04_chap1_synthèse_biblio

Transcription

04_chap1_synthèse_biblio
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
-1-
CHAPITRE I – SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
-3-
I. MOISISSURES ET ENVIRONNEMENTS INTERIEURS
A. GENERALITES SUR LES MICROMYCETES
1. DEFINITION
2. CLASSIFICATION
B. DEVELOPPEMENT DES MOISISSURES
1. STADES DU DEVELOPPEMENT FONGIQUE
2. BESOINS NUTRITIONNELS
3. EFFETS DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
4. MODELES DE CROISSANCE
5. METHODES DE DETECTION ET DE DENOMBREMENT DES MOISISSURES
C. MOISISSURES ET MATERIAUX
1. FLORE FONGIQUE DANS L’AIR ET SUR LES SURFACES
2. HUMIDITE DES LOCAUX
3. MECANISMES DE BIODEGRADATION
D. IMPACT SANITAIRE
1. L’ASPERGILLOSE INVASIVE NOSOCOMIALE
2. LES ALLERGIES RESPIRATOIRES
3. LES TOXI-INFECTIONS
4. IRRITATIONS : ROLE DES COMPOSES ORGANIQUES VOLATILS D’ORIGINE
MICROBIENNE (COVM)
-3-3-3-4-5-5-8- 12 - 16 - 19 - 22 - 22 - 24 - 26 - 27 - 27 - 27 - 29 - 30 -
II. PHYSIQUE DES AEROSOLS APPLIQUEE AUX MOISISSURES
- 32 -
A. AEROSOLS FONGIQUES
1. TAILLE ET FORME
2. PROPRIETES PHYSIQUES DES AEROSOLS FONGIQUES
B. ADHERENCE ET REENTRAINEMENT DES PARTICULES FONGIQUES
1. ETAPES DE L’ADHERENCE
2. FACTEURS INFLUENÇANT L’ADHESION
3. REENTRAINEMENT DES PARTICULES FONGIQUES
C. METROLOGIE ET TECHNIQUES LABORATOIRE
1. PRINCIPES ET TECHNIQUES D’AEROSOLISATION
2. TECHNIQUES DE COLLECTE
- 32 - 32 - 35 - 37 - 38 - 40 - 41 - 42 - 42 - 46 -
DEMARCHE
- 49 -
TABLE DES ILLUSTRATIONS
CHAPITRE I
FIGURES
Figure 1 : Stade du cycle vital (Kiffer et Morelet, 1997) ....................................................................................- 5 Figure 2 : Cycle de vie asexuel d’Aspergillus nidulans (Osherov et May, 2001) ...............................................- 6 Figure 3 : Croissance d’Aspergillus nidulans sur un milieu Agar (Trinci, 1974)................................................- 7 Figure 4 : Représentation des différentes zones d'une culture fongique en phase de croissance ........................- 8 Figure 5 : Effet de la température sur la diamètre de la colonie d’Alternaria sp., de Cladosporium herbarum et
de Stachybotrys chartarum après 14 jours d’incubation (Curran, 1980)..................................................- 14 Figure 6 : Effet du pH sur la biomasse de 3 espèces fongiques : Alternaria sp., Cladosporium herbarum et
Stachybotrys chartarum (Curran, 1980)...................................................................................................- 15 Figure 7 : Formule développée de l’ergostérol..................................................................................................- 20 Figure 8 : Spectre de l’ergostérol commercial (pureté>98%) - - - et de l’ergostérol;.......................................- 21 Figure 9 : Sources d'humidité dans le bâtiment (Singh, 1994). .........................................................................- 25 Figure 10 : Mécanismes de rétention et de transfert de l’eau dans les pores des matériaux (Quenard, 2001) ..- 26 Figure 11 : Structure de quelques mycotoxines (Salvaggio et Aukrust, 1981) .................................................- 29 Figure 12 : Sphères équivalentes d’une particule de forme irrégulière (Renoux et Boulaud ; 1999)................- 32 Figure 13 : Effet de l’humidité relative sur la taille des aérosols fongiques (Reponen, 1996) (n=6)Erreur ! Signet non défin
Figure 14 : Distribution granulométrique de l’aérosol de Penicillium brevicompactum généré à partir : A.
suspension liquide ; B : milieu agar solide sans orifice de désaggrégation ; C : milieu agar solide avec
orifice de désaggrégation (n=3) (Reponen 1996). ...................................................................................- 34 Figure 15 : Morphologie des conidies. Les représentations ne tiennent pas compte de la taille réelle des
conidies (Botton et al., 1985)...................................................................................................................- 34 Figure 16 : Ornementation des spores (Botton et al., 1985)..............................................................................- 34 Figure 17 : Tailles relatives de différents bioaérosols.......................................................................................- 35 Figure 18 : Prévision thermodynamique de l'adhésion......................................................................................- 40 Figure 19 : Générateur d’aérosol à partir de suspension liquide (A.) séchage au niveau de la génération
(générateur à 2 flux d’air). (B.) séchage au niveau de la sortie (générateur à 1 flux d’air) (Ulevicius et
al., 1997)..................................................................................................................................................- 44 Figure 20 : Schéma de principe d’un générateur d'aérosols à ultrasons (Marple, 1980). ..................................- 44 Figure 21 : Disperseur à tube d’agar (Reponen et al., 1997).............................................................................- 45 -
TABLE DES ILLUSTRATIONS
CHAPITRE I
TABLEAUX
Tableau I : Relation entre activité de l’eau, humidité relative et potentiel hydrique à 25°C [(1) 1MPA =
9.87bar] (Viitanen et Ritschkoff, 1991)............................................................................................. - 11 Tableau II : Activités hydriques minimales et températures de croissance optimales de quelques espèces
fongiques isolées dans les environnements intérieurs (Yang et Johanning, 1997; Clarke et al., 1999).... 12 Tableau III : pH minimum et maximum de croissance fongique (Viitanen et Ritschkoff, 1991) ............... - 15 Tableau IV : Modèles de croissance des moisissures.................................................................................. - 18 Tableau V : Techniques de détection et de dénombrement des moisissures ............................................... - 19 Tableau VI : Concentration d’ergostérol par spore fongique (Miller et Young, 1997). .............................. - 22 Tableau VII : Moisissures isolées dans les environnements intérieurs ( Verhoeff et al., 1992). UFC : Unité
Formant Colonie ................................................................................................................................ - 23 Tableau VIII : Espèces fongiques isolées de divers matériaux (Botton et al., 1985; Samson et al, 1994;
Beguin et Nolard, 1994; Beguin, 1995)............................................................................................. - 24 Tableau IX : Deutéromycètes reconnus comme allergisants (Malléa et Charpin ; 1986) ........................... - 27 Tableau X : Allergènes majeurs de moisissures (Gumowski, 1997)........................................................... - 28 Tableau XI : Moisissures toxiques, métabolites secondaires et manifestations cliniques associées (Yang et
Johanning, 1997). .............................................................................................................................. - 30 Tableau XII : Composés organiques volatils émis par les moisissures (Korpi et al., 1997) ...................... - 31 Tableau XIII : COV émis selon le mélange fongique et la nature du substrat (Korpi et al., 1998)............ - 31 Tableau XIV : Diamètres statistiques (Renoux et Boulaud ; 1999). ........................................................... - 33 Tableau XV : Nombre de spores fongiques remises en suspension selon le taux d’humidité et la vitesse de
l’air (d’après Pasanen et al. ,1991) .................................................................................................... - 42 Tableau XVI : Générateurs d’aérosols fongiques........................................................................................ - 43 Tableau XVII : Echantillonneurs d’aérosols fongiques (Crook , 1995 ; Pasanen, 2000 ; prEN13098 , 2000) 48
-4-
CHAPITRE I
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Pendant longtemps l’existence de l'allergie induite par l’inhalation de pollen de
graminés a été suspectée. Cette relation est démontrée expérimentalement, pour la
première fois, en 1873, par Blackley. L'auteur démontre également que l’inhalation de
spores de Penicillium provoque le même type de réaction. Toutefois, les études menées
sur l’impact sanitaire des moisissures restent anecdotiques jusqu’au début du XXème
siècle.
En 1924, Van Leeuwen expose l’existence d’une corrélation entre les particules
fongiques et l’asthme, relation confirmée en 1935 par Feinberg et Little. C’est à cette
époque que Gregory modélise la déposition sur le sol d’un nuage de spores fongiques et
que les premiers appareils d’échantillonnage des conidies aéroportées (impacteur en
cascade à 4 étages) apparaissent (May, 1945).
De nos jours, la plupart des études réalisées sur la thématique « moisissures –
habitat », sont menées dans les pays nordiques. Parmi les laboratoires les plus actifs
dans ce domaine : le département des sciences environnementales de Kuopio (Finlande)
(Pasanen et al., 1991 ; 1992 ; 1993 ; 1999 ; 2000) ou encore le centre de recherches
techniques de Finlande (Viitanen, 1991, 1997, 2000).
A Bruxelles, l’équipe du docteur Nolard travaille également sur ce sujet depuis de
nombreuses années (Nolard et al., 1995; Nolard, 1997).
I. MOISISSURES ET ENVIRONNEMENTS INTERIEURS
A. GENERALITES SUR LES MICROMYCETES
1. Définition
Un micromycète est un organisme eucaryote porteur de spores et dépourvu de
chlorophylle. Contrairement aux végétaux, il est incapable de synthétiser la matière
organique à partir du gaz carbonique atmosphérique. Il utilise la matière organique
puisée dans le substrat, comme source d’énergie, de carbone et d’électrons : ces
microorganismes sont dits chimiohétérotrophes. Les nutriments nécessaires sont
absorbés au travers de la paroi de son appareil végétatif.
-3-
Une moisissure ou champignon filamenteux, est constituée de filaments longs, fins et
ramifiés, à structure cellulaire, dénommés hyphes. Ceux-ci forment une masse emmêlée
appelée mycélium ou thalle. Les hyphes sont composés d’une paroi cellulaire externe
faite de fibrilles de chitine ou de cellulose, plongées dans une matrice de polymères de
glucose (les glucanes) ou de mannose (mannanes) et de protéines.
Selon les classes fongiques, les hyphes peuvent être segmentés (septés) par des cloisons
transversales solidaires de la paroi (septum) qui se forment à intervalles irréguliers.
La reproduction des mycètes peut être sexuée ou asexuée. Le développement normal
d’une moisissure comprend une phase végétative de croissance, et presque
simultanément, une phase reproductive au cours de laquelle se forment des spores
assurant la dispersion. La germination des spores est à l’origine de la forme végétative.
2. Classification
Le nombre d’espèces fongiques isolées est estimé à 1 500 000 dont environ 76 000
référencées (Kiffer et Morelet, 1997).
La taxonomie la plus courante est basée sur les modalités de reproduction. Elle classe
les mycètes en quatre grands embranchements : les Zygomycètes, les Ascomycètes, les
Basidiomycètes, et les Deutéromycètes (Fungi imperfecti).
Les Zygomycètes, dont la plupart vivent dans le sol sur des matières organiques
animales ou végétales en décomposition, ont des hyphes non septés. Leur reproduction
asexuée est le plus souvent assurée par des sporocystospores ou parfois par des
« conidies exogènes » se développant dans des sporanges à l’extrémité d’hyphes
aériens. Leur reproduction sexuée résulte de la fusion de gamétocystes conduisant à la
formation de spores dormantes permettant aux microorganismes de résister aux
conditions défavorables de croissance. Lors de leur germination, les zygospores
s’ouvrent et forment un sporange asexué.
