Sport - Œuvre du Marin Breton

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Sport - Œuvre du Marin Breton
Almanach 1908 : P. 127
L’HERCULE BRETON
Il est déjà bien connu, Jean-François le Breton1 : né à Quimper en 1879, il détient
actuellement sept records du monde. Voici les chiffres de ces records, constatés par
Commission officielle : ils donnent une idée de sa prodigieuse force :
1) Bras tendus, en croix de fer, en haltères : à droite, 60 livres, à gauche 60 livres.
2) Bras tendus, en croix de fer, en poids : à droite, 80 livres, à gauche, 60 livres.
3) Jeté, en 2 haltères : 252 livres.
4) Arraché, d’un seul temps, barre à deux mains : 225 livres.
5) Volée, du bras droit : 181 livres.
6) Développé, du bras droit : 113 livres.
7) Arraché, du bras droit : 176 livres.
Essayez un petit peu, vous tous les hommes forts qui lirez ces lignes ! Vous comprendrez alors quelle force prodigieuse il faut pour obtenir de pareils résultats !
Comment Jean-François a-t-il obtenu une vigueur pareille ? Voilà, n’est-ce pas, ce
qu’il serait très instructif de connaître !
Eh bien ! Lisez ce qui suit. Le laborieux athlète a bien voulu nous donner luimême, pour «l’Almanach», le secret de sa force.
Voici ce qu’il nous répond, en date du 15 septembre 1907.
« De bonne heure, dès l’âge de 11 ans, j’ai fait de la gymnastique ; à 18 ans, j’ai
commencé à me spécialiser dans l’athlétisme et je me suis livré à un entraînement raisonné, scientifique. Actuellement, à 29 ans, je détiens déjà sept records du Monde.
Comment je me suis entrainé ? C’est bien simple ! Jamais je n’ai fait usage d’alcool;
je m’en suis bien gardé puisque l’alcool n’apporte aux muscles qu’une excitation
momentanée, un énervement traitre qu’il faut à tout prix éviter. La force véritable
et durable, vrai trésor de l’athlète, la force qui permet de commander à ses muscles
et d’obtenir de plus en plus de puissance, ne peut s’obtenir et se conserver que si
l’on renonce rigoureusement aux alcools. Depuis trois années, ma seule boisson a
été le lait : environ trois ou quatre litres par jour. Comme nourriture : des œufs, des
haricots, des lentilles, de la viande saignante, et beaucoup de sucre... Voilà le régime
auquel je me soumets très sérieusement.
Mon rapide développement musculaire est dû autant à la pratique rationnelle des
poids et des haltères qu’au régime excluant tout espèce d’alcool.
Très heureux d’avoir pu renseigner les lecteurs de l’Almanach du Marin Breton,
je vous prie d’agréer,... etc.
JEAN-FRANÇOIS
On le voit, l’expérience démontre une fois de plus cette vérité qui, aujourd’hui, ne
peut plus être discutée : l’alcool est non seulement incapable de fortifier, mais encore
il ne fait qu’entraver le développement musculaire.
Merci au vaillant athlète quimpérois de le prouver, lui aussi, à la face du Monde.
NOTE. - A notre grand regret, par suite d’un retard fâcheux, , nous ne pouvons publier un
superbe portrait de Jean-François tel qu’il est actuellement avec sa merveilleuse musculature.
Almanach 1908 : P. 133
Pour les jeunes gens.
LE PLONGEUR POULIQUEN.
Un exercice très intéressant et qui peut, à l’occasion, rendre les plus grands services aux marins, c’est de s’habituer à plonger et à rester sous l’eau le plus longtemps
possible.
1
Cliché prêté aimablement par l’Education Physique.
Ou peut déjà voir, dans les ports, un bon nombre de vaillants mousses très habiles
dans l’art de pêcher des objets au fond de l’eau. Ce qu’on ne sait pas assez, c’est
qu’avec de l’entraînement et de la méthode on arrive à supporter des plongées très
longues : trois minutes, quatre minutes, et davantage... Voici quelques détails instructifs donnés à ce sujet par le plongeur Pouliquen, un breton.
