Bulletin de veille stratégique
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Bulletin de veille stratégique
Volume 10, numéro 2, juin 2013 Dans ce numéro Collaborations externes ................................................................................................................2 Identité nationale et intégration selon René Lévesque. ........................................................................ 2 Stratégie interculturelle : une vision d’ensemble en trois volets........................................................... 3 Travailleurs saisonniers mexicains et agriculture du Québec .............................................................. 5 De quoi la citoyenneté active est-elle le nom ?.................................................................................... 8 Immigration ...................................................................................................................................11 Migration et changements environnementaux ................................................................................... 11 Développement économique : l’apport confirmé de l’immigration ................................................. 12 Recrutement des étudiants internationaux : diversification en vue ................................................... 13 Huit politiques pour accroître la contribution de l’immigration de travail ........................................ 14 Intégration .....................................................................................................................................15 Adaptation des interventions : état des pratiques ............................................................................... 15 «Identités à trait d’union», une menace pour la cohésion sociale? .................................................. 16 Ouverture à la diversité ...............................................................................................................17 Modèle de gestion de la diversité en Catalogne ................................................................................ 17 Sujets divers ...................................................................................................................................18 Principe de l’exception culturelle remis en cause en Europe ............................................................ 18 Sortie de crise économique: focus sur la population immigrante ..................................................... 19 Fin de l’expression « Illegal immigrant » ............................................................................................... 21 Réalisation de la Direction de la recherche et de l’analyse prospective (DRAP) Anne-Marie Fadel, directrice Coordination : Lucie Bernier, agente de recherche et de planification socio-économique Mise en pages : Line Gosselin Collaborations externes Identité nationale et intégration selon René Lévesque.1 Joëlle Quérin, enseignante en sociologie au Cégep de Saint-Jérôme; doctorante en sociologie à l’UQÀM. Le colloque de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC) : Les nationalismes québécois face à la diversité ethnoculturelle qui s’est tenu en mai 2013 fut l’occasion d’éclairer quelques questions « sensibles » au Québec notamment : la nation, la langue française et la politique en matière linguistique, l’intégration des personnes immigrantes, la place de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui encore, les positions de René Lévesque sur ces questions constituent un point de référence privilégié. En effet, grand démocrate, défenseur des droits de la minorité anglophone et adversaire féroce du « nationalisme qui veut dire racisme ou fascisme », tel que qualifié dans Attendez que je me rappelle, Lévesque a défendu sans complexe un nationalisme fondé sur la langue et la culture de la majorité, un nationalisme d’affirmation de soi qui n’avait rien à voir avec le racisme. Sources bibliographiques LÉVESQUE, René. Option Québec. Montréal, les Éditions de l’homme, 1968. LÉVESQUE, René. La passion du Québec. Montréal, Éditions Québec Amérique, 1978. LÉVESQUE, René. Attendez que je me rappelle. Montréal, Éditions Québec Amérique, 1986. PICARD, Jean-Claude. Camille Laurin: l’homme debout. Montréal, Boréal, 2003. Pour Lévesque, une nation doit posséder un territoire, mais aussi des caractéristiques communes : des traditions, une langue, une religion, une mentalité propre et des structures sociales 2 (1964). Ainsi, le nationalisme qu’il prône se fonde-t-il sur une volonté « de maintenir et de développer une personnalité qui dure depuis trois siècles et demi. Au cœur de cette personnalité se trouve le fait que nous parlons français » (Option Québe, 1968). Dix ans plus tard, dans La passion du Québec, il fait encore une fois référence à une identité qui aurait « bientôt quatre cents ans ». (La passion du Québec, 1978). Une politique linguistique renforcée Fervent défenseur du français, Lévesque considère que la langue française doit être la langue « normale » de tous les Québécois, s’imposer d’elle-même, dans un Québec souverain. « Selon lui, un peuple normal doté d’un vrai pays n’a pas besoin d’imposer sa langue; celle-ci se répand dans tous les recoins de la société, comme l’anglais aux États-Unis ou l’allemand en Allemagne ».3 Il est vrai qu’à l’époque, très peu d’États avaient besoin d’accorder une protection légale à leur langue nationale, parce qu’il allait de soi que tous devaient l’apprendre et l’utiliser dans leur vie publique. La position de Lévesque sur la question linguistique fut la suivante : puisque le français ne s’impose pas de lui-même, alors il faut l’imposer. Dans le contexte actuel en 2013, tout porte à croire que Lévesque accepterait de renforcer la loi 101, mais qu’il se désolerait d’avoir à le faire. Ce texte reprend les grandes lignes d’une conférence intitulée Le nationalisme conservateur face à la diversité : Un retour à Lévesque?, prononcée dans le cadre du colloque de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC), le 16 mai 2013. 2 Ce discours peut être écouté à l’adresse suivante: http://www.youtube.com/watch?v=wp2jY5bEYSE&feature=plcp 3 Picard, Jean-Claude. Camille Laurin: l’homme debout. Montréal, Boréal, 2003, p.262. 1 2 Une politique d’intégration fondée sur le principe de convergence culturelle Favorable à une immigration qui respecte la capacité d’accueil des Québécois, Lévesque craignait que l’identité québécoise soit « "minorisée" par la politique d’immigration d’un État fédéral que nous ne contrôlerons jamais ». Il affirmait d’ailleurs que « l’immigration doit pouvoir être surveillée par la collectivité. C’est vital pour nous », comme il écrivait dans La passion du Québec. Lévesque souhaitait une intégration linguistique et culturelle à la majorité francophone plutôt qu’à la minorité anglophone. En réponse à la politique canadienne du multiculturalisme, le gouvernement Lévesque a fait adopter une politique québécoise d’intégration, Autant de façons d’être Québécois. Dans ce document, on affirmait que « la culture québécoise doit être d’abord de tradition française » et agir à titre de « foyer de convergence des autres traditions culturelles », un modèle qui présente l’intérêt d’être clair, connu sous le nom de « convergence culturelle ». Une réappropriation des pouvoirs de l’Assemblée nationale Lévesque croyait que les parlements, et en particulier l’Assemblée nationale du Québec, était l’endroit où devaient se prendre les décisions qui concernent l’intérêt collectif. Il s’est opposé farouchement à la Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution canadienne qui transforma en droits individuels un ensemble de questions qui relevaient autrefois du débat public et parlementaire. Il se méfiait de « ce "gouvernement des juges" qu’on prétendait instaurer au-dessus des parlements » (…) considérant simplement qu’on « pouvait se passer de ce carcan juridique sans pour autant brimer les droits de la personne », tel que formulé dans Attendez que je me rappelle. Ceux qui craignent aujourd’hui que les tribunaux invalident une éventuelle Charte de la laïcité, une citoyenneté québécoise ou une loi contre les écoles passerelles devraient se rappeler que Lévesque a toujours refusé de laisser les questions fondamentales entre les mains des juges. Contre le « chartisme » de Trudeau, Lévesque a toujours défendu les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Stratégie interculturelle : une vision d’ensemble en trois volets Ricard Zapata-Barrero, professeur de sciences politiques, Université Pompeu Fabra (Barcelone, Catalogne, Espagne). Directeur du Groupe de recherche interdisciplinaire en immigration (GRITIM-UP). Expert au programme des Villes Interculturelles du Conseil de l’Europe. L’interculturalisme en tant que discours politique a permis au Québec de se distancier du multiculturalisme canadien (Alain G. Gagnon, 2009). Comme stratégie politique, elle peut être un instrument capable de réduire l’espace du racisme et de la xénophobie par une nouvelle approche des politiques publiques (Zapata-Barrero, 2011). L'interculturalisme que je voudrais présenter constitue une vision d’ensemble qui englobe trois volets complémentaires : le volet du contrat social que j’identifie avec Gérard Bouchard (2012), le volet de la cohésion sociale de Ted Cantle, (2012) et le volet constructiviste 3 selon ma propre lecture de l’approche liée aux « avantages de la diversité » de Phil Wood et Charles Landry (2008). Trois plans communs à ces volets constitutifs d’une vision d’ensemble peuvent être distingués : Sources bibliographiques 1) La promotion d’une « technique de l’interaction positive», un processus dynamique qui résulte du contact réciproque. 