Les moisissures. Une préoccupation grandissante
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Les moisissures. Une préoccupation grandissante
révention en pratique médicale LES MOISISSURES Une préoccupation grandissante effectuée à Montréal en 1991, qui indiquait que jusqu’à 15% des logements étaient Détérioration de bâtiments, dégâts ou infilsitués dans des immeubles où les méthodes tration d’eau, taux d’humidité élevé, que ce d’entretien sont mauvaises ou pitoyables. soit dans les habitations, les bâtiments publics ou les milieux de travail, la con- Comment peut-on être exposé tamination fongique se développe facile- aux moisissures ? ment dans de telles conditions et dans des Les moisissures sont des champignons endroits très variés. microscopiques qui deviennent visibles De 1996 à 2000, le nombre d’appels reçus à lorsqu’ils prolifèrent pour former des la Direction de santé publique de Montréal- colonies, souvent sous la forme d’une Centre au sujet de moisissures en milieu rési- mousse en taches veloutées, lorsque les dentiel ou scolaire a presque triplé : Il est conditions d’humidité sont suffisamment passé de 65 appels par an à 185. élevées. Dans les milieux intérieurs, les La connaissance des effets sur la santé, de moisissures croissent principalement sur les l’approche diagnostique, des moyens de matériaux à base de cellulose comme le prévention et de traitement existants est bois, le papier et le carton. L’état de la question essentielle au médecin traitant dans l’éva- Le principal mode d’exposition est l’inhalation luation et le suivi des problèmes de santé des spores ou des moisissures elles-mêmes reliés à une exposition aux moisissures. en suspension dans l’air. De plus, les champignons produisent également des Quelle est l’ampleur du composés organiques volatils (COV), problème ? comme des alcools, des aldéhydes et des En Amérique du Nord et en Europe, d’après cétones, qui confèrent l’odeur caractérisdiverses recherches, ce sont 20 à 66 % des tique de moisi. Certains champignons maisons qui présenteraient des problèmes produisent aussi des mycotoxines qui peuvent de contamination fongique ou des condi- aussi être absorbées par inhalation. Enfin, la tions humides. Le recensement américain paroi cellulaire de la plupart des moisissures de 1995 a démontré qu’entre 10% et 20% contient un agent inflammatoire, appelé des maisons avaient des problèmes de glucane, qui affecte tout particulièrement fuites d’eau provenant soit de l’intérieur ou les conjonctives, la gorge et les voies de l’extérieur. Ces données concordent avec respiratoires supérieures. celles de l’étude de l’INRS-Urbanisation Septembre 2002 1 Le diagnostic médical • Le diagnostic d’une exposition aux moisissures repose principalement sur l’examen clinique et le questionnaire médicoenvironnemental complet. • Les symptômes d’une exposition aux moisissures sont non spécifiques et il n’existe pas de test clinique objectif pour confirmer le diagnostic en lien avec une contamination par des agents fongiques affectant la qualité de l’air intérieur. • Le médecin traitant doit donc porter une attention particulière à l’aspect temporel, c’est-à-dire au moment de l’apparition et de la disparition des symptômes en fonction de l’exposition au milieu contaminé. • Dans des cas complexes, la documentation et la correction du problème peuvent nécessiter une intervention par des experts en bâtiment ou en qualité de l’air intérieur ou des spécialistes en décontamination fongique. Quelles sont les manifestations cliniques d’une exposition aux moisissures? Effets allergiques et irritatifs Les moisissures et leurs métabolites peuvent causer une série de symptômes irritatifs et non spécifiques, soit une irritation des yeux, du nez, de la gorge, la toux, etc. Une association a été démontrée entre l’asthme, ou des symptômes d’asthme, et une exposition aux moisissures en milieu résidentiel, scolaire ou professionnel où sévissaient des conditions importantes d’humidité ou d’infiltration d’eau. Des cas d’alvéolite allergique extrinsèque ont aussi été rapportés lors de fortes expositions aux moisissures, mais il peut s’avérer difficile de distinguer cette maladie d’un syndrome toxique causé par une exposition aux poussières organiques connu sous le nom « Organic Dust Toxic Syndrome » ou ODTS. Ce syndrome, observé surtout en milieu agricole et industriel suite à une exposition importante à des poussières organiques contaminées par des agents biologiques, y compris des champignons, se caractérise par de la fièvre, des symptômes d’état grippal et des symptômes respiratoires, sans atteinte au système immunitaire. en raison de l’augmentation des maladies qui affectent le système immunitaire. La présence de moisissures dans l’air des hôpitaux est donc particulièrement préoccupante pour ces patients. Certaines moisissures et leurs mycotoxines ont de plus des propriétés immunodépressives, ce qui risque d’augmenter la susceptibilité de certaines personnes