Les Ascomycètes ont un thalle septé ou unicellulaire (levure). Si leur reproduction peut
être sexuée, avec formation, dans des asques en forme de massue ou de sac, de spores
méïotiques (ascospores), beaucoup d’Ascomycètes se reproduisent par multiplication
asexuée (conidies).
Les Basidiomycètes, comme les Ascomycètes, ont un thalle septé ou unicellulaire
(levures). La reproduction de ces champignons est, soit sexuée avec formation de spores
méïotiques (basidiospores) sur des basides, soit asexuée (conidies).
-4-
Les Deutéromycètes, dont le cycle de vie est représenté sur la Figure 1, regroupent les
moisissures pouvant vivre et se multiplier sans phase sexuée, et la plupart des formes
asexuées ou « imparfaites » (anamorphes) des Ascomycètes et des Basidiomycètes.
La multiplication des Fungi imperfecti se fait généralement par production de spores
mitotiques (issues d’une mitose) appelées conidies. Les éléments de cette classe sont le
plus souvent terrestres, saprophytes ou parasites de plantes.
a : unité de dissémination : basidiospore, ascospore (produite par la téléomorphe) ou conidie (produite par
l’anamorphe) ; b :germination de l’unité de dissémination ; c : mycélium issu de la germination ; d : mycélium ne
produisant pas de conidies ; e : production de conidies par des conidiophores ; e1 : conidiophores isolés portés par le
mycélium ; e2 : conidiophores groupés en conidiome issu du mycélium ; f : mycélium non bouclé des Ascomycètes
et de certains Basidiomycètes ; g : mycélium dicaryotique à boucles (ou anses d’anastomose) de certains
Basidiomycètes ; h : baside à basidiospores externes ; i : asque à ascospores internes ; j : levure unicellulaire
(multiplication sans production de mycélium)
Figure 1 : Stade du cycle vital (Kiffer et Morelet, 1997)
B. DEVELOPPEMENT DES MOISISSURES
1. Stades du développement fongique
Trois phases interviennent lors du développement des moisissures : la germination, la
croissance et la sporulation. En 2001, Osherov et May étudient et décrivent les
différentes phases du cycle de vie asexuel d’Aspergillus nidulans (Figure 2). Les
conidies sont produites par une structure spécialisée, le conidiophore. Après dispersion
et contact avec un milieu adéquat, les conidies germent et donnent naissance à un
hyphe. Le développement de cette structure forme un mycélium ramifié dont émerge un
hyphe aérien porteur de conidiophores.
-5-
Figure 2 : Cycle de vie asexuel d’Aspergillus nidulans (Osherov et May, 2001)
a) La germination
Cette étape comporte deux phases. Dans un premier temps, la spore enfle (elle
s’hydrate), son diamètre et sa biomasse augmentent. Lors de cette croissance sphérique,
de nouvelles couches sont formées et recouvrent uniformément la surface intérieure de
la spore. Les propriétés de surfaces sont modifiées, l’adhérence spore-spore et sporesubstrat augmente. L’apparition d’un hyphe à partir de la spore hydratée correspond à la
seconde phase de la germination.
b) La croissance
En 1994, Carlile et Watkinson décrivent précisément cette étape. L’hyphe ayant émergé
de la spore, après quelques heures, croît de manière exponentielle jusqu’à atteindre une
vitesse d’élongation maximum de l’ordre du mm/h pour ensuite s’allonger à vitesse
linéaire.
A l’arrière de l’apex, des ramifications se forment, s’allongent et se divisent à leur tour,
constituant un enchevêtrement d’hyphes appelé mycélium.
La situation des ramifications par rapport à l’apex et l’angle qu’elles forment avec
l’hyphe principal sont caractéristiques de l’espèce (Davet, 1996).
En 1974, Trinci suit la cinétique d’Aspergillus nidulans sur un milieu nutritif par
observation de l’allongement d’un hyphe d’environ 40 µm de long jusqu’à un mycélium
d’environ 2500 µm (Figure 3). La longueur d’un hyphe simple et par la suite du système
hyphal, croît exponentiellement (du moins pendant les 16 premières heures
-6-
d’observation). La fréquence d’apparition des ramifications est discontinue dans un
premier temps puis devient exponentielle lorsque le nombre de nouveaux
embranchements devient important (supérieur à 8). Parallèlement à ce phénomène, la
longueur de chaque nouvel hyphe montre des variations de plus en plus réduites jusqu’à
approcher une valeur constante d’environ 160 µm.
Figure 3 : Croissance d’Aspergillus nidulans sur un milieu Agar (Trinci, 1974)
La consommation des nutriments par le microorganisme aboutit à l’établissement de
gradients de concentration de nutriments, probablement à l'origine du développement
concentrique de la colonie.
Quatre zones, bien qu’elles ne soient pas clairement délimitées, peuvent être distinguées
sur une culture fongique en phase de croissance (Figure 4) :
•
la zone «âgée» (1) de la colonie, au centre, où les hyphes sont souvent creux, du
fait de la migration de leur contenu protoplasmique dans les spores ou dans des
parties plus jeunes de la colonie. Dans cette région, des autolyses entraînent la
disparition des parois cellulaires.
•
la zone de fructification (2), la biomasse y est stationnaire et les spores en
formation sur les hyphes émergents de la surface du milieu,
•
la zone productive (3), où se produit l’augmentation de biomasse la plus
importante,
•
la zone extérieure (4) de la colonie, dite extensive, correspond à la région dans
laquelle les hyphes progressent dans un milieu inexploité,
-7-
Figure 4 : Représentation des différentes zones d'une culture d'Aspergillus niger, sur milieu
avoine, en phase de croissance.
c) Sporulation et dissémination
Ultime phase du développement fongique, la sporulation consiste en la formation de
particules de taille comprise essentiellement entre 3 et 30 µm, enveloppées d'une paroi
épaisse avant séparation (chlamydospores), enfermées dans des "sacs" à l'extrémité de
l'hyphe (sporangiospores), produites sur les extrémités ou les côtés de l'hyphe
(conidiospores), ou générées par bourgeonnement d'une cellule mère végétative
(blastospores). Les conidies sont disséminées par des mécanismes actifs ou passifs.
Dans des conditions optimales de croissance, une spore unique de moisissures peut
germer et produire une colonie fongique avec des centaines de milliers de spores en
quelques jours. L'émission des spores n'est pas un phénomène continu mais dépend des
conditions environnementales et du stade de croissance du microorganisme.
2. Besoins nutritionnels
Microorganismes généralement aérobies, les moisissures sont susceptibles de se
développer partout où de la matière organique est disponible. Les micromycètes sont
capables de sécréter un fluide exocellulaire. Celui-ci contient des enzymes
hydrolytiques qui décomposent les substrats (polysaccharides, protéines, acides
nucléiques, lignine, lipides…) en monomères facilement assimilables par le
microorganisme (Griffin, 1994).
Les besoins nutritionnels requis sont divisés en deux catégories :
•
les nutriments constitutifs, parmi lesquels figurent le carbone, l'hydrogène,
l'oxygène, le phosphore, le potassium, l'azote, le soufre et le magnésium, sont
nécessaires à des concentrations d’environ 10-3 mol/l. Le carbone, combiné à
l’hydrogène, l’oxygène et l’azote, est l’élément structural majeur de l’organisme
-8-
(Griffin, 1994). L’hydrogène provient de l’eau contenue dans le support, l’oxygène
est puisé dans l’ambiance (Janinska, 2000).
•
les oligonutriments, parmi lesquels figurent le fer, le cuivre, le manganèse, le
zinc et le molybdène sont nécessaires à des concentrations de 10-6 mol/l au maximum
(10-6 mol/l pour le fer à 10-9 mol/l pour le molybdène). Certains sont des cofacteurs
essentiels au bon fonctionnement enzymatique de la cellule.
Des vitamines, telles que la thiamine (B1), la biotine (B7), l’inositol (C16H12O6)
(Griffin, 1994), sont également requises par ces microorganismes.
a) Le carbone
Principale source d’énergie pour les micromycètes (Garraway et Evans, 1991), le
carbone est indispensable à la synthèse des éléments constitutifs et fonctionnels de la
cellule. Il est issu des polysaccharides, des acides organiques et alcools, des lipides, et
des acides aminés. Le glucose, présent notamment dans la cellulose et l’amidon,
constitue un matériel de choix pour obtenir une croissance rapide. Son assimilation est
instantanée : elle est facilitée par les systèmes de transport et enzymatique constitutifs
de la cellule fongique. D'après Griffin (1994), seules deux moisissures, Leptomitus
lacteus et Araiospora spp, seraient incapables d'utiliser le glucose.
La croissance obtenue avec le fructose, le mannose ou le galactose est aussi rapide et
étendue. Néanmoins, leur assimilation nécessite la synthèse préalable d'enzymes, qui
engendre une période d'adaptation retardant le développement fongique.
b) L’azote
L’azote est nécessaire pour synthétiser, en particulier, les acides nucléiques, les acides
aminés ou encore la glucosamine et la chitine.
Comme tous les eucaryotes, les champignons sont incapables de fixer l’azote
moléculaire. Ils peuvent assimiler l’azote des nitrates, de l’ammoniaque, des acides
aminés, de l'urée, des amines et amides, et des polypeptides. D’autres formes telles
nitrites et hydroxylamines pourraient être utilisées si elles n’étaient toxiques pour la
cellule.
c) Le rapport Carbone sur Azote
Si plusieurs auteurs s'accordent sur l'importance de ce ratio sur le développement des
microorganismes, les publications sur le sujet sont peu nombreuses.
Pour Carlile et Watkinson (1994), un rapport C/N inférieur ou égal à 10 assurera une
teneur protéinique forte; un rapport bien supérieur, par exemple 50, favorisera
-9-
l’accumulation d’alcools, de métabolites secondaires dérivés d’acétates, de lipides et de
polysaccharides extracellulaires. Les auteurs notent l’importance de ce rapport dans les
processus de fermentation.
Dans un milieu de C/N faible (6,5) telles que les poussières (Korpi et al.,1997), les
microorganismes peuvent utiliser les composés complexes (aldéhydes, acides et
alcools), une fois les sources carbonées primaires consommées (Dix et Webster, 1995).
Les substrats de l’environnement contiennent rarement les différents nutriments dans les
proportions idéales : l’azote directement assimilable est souvent le facteur limitant du
développement fongique. Les composés carbonés, généralement présents en excès, sont
stockés dans les cellules fongiques sous forme de glycogène, polyols et polysaccharides.
Par la suite, ces réserves pourront être utilisées comme source d’énergie. Le tarissement
de l'un des nutriments stoppera sa croissance, ce phénomène affectant tout ou partie du
mycélium selon le nutriment épuisé, et conduisant généralement à la sporulation des
microorganismes (Klebs, 1899).
d) Besoins en eau
Les moisissures, comme tous les organismes ont besoin d’eau comme solvant en
concentrations élevées. Les substrats et les enzymes sont tous en solution ou en
suspension colloïdale, et aucune activité enzymatique n’existe en absence d’eau. Le
mouvement de l’eau, au travers des parois semi perméables des cellules et des hyphes,
se fait par osmose. Parmi les différents termes utilisés pour décrire les forces impliquées
dans ce phénomène figurent : la pression osmotique, le potentiel osmotique, le potentiel
hydrique et l’activité de l’eau (aw). Tous ces termes sont corrélés (Tableau I). L’activité
de l’eau est assimilable à l’humidité relative, exprimée en pourcentage, lorsque
l’équilibre entre le substrat et l’air adjacent est atteint. Elle correspond au rapport de la
tension de vapeur d'eau du produit sur la tension de vapeur de l’eau pure à la même
température. Elle varie de 0 (absence d’eau) à 1 (eau pure). La relation entre l’aw et le
potentiel hydrique est donnée par l’équation:
Potentiel hydrique (MPa) = k × ln aw
où k est un coefficient dépendant de la température (k = 1,35 et 1,37 à 20 et 25°C
respectivement).
