La fiscalité des donations, successions, de l`assurance-vie

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La fiscalité des donations, successions, de l`assurance-vie
Fiscalité des donations, successions, de
l’assurance-vie : actualité, pratique
notariale et situations complexes
Université du Notariat
Nancy 21 novembre 2016
François Fruleux
Docteur en Droit
Maître de conférences associé à l’Université d’Auvergne
Consultant au Cridon Nord-Est
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Table des matières
I. La fiscalité des dons manuels ...................................................................... 4
II. La fiscalité des donations partages ............................................................13
III. Donation avant cession et constitution d’un quasi-usufruit sur prix de
cession ..........................................................................................................20
IV. Le point sur le démembrement de propriété ............................................22
V. Assurance-vie : liquidations civiles et fiscales complexes ..........................40
VI. Le tarif des droits de succession ...............................................................67
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I. La fiscalité des dons manuels
Spécificité des dons manuels
Fait générateur
Assiette
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Cas pratique n° 1
Le 30 juin 2012, Monsieur Durand transmet par ordre de virement à titre de don manuel
à son fils 100 actions d’une valeur chacune de 1000 € au jour du transfert.
Le 2 août 2012, le donataire révèle spontanément le don manuel à l’administration fiscale
et exerce l’option pour la déclaration du don et le versement des droits après le décès du
donateur.
Au jour de la révélation, les actions ont une valeur unitaire de 800 €.
Le donateur décède le 20 janvier 2016.
Suite au décès, le don manuel est enregistré le 1er février 2016. A cette date, les actions
ont une valeur unitaire de 1 500 €.
Questions
Comment les droits dus au titre du don manuel sont ils liquidés ?
Quel est le montant de l’abattement applicable ?
Quid du rappel fiscal si le don avait été révélé plus de quinze ans avant le décès du
donateur ?
Quelle conclusion en tirez-vous en ce qui concerne l'option offerte par la réforme de la
fiscalité du patrimoine ?
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Cas pratique n° 2
Le 1er décembre 2011, Monsieur Durand donne par virement à son fils 100 actions d’une
société cotée, d’une valeur unitaire de 1000 € au jour de la réalisation du don.
Le don n’est pas révélé à l’administration fiscale.
Le 1er juin 2016 Monsieur Durand donne à nouveau à son fils par acte notarié une somme
d’argent de 70 000 €. A cette date, les actions données en décembre 2011 ont une valeur
unitaire de 800 €.
Questions
Comment les droits sont-ils calculés ?
Quelle est l’assiette des droits de donation en ce qui concerne le don manuel ?
Quel est l’abattement applicable ?
Quelles conclusions en tirez-vous en ce qui concerne la nouvelle règle d'assiette énoncée par
la réforme de la fiscalité du patrimoine ?
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Cas pratique n° 3
Le 1er juin 2011, Monsieur Durand a transmis par ordre de virement à son fils 1000
actions d'une société cotée, d’une valeur unitaire de 180 € à la date du virement.
Le donataire révèle le don manuel spontanément à l’administration fiscale le 4 juin 2016.
Il n’exerce pas l’option pour la déclaration du don après le décès du donateur.
Il souscrit spontanément la déclaration de don manuel le même jour. A cette date, les
actions ont une valeur unitaire de 100 €.
Questions
Comment les droits sont ils calculés ?
Quel est le montant de l’abattement applicable ?
Quelle est l’assiette des droits de donation en ce qui concerne le don manuel ?
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Cas pratique n° 4
Le 4 juin 2016, Monsieur Duval donne par virement à son fils une somme d’argent de
100 000 €.
Cette somme est employée par le donataire à l'acquisition d'un bien immobilier.
Le don manuel n'est pas enregistré. Il est destiné à être déclaré sur imprimé n° 2735 dans
plusieurs années, voire à être révélé lors du règlement de la succession du donateur, M.
Duval.
Questions
Cette situation présente-t-elle un risque nouveau, compte tenu des modifications opérées
par la réforme de la fiscalité du patrimoine ?
Comment les droits seront ils calculés ?
Quelle est l’assiette des droits de donation en ce qui concerne le don manuel ? Quid, si le
bien immobilier acquis a une valeur de 180 000 € à la date de révélation du don ?
Quelle est la position de la jurisprudence et celle de la doctrine administrative ?
Les modalités de révélation du don exercent-elles une influence à cet égard ?
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Cas pratique n° 5
M. Durand est décédé le 2 juin 2016. Laissant pour lui succéder Alain et Bertrand
ses fils.
