Musée juif de berlin-fiche analyse
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Musée juif de berlin-fiche analyse
LE MUSÉE JUIF DE BERLIN “Entre les lignes” Nature de l’œuvre : Date : Lieu : Architecture déconstructiviste 1998 Berlin, Allemagne. ŒUVRE COMMÉRORATIVE DE LA SHOAH construite par Daniel L I B E S K I N D entre 1993 et 1998. L’édifice abrite 3000 m² d’exposition retraçant 2000 ans de la culture juive en Allemagne à travers des objets d’art, de culte et de la vie courante. CONTEXTE En 1988, le Sénat de Berlin décide de construire un nouveau musée juif pour succéder à celui que la Gestapo avait fermé en 1938. Le bâtiment est situé juste à côté d’un édifice baroque du 18ème siècle, le « Kollegienhaus », qui abritait l’ancien siège de la cour suprême du royaume de Prusse. 165 architectes participent au concours que Daniel Libeskind remporte. Cet architecte est réputé pour concevoir des édifices commémoratifs. Daniel Libeskind est un architecte contemporain, né en 1946 en Pologne, naturalisé américain et dont les parents sont des survivants de la Shoah. Il construit d’ailleurs en ce moment le nouveau World Trade Center à New-York. Insertion du musée dans le site LE GESTE Le musée juif, à peine visible depuis la rue, prend la forme d’un éclair appelé « Blitz » par les Berlinois. Pourquoi ce geste ? Tout d’abord car cette forme en zigzag préserve les arbres existants du site et les contourne. Mais ce geste est aussi symbolique car cette forme torturée en zigzag incarne toute la violence et la persécution subies par les juifs en Allemagne. Pour dessiner cette étoile de David éclatée, Daniel Libeskind a tracé sur le plan de Berlin les lignes reliant les adresses des berlinois juifs victimes de la déportation. L’ENVELOPPE Cette forme brisée, comme l’ont été les destins des juifs, est revêtue d’une peau de zinc et apparaît comme un objet sculptural. Les ouvertures sont comme des entailles, des coupures, des cicatrices qui n’ont pas de logique avec l’architecture intérieure et évoquent les meurtrissures des juifs. L’ouverture de ce bâtiment au monde extérieur est très restreinte. Entailles des ouvertures dans la LE PARCOURS façade. Son architecture provoque chez le visiteur des émotions fortes, une prise de conscience. Ce n’est pas une aimable promenade muséale mais un trajet aux allures d’épreuve. 1– L’entrée du musée juif se cache à l’intérieur de l’édifice baroque qui abrite les expos temporaires, vestiaires, restaurants, boutique et qui n’est relié au musée juif que de façon cachée, par le sous-sol. Le spectateur pénètre par un grand portail de béton brut aux angles vifs qui ouvre sur un escalier. Cet escalier, au lieu de monter noblement vers les étages comme habituellement dans les musées, s’enfonce à 12 mètres sous terre au fond d’un puits de béton qui transperce l’ancien bâtiment sous toute sa hauteur. Le musée juif et l’ancien bâtiment sont donc imbriqués l’un dans l’autre comme l’histoire allemande et l’histoire juive avec une violence monstrueuse et cachée. 2Cette tour de béton est l’accès à trois couloirs appelés, par Libeskind, les axes, avec à leur intersection un îlot central qui interdit toute vision d’ensemble. Ces trois axes incarnent dans l’espace les trois expériences majeures du judaïsme allemand : - L’axe de la continuité qui mène aux salles du musée L’axe de l’exil qui mène au jardin de l’exil L’axe de l’holocauste qui mène à la tour de l’holocauste L’axe de l’exil et celui de l’holocauste sont des lieux d’exposition (photos, dessins d’enfants, souvenirs de l’exil et de l’extermination). Des destins auxquels mènent ces couloirs aux murs penchés et aux sols en pente pour déstabiliser le spectateur. Les trois axes 3L’AXE DE LA CONTINUITÉ L’axe de la continuité n’est qu’un lieu de passage qui mène aux salles du musée. Cet axe débouche sur un escalier étroit avec une perspective spectaculaire : une ligne droite qui monte du souterrain jusqu’au 3ème étage. Après avoir comprimé l’espace, l’architecte le dilate. L’escalier est enserré par deux parois que des