- 10 -
Tableau I : Relation entre activité de l’eau, humidité relative et potentiel hydrique à 25°C [(1)
1MPA = 9.87bar] (Viitanen et Ritschkoff, 1991).
La teneur en eau des substrats peut être assimilée, à l’activité de l'eau ou à l’humidité
relative de leur environnement, dans la mesure où le développement fongique est
initialement un phénomène de surface et que l’existence d’hystérésis lié à l’historique
du support ne permet pas de définir précisément, à partir des isothermes de sorption, ce
facteur (Adan, 1994).
Si la disponibilité en eau de la phase liquide environnante est importante pour le
microorganisme, la teneur en humidité de la phase gazeuse adjacente l’est tout autant.
Le microorganisme possède, en effet, la capacité de lier l’eau atmosphérique. Cette
propriété explique ainsi la présence d’espèces xérophiles telles qu’Aspergillus
penicilloide et Eurotium repens dans la poussière de maison (Kallioski et al., 1996).
La quantité d’eau disponible pour le microorganisme influence chaque phase du
développement fongique. Ainsi, des études réalisées sur des espèces d’Aspergillus, de
Penicillium et de Cladosporium, ont montré que l’aw minimum requise pour la
germination est inférieure à celle nécessaire pour la croissance, elle-même inférieure à
l’humidité indispensable à la sporulation asexuée. Le facteur entre les quantités
minimales d’humidité pour chaque phase est d’environ 0,02.
Les limites théoriques du développement fongique correspondent pour la valeur
supérieure à une aw égale à 1 et pour la valeur inférieure à une aw égale à 0,55, où
l’ADN est probablement dénaturé (distorsion de la structure hélicoïdale de la molécule)
(Tableau II). Toutefois à ce jour, aucun développement fongique n’a été constaté pour
des valeurs d’aw inférieures à 0,62 (germination d’Eurotium echinulatum) (Scott, 1957).
- 11 -
Espèce fongique
aw
Absidia corymbifera
Alternaria citri
Aspergillus candidus
0,88
0,84
0,75
Température
(°C)
25
25
25
A. flavus
A. fumigatus
A. niger
A. ochraceus
A. restrictus
A. sydowii
A. terreus
A. versicolor
A. wentii
Eurotium amstelodami
E. chevalieri
0,78
0,82
0,77
0,77
0,75
0,78
0,78
0,78
0,84
0,70
0,71
33
25
35
25
25
25
37
37
25
25
33
Emericella nidulans
0,78
37
Espèce fongique
Mucor circinelloides
Paecilomyces variotii
Penicillium
brevicompactum
P. chrysogenum
P. citrinum
P. expansum
P. frequentans
P. griseofulvum
P. spinulosum
Rhizopus microsporus
R. stolonifer
R. oryzae
Stachybotrys chartarum
Syncephalastrum
racemosum
Wallemia sebi
aw
0,90
0,84
0,81
Température
(°C)
25
25
23
0,79
0,80
0,83
0,81
0,81
0,80
0,90
0,84
0,88
0,97
0,84
25
25
23
23
23
25
25
25
25
5-30
25
0,70
25
Tableau II : Activités hydriques minimales et températures de croissance optimales de quelques
espèces fongiques isolées dans les environnements intérieurs (Yang et Johanning, 1997; Clarke
et al., 1999).
La nature de la flore fongique varie selon la teneur en eau du support. Une humidité
croissante du substrat entraîne l'apparition successive de genres fongiques dits de
première (Aspergillus, Penicillium), deuxième (Cladosporium, Ulocladium) et de
troisième colonisation (Stachybotrys) (Grant et al., 1989).
3. Effets des facteurs environnementaux
a) Température
Les moisissures ne possédant aucun moyen de réguler leur température interne, la
température cellulaire est déterminée par celle de l’environnement. Les effets, au niveau
moléculaire, de ce facteur sur la croissance sont mal connus. En 1980, Gaudy suggère
que ces effets sont liés aux fonctions des lipides et des protéines dans la cellule.
Les lipides sont les éléments structuraux essentiels de la membrane cytoplasmique et
des membranes internes. La membrane cytoplasmique doit maintenir un équilibre
approprié entre sa fluidité et son intégrité structurale pour assurer le contrôle du passage
des molécules tout en empêchant la perte des constituants cellulaires essentiels. A haute
température, les lipides membranaires peuvent se mélanger, provoquant une perte de
l’intégrité structurale de la membrane et une fuite des constituants cellulaires. A basse
température, la diminution de la fluidité de la membrane bloque le fonctionnement des
systèmes de transport. La vitesse de pénétration des molécules dans la cellule est alors
tellement ralentie qu’elles ne peuvent assurer une vitesse de croissance même faible.
- 12 -
Au sein de la cellule, les protéines interviennent dans davantage de processus que les
lipides. Ce sont des éléments structuraux des membranes et des ribosomes (ARN) et, de
plus, certaines fonctionnent comme des enzymes catalysant des réactions requises par la
croissance. Pour chacune de ces fonctions, la protéine impliquée possède une structure
tridimensionnelle précise. Une augmentation de la température peut, modifier la
conformation de la molécule, causant la perte d’une fonction enzymatique essentielle, et
provoquer l’altération des structures membranaires ou l’inactivation de la synthèse
protéinique par l’altération de la conformation ribosomale. Une température élevée peut
ainsi inactiver de nombreux processus essentiels.
Les moisissures tolèrent néanmoins une large gamme de température. Ainsi, la
température minimale requise par la plupart des moisissures est comprise entre 0 et
5°C, tandis que les espèces des environnements intérieurs nécessitent pour germer et
croître des températures plus élevées (5-10°C). Généralement, des températures
inférieures à la température minimale affectent principalement la croissance et non la
viabilité du microorganisme, le champignon pouvant rester dormant pendant de longues
périodes. Concernant la température optimale de croissance mycélienne de ces mêmes
espèces, elle est généralement comprise entre 22 et 35°C (Ayerst, 1966 ; Panasenko,
1967 ; Carpenter, 1972). Pour cette même phase de développement, la température
maximale des espèces les plus couramment isolées dans les locaux, est comprise entre
35 (Panasenko, 1967 ; Weersink, 1987) et 52°C (Ayerst, 1966). La croissance et la
survie ne sont pas nécessairement affectées de la même manière. Généralement les
spores résistent mieux aux températures élevées que le mycélium végétatif. Toutefois,
d’après plusieurs auteurs, une température de 60 à 63°C tue en 30 minutes la plupart des
spores, exceptées les ascospores des espèces thermo résistantes (Carpenter, 1972 ;
Gaudy, 1980 ; Bravery, 1985).
En 1980, Curran étudie l’effet de la température sur la croissance radiale de trois
espèces fongiques (Figure 5). L’auteur constate qu’Alternaria et Stachybotrys
chartarum se développent bien à 30°C, tandis que cette température limite le
développement d’autres espèces telles que Cladosporium herbarum.
- 13 -
Figure 5 : Effet de la température sur la diamètre de la colonie d’Alternaria sp., de
Cladosporium herbarum et de Stachybotrys chartarum après 14 jours d’incubation
(Curran, 1980).
b) Effet du pH
Contrairement à la température, le pH cellulaire n’est pas uniquement déterminé par
l’environnement. La cellule peut contrôler le passage des ions, y compris des ions
hydrogène. De plus, les moisissures sont également capables de modifier le pH de leur
environnement, en particulier, par la consommation de certains ions du substrat (Adan,
1994). Gaudy (1980), attribue l’augmentation du pH, au métabolisme des protéines.
Généralement, la vitesse de croissance fongique est maximum pour des substrats de pH
acides à neutres (entre 4 et 7). La gamme de pH permettant la croissance est toutefois
bien plus étendue avec des valeurs limites comprises entre 2,2 et 9,6 pour les espèces les
plus communes, Penicillium variabile possédant même des valeurs limites égales à 1,6
et 11,1 (Adan, 1994) (Tableau III).
En 1980, Curran, étudie l’effet du pH sur la croissance de plusieurs espèces fongiques
(Figure 6). Il constate que le pH agit différemment sur le développement selon l’espèce
considérée.
Les effets du pH du milieu sur la vitesse de croissance et la viabilité fongique ne sont
pas encore connus. Toutefois, on le soupçonne de conditionner l’activité enzymatique
ou encore d’inhiber le système de transport membranaire notamment en modifiant la
configuration de protéines responsables du transfert de composés.
- 14 -
Tableau III : pH minimum et maximum de croissance fongique (Viitanen et Ritschkoff, 1991)
Figure 6 : Effet du pH sur la biomasse de 3 espèces fongiques : Alternaria sp., Cladosporium
herbarum et Stachybotrys chartarum (Curran, 1980).
c) Luminosité
L'impact de la lumière sur le comportement fongique est un phénomène complexe, qui
conduit Hawker à établir, en 1966, une classification des moisissures selon leur
comportement vis-à-vis des radiations lumineuses. Cette répartition consiste en 4
groupes :
•
les moisissures sporulant uniquement dans l'obscurité,
•
celles sporulant aussi bien dans l'obscurité qu'à la lumière,
•
celles ne formant pas de spores dans l'obscurité,
- 15 -
•
celles dont la sporulation est inhibée par la lumière à certaines étapes de leur
développement.
Les rayonnements lumineux peuvent donc avoir un effet stimulant ou inhibiteur sur la
germination et la croissance fongique selon la longueur d'onde et l'espèce considérées.
Cette propriété est d'ailleurs utilisée comme technique potentielle de stérilisation. Ainsi,
Nakamura (1987), a démontré que 79 % des spores d’Aspergillus niger soumises,
durant 1 seconde à une irradiation de longueur d’onde égale à 254 nm, sont inactivées.
4. Modèles de croissance
Parmi les quelques travaux que nous avons pu référencer, la majorité tente de modéliser
l’impact de l’humidité ambiante ou du substrat sur la croissance fongique. Les détails de
ces études sont reportés dans le Tableau IV.
- 16 -
Non précisée
Aspergillus repens;
Aspergillus versicolor;
Penicillium chrysogenum;
Cladosporium sphaerospermum,
Ulocladium consortiale;
Stachybotrys atra
Penicillium chrysogenum;
Cladosporium cladosporioides;
Alternaria alternata,
Aspergillus flavus
Wallemia sebi
Idem
Détermination de la probabilité de
croissance fongique dans les locaux à
partir des données fournies par un modèle
« architectural »
Adaptation à la croissance fongique du
modèle de Rosso, utilisé pour décrire
l'impact de la température et de l'aw sur la
croissance bactérienne.
Influence de l'activité de l'eau et de la
température sur la croissance de Wallemia
sebi et détermination des aw optimal et
minimal pour la germination et la
croissance de cette espèce
Espèces étudiées
Aspergillus versicolor, A. niger,
Penicillium sp., Cladosporium
sphaerospermum, Aureobasidum
pullulans, Trichoderma sp.,
Cladosporium sp.
Objectifs
Détermination de l'effet de l’humidité
relative sur la croissance fongique sur des
supports à base de bois
Expressions du modèle
tms = exp( −0,74 ln T − 15,53 ln HR + 73,79)
tvs = exp( −0,76 ln T − 13,2 ln HR + 63,8)
où T est la température exprimée en
(awopt − awmin)[(awopt − awmin)(aw − awopt) − (awopt − awmax)(awopt + awmin − 2aw )]
µopt(aw − awmax)(aw − awmin)2
bw = 1 − a w
- 17 -
et C0; C1; C2 ; D0; D1; et D2 des coefficients déterminés par régression linéaire d'après les
résultats expérimentaux
où
de l'inoculum initial
ln(tv ) = D0 + D1bw D2 bw2 où tv le temps nécessaire à l'apparition d'une colonie à partir
ln(k r ) = C0 + C1bw C 2 bw2 où kr est la vitesse moyenne de croissance radiale
où µ représente la vitesse de croissance
µ=
°C et H.R. l’humidité relative au voisinage du support pour Aspergillus versicolor
.
la germination.