2) Une approche centrée sur la personne, définie comme porteuse d’expressions d'identité différentes. La culture est ici considérée en termes dynamiques, de sorte que les personnes peuvent entrer et sortir librement de leur catégorisation culturelle. Par exemple, un Québécois peut être libre d’être musulman, un arabe d’être chrétien ou athée. La nationalité ne peut, en conséquence, prédéterminer un comportement, une langue, une conception du monde. À partir de ces deux points, il appert que l’interculturalisme vise la promotion des rapports, parce qu’on voit ici une fonction de socialisation, de se connaître mieux pour vivre ensemble, sans préjudices avec une éthique de respect de la différence. Ces rapports peuvent être verticaux (avec l’État), horizontaux (avec les autres membres de la société), ou bien viser le développement réciproque des parties impliquées. 3) On constate qu’il y a au moins trois possibles hypothèses pouvant justifier l’intervention en matière de diversité et qui sont à la base de trois volets différents des politiques interculturelles. Hypothèse sociale: la diversité tend à provoquer la ségrégation et de l'exclusion, et à réduire le sentiment d'appartenance de la ville. Hypothèse politique: la diversité tend à modifier l'expression de l'identité nationale du pays d’accueil, les valeurs traditionnelles qui assurent la stabilité et le sens de la loyauté d’une société. Hypothèse culturelle : la diversité tend à fermer les possibilités de développer les capacités culturelles des citoyens et des immigrants, qui ne sont pas pleinement développés dans une société diversifiée. L'interculturalisme, en tant que technique d'interaction positive, cherche alors à donner aux personnes les moyens de développer leur créativité. BOUCHARD. Gérard, L’interculturalisme: un point de vue québécois. Montréal. Boréal. 2012. CANTLE, Ted. Interculturalism: The New Era of Cohesion and Diversity. London. Palgrave. 2012. CONSEIL DE L’EUROPE. Living Together As Equals in Dignity. White Paper on Intercultural Dialogue. Strasbourg. Conseil de l’Europe. 2008. GAGNON, Alain-G. « Immigration in a Multinational Context : From laissezfaire to an Institutional Framework in Quebec » in R. Zapata-Barrero, éd., Immigration, Self-Government of Minority Nations. Presses interuniversitaires européennes. Peter Lang. Pages 39-55. 2009. SEN, Amartya. Inequality reexamined. New York. Oxford University Press. 1992. WOOD, Phil. & Charles LANDRY. The Intercultural City: Planning for Diversity Advantage. London. Earthscan. 2008. ZAPATA-BARRERO, Ricard. Antiimmigration populism: Can local intercultural policies close the space? Discussion Paper - Policy Network 1-9. 2011. Mon argument est qu’à partir de chaque hypothèse se développe une théorie : théorie sociale de la diversité, théorie de l’État, théorie culturelle de la diversité, qui constitue un volet particulier des politiques interculturelles : volet cohésion, volet contractuel, volet constructiviste. Volet cohésion : tend à vouloir transformer les zones initiales de conflit en zones de contact pour assurer une situation optimal de « vivre ensemble », d’inclusion sociale. Volet contractuel : vise à accepter les changements nécessaires de la tradition nationale dans un contexte de diversité, tout en préservant le contrôle de ces changements afin d’en gérer les effets possibles sur les citoyens nationaux, notamment en équilibrant le rapport entre diversité et tradition nationale, et donc sans affecter la loyauté des citoyens et les droits des immigrants. 4 Volet constructiviste : vise la personne selon «ce que chacun veut, peut, et est capable de faire ». Cette définition de la capacité s’oppose à la perspective utilitariste qui définit l'égalité en termes de biens matériels ; elle s'applique aux biens et aux ressources primaires culturelles dont les gens ont besoin pour réaliser leur vision particulière du monde, dans un contexte de promotion de l’innovation et la créativité. Il y a bien sur un lien entre la théorie politique sociale de Ted Cantle et la théorie politique d’État de Gérard Bouchard de la diversité. Grâce à la première, on assure le sentiment d’appartenance qui est clé pour le second. Mais aussi dans l’autre direction, le sens de la loyauté des nationaux, spécialement important lorsqu’il peut avoir des sentiments d’identité partagés comme au Québec. Site de Ricard Zapata-Barrero : http://dcpis.upf.edu/~ricard-zapata/ Les deux premières théories reposent sur une perspective commune: celle des droits humains individuels. Le volet constructiviste se fonde sur une notion d’égalité différente : au sens de capacités et non au sens matériel ou de droits. C’est cette idée que j’emprunte à Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998, que je propose appliquer. La diversité est une ressource pour l’innovation et la créativité, un bien public qu’il faut savoir distribuer afin qu’elle développe les capacités créatives de la société et de sa population. C’est ici qu’une citoyenneté basé sur les rapports culturels prend un sens, autres les droits civils, sociaux et politiques. En résumé, nous avons trois volets de politiques interculturelles qui ne sont pas contradictoires, qui s’appliquent à différents degrés selon les besoins concrets et différenciés de villes, leur coexistence donnant une vision d’ensemble. Ma conviction est que cette complémentarité des trois volets ne peut être que bénéfique pour générer une dynamique sociale, politique et culturelle nouvelle, liée à la diversité. La vision d’ensemble que je défends nous dit que le secret du succès de la stratégie interculturelle n’est pas de défendre une voie contre les autres, mais de les équilibrer. Ces trois volets peuvent très bien définir le cadre d'un nouveau paradigme, qui affecte des politiques, des comportements, des routines sociales et institutionnelles, des pratiques culturelles et artistiques, des programmes de gestion administratifs. Sans cette valeur ajoutée l’interculturalisme peut très bien être une nouvelle phase du processus historique de gestion de la diversité, mais sans atteindre le niveau d'être un nouveau paradigme historique des sociétés démocratiques, particulièrement adapté pour les gouvernements locaux. Travailleurs saisonniers mexicains et agriculture du Québec Sara María Lara Flores, chercheuse, Universidad Nacional Autónoma de México. L’ampleur de la migration mexicaine aux États-Unis est sans aucun doute un phénomène de grande importance. En 2012, l’Institut National de géographie et statistique du Mexique (INEGI) a rapporté une perte de population de 27.6 personnes pour mille habitants (Boletín de prensa 330/12). On calcule que 13 millions de personnes nées au Mexique vivent aux États-Unis de façon légale ou illégale, soit l’équivalant de 11.5% de la population totale du Mexique. Ils forment la première minorité hispanophone des États-Unis. Néanmoins, depuis la crise mondiale de 2009, la migration mexicaine vers les États-Unis 5 stagne. Les transferts de fonds qui étaient, après le pétrole, la deuxième source de devises pour le Mexique, ont décliné de façon alarmante. Selon la Banque de Mexico, les transferts de fonds vers le Mexique sont passés de 26 058 millions $US en 2007 à 22 445 millions $US en 2012. De plus, le retour d’un grand nombre d’émigrés mexicains vers le Mexique, faute d’emploi ou à la suite d’une déportation, est préoccupant à cause des conséquences économiques, politiques et sociales que cela implique dans un contexte national fort peu favorable où les indices de marginalité et de pauvreté progressent sans cesse. Par exemple, au Mexique la population en situation d’extrême pauvreté est passée de 11,7 millions en 2010 à 13 millions en 2012. De son côté, la migration du Mexique vers le Canada est quantitativement peu significative. Cependant, il n’en est pas moins vrai que ce pays est la deuxième destination internationale des Mexicains. Dans ce cas, la migration irrégulière est pratiquement inexistante. Le profil des Mexicains au Canada est très diversifié du point de vue de la qualification professionnelle, du statut migratoire et des formes d’insertion dans l’économie canadienne 4 ; le groupe le plus nombreux de migrants est celui des