Pouliquen, désireux de surpasser Théo Schriber qui, le 13 octobre 1906, était resté
4 minutes 6s sous l’eau (chronométré officiellement au Championnat de Plongée),
s’est entraîné sérieusement dans ce but et a réussi, paraît-il, à rester sous l’eau 4
minutes 30s ! Voici ses impressions : c’est lui-même qui les a racontées peu après à
Robert Coquelle, rédacteur à l’Auto.
- J’ai été amené à faire des expériences de ce genre, nous déclare le plongeur, en
remplissant, à la dernière Exposition, le rôle de pêcheur de perles dans l’Aquarium
Guillaume. J’étais là avec Théo Schriber. Nous faisions six, sept et huit fois par aprèsmidi des séjours sous l’eau variant entre deux et trois minutes. Nous imitions les
pêcheurs de perles, je vous l’ai déjà dit. Mais nous agrémentions parfois nos exercices
d’une partie de cartes. C’était du «chiqué», bien entendu. La partie n’avait rien de sérieux, attendu qu’il nous était impossible de distinguer dans cette eau-là un valet de
trèfle d’une dame de pique. A la piscine de la Gare, je m’étais spécialement préparé
au dernier Championnat. Pendant quinze jours j’avais fait des essais, prolongeant
chaque plongeon de dix secondes environ sur celui de la veille. J’étais arrivé de cette
façon à un temps de 3’ 3’’ sans être trop incommodé.
- Mais, pardon, comment vous rendez-vous compte du temps exact que vous passez
sous l’eau ?
- Je n’ai pas de montre, bien entendu. Du reste, à quoi me servirait-elle, puisqu’on
ne voit rien, ou plutôt l’on voit simplement du noir sur du blanc, quelque chose
d’imprécis ? J’ai l’oreille collée à la perche, à laquelle je me cramponne. Un ami, en
qui j’ai la plus entière confiance, me tient au courant de la marche des aiguilles du
chronomètre et me crie par la perche : 15 secondes ! 30 secondes ! Et ainsi de suite.
La perche me transmet fidèlement les temps annoncés.
- Quelle est la minute la plus fatigante ?
- A mon avis, c’est la seconde. Une minute, ça passe. Mais après, ça devient pénible. On endure une souffrance morale effrayante. Les oreilles bourdonnent. On
voit de plus en plus trouble. La seconde minute étant écoulée, j’estime qu’il faut un
effort de volonté moins puissant. Peu à peu l’on s’en va ... c’est presque de l’inconscience... le tout est d’être remonté avant la syncope.
- Alors, vous ne respirez pas ?
- Je respire à la manière des poissons, mais si peu, si peu, qu’à la surface de l’eau
on n’aperçoit que quelques vagues globules. S’il y avait un bouillonnement, ce serait
la grande tasse et il faudrait me remonter au plus vite. Avant de plonger, j’emmagasine de l’air en quantité, le plus possible, et je m’arrange pour en faire un usage
parcimonieux.
- Revenu à l’air, ressentez-vous quelque chose ?
- Oh ! J’ai ma tactique. Je ne remonte pas franchement, je file entre deux eaux et
ne respire que modérément : c’est précisément à cet instant qu’il faut craindre un
évanouissement. Aussi vous pensez si je me tiens sur mes gardes.
Avant de prendre congé du fameux plongeur, j’ai la curiosité de lui demander ce
qu’il gagne, à se livrer à ce petit jeu innocent ( ?)
- Et l’honneur, qu’en faites-vous, Môssieu ? ...
Mais, attention, jeunes gens ! N’oubliez pas qu’il faut y aller peu à peu et avec prudence ; voyez plutôt le triste sort de Louis Mède qui succomba ; il n’était pourtant
resté que 70 secondes sous l’eau.
MORT TRAGIQUE DE Louis MÈDE. - Les exercices de natation, organisés à
bord du croiseur Pothuau, ont été marqués par un pénible accident, l’été dernier.
Le plus fort nageur du bord, le matelot Jean-Louis Mède, sorti victorieux de toutes
sortes d’épreuves de natation, effectuait une plongée sous l’eau. Une première fois il
resta quarante-cinq secondes sans reparaître. Encouragé par cette tentative, il replongea et resta soixante-dix secondes.