à des infections d’origine bactérienne ou virale. Maladies chroniques Mentionnons que l’exposition aux moisissures en milieu non industriel ou non agricole n’a pas été associée à la manifestation de maladies chroniques comme la bronchite ou le cancer, mais cette question demeure très peu étudiée. Procédure Il est certain que les personnes atopiques sont plus susceptibles aux effets allergènes et irritatifs des moisissures, et on soupçonne que les jeunes enfants et les nourrissons soient plus susceptibles aux atteintes respiratoires. Les personnes atteintes du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), tout comme celles qui prennent des médicaments immunodépresseurs ou qui ont subi une greffe de moelle ou une transplantation d’organe, sont particulièrement à risque pour développer des infections opportunistes à certaines moisissures pathogènes (ex : Aspergillus). Éléments à rechercher Histoire personnelle • Atopie familiale ou personnelle, asthme, allergie, atteinte du système immunitaire, maladie chronique, habitudes personnelles (tabac, alcool), expositions en milieu de travail (poussières, solvants, etc.). Revue des systèmes • Symptômes allergiques et irritatifs, fatigue, perte d’énergie, problèmes cognitifs, problèmes de peau, infections à répétition (otite, sinusite). Examen physique • Rhinite, asthme, sinusite, otite ou maladies de peau. Histoire environnementale • Dommages reliés à l’eau (infiltrations chroniques, dégâts non-réparés), signes d’humidité élevée (condensation sur les fenêtres ou autres structures), croissance fongique visible ou odeur de moisi, autres personnes présentes dans le même milieu ayant des symptômes. Modes d’action systémiques Des effets systémiques tels maux de tête, fatigue et effets neurotoxiques ont été rapportés dans des études récentes effectuées chez des personnes exposées aux moisissures. Les mycotoxines joueraient ici un rôle. Des recherches supplémentaires seront toutefois nécessaires pour confirmer ces effets et déterminer la prévalence ainsi que le mécanisme physiologique en jeu. Quelles personnes sont les plus à risque? Modes d’action infectieux Les problèmes infectieux reliés à une exposition à des moisissures pathogènes sont en progression depuis 10 ans principalement * Tableau adapté de Norman King et Pierre Auger; (2002) Indoor air quality, fungi and health. How do we stand? Canadian Family Physician; 48 : 298-302. 2 Que peut faire le médecin traitant ? Le meilleur outil de dépistage dont dispose le médecin traitant est l’examen clinique, accompagné d’un questionnaire sur les antécédents médicaux, les symptômes et l’historique de l’environnement du patient. Le tableau* en page 2 résume les principaux éléments qu’il faut rechercher. Il existe toutefois un élément clé pour découvrir l’étiologie des symptômes ou de la maladie, c’est l’aspect temporel des symptômes. En effet, si les symptômes ne répondent pas au traitement habituel et s’ils apparaissent et disparaissent selon qu’il y a ou non exposition au milieu de travail ou de résidence contaminée, le lien étiologique devient plus évident. Quels examens complémentaires sont envisageables ? Bien qu’il soit possible d’effectuer des tests cutanés pour les moisissures, les espèces disponibles pour les tests d’allergie diffèrent généralement de celles retrouvées dans l’environnement intérieur. Les principales moisissures pour lesquelles des tests peuvent être demandés sont : l’Alternaria tenuis, l’Aspergillus fumigatus et le Penicillium notatum. Ils demeurent cependant d’utilité limitée pour apprécier le lien de causalité avec un environnement spécifique. Traitement et prévention Le traitement repose principalement sur le contrôle des symptômes et l’assainissement du milieu. Les moisissures ayant besoin d’une source d’eau pour proliférer, des mesures visant à éviter l’infiltration et les dégâts d’eau de même qu’à maintenir le taux d’humidité relative à des niveaux acceptables préviendront la croissance fongique dans l’environnement intérieur. Des inspections périodiques et un entretien préventif sont donc à la base de la prévention primaire de ces problèmes de santé. Étude de cas 1. L’histoire médicale Madame L. a 29 ans, elle est enseignante à l’école primaire et a toujours été en bonne santé et pleine d’énergie. Depuis septembre dernier, elle présente les symptômes suivants : épistaxis, rhinite congestive, extinction de voix, somnolence et problèmes de concentration, vertiges, fatigue intense, sensation de fièvre, toux sèche, dyspnée, douleurs abdominales et diarrhée. Les antécédents médicaux et allergiques sont négatifs. La seule anomalie constatée est une légère hyperexcitabilité bronchique, et selon les médecins spécialistes consultés, le problème de Madame L. est plutôt de nature psychosomatique. 