici, une machine à
écrire, du papier, des livres, des gants de Melle X, là une valise
avec des photos dans un cadre doré et un chapeau ayant
appartenu aux parents de Mr Y déporté en telle année, et plus
loin dans une autre vitrine, une torah en rouleau de la famille
YX … Cette disposition scénique dynamique dans le musée
est touchante car elle nous rapproche très directement d’un
vécu de personnes réelles. Nous sommes dans un rapport
d’intimité à ces objets. Accompagnant les entailles, fêlures et
cicatrices de l’extérieur du musée, des étais et des poutres
semblent tomber du plafond sur le spectateur, ce qui peut créer un
certain malaise.
III : Les significations : 1 : Thématique et sens de l’œuvre
Cette architecture est conçue autour de signes et de symboles. On parle aussi d’une étoile de David brisée et
disposée en longueur, pour accentuée une vision apocalyptique. Le parcours en labyrinthe qui doit évoquer
l’Histoire, le drame de cette situation vécue par le peuple Juif sous le régime nazi . Ce musée n'est pas qu'une
"boîte" vouée à accueillir les témoignages de la présence juive en Allemagne. En effet DL crée une architecture à
l'image de l'histoire de ce peuple. L’ architecte s'est attaché à traduire plastiquement et architecturalement, les
notions historiques d’injustices et de violences faites aux victimes, en créant pour cette institution muséale
une architecture dont le rythme est brisé, rompu par les cassures et les vides.
CONCLUSION Il s’agit d’une architecture à vivre. La visite prend des allures d’épreuves
très inattendues pour le corps comme pour l’esprit. La philosophe Jacqueline MORNE
nous raconte son expérience du lieu « Beaucoup plus qu'une visite de musée, le passage par
le Musée Juif est quelque chose comme une épreuve. L'interpellation physique voulue par
l'architecte, suscite inévitablement émotion et réflexion. Tout ici est voulu, pensé, mesuré, en
fonction du but souhaité. Le gris, le métal brut, le béton, les lignes brisées, la lumière froide,
les angles aigus, ne sont pas agréables à l'œil, ils ne flattent pas la corde sensible du
spectateur, ils ne sont pas complaisants. Le bâtiment n'est pas beau au sens classique du
terme, il est agressif, déroutant. On a là une démarche qui ne cherche pas à séduire, à faire
plaisir, mais bien plutôt à agresser, bousculer, surprendre, pour mieux forcer le spectateur à se
projeter dans un autre univers. Le Musée Juif apparaît ainsi comme un voyage initiatique au
sein de l'histoire du peuple juif dont on ne sort pas indemne. (...) Les décisions architecturales
de DL en provoquant le malaise, font vibrer l'esprit à l'unisson du corps, induisant ainsi chez le
visiteur déstabilisé la confrontation brutale avec l'absence, le vide, la mort. L'architecture
devient alors art à part entière.

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