travailleurs saisonniers qui rentrent au Canada grâce au Programme de Travailleurs Agricoles Saisonniers Étrangers (PTAS). Selon Alan Simmons, Statistiques Canada a comptabilisé 50 000 immigrants mexicains en 2006, la moitié d’entre eux étaient arrivés avant 1995. En 2010, on enregistre l’arrivée de 3 866 Mexicains (1.4% du total des entrées dans le pays), dont une proportion importante était représentée par des travailleurs qualifiés; il y avait aussi des étudiants et des personnes sollicitant l’asile politique. Le nombre de travailleurs agricoles saisonniers a connu une constante progression depuis 1974, année de la signature d'un protocole d'entente entre les gouvernements du Mexique et du Canada. Aujourd’hui, le Mexique est la deuxième source de travailleurs saisonniers pour le Canada, après les États-Unis. En 2010, les travailleurs saisonniers mexicains, essentiellement une main d’œuvre non qualifiée, représentaient 9.9% de l’ensemble des travailleurs saisonniers étrangers au Canada.5 D’après les sources du ministère de travail du Mexique, pour la saison 2012, on compte plus de 17 000 travailleurs saisonniers mexicains qui ont rentrés par le PTAS pour travailler dans l’agriculture canadienne. Selon les données de la Secretaría del Trabajo y Previsión Social, (Mexico, 2012), ils sont répartis ainsi par province canadienne: 49% en Ontario, 20% au Québec, 20% en Colombie Britannique, 5% en Alberta, 2% au Manitoba et 4% dans le reste du pays. On constate que le modèle de migration contrôlé par des programmes d’embauche temporaire et de visas de travail constitue une différence importante par rapport à la situation de la migration mexicaine aux États-Unis. Sources bibliographiques INSTITUTO NACIONAL DE ESTADISTICA Y GEOGRAFIA, Boletín de prensa 330/12, 17 septembre, 2012, pp.1-5; BBVA, Research. Documentos de trabajo, février, 2011, pp. 9. SIMMONS, Alan. “La actualidad de las políticas migratorias del estado canadiense y su impacto en México”, communication présentée dans le cadre du Seminario Permanente de Investigación sobre Migración México Canadá, Universidad Nacional Autónoma de México, 30 de Noviembre 2011. PEW HISPANIC CENTER. A portrait of unauthorized Immigrants in the United States, 2011. Janvier 2013. 8 pages. INSTITUTO NACIONAL DE ESTADISTICA Y GEOGRAFIA, Migración. Características demográficas, consulté in www.inegi.gob.mx, 4/06/2013. COMMISSION SUR L’AVENIR DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE QUÉBÉCOIS. Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir, janvier 2008. 274 pages. ROBERGE, Geneviève. La maind’œuvre agricole mexicaine et guatémaltèque au Québec : perspectives de classe sociale, d’ethnicité et de genre, Mémoire de maîtrise en anthropologie, Université de Laval, 2008. 148 pages. FERME http://www.fermequebec.com/4Realisations-et-temoignages.html, consulté le 03/05/2012 Au Québec, ce n’est qu’en 1995 qu’arrivent pour la première fois 833 travailleurs mexicains. Ce nombre a augmenté peu à peu et en 2008, ils étaient 3 536 selon la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, dans son rapport : Agriculture et agroalimentaire : assurer et bâtir l’avenir (2008). Selon les estimations Alan Simmons, “La actualidad de las políticas migratorias del estado canadiense y su impacto en México”, communication présentée dans le cadre du Seminario Permanente de Investigación sobre Migración México - Canadá, Universidad Nacional Autónoma de México, 30 de Noviembre 2011. 5Simmons, Ibidem. 4 6 du Consulat du Mexique à Montréal, ils étaient plus de 4 000 en 20126. Le recours à la main d’œuvre étrangère est un atout pour les fermiers québécois pour faire face à la crise de l’agriculture dans cette province. Selon le Rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois, les agriculteurs de la province du Québec signalent comme principaux problèmes : • • • • • • La compétition accrue provenant des autres pays de l’hémisphère sud et émergents; La courte saison de production québécoise qui n’est que de 3-4 mois; La parité du dollar qui limite les exportations et favorise les importations; L’endettement généralisé des producteurs; La très forte concentration de la commercialisation à travers trois entreprises (Loblaw, Sobeys et Métro) qui contrôlent 75% de la distribution alimentaire; La pénurie de main d’œuvre. Cette dernière problématique a commencé à devenir grave pour les agriculteurs québécois à la fin des années 1990, dû à différents facteurs sociodémographiques, mais surtout à l’augmentation de la superficie des fermes, de plus en plus spécialisées, modernisées et intégrées par le secteur de la distribution agroalimentaire. Inévitablement, ce processus de concentration a permis une importante augmentation du chiffre d’affaires des entreprises agricoles restées en place. Ce sont donc les fermes dédiées aux cultures maraîchères qui demandent de plus en plus de travailleurs saisonniers étrangers ; 74% des agriculteurs qui ont recours à la main d’œuvre étrangère sont spécialisés dans les cultures maraîchères, selon la Fondation des Entreprises en Recrutement de la Main d’œuvre Étrangère (FERME). Selon la même source, en 2011 le secteur maraîcher du Québec était constitué de 1 469 producteurs dont 600 avaient recours à la main d’œuvre étrangère, essentiellement mexicaine et guatémaltèque. Cette dernière remonte à 2003 avec 215 travailleurs saisonniers guatémaltèques venus grâce au Programme des travailleurs peu spécialisés de l’époque. En 2013, les deux groupes de travailleurs agricoles saisonniers sont en semblable nombre présents au Québec. Ces travailleurs effectuent les tâches considérées les plus pénibles (températures extrêmes, en plein champs, etc.) et souvent dangereuses à cause de la manipulation de produits chimiques. Différentes recherches mettent l’accent sur la précarité de leurs conditions de travail et de logement.7 Elles constatent en particulier les inégalités de leurs salaires fixés à la tâche ou à l’heure par rapport aux salaires de la population québécoise, et des horaires de travail qui se prolongent en fonction de la demande du marché allant jusqu’à douze heures par jour et sans respecter les jours de congé. Finalement, les conditions de vie de ces travailleurs agricoles saisonniers sont également précaires ; ils sont séparés de leurs familles, Entrevue réalisée avec la consule Adriana Villanueva, chargée du PTAS au Consulat du Mexique à Montréal (septembre 2012). 7 Une révision bibliographique exhaustive sur le sujet se trouve dans Karen Bronsard, Main-d’œuvre mexicaine dans des terres agricoles québécoises : entre mythe et réalité. Mémoire de maîtrise en sciences géographiques, Université de Laval, 2007, Québec. 6 7 obligés de vivre chez l’employeur, parfois dans des logements qui ne correspondent pas aux normes établies, isolés dans des fermes éloignées des localités urbaines, souvent sous surveillance des patrons qui s’arrogent le droit de contrôler leur vie privée, surtout dans le cas des femmes. Ils sont également exclus de la vie quotidienne québécoise par la culture, la langue et la pauvreté. Ces conditions de vie et de travail clairement défavorables par rapport aux conditions normales exigées par la population québécoise font maintenant l’objet de débats qui mettent en évidence non seulement la fragilisation sociale de ces travailleurs si nécessaire à la bonne marche de l’agriculture régionale, mais aussi des dérives concernant les droits à la personne. Il semble donc maintenant nécessaire de trouver une véritable formule « gagnantgagnant» entre agriculteurs et travailleurs saisonniers étrangers qui permettent le développement de l’agriculture québécoise tout en offrant de meilleures conditions de vie et de travail aux travailleurs migrants, ainsi que des possibilités d’insertion à long terme dans la société d’accueil. De quoi la citoyenneté active est-elle le nom ? Mouloud Idir, coordonnateur du secteur Vivre ensemble du Centre justice et foi Il s’agit ici de préciser, succinctement, ce que l’on entend par l’idée de citoyenneté active et/ou élargie, surtout en vue de mettre cette perspective au crible des rapports de domination et d’exclusion qui sont sous-jacents à certains de nos enjeux autour de la diversité ethnoculturelle. Centre justice et foi http://cjf.qc.ca/fr/ve/index.php Mon propos général consiste d’abord à rappeler que les phénomènes d’exclusion que je décèle dans les débats relatifs à la diversité ethnoculturelle sont de plus en plus documentés. Ils renvoient autant aux stéréotypes qui découlent des débats récents sur certaines catégories de notre immigration, mais aussi à la configuration largement utilitariste de notre régime migratoire. Un modèle d’ailleurs qui confine de plus en plus à la précarité des réfugiés et de grandes catégories de personnes migrantes. Mais qui tend aussi à induire l’idée que certains groupes seraient incompatibles avec nos valeurs. Les exclu-e-s de l’inclusion Ce que je m’efforce de faire valoir ici renvoie moins à une