Quand il reparut, il se débattit, puis coula par un fond de 15 mètres.
Un scaphandrier repêcha le cadavre.
Almanach 1908 : P. 139
Une nouvelle manière de nager vite
« L’OVER ARM STROKE »
La méthode importée par Percy Cavill a été perfectionnée de telle façon qu’il est
plus facile d’apprendre les nouveaux mouvements que de modifier les anciens.
D’abord, je dois signaler à ceux qui pratiquent l’over arm stroke suivant les démonstrations que fit à Paris, il y a quelques années, Percy Cavill, que la méthode de
cet excellent nageur est absolument opposée à la mienne, laquelle tend à donner une
double force de propulsion, par l’action simultanée des bras et des jambes, tout en
diminuant sensiblement la fatigue des bras.
Je répète, au sujet des nages de courses, ce que j’ai dit précédemment à propos de
la nage en général : il faut pratiquer à terre et détailler chaque mouvement avant de
s’essayer dans l’eau.
Donc, nageurs qui voulez apprendre l’over arm stroke, suivez bien l’ordre d’études
suivant : 1° mouvement alternatif des bras ; 2° mouvement alternatif des jambes ; 3°
mouvement simultané du bras et de la jambe supérieurs ; 4° mouvement simultané
du bras et de la jambe inférieurs.
L’action des bras.
Il ne faut pas oublier que les jambes par leur plus grand nombre de muscles et
leur plus grande longueur sont capables d’un effort plus violent que les bras. Donc,
toute la force de propulsion doit être demandée aux jambes, les bras ne venant qu’en
complément de l’effort ; si un mouvement imparfait des jambes nécessite une plus
large demande de force aux bras, c’est au détriment de la vitesse ou de la résistance.
Bras inférieur (je suppose que l’homme nage sur le côté droit). Le bras inférieur joue un
rôle considérable comme organe de puissance élévatrice du corps au moment où le
bras supérieur est ramené au-dessus de l’eau, d’arrière en avant, c’est-à-dire à un moment où il importe d’obtenir le minimum de résistance de l’eau. Si le mouvement du
bras inférieur est bien exécuté, l’autre bras se trouve dégagé depuis l’épaule.
Cette puissance élévatrice n’est pas continue : elle n’existe qu’au commencement
et à la fin du mouvement : lorsque le bras est à bout de course, c’est-à-dire perpendiculaire à l’eau, la puissance devient propulsive et complète alors l’effort de la jambe.
Le mouvement doit être effectué comme suit : la main, paume parallèle ou perpendiculaire au fond comme je l’ai vu faire en général, la main, dis-je, est amenée
à l’épaule, le coude touchant (autant que possible) la hanche. La main est ensuite
portée en avant, bien dans la ligne du corps et le bout des doigts allant vers la surface
de l’eau, sans violence, car tout mouvement violent augmente la force de résistance
de l’eau. Lorsque le bras est étendu et avant de retourner la paume en dessous, il
importe de faire un temps d’arrêt afin de laisser le corps profiter du mouvement de
propulsion que, pendant ce temps, lui a imprimé le bras supérieur.
Quand la paume est retournée, un large mouvement circulaire est opéré, le bras
étant complètement étendu afin de présenter à l’eau une plus grande surface d’action. Lorsque la main est arrivée près du ventre, il importe de neutraliser son action
et de la faire glisser le long du corps pour revenir au point de départ.
Bras supérieur. C’est à ce bras qu’incombe la plus grande part de force de propulsion par les membres supérieurs.
Les doigts sont étendus de telle façon que le pouce sur toute sa largeur touche l’index : la main affecte ainsi la forme d’une cuiller. Elle est portée, paume bien dehors,
le plus avant possible de façon à projeter un peu l’épaule, et le bras alors décrit un
demi-cercle ayant l’épaule pour centre.
Les mouvements des jambes
Tous les nageurs qui ont défilé devant moi lors de mon séjour à Paris avaient
l’habitude de porter en avant leur jambe supérieure pliée, en même temps qu’ils
élevaient le bras du même côté. Ce mouvement ne parait pas bon parce qu’il ne
généralise pas assez l’action.