H . Rc . = 0,0001T 3 + 0,0219T 2 − 1,2649T + 94,871
H.R.c= 80% quand T>20°C pour T : 5-40°C où H.R.c est l’humidité relative critique pour
HRc = −0,00267T 3 + 0,16T 2 − 3,13T + 100 pour T≤20°C
où tHRb est la durée d'exposition à une humidité relative faible (75%) et tHRh, la durée
d'exposition à une humidité relative élevée (>97%).
t m = −0,38t HRb t HRh + 2,86t HRb + 1,8
- pour des périodes d'expositions longues (1-28 jours) :
t m = exp( −0,72t HRb − 2,15t HRh + 2,58)
t m = −6,13t HRb + 8,46t HRh + 1,9
où HR : humidité relative et T la température, tm et tv sont les temps de réponse nécessaires,
respectivement, à la germination et à l'apparition du développement fongique.
Pour des conditions environnementales variables:
pour
des
périodes
d'exposition
courtes
(12-48
heures)
:
Sur l'épicéa :
tvp = exp( −0,71 ln T − 12,32 ln HR + 59,5)
Pour des conditions environnementales constantes:
Sur le pin : t mp = exp( −0,67 ln T − 13,15 ln HR + 62,6)
Références
Patriarca et al., 2001
Sautour et al., 2001
Clarke et al., 1999
Hukka et Viitanen,
1999
Viitanen, 1997
Objectifs
Définir un modèle statistique capable de
décrire les cinétiques de germination des
spores
Espèces étudiées
Expressions du modèle
où p(t) : proportion de spores germant parmi les spores considérées
Ce modèle, pour être réaliste est assorti d'un facteur de synchronisation des spores lors de
la germination. Ce facteur joue sur la pente de la courbe p(t)
λ: temps nécessaire pour atteindre 50% de la germination maximale
(t / λ )
p (t ) = K
1 + (t / λ )
- 18 -
Tableau IV : Modèles de croissance des moisissures
Metarhizium anisopliae,
Beauvaria bassiana
Aspergillus foetidus.
Références
Bosch, 1995
5. Méthodes de détection et de dénombrement des moisissures
On distingue deux types de méthodes pour détecter et quantifier les microorganismes
fongiques : les méthodes directes et indirectes (Tableau V). Nous développons ici, plus
particulièrement, les techniques indirectes basées sur le dosage de marqueurs
biochimiques (Parat, 2002).
Méthodes directes
Après prélèvement sur milieux de culture ou lames, observations et dénombrement
réalisés au microscope :
à fluorescence après coloration des
à fond clair
microorganismes par un marqueur
fluorochromique
Méthodes indirectes
Dosage de marqueurs biochimiques
(métabolites : composés organiques volatils
et mycotoxines ou constituants spécifiques
de la cellule : glucans, chitine, ergostérol)
Biologie moléculaire (PCR)
Tableau V : Techniques de détection et de dénombrement des moisissures
a) Dosage des composés organiques volatils d'origine
microbienne (COVm)
Ces composés sont plus particulièrement utilisés pour détecter des problèmes de
biocontamination non apparente dans des immeubles faisant l'objet de plaintes (odeurs,
malaises, irritations). Suite à leur prélèvement sur tubes absorbants (de type Tenax ou
charbon actif), les COVm sont extraits par désorption thermique ou à l'aide d'un solvant,
puis dosés par chromatographie gazeuse avec détection par spectrométrie de masse ou
ionisation de flamme (Pasanen, 2001; Elke et al., 1999).
b) Dosage des mycotoxines
Métabolites secondaires d'origine fongique, les mycotoxines peuvent être retrouvées
dans les spores, le mycélium et les supports de croissance des champignons. A l'heure
actuelle aucune méthode n'est réellement adaptée au mesurage dans l'air (Tuomi et al.,
2000; Pasanen, 2001).
c) Dosage des glucans
Constituants spécifiques des spores fongiques de la plupart des moisissures, les β-1,3-D
glucans, fortement soupçonnés d'être irritatifs et de jouer un rôle dans la réponse
immunologique (Wan et al., 1999), sont dosés par le test LAL (Limulus Amoebocyte
- 19 -
Lysate) modifié ou le test immunochimique EIA (Enzyme ImmunoAssay) (Pasanen,
2001). Si la méthode LAL est assez simple (disponible sur le marché) et sensible, elle est
peu spécifique, contrairement à la méthode par EIA qui est également plus reproductible
mais présente l'inconvénient d'être trop peu sensible pour les recherches dans l'air
(Douwes et al., 1996).
d) Dosage de la chitine
Poly-β-1,4-N-acétyl glucosamine, la chitine est présente dans la paroi des
micromycètes et est absente du matériel végétal. Le principe du dosage de cette
molécule, mis au point par Donald et Mirocha, en 1977 pour évaluer l’importance de
la contamination fongique des grains, repose sur l’hydrolyse de la chitine en
glucosamine, dosée par colorimétrie ou chromatographie. Les résultats obtenus en 5-6
heures rendent compte de la chitine du mycélium vivant et mort, mais peuvent être
biaisés dans la mesure où les moisissures ont des teneurs en chitine variables (de 1 à
25% du poids sec du mycélium) selon les espèces, l’âge du mycélium et la nature du
substrat. La présence de certaines substances du substrat, tels que des hexosamines,
peuvent également fausser le résultat (Matcham et al., 1985).
e) Dosage de l’ergostérol
Les moisissures contiennent dans leur membrane cellulaire un ester d’ergostérol.
Constituant spécifiquement fongique et stérol majeur chez presque tous les
champignons, cette molécule est principalement un composé architectural de la
membrane cytoplasmique fongique (Figure 7).
Figure 7 : Formule développée de l’ergostérol
Elle y joue un rôle prépondérant et participe, avec les phospholipides à la régulation des
échanges transmembranaires.
Le dosage de l’ergostérol a été utilisé pour déterminer la contamination de substrats
solides : céréales (Seitz et al., 1979), sols (Grant et West, 1986), matériaux (Pasanen et
al., 1999), poussières de maisons (Axelsson et al., 1995), et fut employé par Miller et
- 20 -
Young, en 1997, pour estimer la concentration fongique aéroportée des environnements
intérieurs. L’intérêt de cette technique réside dans l’existence d’une réelle indépendance
entre les conditions de croissance et le taux d’ergostérol. Tous les protocoles de dosage
sont explicités dans la norme NF V 18 112. Ce dosage permet une mesure quantitative
rapide (2-3 heures) de la biomasse formée. L’autre intérêt de cette technique est de
pouvoir détecter a posteriori des altérations fongiques dont les microorganismes
responsables auraient été détruits par un traitement ultérieur (Cahagnier, 1998).
Les techniques de dosage de l’ergostérol s’appuient sur une caractéristique de cette
molécule : son absorbance U.V. à 282 nm (Figure 8).
Figure 8 : Spectre de l’ergostérol commercial (pureté>98%) - - - et de l’ergostérol; extrait de
moisissures colonisant l’humus d’un ruisseau
(Gessner et Schmidt, 1997).
La littérature fait état de différentes méthodes de dosage :
• La chromatographie liquide haute performance (HPLC) (Seitz et al., 1979 ; Zill et
al., 1988 ; Gessner et Newell, 1996)
• La chromatographie en phase gazeuse (CPG) associée à la spectrométrie de masse
(Axelsson et al., 1995)
• La spectrométrie U.V. (Zill et al., 1988) qui se révèle difficilement exploitable
dans le cas de la contamination de céréales, compte tenu du spectre d’absorbance
U.V. des autres substances présentes (Matcham et al., 1985).
La méthode utilisant la chromatographie en phase liquide est la plus largement utilisée.
La quantité d’ergostérol par spore ou par masse sèche de mycélium peut varier jusqu’à
25% d’une espèce à l’autre (Tableau VI) (Miller et Young, 1997).
- 21 -
En 1986, Grant et West ont réalisé trois mesures d’ergostérol sur des sols. Les résultats
obtenus sont compris entre 4 et 7 ng d’ergostérol/µg de mycélium.
Espèce fongique
Cladosporium cladosporioides
Aspergillus niger
Aspergillus sydowii
Aspergillus ustus
Aspergillus versicolor
Eurotium herbariorum
Penicillium brevicompactum
P. chrysogenum
P. commune
P. olsonii
P. viridicatum
Concentration d’ergostérol (pg/spore)
3,11 ± 13,5
1,71 ± 19,9
1,71 ± 15,9
1,88 ± 14,5
2,54 ± 7,5
2,17 ± 13,6
2,55 ± 4,7
5,11 ± 26,6
3,34 ± 14,2
2,12 ± 6,4
2,21 ± 8,4
Tableau VI : Concentration d’ergostérol par spore fongique (Miller et Young, 1997).
C. MOISISSURES ET MATERIAUX
1. Flore fongique dans l’air et sur les surfaces des locaux
Dans l’air des environnements intérieurs, les espèces fongiques les plus couramment
isolées appartiennent aux genres Penicillium, Aspergillus, et Cladosporium (Hunter et
al; 1988; Pasanen et al., 1992). En 1992, Verhoeff, réalise des prélèvements
atmosphériques dans une maison présentant des problèmes de moisissures (Verhoeff et
al., 1992). Les résultats de cette étude sont reportés dans le Tableau VII.
Les moisissures sont capables de coloniser la plupart des matériaux dés l'instant où le
microorganisme dispose d’une quantité d'eau suffisante (Tableau VIII). En 2002,
Hyvärinen, définit et quantifie les genres fongiques isolés au sein de 1140 échantillons
de matériaux de construction récupérés in situ. L'auteur répartit ces matériaux dans 8
catégories : papier, produits céramiques, matériaux d’isolation d’origine minérale,
peintures, colle, plastiques, bois, et panneaux de construction en gypse (Hyvärinen et al.,
2002).
Parmi les genres observés au sein de ces produits, Penicillium est le genre le plus
fréquemment isolé. Papiers et isolants minéraux apparaissent favorables à la croissance
de Cladosporium tandis que Stachybotrys est observé le plus souvent dans les panneaux
en gypse. Aspergillus et Acremonium ne semblent, quant à eux, pas spécifiques d’un
substrat et sont identifiés sur des produits en céramique, peinture, colle ou encore
produits à base de bois.
- 22 -
Intérieur (UFC/m3)
24
6
4
1
2
245
65
59
2
3
2
4
154
2
15
6
2
8
1
5
669
Espèce fongique
Aspergillus (total)
A . penicillioides
A. versicolor
Aureobasidium pullulans
Botrytis cinerea
Cladosporium (total)
C. cladosporioides
C. herbarum
C. macrocarpum
C. sphaerospermum
Eurotium amstelodami
E. herbariorum
Penicillium (total)
P. aurantiogriseum
P. brevicompactum
P. glabrum
P. jensenii
P. olsonii
Ramularia deusta
Wallemia sebi
total UFC/m3
Tableau VII : Moisissures isolées dans les environnements intérieurs (Verhoeff et al., 1992).