exclusion de droit qu’à une des formes d’exclusions intérieures, et ce concept ne se rapporte pas seulement à un statut juridique, mais à sa combinaison avec des représentations et des pratiques. L’importance des droits formels est indéniable, mais leur rapport avec l’usage, avec la disposition du pouvoir ou de la « puissance d’agir » ne l’est pas moins. C’est donc à une sorte d’exclusion de l’inclusion effective que je souhaite que l’on s’attarde dans nos débats. Il s’agit là de remarques abstraites, mais dont la signification est immédiate quand on veut étudier des phénomènes d’exclusion intérieure : dans sa définition la plus générale, celle-ci signifie qu’une frontière « extérieure » se trouve redoublée d’une frontière « intérieure », ou encore qu’une condition d’étranger se trouve projetée à l’intérieur d’un espace politique ou d’un territoire national de façon à y créer une altérité inassimilable, ou au contraire qu’une 8 catégorie anthropologique se voit affectée d’un supplément d’intériorité et d’appartenance, de façon à la repousser au-dehors. Cela veut dire aussi que cette dynamique s’applique quotidiennement dans l’expérience politique : exclusion et inclusion ne décrivent pas tant des règles ou des situations fixes que des enjeux de conflits au travers desquels, en quelque sorte, la citoyenneté « réfléchit » ses propres conditions de possibilité. Si quelqu’un est exclu de la citoyenneté de façon radicale, en particulier au titre de ce qu’Étienne Balibar appelle des « exclusions intérieures », cela ne veut jamais dire qu’il reste simplement au-dehors de la communauté. Cela veut dire qu’il est exclu de l’inclusion, autrement dit d’un statut, mais plus profondément d’un pouvoir ou d’une capacité. Il s’agit ici moins d’une réflexion sur l’institution de la citoyenneté que sur l’accès effectif à celle-ci. Étienne Balibar. Auteur prolifique et engagé. Professeur émérite de philosaphie. Université de Paris Ouest, Nanterre / La Défense. La perspective ici esquissée pose maintenant la nécessité de clarifier en quoi la notion de citoyenneté active aide à mieux penser les enjeux d’exclusion. C’est globalement le fait de donner au plus grand nombre non pas seulement des droits, mais les conditions et le pouvoir de dire leur vision sur le monde commun qui est ici posé. Citoyenneté active et conflit politique Dans nos débats sur le pluralisme, une telle approche peut aider à éviter l’écueil des débats interminables entre ce qui est universel ou particulariste ou entre ce qui est conservateur ou progressiste. Se pose pour moi avec plus d’intérêt une approche qui poserait dialectiquement une perspective pensée par le recours à l’expérience - en fonction des possibilités concrètes d'émancipation qu'elle induit concrètement sur le terrain politique - et non a priori suivant un dogme ou une loi. De la sorte, le conflit des universalismes n'aurait pas de solution préétablie, mais donnerait plutôt lieu à des « cosmopolitismes alternatifs », et même à des « sécularismes alternatifs »8. La citoyenneté active n’est donc pas un mode d’être, mais un mode d’agir où des sujets ou des individus brisent des identités, voire des appartenances, qui les assignent à des places déterminées et oppressives qui délimitent leur capacité de prendre part au monde, au commun. Se pose aussi la question de la solidarité : celle-ci peut laisser croire à une sorte de permanence dans l’« agir politique ». Le plus important à retenir ici est surtout le déplacement des positions dites naturelles dans l’ordre social. Car le propre de la politique consiste notamment Balibar, qui m’inspire sur ces enjeux et auquel je dois tout sur ce point, souligne qu’«’il n’existe rien de tel qu’un conflit purement religieux dans le monde d’aujourd’hui, et tout affrontement entre des représentations et des communautés religieuses, ou entre elles et leurs antithèses séculières, est toujours fondamentalement politique. Un discours et une institution « publics » qui tirent essentiellement leur légitimité d’une formation historique nationale (et donc nationaliste, y compris sous la forme « républicaine ») n’est pas en lui-même plus universel ou universaliste que le discours d’une religion transnationale. En tout cas son degré supérieur d’universalité ne peut se proclamer a priori : il faut le démontrer expérimentalement, en particulier sur le terrain des possibilités d’émancipation qu’il offre à ses citoyen(ne)s. Lorsqu’une différence religieuse ou théologique devient conflictuelle (et il nous appartient à chaque fois de déterminer les conditions qui cristallisent le conflit ou le rendent antagoniste). Il est plus juste de dire qu’elle ouvre tout grand le champ de la concurrence entre des cosmopolitismes alternatifs. Et de la même façon je voudrais essayer de montrer qu’elle forme le siège d’une concurrence entre des « sécularismes alternatifs ». Pour en savoir plus : www.raisonpublique.fr/article452.html#n b11 8Étienne 9 dans les reconfigurations à l’échelle sociale, mais aussi dans l’apparition de nouveaux sujets citoyens. La citoyenneté active pose ici la nécessité de l’écart entre les identités. Elle pose la question de la subjectivation politique. Un sujet politique n’est pas un groupe ou une partie de la société qui défend ses intérêts et ses valeurs ou qui demande sa part en fonction de ce qu’il est. Les sujets politiques sont des sujets du litige – ou du dissensus. Ils permettent de mesurer l’écart de la citoyenneté à elle-même. Quand des Noirs, des migrants ou sans-abris (pour ne prendre que ces exemples) prennent la parole, ils contribuent à nier les dispositions que l’on rattache à leur condition ou leur incapacité spécifique du fait de l’identité que nous en avons. Dans cette optique, les groupes qui se mobilisent collectivement ne manifestent pas les traits d’une identité. Ils mettent plutôt en scène des rapports entre identités : mieux encore, ils mettent en scène un rapport entre inclusion et exclusion. Nous en comprenons donc que les identités exclues peuvent parvenir à une remise en cause du décompte social en dévoilant, par leur mobilisation, des torts ou des injustices. C’est cette potentialité, qui n’est pas réductible au seul fait d’avoir des droits qui nous aide à comprendre et poser l’idée de citoyenneté active. Car l’émancipation procède de la possibilité de s’extirper d’une identité sociale : l’émancipation passe par une connaissance de soi comme être voué à autre chose que ce que l’on est censé être. C’est la subjectivation politique qui rend cela possible. Je dirais donc que c’est notamment à travers une réflexion sur la précarité qui afflige une grande partie des migrants et des réfugiés – tout comme les personnes les plus vulnérables et exclues de notre société – que le questionnement sur la citoyenneté prend ici toute son importance. Un tel cheminement permet de faire émerger une conception plus substantielle et élargie de la citoyenneté, en faisant de cette dernière une pratique collective plutôt qu’un seul statut d’ordre juridico-politique. De nombreuses personnes qui ont à cœur de rompre le cycle d’inhumanité dans lequel sont confinés les migrants affirment d’ailleurs que leurs luttes représentent des moments privilégiés de développement de la citoyenneté active, sans laquelle il n’y a pas de cité, mais seulement une forme étatique coupée de la société et empêtrée dans son abstraction. Le politique prend en effet tout son sens lorsque les personnes auxquelles aucune place n’est assignée dans l’ordre social commencent à rendre audibles leurs doléances et à s’organiser. Cela ne veut pas dire prendre inconditionnellement partie pour les exclus (comme les plus précarisés des migrants), mais plutôt opter pour l’égale participation de tous aux affaires de la cité. Et il s’agit surtout de comprendre que la citoyenneté n’est pas quelque chose que l’on donne. Elle se construit collectivement, notamment à travers les conflits. Or, nous vivons dans une société qui ne sait plus accepter les conflits, les organiser et en négocier les sorties de crise. Dans un tel contexte, il ne faut pas s’étonner de voir des formes de citoyenneté active qui consistent à désobéir, comme le font les groupes qui aident des travailleurs temporaires traqués ou encore des migrants en situation irrégulière et sans statut qu’on maintient souvent dans une situation de grande vulnérabilité et précarité. 