grandes poutres de béton semblent à grand peine maintenir écartées. Le spectateur doit fournir un effort pour revenir au grand jour. 4L’AXE DE L’EXIL L’axe de l’exil est le scénario de la sortie hors d’Allemagne et mène au jardin de l’exil. Ce jardin suspendu est constitué de 49 arbres plantés chacun dans un pilier de béton : image simple du déracinement. Ce jardin est un cube parfait dans lequel les 49 piliers penchés forment un labyrinthe où le corps se trouve déstabilisé jusqu’au malaise. En effet, l’architecte a basculé ce cube par un angle sur une double pente. Daniel Libeskind traite l’exil comme une perte de repères et une impasse puisque ce jardin est en fait coupé de l’extérieur par des douves dignes d’une forteresse. Jardin de l’exil L’échappée à l’air libre est donc une illusion, et l’exil un enfermement. Il n’y a pas d’autre issue que de retourner dans les axes souterrains. 5L’AXE DE L’HOLOCAUSTE Au bout de cet axe, une porte noire et derrière cette porte, une tour de béton plongée dans la pénombre : la tour de l’holocauste. Des murs nus éclairés seulement par une fente étroite où rentre la lumière du jour. L’ancien et le nouveau bâtiment, la tour de l’holocauste, le jardin de l’exil semblent indépendants à l’extérieur alors qu‘ils sont reliés par un réseau caché de communications. 6LES VIDES Enfin, « les vides » comme les nomme Daniel Libeskind, sont 6 tours de béton de formes différentes, totalement invisibles de l’extérieur, qui traversent le bâtiment sur toute sa hauteur. Elles ne contiennent rien. On n’y rentre pas. Elles incarnent l’absence. Un seul de ces vides est accessible aux visiteurs ; c’est le plus grand ; c’est le vide de la mémoire, recouvert de sortes de pièces métalliques en forme de visages grimaçants, jonchant le sol et résonnant sous les pas des spectateurs dans un bruit assourdissant. Les vides LA PORTÉE DE L’ŒUVRE Dans le musée juif de Berlin, le visiteur est exposé à un choc “violent” : formes brisées, plafonds très bas, parois non verticales, lumière artificielle… qui le met mal à l’aise pour lui faire ressentir les expériences du peuple juif et prendre conscience des choses. Ces émotions touchent plus le public que des mots ou des photographies. Ici, l’architecture fait sens et incarne la mémoire du peuple juif. Daniel Libeskind : « Le musée juif est conçu comme un emblème dans lequel l’invisible et le visible sont assemblés et où l’innommable rappelle le nom de ceux qui ont disparu. » Daniel Libeskind appelle son bâtiment : « Entre les lignes » . Cela se comprend au premier degré par la présence de toutes ces lignes (la ligne brisée du Blitz, les 3 axes souterrains, les cicatrices des ouvertures en façade, les lignes en toiture reliant les 6 vides) mais aussi au deuxième degré par l’expression « lire entre les lignes » par la symbolique de tout ce qui fait sens. On peut évoquer en lien avec cette œuvre architecturale l’installation «Personnes » de Daniel Boltansky. Plasticien contemporain français, né en 1944, à la fois peintre, photographe, sculpteur et cinéaste. Il est connu pour ses installations, œuvres « in situ ». Cette œuvre a été créée au Grand Palais à Paris, lors de l’hiver 2010. Des vêtements multicolores sont étalés au sol, formant des rectangles de fripes alignés et marqués aux quatre angles par des poteaux d’acier noir. Des tubes de néon suspendus éclairent assez bas ces natures mortes. Toute la nef centrale du Grand Palais est ainsi tapissée. Dans un coin, au-dessus d’une gigantesque montagne de vêtements haute de 10 mètres, s’active une grue armée d’un crochet rouge à cinq doigts qui attrape une poignée de vêtements et les relâche ensuite. Cette pyramide de chiffons mous évoque un charnier. Boltanski : « Ces morceaux de tissu symbolisent les corps humains. Et la main de fer évoque la main de Dieu qui s’apparente au hasard, au jugement dernier. » Tout cela dans un grand vacarme qui fait penser à des battements de cœur ou à des trains en mouvement. Cette grande mise en scène rend hommage à tous ces juifs disparus et interpelle le public.