UFC : Unité Formant Colonie
MURS ET REVETEMENTS MURAUX
Matériaux colonisés
Murs
Peintures
Papier peint
Bois
Espèces fongiques isolées
Cladosporium cladosporioides,
Eurotium herboriorum,
Paecilomyces variotii,
Penicillium glabrum
Aspergillus penicillioides,
Penicillium brevicompactum, P. chrysogenum, P. glabrum
Alternaria alternata,
Aspergillus penicillioides, A. versicolor
Cladosporium cladosporioides,
Paecilomyces variotii,
Penicillium brevicompactum, P. chrysogenum, P. glabrum
Trichoderma harzianum,
Penicillium brevicompactum
Colle
Caoutchouc des cadres de
fenêtre
Aspergillus versicolor
Cladosporium cladosporioides
- 23 -
Matériaux colonisés
Plastiques
Espèces fongiques isolées
Aspergillus niger, A. sydowii,
Cladosporium cladosporioides, C. herbarum, C. sphaerospermum,
Emericella nidulans,
Eurotium herboriorum,
Penicillium brevicompactum, P. chrysogenum,
Trichoderma harzianum,
Wallemia sebi,
Emericella nidulans,
Eurotium herboriorum,
Paecilomyces variotii,
Penicillium chrysogenum
Aspergillus niger, A. penicillioides, A. sydowii,
Cladosporium sphaerospermum,
Paecilomyces variotii
Eurotium herboriorum
Aspergillus sydowii,
Stachybotrys chartarum
Cladosporium sphaerospermum,
Penicillium brevicompactum
Aspergillus versicolor
Penicillium glabrum,
Wallemia sebi
Penicillium glabrum
Polyuréthanne, tapisserie
renfermant de l'arsenic
Aspergillus niger,
Cladosporium sphaerospermum
Filtres et conduits des
systèmes de traitement
d'air
Aspergillus fumigatus
Réservoir d'eau,
humidificateur
Exophiala jeanselmei
Textiles
PRODUITS DE DECORATION
Tapis
Cuir
Archives
Matériaux cellulosiques
Caoutchouc vulcanisé
Produits céramiques
TRAITEMENT
D’AIR
SYSTEMES DE
Papier
Tableau VIII : Espèces fongiques isolées de divers matériaux (Botton et al., 1985; Samson et al,
1994; Beguin et Nolard, 1994; Beguin, 1995)
2. Humidité des locaux
Essentiellement liée au bâti (erreurs de conception, mauvaise isolation, ventilation
insuffisante ou inadaptée) et aux occupants (vapeur générée par le métabolisme et les
activités quotidiennes : cuisson, nettoyage…), la teneur en humidité d’un local peut
également résulter de dégâts des eaux (Déoux, 2001). Quelques unes des sources
d'humidité dans le bâtiment sont représentées sur la Figure 9.
- 24 -
Figure 9 : Sources d'humidité dans le bâtiment (Singh, 1994).
Au sein du matériau, deux principaux phénomènes interviennent dans la relation eausupport : les condensations de surface et capillaire. La fixation de la vapeur d'eau dans
un matériau poreux s'avère complexe, plusieurs phénomènes fondamentaux apparaissent
successivement ou simultanément tels que l'adsorption physico-chimique mono ou plurimoléculaire, la condensation capillaire, le mouillage ou la capillarité. Les quantités d'eau
fixées par adsorption surfacique sont généralement très faibles et seul le phénomène de
condensation capillaire explique la quantité d'eau importante pouvant être adsorbée par
certains matériaux comme ceux à base de ciment, de bois ou d’argile. Selon la nature du
matériau (composition chimique, porosité), l'eau est plus ou moins fortement liée, et de
ce fait plus ou moins disponible pour le microorganisme (Figure 10).
- 25 -
Figure 10 : Mécanismes de rétention et de transfert de l’eau dans les pores des matériaux
(Quenard, 2001)
3. Mécanismes de biodégradation
Les mécanismes mis en œuvre dans la détérioration des supports sont de deux types :
•
Action physique liée au développement des hyphes dans le matériau conduisant à
la rupture de sa structure.
•
Action chimique imputable à la production de divers métabolites qui agissent par
assimilation ou dissimilation.
Lors des processus d’assimilation, les constituants du matériau sont utilisés comme
nutriments après avoir été réduits par diverses enzymes extracellulaires qui facilitent la
pénétration des hyphes dans le matériau.
Les processus de dissimilation sont liés à la production d’acides organiques et de
pigments. Les acides organiques sont capables de réagir avec le substrat par dissolution
des cations ou par chélation des ions métalliques présents dans les peintures, par
exemple. Cette dernière réaction peut conduire à la formation de sels. Ainsi, l’acide
oxalique réagissant avec le calcium donne naissance à des oxalates de calcium.
Le dioxyde de carbone produit par tous les organismes aérobies et notamment les
moisissures lors de la respiration joue également un rôle dans la dégradation des
supports. En effet, à partir d’un certain taux d’humidité, ce gaz peut se transformer en
acide carbonique, capable de dissoudre le calcium et le magnésium pour former des
bicarbonates de calcium et de magnésium hydrosolubles.
Outre l’action directe de ces acides, leur production favorise la croissance d’espèces
fongiques acidophiles qui pourront poursuivre la dégradation du support (Singh, 1994;
Garg et al., 1995; Sand, 1997).
- 26 -
D. IMPACT SANITAIRE
L’exposition des occupants aux moisissures, à leurs fragments et produits de leur
métabolisme, est responsable de maladies : infections (Aspergillose invasive
nosocomiale), allergies immédiates ou différées, toxi-infections et irritations diverses
(syndrome des bâtiments malsains : SBS).
1. L’aspergillose invasive nosocomiale
Il s’agit d’une maladie dont l’agent infectieux est une moisissure ubiquiste appartenant
au genre Aspergillus et isolée notamment dans le sol et les débris végétaux en
décomposition. La contamination se produit essentiellement par voie aérienne,
l’inoculation directe lors d’interventions chirurgicales étant toutefois possible. Les
personnes atteintes sont le plus souvent des immunodéprimés sévères, des patients,
hospitalisés pour greffe de moelle ou transplantation, atteints d'aplasie, ou malades du
SIDA. Le pronostic de la maladie est très sévère avec 50 à 100% de décès. La survenue
d’épisodes d’aspergillose est souvent associée aux travaux de terrassement, durant
lesquels la concentration d’Aspergillus dans l’air et sur les surfaces augmente
considérablement (Aisner et al., 1976; Arnow et al., 1978; Bocquet et al., 1993;
Veyssier et Domart, 1996).
2. Les allergies respiratoires
Selon Miller (1990), « l’exposition aux moisissures et levures produit toujours une
allergie. C’est une question de durée et de quantité».
Aujourd’hui, on estime entre 10 à 15 % de la population, les personnes allergiques aux
moisissures. Généralement, cette sensibilité est décelée au moyen de tests cutanés. A ce
jour, les tests les plus couramment utilisés concernent les allergies à Cladosporium
cladosporioides, C. herbarum et Alternaria alternata. Ces tests apparaissent, néanmoins,
insuffisants au vu du nombre de moisissures allergisantes identifiées (Tableau IX).
Genre
Espèces
Penicillium
P. frequentans ; P. notatum ; P. expansum ; P. italicum ; P. digitatum ; P. purpurogenum
Aspergillus
A. niger ; A. fumigatus ; A. versicolor ; A. repens
Alternaria
A. consortiale ; A. alternata ; A. chartarum ; A. tenuissima
Cladosporium
C. cladosporioïdes ; C. herbarum
Epicoccum
E. nigrum
Tableau IX : Deutéromycètes reconnus comme allergisants (Malléa et Charpin, 1986)
- 27 -
Ainsi, inhalés, les conidies, viables ou non, et les fragments fongiques peuvent causer
des maladies d’hypersensibilité ou allergies (asthme allergique, rhinites, maladies
professionnelles telles que la maladie du poumon de fermier) (Burge, 1985; 1989).
Deux types d’hypersensibilité résultent de cette exposition :
•
l’hypersensibilité de type I ou immédiate est liée à une réponse IgE contre des
antigènes sans toxicité propre et est caractérisée par une réaction allergique survenant
immédiatement après le contact avec l’antigène. Les manifestations cliniques de ce
type d’hypersensibilité sont regroupées sous le terme d’atopie. Elles comprennent
l’asthme, l’eczéma, le rhume des foins et l’urticaire et surviennent chez des personnes
ayant des antécédents familiaux et réactives à un test cutané aux pneumallergènes.
•
l’hypersensibilité de type III est classée parmi les maladies à complexes
immuns et apparaît quand de grandes quantités de ces macromolécules sont formées
ou quand elles ne peuvent être éliminées correctement par l’organisme. La formation
de complexes immuns à partir d’anticorps et d’antigènes « externes », par exemple
dans les poumons après inhalation répétée de fragments ou de spores fongiques, est à
l’origine notamment d’alvéolites allergiques extrinsèques. Parmi ces pathologies on
trouve la maladie des poumons de fermiers et celle des éleveurs d’oiseaux (Roitt et
al., 1985).
Les allergènes fongiques sont des protéines de poids moléculaire compris entre 10 et 80
kilodaltons. Ils sont isolés aussi bien dans les spores que dans le mycélium. Leur
caractère hydrosoluble va permettre à ces particules biologiques de se dissoudre
aisément dans les mucosités des voies aériennes respiratoires supérieures. Le Tableau X
répertorie quelques espèces fongiques dont les allergènes ont clairement été identifiés.
Tableau X : Allergènes majeurs de moisissures (Gumowski, 1997)
- 28 -
3. Les toxi-infections
Il s’agit de maladies provoquées par l’exposition à des métabolites secondaires produits
par les moisissures, les mycotoxines (Tableau XI). Ce sont des molécules de faible poids
moléculaire (154 Da pour la patuline, 403 Da pour l’ochratoxine A (Nesheim et Stack ;
2001), non volatiles à température ambiante, contenues dans les fragments fongiques ou
adsorbées sur les poussières (Tuomi et al, 2000). Les structures de quelques
mycotoxines sont représentées sur la Figure 11.
Figure 11 : Structure de quelques mycotoxines (Salvaggio et Aukrust, 1981)
La fonction de ces molécules dans l’environnement est de permettre aux moisissures de
combattre d’autres microorganismes présents sur le même substrat. Au laboratoire, en
culture fermée, ces substances, comme tous les métabolites secondaires, sont
synthétisées et excrétées dans le milieu dès la fin de la phase exponentielle de la
croissance fongique.
Dans les environnements intérieurs, adsorbées sur les poussières ou contenues dans les
spores et les fragments fongiques, ces mycotoxines, inhalées, pénètrent plus ou moins
profondément dans l’arbre bronchique, selon la taille des particules (Schiefer, 1990) et
agissent sur les macrophages pulmonaires. Ainsi, in vitro, des microconcentrations de
certaines
mycotoxines
inactivent
les
macrophages
des
alvéoles
pulmonaires
(Sorenson 1989; 1990), la phagocytose de ces cellules étant, par exemple, inhibée par la
patuline et l’acide pénicillique respectivement à 10-7 M et 10-5 M. (Sorenson et al.,
1986 ; Sorenson et Simpson, 1986).
Outre les mycotoxines, les conidies contiennent une substance biologiquement active : le
β-1,3- glucan. Composant de la paroi des spores et des hyphes, cette molécule entraîne
la réduction du nombre de macrophages et inhibe, plus généralement, la phagocytose
pulmonaire (Rylander et Goto, 1991). On prête également à cette substance des
propriétés irritantes (Samson et al., 1994).