10 Pour moi, l’immigré fonctionne comme un excellent analyseur de l’inconscient social et collectif d’une société. Il nous permet d’interroger la force coercitive de la structure étatique. Au fond, la vertu politique et la force heuristique de l’immigré et de l’immigration résident en ceci qu’ils dénaturalisent le rapport au monde. Pour le dire autrement, l’étranger oblige à re-historiciser les rapports sociaux et les données jugées « naturelles » comme l’État, le territoire ou la nation. Immigration Migration et changements environnementaux Lucie Bernier, Direction de la recherche et de l’analyse prospective. Dans Policy Brief Series du Migration Policy Institute Europe de mai 2013, Andrew Geddes et Will Somerville consacrent un article à la question des migrations et des changements environnementaux en étudiant l’Union européenne (UE) de plus près. Ils constatent d’abord que l’on est loin des analyses initiales qui établissaient un lien fort peu complexe entre changements environnementaux et migrations. Tout au contraire à présent, les milieux scientifiques abordent ces questions dans une vaste perspective holistique aux causes et aux impératifs multiples et divers, et aux relations toujours de plus en plus complexes qui s’étendent bien au-delà des pays d’immigration. Ces deux chercheurs constatent que la plupart des migrations résultant de changements environnementaux surviennent à l’extérieur du territoire européen. Les populations migrantes désavantagées économiquement, à cause de bouleversements environnementaux souvent dus aux changements climatiques et voulant améliorer leurs conditions, migrent des zones rurales vers les zones urbaines toujours de plus en plus denses, privilégiant les villes côtières, d’abord et surtout à l’intérieur d’une même région géographique d’Asie et d’Afrique, surtout. Parallèlement, la qualité de vie dans ces villes démesurées diminue alors que la pauvreté augmente. Or, cette pauvreté croissante des populations réduit inéluctablement la capacité migratoire de certains groupes, selon un effet « souricière » qui les figent sur un territoire. Ainsi, bien qu’immigrer puisse constituer la meilleure stratégie d’adaptation de ces populations aux changements environnementaux, elles peuvent fort bien ne pas disposer des ressources leur permettant d’opter pour cette stratégie. Sources bibliographiques GEDDES, Andrew et Will SOMERVILLE. Migration and environmental change : Assessing the developing European approach. Policy Brief Series. Research from Migration Policy Institute Europe. Mai 2013. 7 pages. http://www.migrationpolicy.org/ pubs/MPIEuropeEnvironmentalMigration.pdf EUROPEAN COMMISSION. Climate change, environmental degradation, and migration. European Commission, Commission Staff Working Document, 2013. http://ec.europa.eu/clima/polici es/adaptation/what/docs/swd_2 013_138_en.pdf C’est dire, selon Geddes et Somerville, qu’on ne saurait s’attendre à une hausse de l’immigration en Europe qui soit le résultat direct de changements environnementaux. La même conclusion nous semble pouvoir être formulée à l’égard des autres pays d’immigration. Partant d’un document récent de l’Union européenne (UE) : Climate change environmental degradation and migration, Geddes et Somerville constate une tendance nouvelle à vouloir inscrire les politiques migratoires à l’intérieur des stratégies de développement et de les penser comme partie d’un ensemble de politiques, non plus comme politique unique et isolée. Toutefois, constatent-ils, les actions concrètes proposées dans le document 11 sont faibles. Or, la situation européenne actuelle appelle à des solutions énergiques : des mesures visant le renforcement et l’amélioration de la coordination de l’UE en situation de crises, également l’amélioration de la gouvernance et, lorsqu’approprié, le support aux migrations. Ces dernières peuvent ultimement et sous certaines conditions véritablement améliorer la qualité de vies des communautés d’origine également celles de destination. Développement l’immigration économique : l’apport confirmé de Lucie Bernier, Direction de la recherche et de l’analyse prospective Spécialiste des études macros et de la perspective globale, le professeur Matthew R. Sanderson récidive en abordant le phénomène contemporain incontestable : la globalisation de l’immigration internationale, phénomène caractérisé à la fois par l’important volume de personnes immigrantes, par l’extrême diversité des pays d’origine et des pays de destination, également par l’originalité et la diversité tout aussi remarquables des mouvements régionaux observés. L’étude du professeur Sanderson : Does Immigration Promote Long-Term Economic Development? vise d’abord à vérifier l’hypothèse selon laquelle l’immigration permet de hausser les niveaux de vie des populations, tant des pays d’origine que des pays d’accueil; pour ce faire, il procéde à une vaste analyse des données nationales de 122 pays, de 1965 à 2005. Sans équivoque, les résultats de l’étude Sanderson permettent d’abord permis de confirmer que tous les pays impliqués, à long terme, tirent profit de l’immigration, précisément d’une hausse de revenus per capita. Sources bibliographiques SANDERSON. Matthew R., Does Immigration Promote Long-Term Economic Development? A Global and Regional Cross-National Analysis, 1965-2005. Journal of Ethnic and Migration Studies. Vol. 39. No. 1, Janiver 2013. Pages 1-30. http://www.tandfonline.com/doi/abs /10.1080/1369183X.2013.723244 RATHA. Dillip et William SHAW. SouthSouth Migration and Remittances. World Bank Working Paper No. 102. Washington DC. 2007. 38 pages. http://www.migrationinformation.org/ Feature/display.cfm?ID=641 Dans un deuxième temps, le professeur Sanderson cherche à vérifier si ce constat global est également valable d’une région à l’autre dans le monde. Il faut rappeler que dès 2007, pour le compte de la Banque mondiale, Ratha et Shaw ont établi que les migrations Sud-Sud étaient quasi aussi importantes en nombre que les migrations NordSud. Or, constate le professeur Sanderson, les bénéfices économiques de l’immigration ne sont pas pour autant uniformément répartis. Pour en connaitre les causes, il prend l’Amérique latine et les Caraïbes à titre d’exemple, la région qui compte le moins de migrants internationaux au monde, soit 7 millions ou 3% de tous les migrants au monde en 2012 selon les données de l’ONU. Dans ce contexte, les conclusions qui concernent une région de cette zone Sud-Sud acquièrent une importance globale accrue. Ses analyses additionnelles mènent à conclure que le haut taux de fertilité d’un pays réduit les retombées économiques de l’immigration dans la mesure où des niveaux élevés d’immigration semblent exacerber les problèmes associés à la croissance populationnelle dues aux naissances et aux charges sociales qui y sont associées, atténuant d’autant les gains économiques à plus long terme. Finalement, Sanderson termine son analyse en situant ses résultats à la lumière de précédentes recherches en développement économique et en immigration. Et de conclure que l’immigration qui, d’une part permet l’amélioration certaine des populations quelque soit le pays concerné, d’autre part, tend à renforcer les disparités existantes entre les pays plus ou moins développés, puisque que tous ne profitent pas 12 dans la même mesure des retombées économiques bénéfiques certaines. Il y a là une avancée scientifique de semblable nature que le constat des migrations circulaires par rapport à l’exode des cerveaux, de l’intérêt des transferts de fonds dans le développement des pays d’origine, de l’importance des immigrants sans papier dans l’économie américaine, ou des BRICS émergents contrepoids récent à l’hégémonie des pays traditionnels d’immigration. Recrutement des étudiants internationaux : diversification en vue Lucie Bernier, Direction de la recherche et de l’analyse prospective. Les étudiants internationaux représentent une source potentielle intéressante d’immigration temporaire mais également permanente, et pour laquelle des efforts de recrutement sont déployés par les pays d’immigration, souvent en compétition les uns avec les autres. C’est pourquoi cet article du World Education Services : Beyond More of the Same : The Top Four Emerging Markets for International Student Recruitment présente un intérêt certain. Bien qu’il aborde la question de recrutement par rapport aux États-Unis, l’analyse, les observations, les conclusions et les recommandations peuvent fort bien s’appliquer au Québec, et être prises en compte dans une perspective nationale. Les travaux de cette étude partent du constat que la moitié des étudiants internationaux aux États-Unis proviennent d’un nombre restreint de pays: Chine, Inde, Corée du Sud. Semblable phénomène de concentration s’observe au Québec où la France avec les ÉtatsUnis et la Chine dans une mesure moindre constituent les principales sources de provenance d’environ 45% des étudiants internationaux au Québec en 2012. Or, il importe que les institutions d’enseignement supérieur, quelles qu’elles soient et où qu’elles soient, puissent élargir leur marché à un plus grand nombre de pays source, et balancer ainsi leur potentiel de risques à puiser à quelques sources restreintes, d’incertitudes, à s’ouvrir à des marchés émergents, à des formations académiques insuffisantes, à des capacités financières limitées. Les chercheurs Choudaha et Kono ont fait appel à des experts en recrutement spécialisés en éducation supérieure, pour identifier les marchés émergents, d’intérêt pour les institutions d’enseignement supérieur américaines; par ordre d’importance, l’Arabie saoudite, le Brésil, le Vietnam et la Turquie représentent les sources les plus intéressantes de recrutement vers lesquelles elles devraient se tourner. Pour chaque pays identifié, l’étude précise les éléments particuliers qui en font un choix intéressant pour les institutions américaines: programme de bourses d’études à l’étranger, tel King Abdullah Scholarship Program (Arabie saoudite) ou Scientific Mobility Scolarship Program (Brésil), croissance de la classe moyenne (Vietnam), croissance démographique; également, l’étude identifie les meilleures façons d’intervenir selon le territoire ciblé : offre de formation linguistique intensive en anglais pour ces étudiants étrangers dont la langue première n’est pas l’anglais, recrutement assorti d’une aide financière américaine, profil des étudiants potentiels et réponse à leurs spécificités selon le pays source. Sources bibliographiques CHOUDAHA, Rahul et Yoko KONO. Beyond More of the Same : The Top Four Emerging Markets for International Student Recruitment. Research Report 03. World Education Services (WES) Research and Advisory Services. 