Jambe supérieure. Celle-ci devra rester bien en arrière du corps avant de faire le
mouvement en avant et devra être ramenée parfaitement rigide devant le corps et
aussi haut que possible, de façon à offrir une plus grande résistance pour la propulsion.
La jambe est amenée en avant, en même temps que le bras supérieur produit son
effort, de telle sorte qu’à bout de course les deux membres se touchent (Ceci est exactement le contraire de ce que j’ai vu faire par les nageurs français.)
Pendant que le bras supérieur est hors de l’eau, la jambe du même côté, toujours
tendue, est ramenée avec force à sa position première, mais il ne faut pas l’arrêter
dans la ligne du corps, car la force de propulsion n’est pas encore épuisée ; il importe
de dépasser sensiblement cette ligne.
Jambe inférieure. L’action de la jambe inférieure qui va de pair avec le bras supé-
rieur, a beaucoup de points de similitude ; cependant les deux membres ne peuvent
à aucun moment se toucher.
Le talon est amené le plus près possible des fesses, la pointe allongée. La jambe est
fortement ramenée à sa position première en même temps que l’autre.
Les mouvements doivent être bien coordonnés et bien violents. Il faut que le corps
soit projeté en avant par l’effort des deux jambes sur l’eau à la façon d’un noyau de
cerise projeté en avant par la pression des doigts. Plus la pression est forte, plus le
jet est long.
J’espère que mes explications ont été assez claires pour qu’un perfectionnement
soit vite constaté. Peut-être au début le rendement sera minime, mais il ne faut point
désespérer : en natation surtout, la persévérance est un grand facteur du succès.
Professeur C. NEWMANN .
(Extrait du Journal l’Auto.)
Almanach 1908 : P. 142
Une course de 216 kilomètres
Ceux qui ne consomment ni alcools ni viande
De fameux marcheurs à pieds.
L’été dernier a vu de nouveau un éclatant succès des coureurs végétariens dans la
marche circulaire autour de Berlin, organisée par le club Marathon.
Le parcours était de 216 kilomètres, et il fallait faire ce parcours à pieds en moins
de 45 heures.
39 concurrents s’étaient fait inscrire, mais 29 seulement prirent part au concours
et se présentèrent à Potsdam, le 20 juillet à 7 heures du matin. Sur ces 29 concurrents il y avait 15 végétariens.
Six concurrents seulement ont atteint le but en moins de 45 heures, et, parmi eux,
un seul n’était pas végétarien. Il est à remarquer que ce dernier, qui est un sportsman marcheur ayant remporté bien des prix, avait dû, de son propre aveu, se faire
remorquer pendant les derniers kilomètres à cause de son épuisement ; il arriva le
cinquième.
Les conditions les plus remarquables de cette marche étaient sa longueur, le petit
nombre de ceux qui y résistèrent, et la faible durée de la course fournie par le vainqueur (35 heures 52 minutes).
Un prix établi pour celui qui arriverait avec les pieds dans le meilleur état, fut
gagné aussi par le vainqueur de la course.
Au bout de 123 kilomètres, à Fredersdorf, il y avait une station prévue pour un
examen médical ; 10 concurrents seulement purent continuer au delà.
Le végétarien Zagermann, âgé de 18 ans, dût malheureusement se retirer au bout
de 179 kilomètres, par suite d’un accident.
Le 1er est Schlegel, 31 ans, de Leipzig, en 35 h 52 m. ; le 2ème Otto, de 20 ans, de
Fribourg, en 36 h 15 m. ; le 3ème Rehayn, 25 ans, de Berlin, en 36 h 20 m. ; le 4ème
Reiche, 28 ans, de Berlin, en 37 h 30 m. ; le 5ème Schwengler, 21 ans, de Berlin, en
42 h 25 ; le 6ème Schneider, 44 ans, de Dresde. Leurs âges étaient: 31 ans, 20 ans, 25
ans, 28 ans, 21 ans, 44 ans ; Rehayn et Schwengler sont sportsmen ; les autres sont
de simples promeneurs.
L’examen médical était fait par les docteurs Zuntz, Smith et Caspari.

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