Croissance et convergence

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Croissance et convergence
Croissance et convergence
1. Le modèle de Solow
Question de base : Les pays pauvres rattrappent-ils les pays riches ? Est-ce qu’ils « devraient »
(selon les modèles dominants) ?
1.1 Le modèle
Modèle de croissance « exogène » (non déterminée dans le modèle), par opposition aux modèles de
croissance endogène.
Notation
Y
Output agrégé
K
Stock de capital agrégé
L
Force de travail (# d’employés)
k
K/L : capital par travailleur
y
Y/L : output par travailleur
I
Investissement
s
S/Y : Taux d’épargne
δ
Taux de dépréciation du capital (7%)
n
Taux d’accroissement de la pop.
k*
Capital par travailleur à l’état stationnaire
Fonction de production
Y  K  L1
(1)
Y

 K  L   K / L 
L
y  k
(2)
K  I  K
(3)
L̂  n
(4)
Lois de mouvement
1
Digression mathématique : Soit
Hypothèse sur l’investissement
I  sY
(5)
L’investissement est égal à l’épargne, elle-même une fraction constante de l’output. Super
simplificateur ! On suppose une économie fermée.
1.2 L’état stationnaire (ES)
On peut prouver que sous certaines hypothèses pas trop irréalistes, il y en a un (vrai pour la fonction
de production Cobb-Douglas utilisée ici).
Def. On définit l’état stationnaire par k  0 (capital par travailleur K / L constant) ou bien k̂  n .
K
KL  KL KL K L
 k
 2 
L
L2
L
L L
K
  kLˆ
L
k
(6)
sY
I K
 kLˆ
L
sY   K

 kn
L
 sy   k  kn  sy    n  k
k
Par définition, k  0 à l’état stationnaire
2
(7)
  n  k  sy
sy
sk 

 n  n
s
k 1 
 n
k
1
 s 1
k*  

 n
 s 
y*  

 n
(8)

1
Notion que la valeur du stock de capital par travailleur va s’arrêter de croître un jour un peu bizarre,
mais bon.
Interprétation graphique
Fonctions de k
(n+δ)k
k  y
Etat stationnaire
Consommation par travailleur.
sk   sy  I / L
sk    n    k
Investissement brut par travailleur.
k(t)
k*
Prop. 1. (ES) Si tous les pays ont (plus ou moins) les mêmes taux de natalité, si la technologie
(représentée par α) est la même, alors les différences de taux d’épargne (c’est-à-dire de taux
d’investissement, puisque c’est la même chose dans le modèle) doivent expliquer complètement les
différences de PIB/habitant si tous les pays sont à leur état stationnaire.
Prop. 2 (transition) Pour les pays qui ne sont pas à leur état stationnaire, le taux de croissance du
stock de capital et de l’output par travailleur ralentit au fur et à mesure qu’on approche de l’état
stationnaire.
3
Donc si les pays pauvres sont loin de leur état stationnaire, ils devraient avoir une croissance plus
forte que celle des pays industriels. On devrait donc observer la convergence.
Notez que si on relâchait l’hypothèse que l’investissement est contraint par l’épargne nationale (pas
de mobilité des capitaux) le capital migrerait des pays riches (beaucoup de capital donc faible
rendement) vers les pays pauvres, ce qui renforcerait la proposition.
2. L’évidence empirique
2.1 « Faits stylisés »
Sur les nuages…
A première vue, les niveaux de revenu ont plutôt l’air de diverger :
A deuxième vue ? Baumol (1980) montre, en utilisant les données historiques de Maddison, que les
pays de l’OCED ont connu une convergence frappante. Le graphique de base, que nous allons
utiliser tout le temps dans ce cours, est un nuage de points (un par pays) dans un espace avec
o Le PIB initial sur l’axe horizontal
o Le taux de croissance sur l’axe vertical.
Si la droite de régression a une pente positive, il y a divergence inconditionnelle (c’est-à-dire sans
tenir compte des autres caractéristiques des pays) ; si elle a une pente négative, il y a convergence.
4
Source : De Long (1988)
Mais De Long (1988) a montré que l’expérience de Baumol (1980) limitée à des pays de l’OCDE
souffrait d’un biais de sélection énorme, et les données de Ben David (1991) ne suggèrent
carrément aucune convergence.
Le graphique est très facile à reproduire avec des données des World Development Indicators :
-1
-.5
0
.5
1
PIB initial et croissance, (a) 1980-90
4
6
8
lggdppc1980
10
GDP per cap real growth 1980-1990
12
Fitted values
Source : WDI
2.2 L’évidence économétrique
Voir papier classique de Mankiw, Romer et Weill (1992).
sy   n      k
5
(9)
où π est un facteur d’ajustement des différences de productivité du travail.
1
1
  n 
y  
s