2012. 26 pages. www.wes.org/ras KUZNETSOV. Andrei et Olga KUZNETSOVA. Looking for Ways to Increase Student Motivation : Internationalisation and Value Innovation. Higher Education Quaterly. Vol. 65, no. 4. Octobre 2011. Pages 353-367. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.11 11/hequ.2011.65.issue-4/issuetoc 13 Sur le même sujet, une autre étude empirique menée auprès d’étudiants chinois en Grande-Bretagne confirmait l’importance de la perception et des attentes de la clientèle étudiante dans la position des institutions d’enseignement supérieur au niveau international. Huit politiques pour accroître la contribution de l’immigration de travail Simon David Yana, Direction de la recherche et de l’analyse prospective Migration Policy Institute recense huit stratégies complémentaires pour sélectionner les immigrants qui ont le plus de chances de réussir, impliquer de façon constructive les employeurs, et faciliter l’intégration des immigrants. 1- Créer des possibilités de passage des visas temporaires aux visas permanents. Les résidents temporaires représentent un riche bassin dans lequel les résidents permanents peuvent être sélectionnés. Les règles de transition de statut doivent cependant être claires et prévisibles afin que chacun puisse s’y préparer suffisamment à l’avance. La résidence permanente doit offrir ici un plus large accès au marché du travail local. Source bibliographique PAPADEMETRIOU. Demetrios G. et Madeleine SUMPTIONS. 2011. Eight Policies to boost the Economic Contribution of Employment-Based Immigration. Washington, DC : Migration Policy Institute. 2 – Simplifier la procédure d’immigration pour les travailleurs les plus qualifiés. L’ouverture aux personnes les plus talentueuses nécessite des mesures qui assurent un traitement rapide et sûr des demandes, sans limite par rapport au pays d’origine ou au nombre, et avec la charge administrative la plus faible et la plus raisonnable. 3 – Retenir les meilleurs étudiants étrangers Des programmes offrent aux étudiants étrangers la possibilité de rester dans le pays après leurs études pour chercher un emploi; ils peuvent changer d’employeur sans demander un nouveau visa; leurs employeurs n’ont pas à prouver leurs efforts de recrutement. La réussite d’un tel programme implique que les étudiants étrangers soient fortement sélectionnés, dès leur admission dans des programmes de formation menant aux emplois les mieux rémunérés. 4 – Reconsidérer le rôle des frais de visa L’imposition de frais substantiels pour les visas de travail pourrait aider à hiérarchiser les demandes, déterminer plus efficacement les réelles demandes et ajuster les limites quant au nombre de visas. Les employeurs pourraient ainsi contourner les restrictions dues aux systèmes saturés de visas et aux délais trop longs. Les revenus additionnels peuvent être réinvestis selon les besoins. 5 – Récompenser les employeurs qui jouent le jeu Un système d’enregistrement, de pré-qualification ou d’accréditation des employeurs devrait permettre de les distinguer selon leur niveau de risque. Les entreprises pouvant acquérir ainsi un statut privilégié pourraient être récompensées par un accès plus facile aux visas ou une exemption aux éventuels quotas. 14 6 – Bâtir des institutions centrées sur l’adaptation et la flexibilité Une culture institutionnelle d'adaptation et de flexibilité s’acquiert en développant les capacités de recherche et d'analyse politique. La recherche et l’analyse systématiques donnent aux décideurs politiques une meilleure compréhension du fonctionnement réel du système d’immigration, de ses effets spécifiques sur le marché du travail et sur l’économie en général, et de l’effet anticipé des réformes proposées. Elles contribuent à créer la volonté politique de réviser régulièrement le système d'immigration à partir d’une analyse de fond, plutôt que le calcul politique ou l'idéologie pure. 7 – Adopter une approche stratégique de l’intégration des immigrants Certains pays disposent de hauts fonctionnaires responsables de l’intégration, ou de ministres exclusivement responsables de l’immigration et explicitement en charge de l’intégration des immigrants et de la citoyenneté, ou encore de ministres ou de sousministres dans les services gouvernementaux les plus pertinents pour l’intégration des immigrants, comme les ministères du travail ou des affaires sociales. 8 – S’assurer de l’engagement régional et local dans le processus d’admission Certains pays ont astucieusement intégré les besoins des régions aux processus de sélection et d'admission des immigrants alors que d’autres ont mené des actions plus limitées. En fin de compte, les gouvernements souhaitant adopter une approche plus réfléchie et plus stratégique de l'immigration de travail ont plusieurs leviers politiques à leur disposition. Les bonnes pratiques se développeront davantage avec l’entrée de nouvelles nations dans ce champ politique dynamique. Intégration Adaptation des interventions : état des pratiques Marie-Bernarde Pérès, Direction des politiques et programmes de relations interculturelles Selon les résultats de la recherche : Adaptation des interventions aux besoins des immigrants/es en situation de violence conjugale : état des pratiques dans les milieux d’intervention, une intervention adaptée doit être offerte dans la langue de la personne immigrante de façon à répondre à ses besoins de communication; cette intervention respecte également la personne immigrante par une sensibilité à sa vision du monde, à ses valeurs et à ses besoins. De plus, elle met en œuvre certains principes de l’approche interculturelle, comme la décentration, l’exploration et la compréhension du système de l’autre et la recherche d’un dénominateur commun; elle permet aussi le développement d’une alliance thérapeutique en privilégiant le respect du rythme et l’établissement d’un lien de confiance avec la personne. Enfin, elle socialise les personnes immigrantes aux normes de la société d’accueil par la transmission d’informations relatives au fonctionnement des institutions et aux lois. La recherche montre aussi que, dans la pratique, l’adaptation des 15 interventions auprès des personnes immigrantes suppose une tension constante entre continuité et changement. Divers incidents décrivent la diversité des situations dans lesquelles les intervenants (tes) sont amenés à intervenir auprès des personnes immigrantes : ceux liés aux représentations de la violence, ceux, critiques, mettant en jeu des rapports difficiles entre les personnes immigrantes et les institutions du pays d’accueil (police, Direction de la protection de la jeunesse). La recherche permet aussi de constater que les femmes sont particulièrement vulnérables quand leur conjoint exploite les failles du système pour brimer leur droit à la résidence permanente ou à des ressources financières. Les incidents liés aux conflits de loyauté démontrent que les personnes immigrantes ressentent de fortes pressions de leur entourage pour préserver l’unité du couple et de la famille et exclure le divorce ou la séparation en tant que solution au problème de violence conjugale. On se trouve ici face à des questions d’honneur familial à préserver. Les incidents en lien avec l’isolement social et la dépendance au conjoint révèlent la grande vulnérabilité de certaines femmes immigrantes. Leurs conjoints exercent un contrôle sur elles. Les incidents liés aux troubles psychologiques montrent un lien entre la migration, la violence conjugale et les problèmes de santé mentale. Source bibliographique RINFRET – RAYNOR. Maryse et all. Adaptation des interventions aux besoins des immigrants /es en situation de violence conjugale : état des pratiques dans les milieux d’intervention. CRI VIFF. Collection Études et analyses, no. 45. Février 2013. 