2. L’évolution des symptômes en fonction de son environnement de travail Le questionnaire environnemental révèle que la classe de Madame L., située dans une annexe temporaire derrière le bâtiment principal de l’école, a subi des dégâts d’eau et qu’à partir de ce moment, les symptômes ont, peu à peu, fait leur apparition. Elle remarque aussi qu’elle se sent mieux pendant la fin de semaine, sans que les symptômes disparaissent complètement. Pendant ses vacances d’été, en quelques semaines, elle est devenue totalement asymptomatique. Avec la reprise des classes, les symptômes sont réapparus peu à peu. 3. L’évaluation médico-environnementale L’équipe de santé au travail du CLSC, en collaboration avec l’école de Madame L., a mené une enquête étant donné la présence de symptômes chez plusieurs de ses collègues et chez un certain nombre d’élèves. Le rapport préliminaire révèle la présence de contamination fongique sur les matériaux de construction derrière les murs. Madame L. a aussi été référée à la Clinique interuniversitaire de santé au travail et de santé environnementale où le médecin a posé le diagnostic et l’a mise en arrêt de travail. La CSST a accepté son cas comme étant une maladie professionnelle. 4. La résolution du problème Devant les résultats de l’étude d’hygiène industrielle menée par le CLSC, la Commission scolaire responsable a décidé de détruire l’annexe temporaire de l’école. L’enseignante a repris son travail dans le bâtiment principal. Lorsque de telles mesures de prévention ne réussissent pas à empêcher la prolifération fongique, une décontamination des lieux s’impose en suivant des précautions de base pour éviter la propagation ailleurs dans le bâtiment et pour protéger les travailleurs chargés de la décontamination ainsi que les 3 occupants de l’édifice. En effet, les personnes qui sont plus susceptibles aux effets des moisissures (ex.: personnes asthmatiques, personnes immunodéprimées) ne doivent pas être présentes dans les locaux lors des travaux de correction. Ressources Organismes et fonctions Milieu résidentiel Les services d’inspection municipaux enquêtent sur des problèmes de contamination fongique, d’infiltration et de dégâts d’eau par suite de plaintes des locataires ; ils peuvent émettre des avis de correction. Tél. : (514) 872-3181. Les CLSC offrent le service Info-Santé et des services courants de suivi médical, infirmier ou psychosocial. Les Sociétés d’habitation (SCHL et SHQ) subventionnent des recherches et des projets de rénovation ; elles forment les intervenants en matière de salubrité résidentielle; et elles informent la population sur les moyens de prévention de la contamination fongique. Milieu de travail Les inspecteurs de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) mènent des enquêtes suite à des plaintes de travailleurs. Tél. : (514) 906-3000, ou 906-2911 après 16h30 ou pendant les fins de semaine. Les équipes de santé au travail des CLSC désignés par la CSST effectuent un suivi médico-environnemental dans les milieux de travail. Les ressources de deuxième ligne L’équipe de Santé au travail et de de Santé environnementale de la Direction de santé publique de Montréal-Centre informe la population des effets sur la santé d’une contamination de l’environnement intérieur par des moisissures et elle agit comme ressource de 2e ligne pour les inspecteurs municipaux, ceux de la CSST et les autres ressources de 1e ligne (intervenants des CLSC). Tél. : (514) 528-2400. La Clinique interuniversitaire de santé au travail et santé environnementale offre des services de consultation et de suivi post-exposition sur référence du médecin traitant. Tél. : (514) 843-2080. Internet Quelques sites Internet s’intéressent aux effets sur la santé de l’exposition aux moisissures, à la nature des preuves épidémiologiques ainsi qu’aux techniques visant à remédier à la croissance fongique et à la prévenir. • Direction de santé publique de Montréal-Centre. http://www.santepub-mtl.qc.ca. révention en pratique médicale Un bulletin de la Direction de santé publique de Montréal-Centre publié avec la collaboration de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal dans le cadre du programme Prévention en pratique médicale coordonné par le docteur Jean Cloutier. Ce numéro est une réalisation de l’unité Santé au travail et Santé environnementale. Responsable de l’unité : Dr Louis Drouin • Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). http://www.cmhc-schl.gc.ca Rédacteur en chef : Dr Louis Patry Édition : Jo Anne Simard • Département de santé de la ville de New York. http://www.nyc.gov/html/doh/html/epi/moldrpt1.html Infographie : Manon Girard Rédacteurs : Norman King, Dr Louis Patry, Dr Pierre Auger Collaboratieurs : Dr Jean-Pierre Villeneuve, Dr Serge Nault www.santepub-mtl.qc.ca 1301, rue Sherbrooke Est, Montréal (Québec) H2L 1M3 Téléphone : (514) 528-2400 http://www.santepub-mtl.qc.ca Dépôt légal – 3e trimestre 2002 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN : 1481-3734 révention Numéro de convention : 1455958 en pratique médicale C’est aussi une chronique bimensuelle Internet 4 Association des Médecins Omnipraticiens de Montréal