(10)

s
 n       1 
1
y
 

s


 n   
(11)
Finalement on met le tout en log pour avoir une expression linéaire sur laquelle on peut
appliquer bêtement les moindres carrés
  
  
ln yi  
 ln si  
 ln   ni   i   ui
1 
1 
1
(12)
2
A tester ; prédictions du modèle : 1  0 ,  2  0 ,  2   1 , 1  1 / 3 / 1  1 / 3  1 / 2 . Donc il
ne reste plus qu’à prendre une coupe transversale de pays et à tester la proposition 1.
Résultats : ˆ1  1.42 , écart-type  2  0.14. Donc t = 1.42/0.14 = 9, significatif à 1%.
Qualitativement (signe et significativité du coefficient), c’est bon. Quantitativement, beaucoup trop
grand.
3. La convergence conditionnelle
3.1 Le message
Toujours Mankiw Romer et Weill. L’idée est que l’ES dépend d’autre chose que le taux d’épargne.
Par exemple supposons que la fonction de production est
Y  K  L1  H 
(13)
où H est le « capital humain ». L’ES dépend alors du capital humain : il est différent pour chaque
pays, ce qui fait qu’un pays pauvre peut avoir une croissance faible s’il est proche de son ES luimême faible.
3.2 L’évidence empirique
6
7
En fait, l’accumulation du capital semble obéir plus à des forces d’agglomération qu’à des
différentiels de rendement, car les données de dotation en capital indiquent plutôt une divergence :
8
.01
.008
.006
.004
.002
distribution
World
1997
World
2007
Uganda 2007
0
Uganda 1997
0
50
100
150
200
Physical capital per worker, thousand dollars
250
Source des données : UNCTAD
Malgré cela, dans les dix dernières années, pour la première fois depuis que les données existent, on
observe une convergence inconditionnelle globale :
(b) 2000-2010
-1
-1
0
0
1
1
2
2
3
3
(a) 1990-2000
4
6
8
lggdppc1990
GDP per cap real growth 1990-2000
10
12
4
Fitted values
6
8
lggdppc2000
GDP per cap real growth 2000-2010
10
Fitted values
… qui explique le regain de croissance dans la dernière decennie
(a) Tous pays
(b) Pays industriels vs. pays émergents
9
12
Source: Rodrik (2011)
Et le regain de croissance est particulièrement spectaculaire pour l’Afrique:
Source: Rodrik (2011)
Est-ce juste un autre “commodities boom”? Pas seulement. Durant les commodities booms passes,
les effets prix dominaient les effets quantités. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Example: croissance
des exportations de quelques pays d’Afrique de l’Ouest, 2001-2010
10
16.00
14.00
Volume
12.00
Price
10.00
8.00
6.00
4.00
2.00
0.00
-2.00
Uganda
Tanzania
Kenya
Rwanda
Mauritius
-4.00
La croissance implique-t-elle une réduction de la pauvreté ?
Une régression en coupe transversale de pays (Dollar et Kray, 2001) suggère que la croissance
moyenne du revenu par pays se transmet plus ou moins point par point en croissance du revenu des
20% les plus pauvres dans chaque pays—en d’autres termes, il n’y pas divergence à l’intérieur des
pays (un peu léger comme démonstration, mais bon).
Par ailleurs, Sala-i-Martin (2003) a reconstruit la distribution des revenus mondiale à partir des
enquêtes de ménages existantes dans les pays où elles sont disponibles, répétant l’exercice pour
1970, 80, 90 et 98. Les résultats ont été controversés, mais ils sont néanmoins parlants :
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Pour certains pays comme la Chine, on assiste à la fois à une augmentation du revenu moyen et à un
accroissement des inégalités (la distribution devenant plus « plate »). Dans l’ensemble, la
proportion de la population mondiale vivant dans la pauvreté absolue (un dollar par jour à la PPA
ajustée pour l’inflation) s’est réduite de façon substantielle au cours des 30 dernières années, en
particulier en Chine et en Inde.
On trouve des indications allant dans le même sens dans Bourguignon (2004) qui a calculé le
nombre absolu de pauvres dans le monde depuis 1870. Quelque soient les incertitudes du calcul
pour le XIXème siècle, le fait surprenant est la baisse rapide du nombre de pauvres au cours des 20
dernières années. La crise financière globale n’a retourné que partiellement ce mouvement.
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