215 pages. http://www.criviff.qc.ca/cms/index.p hp?lang=fr&accueil=1 Cette recherche propose des pistes d’action et documente les intervenants (tes) sur ce qu’est une intervention adaptée auprès des personnes immigrantes en situation de violence conjugale sous l’angle de leurs pratiques. Elle met en relief les défis et les enjeux qu’une telle intervention auprès de personnes immigrantes en situation de violence conjugale comporte. Enfin, l’équipe de recherche précise que d’autres études sont nécessaires pour analyser le point de vue des principales personnes concernées : les personnes immigrantes qui reçoivent des services. En effet, la comparaison de ces deux points de vue apporterait d’autres pistes d’analyses sur ce qui constitue une intervention adaptée. «Identités à trait d’union», une menace pour la cohésion sociale? Mélanie Deslauriers, Direction de la recherche et de l’analyse prospective La septième plénière du Transatlantic Council on Migration s’est penchée, sur les implications perçues ou réelles de l’immigration sur l’identité nationale et sur la cohésion sociale. C’est dans ce cadre que Patrick Simon présenta les résultats de son analyse des « identités à trait d’union » basée sur l’enquête française Trajectoires et Origines. Pour les immigrants et les enfants d’immigrants, l’attachement à une identité liée au pays d’origine ou au pays d’origine des ascendants, le cas échéant, ne se fait pas au détriment de l’attachement à l’identité nationale du pays de résidence. Contrairement à l’idée associée au modèle assimilationniste, l’expression d’une « identité à trait d’union » ne s’avère donc pas une menace à la cohésion sociale. Plutôt, la cohésion sociale serait affaiblie par la négation de l’appartenance à la communauté nationale, négation découlant des critères trop restrictifs de définition de l’identité nationale. Les «identités à trait d’union» ou «hyphenated identites» dans la littérature scientifique réfèrent à une identité mixte, une identité se rapportant à plusieurs communautés nationales et/ou ethniques, tel qu’Italo-Canadienne ou Libano-Québécoise. 16 En effet, les résultats révèlent qu’en France l’identité nationale de certains individus serait niée : ceux-ci ne seraient pas perçus par leurs pairs comme des Français, mais plutôt comme des «étrangers». Cette négation serait entre autres liée à l’apparence physique. À la lumière de ces résultats, il apparaît que des critères d’appartenance à la communauté nationale qui découlent d’une définition trop exclusive de l’identité nationale – qui par exemple reposerait sur la couleur de la peau ou sur des normes socioculturelles – stigmatisent certaines minorités ethniques et, plus spécifiquement, les membres des minorités visibles dont celles d’Afrique subsaharienne, d’Afrique du Nord, de Turquie et d’Asie du Sud-Est. Une définition de l’identité nationale construite par l’opposition, c’està-dire en nommant ce qu’elle n’est pas plutôt que ce qu’elle est, tend à exclure une partie des individus, à diviser la société et ultimement, affaiblir la cohésion sociale. Ainsi, l’élément-clé de toute politique visant la cohésion sociale est l’obtention et le maintien d’une identité nationale ouverte, plus flexible et adaptée à la nouvelle réalité des sociétés hétérogènes, plus susceptible d’enrayer ou du moins de limiter la marginalisation d’une partie de la population. Sources bibliographiques SIMON, Patrick, 2012. French National Identity and Integration : Who Belongs to the National Community?, Washington, DC. Migration Policy Institute. http://www.migrationpolicy.org/pubs/ FrenchIdentity.pdf PAPADEMETRIOU, Demetrios G., 2012. Rethinking National Identity in the Age of Migration, Coucil Statement from 7th Plenary Meeeting of the Transatlantic Coucil on Migration. Washington, D.C., Migration Policy Institute. http://www.migrationpolicy.org/trans atlantic/TCMStatement-Identity.pdf Demetrios G. Papademetriou va dans le même sens. Ainsi, plutôt que de mettre de l’avant une définition de l’identité nationale qui serait principalement caractérisée par le fait de partager des ancêtres communs – une caractéristique exclusive que les nouveaux arrivants ne peuvent acquérir –, il serait préférable de privilégier une définition qui se base sur des expériences partagées permettant aux gens de se sentir liés les uns aux autres. La responsabilité de construire cette nouvelle définition du «nous» plus inclusive, qui ne se baserait plus sur le fait « d’être », mais plutôt de « devenir », incombe aux gouvernements. L’implication des citoyens est également essentielle pour apaiser les préoccupations, justifiées ou non, de certains quant à une fragilisation du tissu social et à une érosion de l’identité nationale qui seraient causées par l’immigration de masse. Parallèlement, il faut éviter d’adopter des lois et des mesures pour encadrer l’expression des identités minoritaires en forçant une conformité culturelle, car leurs effets ne pourraient qu’isoler, et dans certains cas pénaliser, une partie de la population. Ouverture à la diversité Modèle de gestion de la diversité en Catalogne Mélanie Deslauriers, Direction de la recherche et de l’analyse prospective Entre 1999 et 2009, la Catalogne a accueilli plus d’un million d’immigrants. Il s’agit d’un apport considérable sachant qu’en 1999, la population totale de la Catalogne ne s’élevait qu’à un peu plus de six millions d’habitants. Ainsi, en 2009, 14,35 % de la population catalane était d’origine étrangère. La crise économique de 2009 a toutefois eu un impact sur les flux migratoires de la Catalogne: le nombre de nouveaux arrivants a diminué, certaines personnes ont migré vers un pays tiers ou ont effectué un retour vers leur pays d’origine, les demandes de 17 regroupement familial ont diminué, etc. Toutefois, le processus de régularisation et la mise en place de mesures spéciales en Espagne ont permis de diminuer considérablement le nombre de personnes en situation irrégulière. Parmi ces mesures, l’enracinement permet de régulariser la situation d’une personne immigrante capable de prouver qu’elle réside dans l’État espagnol depuis au moins trois ans ou qu’elle démontre une volonté de s’adapter (apprendre la langue locale, participer à des associations, etc.) ou si elle dispose d’une offre d’emploi. Présente tout au long de l’histoire de la Catalogne, l’immigration est désormais davantage diversifiée qu’auparavant, ce qui provoque de nombreux chocs culturels tant au sein de la population catalane «établie» qu’au sein de la population des nouveaux arrivants. Entre autres, bien que ces perceptions s’avèrent non fondées, une certaine part la population catalane d’origine espagnole voit les immigrants comme de possibles compétiteurs sur le marché de l’emploi tandis qu’une partie de la population catalanophone « de souche » craint pour le maintien de la langue et de l’identité catalanes. Source bibliographique CRESPO. R. et A. NICOLAU-COLL. 2012. «Immigration et diversité culturelle en Catalogne», Vivre ensemble, vol. 19. no 66, 5 pages. http://cjf.qc.ca/fr/ve/article.php?id a=2934 Dans un article récent, Crespo et Nicolau-Coll tracent un bref portrait historique de l’implication des gouvernements espagnols, catalans et municipaux à l’égard de la population immigrante. Ils soulignent que le gouvernement catalan est passé d’une politique d’abord centrée sur les besoins de base des immigrants et la promotion de la diversité à des plans d’intervention clairement assimilationnistes, Aujourd’hui, dans le cadre d’une société plurielle, les politiques visent l’ensemble de la population de façon à favoriser l’interaction citoyenne au niveau communautaire. En effet, le Plan de citoyenneté et d’immigration 2009-201, souligne la nécessité d’incorporer la diversité comme une réalité positive et de développer l’interaction entre les citoyens d’origines diverses dans le but d’assurer une cohésion sociale. Notons que, contrairement au gouvernement du Québec, le gouvernement de la Catalogne n’a pas de compétences en matière d’immigration, ce domaine relevant de l’État espagnol. Les auteurs qualifient l’actuel modèle catalan de gestion de la diversité de « modèle interculturel de convivialité ». Ce dernier se caractérise par : l’importance de la notion et la pratique de l’accueil, notamment pour favoriser l’inclusion sociale et l’interaction; la reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle et l’affirmation du catalan comme langue propre de la Catalogne; le dépassement des stéréotypes et des préjugés par la mise de l’avant de points communs permettant de tisser des liens, de créer une « interaction qui permet d’agir ensemble ». Sujets divers Principe de l’exception culturelle remis en cause en Europe Lucie Bernier, Direction de la recherche et de l’analyse prospective Alors que de nouveaux pôles économiques émergent en Asie et en Amérique du Sud,9 des discussions formelles sur un accord de libreéchange bilatéral entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis 9 Voir : Bulletin de veille, mars 2013. 