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La chronique de Morningbull
La camisole de force,
c’est pour
Ce début d’année 2016 montre
encore une fois que la finance est
agitée de troubles obsessionnels.
Sa fixation actuelle: le pétrole.
J
Entre l’objectif à 300 dollars et l’objectif à
20 dollars, il en a coulé, de l’or noir, sous
les ponts et sur les plages de Bretagne.
Le magazine suisse de l’asset management
e sais, le titre est peut-être
un peu agressif. Mais comprenez-moi: depuis le début
de cette année boursière
cauchemardesque, le comportement du monde merveilleux
de la finance laisse à désirer. Au point
de me laisser penser que, s’il s’agissait
d’un être humain, voilà longtemps qu’il
serait en psychothérapie avancée, voire
enfermé dans une pièce capitonnée
avec cette fameuse camisole de force,
en attendant que ça passe.
Il faut cependant reconnaître une
chose. Depuis le début de l’année,
on ne s’ennuie pas une seconde. Il y
Extrait de BANCO N° 96 - MARS 2016
Thomas Veillet
co-fondateur de Investir.ch
bientôt?
a bien sûr la Chine, qui réinvente le
concept du “coupe-circuit”, histoire de
faire commencer 2016 en fanfare et
qui ensuite nous martèle encore une
fois que son économie ralentit, juste
au cas où nous n’aurions pas compris.
Ensuite, nous avons le pétrole. Et le
pétrole mérite tout de même un chapitre à lui tout seul. Je voudrais ainsi
prendre un peu de temps pour revenir
sur un sujet qui est tout de même
devenu LA préoccupation première de
ce début d’année – un début d’année
qui pourrait d’ailleurs bien rester dans
les annales boursières… en tous les cas
pendant six mois.
Il y a quelques années – environ
dix ans – le prix du baril de pétrole est
devenu une obsession générale sur
les marchés financiers, non seulement
parce qu’il avait pris l’ascenseur à une
vitesse vertigineuse, mais également
parce que pouvoir “traiter” le pétrole
ou “investir dans le baril” était devenu
soudainement beaucoup plus facile,
grâce aux nouveaux produits que
les banques nous avaient concocté.
Soudain, alors que les investisseurs se
remettaient à peine de leurs blessures
Extrait de BANCO N° 96 - MARS 2016
liées au dégonflement de la bulle
Internet, le pétrole rendait les gens
obsessionnels. Tout le monde devenait un spécialiste du baril, alors que
ces “tout-le-monde” n’avait, pour la
plupart, jamais vu un baril de leur vie
“pour de vrai”.
En ce temps-là, il y avait des stars de
la finance qui faisaient des prévisions
sur l’avenir du pétrole. Alors que l’or
noir valait 145 dollars le baril, un analyste-star de chez Goldman Sachs faisait
le tour des plateaux de télévision pour
nous l’annoncer à 300 dollars. C’était un
“coup sûr”. Un coup sûr comme on nous
en vend aujourd’hui. Autrement dit, la
certitude que le pétrole va à 20 dollars.
Effectivement, entre l’objectif à 300
dollars et l’objectif à 20 dollars, il en
a coulé, de l’or noir, sous les ponts et
sur les plages de Bretagne. Mais à la
fin, nous sommes toujours obsédés par
l’idée de prédire le prix du baril, alors
que la plupart des professionnels (pas
de vils spéculateurs obsédés par le
profit) disent que les paramètres sont
tellement divers et variés qu’il est virtuellement impossible de mettre un vrai
prix là-dessus.
On n’en sait donc rien. Et malgré
tout, en ce moment, le prix du baril
est devenu LE baromètre de la finance
et des marchés financiers en général.
Si le pétrole se casse la figure et si
les inventaires augmentent, c’est que
la Chine ne consomme plus, que le
monde ne consomme plus et que l’économie ralentit. Tout va donc très, très
mal et les indices boursiers plongent
comme un seul homme. En revanche,
un pétrole qui monte sur des rumeurs
comme “l’OPEP va se mettre d’accord
pour fermer les robinets de la production”, cela devient immédiatement un
encouragement massif pour l’avenir du
baril. Par extension, cela met du baume
au cœur aux marchés financiers qui
s’emballent comme si il n’y avait plus
d’autre alternative.
Tout ça pour vous dire que ce début
d’année est du tout grand n’importe
quoi et que l’on peut largement se
poser des questions sur l’état de santé
de l’économie. Mais on devrait aussi se
poser des questions sur l’état de santé
MENTALE des marchés financiers, d’où
ma proposition d’envisager la camisole
de force.
Le magazine suisse de l’asset management