- 29 -
Mycète
Mycotoxines
Patuline
Manifestations cliniques
Hémorragie du poumon et du cerveau
Dommages rénaux, vasodilatation,
Citrinine
constriction bronchique, augmentation du
tonus musculaire
Penicillium
Ochratoxine A
Néphrotoxique, hépatotoxique
Citroviridine
Neurotoxique
(150 espèces)
Emodine
Réduction de l’oxygène cellulaire capturé
Gliotoxine
Maladies pulmonaires
Verruculogène
Neurotoxique, tremblements chez l’animal
Acide sécalonique D Pneumotoxique, tératogène chez le rongeur
Cancer du foie, cancer respiratoire
Aspergillus flavus
Aflatoxine β1
Ochratoxine A
Néphrotoxique, hépatotoxique
Aspergillus
Stérigmatocystine
Cancérigène
parasiticus
Patuline
Hémorragie du poumon et du cerveau
Trichothécènes T2,
Suppression immunitaire et
Nivalénol
dysfonctionnement cytotoxique
Déoxynivalénol
Saignement, nécrose dermique
Stachybotrys
Mortel à haute dose ou à faibles doses
chartarum
Satratoxine H
chroniques, tératogène, abortif chez
l’animal.
Altération possible des fonctions
Zéaralénone
immunitaires
Tableau XI : Moisissures toxiques, métabolites secondaires et manifestations cliniques associées
(Yang et Johanning, 1997).
4. Irritations : rôle des composés organiques volatils d’origine
microbienne (COVm)
Si les COVm produits par les champignons sont connus pour être toxiques pour
l’animal, en revanche leurs effets sur l’Homme sont encore méconnus, même si certains
auteurs les soupçonnent de jouer un rôle dans le syndrome des bâtiments malsains (SBS)
(Ström et al., 1990).
Dans de nombreuses études, la survenue d’irritations ou la présence d’odeurs
déplaisantes a été associée à une contamination fongique de l’environnement. Les
substances incriminées dans l’apparition d’odeurs dans les environnements intérieurs ont
été référencées : géosmine, produit notamment par Chaetomium, 1-octen-3-ol, 2-octen1-ol, 3-octanol, 3-octanone (Ström et al., 1994). Penicillium commune est également
susceptible de produire le 2-méthyl-iso-bornéol, dont l’odeur de moisi est caractéristique
(Gravesen et al., 1994). Toutefois, certaines odeurs sont à imputer à une croissance
bactérienne, notamment à l’actinomycète Streptomyces.
- 30 -
De nombreux autres COVm aux caractéristiques non odorantes sont émis par les
champignons microscopiques durant toute la croissance du champignon (Miller, 1990).
Plus de 500 COV ont été isolés à partir de cultures fongiques (Wilkins et Larsen, 1995).
Nature chimique
Alcools
Cétones
Terpènes
COVm
1-octanol, 2-octanol, 3-octanol,
3-méthyl-2-butanol, 3-méthyl-1-butanol, 2éthyl-1-hexanol
1-octen-3-ol
2-pentanone, 2-hexanone, 2-heptanone, 3octanone
α-pinène, β-pinène, camphène, limonène et 2méthylfurane
Tableau XII : Composés organiques volatils émis par les moisissures (Korpi et al., 1997)
Parmi les COVm produits le plus fréquemment, l’éthanol possède un fort pouvoir
synergique, augmentant les effets irritants et toxiques des autres COV (Schmidt Etkin,
1994).
Korpi en 1998, a étudié la nature des COV émis par quelques espèces fongiques selon
leur substrat (Tableau XIII).
Espèces fongiques
Aspergillus fumigatus,
Aspergillus furcatum
Eurotium herbariorum
Penicillium brevicompactum
Aspergillus versicolor,
Cladosporium globosum,
Fusarium culmorum,
Penicillium variotii
Exophiala dermatitidis,
Aspergillus furcatum et
Sporobolomyces roseus
Composition du substrat
COVm émis
Carton/papier peint/film plastique
3-méthyl-1-butanol
3-méthyl-2-butanol
Panneau de particules/laine de verre
3-méthyl-1-butanol
Dalle céramique/parpaing
1-pentanol
1-hexanol
Tableau XIII : COV émis selon le mélange fongique et la nature du substrat (Korpi et al., 1998).
Dans chaque cas, le support seul ne produisant pas ces substances, l’auteur a attribué la
présence de ces produits à la croissance fongique (Korpi et al., 1998).
- 31 -
II. PHYSIQUE DES AEROSOLS APPLIQUEE AUX MOISISSURES
A. AEROSOLS FONGIQUES
On désigne par aérosol, des particules solides, liquides ou les deux, en suspension dans
un milieu gazeux, dont la vitesse limite de chute est négligeable (≤25 cm/s). Leur taille
est comprise entre 10-3 et 100 µm (Renoux et Boulaud, 1998).
Un bioaérosol implique que l’aérosol ainsi désigné est de nature biologique et possède
des propriétés spécifiques : viabilité, caractère infectieux, voire allergénique.
1. Taille et forme
En physique des aérosols, les théories sont établies, le plus souvent pour des particules
sphériques. Cependant, les aérosols rencontrés habituellement dans l’air sont loin d’avoir
cette forme idéale. Le terme le plus communément utilisé pour définir la taille des
aérosols est le diamètre équivalent ou statistique. Ce diamètre correspond à celui d’une
sphère ayant les mêmes propriétés physiques que la particule, de forme irrégulière,
considérée. Toutefois, la diversité de forme des aérosols biologiques implique des écarts
importants entre ces différents diamètres (Figure 12). La notion de facteur de forme
(géométrique, dynamique) est utilisée par les physiciens afin de mieux appréhender le
comportement d’un aérosol quelconque.
Figure 12 : Sphères équivalentes d’une particule de forme irrégulière (Renoux et Boulaud, 1998)
Les diamètres statistiques les plus usités sont présentés et définis dans le Tableau XIV.
- 32 -
Diamètre équivalent
Martin
Féret
Stokes (ds)
Aérodynamique (da)
Optique (dopt)
Electrique
Volume équivalent
Diamètre projeté
Définition
Longueur moyenne d’une droite divisant la particule en 2 surfaces
égales, suivant une direction fixe donnée.
Distance moyenne séparant 2 point opposés de la particule, suivant
une direction fixe donnée,
Diamètre d’une sphère ayant une vitesse de chute et une masse
spécifique identiques à celles de la particule considérée
Diamètre d’une sphère ayant la même vitesse de chute que la
particule et dont la masse spécifique est égale à 1 g/cm3.
Diamètre d’une sphère diffusant la lumière avec la même intensité
que la particule
Diamètre d’une sphère ayant la même mobilité électrique que la
particule
Diamètre de la sphère dont la masse est identique à celle de la
particule et ayant la masse volumique du matériau
Diamètre d’un cercle ayant la même surface que la particule étudiée
Tableau XIV : Diamètres statistiques (Renoux et Boulaud ; 1998).
Parmi ces diamètres statistiques, le diamètre aérodynamique est le plus utilisé. Il
intervient pour déterminer le comportement atmosphérique des spores fongiques, dans le
système respiratoire humain et dans les appareils d’échantillonnage (Baron et Willeke,
2001). Cependant, selon Reponen (1994), le diamètre aérodynamique des particules
fongiques varie et dépend des conditions environnementales, notamment de l’humidité ()
(Reponen et al., 1996; 1997) et du mode de génération utilisé (Figure 14).
Figure 13 : Effet de l’humidité relative sur la taille
des aérosols fongiques (Reponen et al., 1996) (n=6)
- 33 -
Figure 14 : Distribution granulométrique de l’aérosol de Penicillium brevicompactum généré à
partir : A. suspension liquide ; B : milieu agar solide sans orifice de désaggrégation ; C : milieu
agar solide avec orifice de désaggrégation (n=3) (Reponen et al., 1996).
Dans le cas des aérosols fongiques, les formes et les états de surfaces rencontrées sont
variés (Figure 15 et Figure 16).
Figure 15 : Morphologie des conidies. Les représentations ne tiennent pas compte de la taille
réelle des conidies (Botton et al., 1985).
Figure 16 : Ornementation des spores (Botton et al., 1985)
Leur taille diffère considérablement d’une espèce à l’autre. Le diamètre de la majorité
des conidies est compris entre 3 et 30 µm (Madelin, 1994; Gravesen et al., 1994). Pour
comparaison, la taille moyenne de différents bioaérosols est présentée dans la Figure 17.
Les fragments fongiques, potentiellement impliqués dans l’apparition de maladies sont
- 34 -
vraisemblablement de taille plus faible que les conidies, toutefois, à ce jour, ce domaine
reste inexploré.
Figure 17 : Tailles relatives de différents bioaérosols
2. Propriétés physiques des aérosols fongiques
Les aérosols fongiques sont soumis aux mêmes lois que les particules inertes. Les
phénomènes physiques impliqués dans le comportement des aérosols sont :
•
mouvement brownien,
•
sédimentation,
•
diffusion et forces d’inertie,
•
forces électriques
•
thermophorèse.
•
photophorèse
Toutefois, compte tenu de la taille et de la masse volumique des particules fongiques, le
mouvement brownien et la thermophorèse peuvent être négligés par rapport aux autres
forces.
a) La sédimentation
Dans l’air, les particules ont des vitesses de chute liées à leur masse et à leurs
dimensions.
Les particules aéroportées sont soumises à la pesanteur, et leur comportement, en
l’absence de turbulence, est régi par différentes lois dont le domaine d’application
dépend essentiellement de leur taille. La vitesse limite de chute des particules
sphériques, déduite de la loi de Stockes-Cunningham, est donnée par l’équation :
ρ p d p2 gCu
V =
(en cm/s )
18η
- 35 -
où ρp correspond à la masse volumique de la particule (g/cm3), dp au diamètre de la
particule (cm), g à l’accélération de la pesanteur (9,81 cm/s2), η à la viscosité de l’air
(g/cm.s-1) et Cu au facteur de correction de Cunningham, dont il existe plusieurs
expressions. Pour des particules de diamètre supérieur à 1 µm, Cu est égal à 1 (Renoux
et Boulaud, 1998). A 20°C, une particule sphérique de 10 µm et de masse volumique
unitaire aurait une vitesse limite de sédimentation de l’ordre de 0,31 cm/s.
D’après Gregory (1973), la masse volumique des spores fongiques échantillonnées dans
l’air extérieur varie de 0,56 à 1,44 g/cm3 : 1,34 pour Peronospora destructor
contaminant oignons et échalotes; 0,56 pour Ustilago nuda responsable du charbon nu
du blé et de l’orge (Webster, 1980). A l’heure actuelle il n’existe aucune donnée
concernant la masse volumique des moisissures les plus couramment isolées dans les
environnements intérieurs (Aspergillus, Penicillium, Cladosporium).
b) Diffusion turbulente et forces d’inertie
Le déplacement rapide d’une masse d’air, par opposition à un écoulement régulier ou
laminaire, est dit turbulent ou instable. La transition entre ces deux régimes est
quantifiée par le nombre de Reynolds. En pratique, les turbulences entraînent un
mouvement
aléatoire
s’ajoutant
à
l’écoulement
de
l’air.
Le
comportement
aérodynamique et les propriétés de transport des particules sont modifiés selon le régime
dans lequel elles sont placées. Ce phénomène est important lors du déplacement des
particules dans l’atmosphère, dans une gaine de ventilation ou toute autre canalisation.
Dans un conduit de diamètre Dc, le coefficient de Reynolds du gaz, noté Rec s’exprime
par :
Re c =
U s Dc
ν
où Us est la vitesse moyenne dans le conduit et ν représente la viscosité cinématique du
fluide.
Par convention, l’écoulement est : laminaire si Rec<1200 ; turbulent si Rec>2500.