18 s’amorceront sous peu. Or, voici que la Commission européenne propose de renoncer à la culture comme bien commun qui échappait jusqu’ici à la logique des marchés. En effet, selon la recommandation autorisant l’ouverture de négociations concernant un tel accord intitulé Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, les biens et services culturels n’ont pas été exclus de la proposition de mandat de négociation. Il s’agit là d’un précédent; l’UE étant contrainte par les États-Unis d’inclure l’audiovisuel comme condition préalable aux discussions. En réaction, la présidente de la Commission des affaires européennes, Mme Danielle Auroi, a déposé une proposition de résolution de la part des autorités françaises qui rappelle à l’Union européenne son obligation d’assurer le respect de l’exception culturelle et de la diversité des expressions culturelles. Cette notion d’exception culturelle origine des négociations commerciales multilatérales au début des années 1990 dans le cadre du GATT 10 qui donna lieu à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), puis qui fut repris par l’UNESCO. Ainsi, le premier article de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO souligne le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et les mesures de protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. Dans le cas présent, la France notamment mais non exclusivement a créé des mécanismes réglementaires et financiers pour assurer l’expression unique et originale de sa culture, particulièrement en audiovisuel et au cinéma. En France, les secteurs de la culture et de la création représentent 3,3% de son PIB (produit intérieur brut) et emploient 6,7 millions de personnes (3% de l’emploi total) en 2011. Or, ces potentialités en termes d’emploi et de croissance seraient inévitablement remises en cause advenant que la culture et les biens et services qui s’y rapportent soient considérés des marchandises comme les autres. Une telle perspective permet de comprendre la position de la France, son souci à sauvegarder le principe de l’exception culturelle dans le cadre des négociations bilatérales prochaines. Source bibliographique BLOCHE. Patrick. Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la proposition de résolution européenne relative au respect de l’exception culturelle. No 943. Assemblée nationale : 875, 917. France. http://www.assembleenationale.fr/14/pdf/rapports/r0943.pdf Suite aux pressions françaises exposées dans cet article, la culture fut finalement exclue des négociations bilatérales qui viennent de s’amorcer en juin 2013. La référence historique aux instances internationales, l’introduction de la dimension économique grâce aux données du marché de l’emploi et du PIB permettent de sortir de la perception faussement folklorique de la culture et ajoutent un argumentaire de poids à la question de la culture et ses attributs. Sortie de crise économique: focus sur la population immigrante Lucie Bernier, Direction de la recherche et de l’analyse prospective Dans l’éditorial du rapport Perspectives des migrations internationales 2013, l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) attire l’attention sur ce qu’elle estime être la question de l’heure: l’impact de la présence de la population immigrante sur les finances de l’État, particulièrement en termes de prestations versées et de services publics dispensés à la population immigrante, sujet d’intérêt dans l’opinion publique au sortir de la crise économique de 2009. 10 GATT : General Agreement on Tariffs and Trade 19 Selon de récents sondages conduits au Canada et dans les pays de l’Union européenne (UE), 50% des répondants estiment en effet que la population immigrante bénéficie plus qu’elle ne contribue aux recettes fiscales des pays; cette opinion serait plus largement partagée encore par la population des États-Unis. Alors que les énergies gouvernementales sont de toutes parts consacrées à l’assainissement budgétaire, l’immigration apparaît être le domaine par excellence à gérer de près afin d’éviter un poids supplémentaire sur les finances publiques. Source bibliographique OCDE. Perspectives des migrations internationales 2013. Éditions OCDE. 19 juin 2013. 442 pages. C’est pourquoi l’OCDE, voulant opposer les faits solidement établis par une étude scientifique sérieuse aux préjugés qui reprennent vie à chaque déclin économique si léger soit-il, a entrepris une étude comparative, la première en importance et d’envergure internationale, de l’impact budgétaire net de l’immigration partant de nombre de pays de l’OCDE. Premier fait : l’impact budgétaire de l’immigration est proche de zéro en moyenne dans les pays de l’OCDE, bien qu’il soit légèrement négatif dans les pays où la proportion des personnes immigrantes parmi la population qui reçoit des pensions de l’État est plus grande. Autre constat d’importance : considérant l’importance accrue des travailleurs hautement qualifiés parmi la population immigrante ciblée au cours des deux dernières décennies, également des politiques d’immigration qui visent une population immigrante de plus en plus qualifiée, la contribution de la population immigrante aux finances publiques observée depuis la fin des années 1990 à aujourd’hui est plus favorable que précédemment. Sur le même sujet, le Rapport rapporte que les travailleurs immigrants, même les moins qualifiés, semblent mieux s’en tirer que leurs semblables autochtones. Constat étonnant qui n’est pas sans conséquence en termes de politiques migratoires soucieuses de performances économiques, lesquelles demeurent à ce jour orientées vers la sélection des plus qualifiés au détriment de ceux qui le sont moins et ce, bien que leur contribution soit au moins tout aussi intéressante que celle des natifs présentant semblable profil. Finalement, le fait de sélectionner de jeunes candidats qui contribueront ainsi plus, et plus longtemps, aux finances de l’État présente de surcroît un intérêt pour un État aux visées d’assurer le maintien de sa langue nationale comme il en est du Québec. Selon le rapport 2013, les jeunes personnes immigrantes s’investissent plus que les plus âgées dans l’éducation et la formation, notamment dans l’apprentissage de la langue du pays d’accueil. Le Rapport de conclure qu’une hausse de l’immigration ne signifie pas une hausse de la dette publique, et d’en appeler à une meilleure gestion des migrations internationales de travail et de l’intégration qui doit l’accompagner notamment des mesures favorables à l’apprentissage du pays d’accueil, facteur d’intégration au marché du travail et à la société d’accueil. 20 Fin de l’expression « Illegal immigrant » Lucie Bernier, direction de la recherche et de l’analyse prospective Les mots ne sont pas de pures abstractions. Les mots tentent de traduire des réalités et produisent en retour un effet sur le réel dans un mouvement dialectique continu. Ainsi en témoigne l’intense campagne amorcée en 2012 de Jose Antonio Vargas, Prix Pullitzer en journalisme, activiste connu qui réside illégalement aux États-Unis. Mentionnons également les prises de position de bon nombre d’organisations américaines et internationales dont la National Association of Hispanic Journalists aux États-Unis depuis 2006, et tout récemment au printemps 2013, l’initiative de l’Associated Press (AP) qui prend position contre l’usage du terme « illegal immigrant » ou plus largement l’utilisation du mot « illegal » pour qualifier une personne alors que c’est de l’entrée au pays ou le séjour dont il est question et que l’on veut qualifier. Conséquemment, le terme « illegal immigrant » qui figurait dans AP Stylebook depuis 2004, a été retiré. AP Stylebook constitue une sorte de bible de référence pour les médias et les autres sources d’information américains tout autant que partout dans le monde anglophone. « Illegal immigration » a toutefois été conservée mais sa définition est modifiée : Entering or residing in a country in violation of civil or criminal law. Except in direct quotes essential to the story, use illegal only to an action, not a person : illegal immigration, but not illegal immigrant. Acceptable variations include living in or entering a country illegally or without legal permission. L’expression « illegal immigration » est surtout utilisée en Amérique du Nord, l’Europe y préférant l’appellation « irregular migration ». Soulignons au passage que le Migration Policy Institue (MPI), parlant des personnes, utilise l’expression « unauthorized immigrants » ou « unauthorized worker ». Quant au mot « undocumented », il est à présent pratiquement banni de son association à une personne, entendu qu’on peut difficilement soutenir qu’une personne soit entièrement dépourvue de documents; elle peut simplement toutefois ne pas disposer de certains documents requis. Étant donné l’influence de l’Associated Press, on peut s’attendre à ce que les autres organisations de ce type emboitent le pas pour bannir cette expression. 21