A proximité d’un aérosol, on considère le nombre de Reynolds de la particule qui se
traduit par le rapport entre les forces d’inertie et les forces dues à la viscosité du milieu
et est défini par la relation :
Re p =
ρ gVd p
η
- 36 -
où ρg : masse spécifique du gaz porteur de viscosité dynamique η et dp le diamètre de la
particule de vitesse V.
Un Rep proche de 1 traduit le caractère turbulent du flux d’air autour de la particule se
déplaçant dans le gaz.
Par ailleurs, les bioaérosols sont soumis à leur inertie qui intervient quand le flux d’air,
vecteur des particules, change de direction. Si les particules ont une inertie trop
importante, elles pourront s'impacter sur les obstacles rencontrés. Ce phénomène est
utilisé dans les appareils de collecte des microorganismes.
c) Les forces électriques
Les particules aérosolisées possèdent des charges électriques qui peuvent entraîner leur
déposition rapide sur des surfaces et leur coagulation (Renoux et Boulaud, 1998). C'est
pourquoi, dans certains cas, il est intéressant de neutraliser ces charges à l'aide d'une
source radioactive (85Kr par exemple) afin d’obtenir une charge globale proche de zéro
(distribution de Boltzmann). Néanmoins, cette neutralisation est susceptible d’entraîner
un effet létal sur les cellules.
d) La photophorèse
Les rayonnements lumineux provoquent le déplacement (attirance ou répulsion) des
particules en suspension dans l’air. Ce phénomène est lié à l’apparition d’une
distribution non uniforme de la température à la surface de l’aérosol. Suivant les cas, on
observe une photophorèse positive ou négative quelle que soit la dimension de la
particule. Dans le cas d’un aérosol fortement absorbant, l’échauffement sera plus
important sur la face exposée au rayon d’où une photophorèse positive, la particule
allant des zones chaudes vers les froides. A l’inverse, une particule translucide selon sa
taille pourra se diriger vers les sources chaudes dans la mesure où elle se comporte
comme une lentille focalisant l’énergie sur sa partie distale. Ce phénomène est perturbé
par la présence de champs électriques ou magnétiques (Renoux et Boulaud, 1998).
B. ADHERENCE ET REENTRAINEMENT DES PARTICULES FONGIQUES
La fixation des micro-organismes s'observe quel que soit le milieu de suspension (air ou
liquide). Ce phénomène naturel protège les particules biologiques contre les agressions
biotiques et abiotiques du milieu. L'adhésion facilite les échanges entre les cellules et les
surfaces d'accueil. Cette faculté, qu'ont la plupart des micro-organismes à adhérer, peut
être recherchée (bio-réacteur à cellules fixées) ou combattue (cathétérisme infectieux,
- 37 -
contamination des réseaux de fluides, prolifération sur les matériaux de construction...)
(Moreau, 1998).
1. Etapes de l’adhérence
L'étape préliminaire à la fixation des microorganismes est conditionnée par différents
phénomènes : sédimentation, mouvement brownien, turbulences du milieu, qui vont
éloigner ou rapprocher les particules biologiques du support.
La fixation résulte de deux processus successifs : l’immobilisation d'une première
couche de cellules, puis la stabilisation et le renforcement de la position du microorganisme sur la surface.
La première étape ne dure que quelques secondes et met en jeu un phénomène physique,
avec
adsorption
d'une
couche
de
micro-organismes
résultant
d’interactions
intermoléculaires. Les forces de Van der Waals prédominent dans le cas où la distance
particule-surface est de l’ordre de quelques centaines de nanomètres à 50 nm, quand
cette distance est réduite à 10-20 nm, les interactions électrostatiques s’ajoutent aux
forces de Van der Waals. Pour une distance inférieure à 10 nm, des interactions
supplémentaires, telles que les forces acido-basiques au sens de Lewis, et les forces de
capillarité, interviennent.
•
Les forces de Lifshitz-Van der Waals
Elles consistent en des interactions intermoléculaires non covalentes et non
électrostatiques. Plusieurs interactions sont à prendre en compte pour décrire ces
forces :
9
les interactions entre dipôles permanents ou forces d'orientation décrites
par Keesom,
9
les interactions entre un dipôle permanent et un dipôle induit ou forces
d'induction décrites par Debye,
9
et les interactions entre un dipôle fluctuant et un dipôle induit ou forces de
dispersion décrites par London (Van Oss, 1996).
•
Les forces électrostatiques
Il existe deux types de forces électrostatiques, celles induites par la charge
électrique de la particule ou de la surface, appelées forces images ou
coulombiennes, et les forces de double-couche dues à la différence de potentiels
entre les surfaces en contact. Toutefois, ces forces sont négligeables devant les
- 38 -
interactions de Van der Waals notamment pour les particules inférieures à 50 µm
(Bowling, 1988).
•
Les forces de capillarité
L’adhérence d’un aérosol augmente avec l’humidité relative de l’air ambiant, ce
phénomène ne devenant appréciable que lorsque l’humidité relative est supérieure
à 60-70%. (Renoux et Boulaud, 1998). Ceci est dû à l’apparition d’un film, par
condensation capillaire, entre la surface et la particule, se traduisant par
l’augmentation de l’attraction entre les deux corps.
•
Interactions acido-basiques au sens de Lewis
Elles correspondent aux interactions existant entre un accepteur et un donneur de
doublet d’électrons. Parmi ces interactions figurent la liaison hydrogène.
•
Les interactions hydrophobes
En 1996, van Oss les définit comme étant des interactions entre deux molécules
ayant plus d’affinité l’une pour l’autre que pour l’eau.
Des travaux réalisés par O’Shea (1991), traitant de l’adhérence de Candida sur une
surface en verre (titanate de baryum), conduisent l’auteur à évaluer la contribution des
interactions électrostatiques dans ce phénomène. L’évaluation du potentiel de chaque
des 2 surfaces inerte et biologique met en évidence leur électronégativité dans les
conditions opératoires. D’après ces mesures, il devrait y avoir répulsion entre les deux
surfaces si les interactions électrostatiques étaient les forces dominantes, qui dans ce cas
sont négligeables par rapport aux forces électrodynamiques ou au caractère hydrophobe
des surfaces testés.
Cette première étape peut également être considérée selon un modèle thermodynamique.
Il y aura adhésion des micro-organismes aux surfaces si la variation d'énergie libre du
système constitué par le microorganisme, le solide et le fluide ( ∆Fadh ) est négative. Dans
cette approche, l'existence de récepteurs spécifiques est négligée et la présence de
charges électriques superficielles n'est pas directement prise en compte. Cette variation
d'énergie libre peut être calculée :
∆Fadh = γ SM − γ SF − γ MF
où γ est l'énergie libre inter faciale; S : le Solide, M : le Micro-organisme fongique, F :
le Fluide environnant (air ou liquide). Les différentes énergies interfaciales intervenant
- 39 -
dans cette équation n’étant pas directement accessibles, de nombreuses théories ont été
proposées pour les évaluer, à partir, par exemple des mesures d'angles de contact avec
des liquides de tensions de surfaces connues (Bellon-Fontaine, 1986; Bellon-Fontaine et
al., 1990; Bellon-Fontaine et Cerf, 1991; Gauthier et Isoard, 1989 ; BoulangePettermann, 1993; 1996; Boulange-Pettermann et al., 1994, ; Dubois-Brissonnet et
Leveseau, 1994).
Figure 18 : Prévision thermodynamique de l'adhésion
La seconde étape consiste en la consolidation de la position du microorganisme. Il
s’agit d’une fixation irréversible due à des exopolymères synthétisés par les
microorganismes eux-mêmes. Dans le cas des fongiques, cette phase de fixation résulte
de l’activation métabolique et de la synthèse protéinique (Osherov et May, 2001).
2. Facteurs influençant l’adhésion
On distingue les facteurs liés aux micro-organismes et aux supports solides.
Les propriétés physico-chimiques des surfaces biologiques résultent de leur constitution
pariétale et de leur métabolisme. Elles leurs confèrent des propriétés électriques et un
caractère hydrophobe ou hydrophile. En 1991, O’Shea démontre le caractère
électronégatif
de
la
paroi
cellulaire
fongique
dans
diverses
conditions
environnementales. D’après les expériences réalisées sur Candida pour des pH compris
entre 3 et 10, ce potentiel électrostatique est fortement influencé par les conditions de
culture et les conditions environnementales,
Hazen (1990), rappelle le caractère hydrophobe des conidies d’Aspergillus, et
notamment d’Aspergillus niger. Cette propriété est attribuée à la constitution de la paroi
externe et notamment à la présence, à sa surface, d’une couche anamorphe dont la
composition chimique n’a pu être déterminée jusque là. La présence d’une telle couche,
- 40 -
composée d’un complexe de glycoprotéines et de lipides, a également été mise en
évidence pour le dermatophyte Trichophyton mentagrophytes.
La concentration cellulaire peut également jouer un rôle dans l'adhésion (forces
cohésives ayant pour origine principale les forces de Van der Waals). Le temps de
contact semble aussi être un paramètre important. En effet, il existe, un temps optimal
pour une adhésion maximale (Busscher et al., 1986).
Au même titre que les micro-organismes, les charges électriques et le caractère
hydrophile/hydrophobe du support jouent un rôle clef dans le processus d'adhésion.
Ainsi un matériau hydrophobe tel que le polystyrène, fixerait davantage les microorganismes à caractère hydrophobe, les matériaux hydrophiles tels que le verre et
certaines pièces plastiques fixeraient plus les micro-organismes hydrophiles. Cependant,
les propriétés physico-chimiques des matériaux peuvent évoluer selon les conditions du
milieu. De plus, le nettoyage d'une surface est susceptible de faire varier son
hydrophobicité (Boulange-Pettermann, 1993). L’encrassement de la surface, l’adsorption
de composés organiques (protéines), entraîne des modifications de ses propriétés
physico-chimiques (énergie libre, charge de surface) (Pratt Terpstra et al., 1987). Dans
ce cas, les interactions responsables de l’adhésion fongique n’ont plus lieu entre le
support et la moisissure mais entre le microorganisme et le film organique adsorbé par le
matériau.
Outre les propriétés physico-chimiques, il est généralement admis que la rugosité des
supports joue un rôle dans l'adhésion. Une surface rugueuse favorisera le piégeage des
micro-organismes. Cependant il est difficile d'établir une relation directe entre la mesure
de rugosité moyenne d'une surface et le taux d'adhésion au support (Garry, 1997). La
caractérisation de la topographie de la surface et notamment, l'observation d'éventuelles
anfractuosités, est un critère qui doit venir compléter la mesure de rugosité moyenne.
3. Réentrainement des particules fongiques
Ce phénomène est essentiellement dû aux flux aérauliques (forces de portance et de
traînée). Du fait des mouvements de l'air, la particule est soumise à une force
d'entraînement dont l'action s'oppose aux forces d'adhésion. Sous l'action de la force
aérodynamique, la particule peut rouler ou glisser sur la paroi, se logeant dans un endroit
où la force d'adhésion est plus faible ou acquérant une énergie cinétique suffisante
(correspondant à la vitesse critique) pour être arrachée de la surface. On constate
- 41 -
généralement que la vitesse critique est inversement proportionnelle à la taille des
particules : plus cette dernière est fine, plus il est difficile de l'arracher par un flux d'air
(Alloul-Marmor, 2002).
En 1991, Pasanen étudie le nombre de conidies d'Aspergillus fumigatus, de Penicillium
sp. et de Cladosporium sp. mises en suspension à partir des structures conidiogènes,
selon la vitesse et l'humidité de l'air (Tableau XV).
Vitesse (m/s) H.R (%) Aspergillus fumigatus Penicillium sp. Cladosporium sp
0.5
12 - 18
100
600
<25
0.5
37 - 42
200
100
<25
0.5
71 - 73
< 25
400
<25
1
12 - 18
700
1800
25
1
37 - 42
500
16000
<10
1
71 - 73
200
400
<10
1.5
12 - 18
1000
52100
25
1.5
37 - 42
2600
1900
<10
1.5
71 - 73
200
1100
200
Tableau XV : Nombre de spores fongiques remises en suspension selon le taux d’humidité et la
vitesse de l’air (d’après Pasanen et al.,1991)
Cette étude indique que la libération des spores à partir d'un substrat est contrôlée par la
vitesse et l'humidité de l'air et qu'elle dépend de l'espèce fongique.
C. METROLOGIE ET TECHNIQUES DE LABORATOIRE
1. Principes et techniques d’aérosolisation
Les aérosols sont généralement produits selon 2 modes : dispersion liquide et sèche.
Dans les études nécessitant la production d’un aérosol fongique, les auteurs utilisent
indifféremment les deux modes de dispersion. Les appareils utilisés sont listés dans le
Tableau XVI.
- 42 -
DISPERSION
LIQUIDE
Générateur
Microrganismes aérosolisés
Références
bibliographiques
Générateur à 2 flux d’air
Aspergillus fumigatus; A. versicolor
Cladosporium cladosporioides
Penicillium brevicompactum; P.
melinii
Reponen et al., 1996
Nébuliseur ultrasonique
Aspergillus niger
Nakamura, 1987
Simple glass atomiser
Penicillium expansum
Griffiths et al., 1996
Aspergillus fumigatus; A. versicolor
Cladosporium cladosporioides
Penicillium brevicompactum; P.
melinii
Aspergillus fumigatus; Cladosporium
sp.; Penicillium sp.
Reponen et al., 1996
Penicillium brevicompactum
Reponen et al., 1997
Penicillium citrinum
Lin et Li, 1998
Stachybotrys chartarum
Sorenson et al., 1987
Penicillium chrysogenum
Buttner et Stetzenbach,
1993
Penicillium brevicompactum
Reponen et al, 1997
DISPERSION SECHE
Disperser « tube agar »
Vibrations acoustiques
(Pitt 3).
Disperseur de poudre
commercial (Amherst
Process Instruments)
Pasanen et al., 1991
Tableau XVI : Générateurs d’aérosols fongiques
a) Dispersion humide : barbotage et nébuliseurs ultrasoniques
Le principe du barbotage (Figure 19) repose sur l’éclatement de bulles en surface d’un
liquide. Les gouttelettes formées sont véhiculées par le courant d’air jusqu’à la sortie du
générateur. Les aérosols produits par ce type de générateurs ont des diamètres
aérodynamiques compris entre 0,73 et 5,1 µm.
L’absence de reflux des micro-organismes dans ce générateur, réduit considérablement
le stress lié classiquement à la phase de production des aérosols biologiques en
particulier lors de l’utilisation d’atomiseur de type Collison (Ulevicius et al., 1997).
- 43 -
Figure 19 : Générateur d’aérosol à partir de suspension liquide (A.) séchage au niveau de la
génération (générateur à 2 flux d’air). (B.) séchage au niveau de la sortie (générateur à 1 flux
d’air) (Ulevicius et al., 1997).
Dans les nébuliseurs ultrasoniques, l’énergie nécessaire pour atomiser un liquide est
obtenue à l’aide d’un cristal piézoélectrique (Figure 20). Dans ce type d’appareillage, le
flux d’air est utilisé comme vecteur. L’application d’un courant électrique à un cristal
piézoélectrique engendre une vibration de fréquence comprise entre 1 et 7 MHz (Grundy
et al., 1990), ce qui provoque l’apparition d’une fontaine à la surface du liquide, initiant
ainsi la formation de l’aérosol.
Figure 20 : Schéma de principe d’un générateur d'aérosols à ultrasons (Marple, 1980).
Le diamètre de la goutte peut être calculé à l’aide de la relation :
 8πγ
d = 
 ρF



1/ 3
où d est le diamètre médian de la particule (en m), γ la tension de surface (en N.m-1), ρ la
densité du liquide (en kg.m-3), et F la fréquence d’excitation (en Hz).
Les aérosols obtenus par ce procédé ont, généralement, un diamètre moyen en masse
compris entre 6 et 9 µm pour un σg de 1,4 à 1,7 (John, 1993).
- 44 -
Dans le cadre d’une expérience menée par l’équipe de Grundy, il a été démontré que ce
type d’atomiseur permet de générer des micro-organismes viables. Cependant, la taille
réduite des particules liquides obtenues avec des fréquences élevées (calcul théorique
pour 7 MHz, diamètre de 1,1 µm) suppose que les micro-organismes de dimension
supérieure ne peuvent être transportés par ces micro-gouttelettes (Grundy et al., 1990).
b) Dispersion sèche
La dispersion de particules inertes (fibres, poussières…) utilise traditionnellement
l’action abrasive d’un racloir sur un support solide; les particules libérées sont alors
entraînées sous l’action d’un flux d’air. La production d’aérosols biologiques peut
utiliser le même principe, un conditionnement préalable du matériel biologique étant
néanmoins nécessaire dans ce cas (lyophilisation, microencapsulation). Ce prétraitement
peut cependant s’avérer létal pour de nombreux microorganismes fragiles. Les
moisissures se prêtent plus facilement à ce mode de dissémination, dans la mesure où
elles peuvent être directement atomisées à partir de leur milieu de culture.
•
Dispersion de poudre par vibration ou agitation
Ce système nécessite d’extraire les microorganismes de leur milieu de culture. Ils
sont ensuite introduits sous forme de lyophilisats de bactéries ou de moisissures
dans un récipient ou un sillon. Le « Pitt3 » utilisé dans différentes études est un
exemple de ce type de générateur (Sorenson et al., 1987; Buttner et Stetzenbach,
1993).
•
Le «disperser tube-agar» (Figure 21)
L’aérosolisation se fait directement à partir d’une culture microbienne balayée par
un flux d’air stérile. La forte turbulence engendrée entraîne la plus grande partie des
particules biologiques, mais très rapidement le milieu s’épuise, limitant ainsi une
éventuelle production continue d’aérosols.
Figure 21 : Disperseur à tube d’agar (Reponen et al., 1997).
- 45 -
De plus, ce type de système engendre de nombreux agrégats qu’il est possible de
dissocier par l’utilisation d’un orifice sonique calibré (Reponen et al., 1996).
2. Techniques de collecte
Les méthodes de prélèvement sont basées sur l’inertie des particules (sédimentation,
impaction) et la filtration (interception, impaction):
La méthode basée sur la sédimentation, consiste à récupérer les particules sur une
surface adhésive (scotch ou boite de Pétri contenant un milieu nutritif). Il s’agit d’un
prélèvement passif, non volumétrique, qui limite la collecte aux particules
sédimentables.
L’impaction utilise les propriétés d’inertie des particules. Elle peut se faire soit sur
milieu solide (gélose), soit en milieu liquide. L’impaction sur gélose permet d’estimer
la concentration de microorganismes cultivables aérosolisés (UFC/m3 d’air prélevé).
L’air est aspiré et accéléré par passage au travers de trous (impacteurs à crible type
Andersen). Les particules entraînées par le flux d’air peuvent, suivant leur inertie, dévier
des lignes de courant et venir s’impacter sur une surface placée sous la plaque perforée.
L’avantage majeur de cette technique est sa simplicité d’utilisation. En revanche, le
stress occasionné lors du prélèvement (vitesse d’impaction, dessèchement de la gélose)
peut altérer la viabilité des microorganismes et conduire à une sous-estimation de leurs
concentrations.
Lors de l’impaction en milieu liquide, l’air, aspiré au travers d’un tube capillaire est
propulsé à la surface d’un milieu liquide. Cette technique présente l’avantage du choix
du milieu de récupération (eau, tampons, bouillon de culture), de la mise en œuvre de
différentes méthodes d’analyses (culture, microscopie, tests biochimiques et
immunologiques) et de pouvoir travailler en ambiances fortement contaminées.
L’inconvénient est l’évaporation du milieu liquide, et le réentraînement des fines
particules lors du prélèvement.
La filtration est largement utilisée pour mesurer les aérosols. La collecte des particules
repose sur l’action simultanée de plusieurs mécanismes : impaction inertielle,
interception, diffusion, dont l’importance relative dépend de la dimension des particules
et de la vitesse de l’écoulement. Ainsi, dans le cas d’une particule de 5 µm, les deux
phénomènes intervenant sont l’interception et l’impaction.
- 46 -
L’air est aspiré au travers d’un média filtrant qui assure la séparation des aérosols du
fluide vecteur. Le choix du média filtrant (porosité, matériau) dépend de la nature des
particules échantillonnées (formes, taille) et des analyses ultérieures. Généralement, pour
l’échantillonnage des bioaérosols, le support filtrant consiste en une membrane de
polycarbonate dont les pores ont un diamètre de 0,2 ou 0,45 µm.
En 2002, Willeke développe un précipitateur électrostatique adapté à la collecte des
microorganismes aéroportés. La collecte des particules repose alors sur leurs charges
électriques, qu'elles soient produites naturellement ou artificiellement. Dans un
précipitateur électrostatique conventionnel, l'aérosol, une fois chargé grâce à un ioniseur
d'air, est soumis à un champ électrostatique. Les particules, par passage au travers d'un
champ électrostatique, vont, selon leur charge, suivre ou quitter le flux d'air porteur et
venir s'impacter sur une surface de collection.
Nous avons répertorié, dans le Tableau XVII, les techniques de prélèvement les plus
couramment utilisées dans le cadre de la collecte des aérosols fongiques.
- 47 -
Principe
Exemple de dispositif
Analyses possibles
Mise en culture
: Analyses microscopiques
Analyses biochimiques
Tests immunologiques
Mise en culture
Analyses microscopiques
Analyses biochimiques
Tests immunologiques
Débit d’air : 0.1 – 55 l/min
Durée d’échantillonnage : de
quelques minutes à plusieurs
heures
Débit d’air : 1-1000l/min.
Durée d’échantillonnage
plusieurs heures
Mise en culture
Analyses microscopiques
Analyses biochimiques
Tests immunologiques
Débit d’air : 40 – 1000 l/min
Durée d’échantillonnage : de
quelques minutes à plusieurs
heures
Débit d’air : 2 – 180 l/min
Mise en culture
Durée d’échantillonnage : de Analyses microscopiques
quelques minutes à plusieurs
heures, voire plus d’une
semaine (Spore trap).
Capacité d’échantillonnage
- 48 -
Tableau XVII : Echantillonneurs d’aérosols fongiques (Crook, 1995 ; Pasanen, 2000 ; NF EN 13098, 2000)
- Burkard,
- Rotorod,
- Andersen (de 1 à 6 étages),
- SAS,
- Casella,
- May,
- Sierra Marple,
- Hirst spore trap
Echantillonneurs Centrifugation des particules - Reuter Centrifugal Sampler
centrifuges
conduisant à leur impaction sur - Cyclone Aerojet
une surface de collection ou
directement sur les parois de
l’appareil
Impinger
Combinaison de l’impaction sur - Echantillonneur Shipe (l’air entre dans la
une surface et de la dispersion qui chambre avec un certain angle)
s’ensuit dans un milieu liquide
- AGI-30
- Micro et mini-impingers
- Impingers à multi-étages
Echantillonneur à Diffusion, interception, et
Filtres de gélatine, PTFE, PVC, ester de
filtre
impaction inertielle
cellulose, ou polycarbonate
Impacteurs
à Impaction sur :
crible ou à fente
- milieux de culture
- surface adhésive,
- lame de verre
Echantillonneur
49