L’actif net taxable s’élève à 300 000 €.
Alain avait reçu par don manuel de son père une somme de 100 000 €, le 1er aout
2011. Il n’a pas enregistré ce don manuel et a employé la somme pour souscrire
un portefeuille de valeurs mobilières d’une valeur de 150 000 € à ce jour.
Questions
Quel traitement fiscal doit être réservé à ce don dans la déclaration de
succession ?
Quel est le montant taxable ?
Bertrand peut-il être inquiété en cas de défaillance d’Alain ?
Qu’en serait-il si le don manuel portait sur les actions composant le portefeuille ?
Calculez les droits de succession dus
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« Attendu que(…) l'arrêt retient que la vérification de la comptabilité a fait apparaître les
dons manuels litigieux et que la mise à disposition de sa comptabilité par Mme X..., lors
d'un contrôle fiscal, est assimilable à une révélation, au sens de l'alinéa 2 du texte
précité, dès lors que celui-ci n'exige pas l'aveu spontané du don de la part du donataire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... n'avait rien révélé volontairement à
l'administration et que seule la vérification de sa comptabilité, par les contrôleurs, avait
fait apparaître les dons manuels litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les
parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties
dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée »
Cass. Com. 16 avril 2013 n° 12-17.414, n° 404 F-PB
Comp. Cass. Com. 5 octobre 2004 , pourvoi n 03-15.709, témoins de Jéovah
« Toutefois, pour les dons manuels dont le montant est supérieur à 15 000 €, la
déclaration doit être réalisée :
- dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle le donataire a révélé ce don à
l'administration fiscale ou, sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le
délai d'un mois qui suit la date du décès du donateur ;
- dans le délai d'un mois qui suit la date à laquelle ce don a été révélé, lorsque cette
révélation est la conséquence d'une réponse du donataire à une demande de
l'administration ou d'une procédure de contrôle fiscal. »
C.G.I, art. 635 A
« Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la
reconnaissance judiciaire d'un don manuel, sont sujets aux droits de mutation à titre
gratuit. Ces droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou
de son enregistrement, ou sur sa valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure.
Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou
de l'enregistrement du don manuel.
La même règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration
fiscale. »
C.G.I, art. 757
« Lorsque le donataire opte pour la déclaration ou l'enregistrement du don manuel dans le
délai d'un mois suivant le décès du donateur, prévus à l'article 635 A du code général des
impôts, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième
année suivant le décès du donateur. »
LPF, Article L 181 A
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"Le seuil de 15 000 € s’apprécie à la date à laquelle l’option est exercée et pour chaque don
consenti.
Toutefois, pour bénéficier de cette option, la révélation doit être spontanée et non la
conséquence d’une réponse du donataire à une demande de l’administration ou d’une
procédure de contrôle fiscal.
Un nouveau formulaire (n° 2734) a été créé pour faciliter la révélation à l’administration
fiscale de l’option pour la déclaration et le paiement des droits dus dans le mois du décès du
donateur. Ce formulaire, qui figure en annexe 2 à la présente instruction, doit être déposé
auprès du service des impôts des entreprises (SIE) du domicile du donataire. Il ne donne lieu
à aucune perception.
L’article 9 précité de la loi de finances rectificative pour 2011 modifie également l’article 757
en précisant que les droits de mutation à titre gratuit afférents au don manuel sont calculés
sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement, ou sur sa
valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure.
Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de
l’enregistrement du don manuel.
Enfin, le même article 9 crée l’article L. 181 A nouveau du LPF qui prévoit que lorsque le
donataire opte pour la déclaration ou l’enregistrement du don manuel dans le délai d’un
mois suivant le décès du donateur, prévu à l’article 635 A, le droit de reprise de
l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la sixième année suivant le décès du
donateur.
Toutefois, si la déclaration de don manuel est enregistrée à la suite du décès du donateur, et
qu’elle révèle suffisamment l’exigibilité des droits et taxes sans qu’il soit nécessaire de
procéder à des recherches ultérieures, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à
l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement de ladite déclaration,
conformément aux dispositions de l’article L. 180 du LPF."
BOI 7 G-2-12 du 20 mars 2012
BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10, n°80 et s
"c'est à bon droit que le tribunal a évalué l'actif à réintégrer dans la succession au montant
du chèque remis par le défunt, et non à la valeur du bien acquis par le bénéficiaire."
C. cass. Com. 20 octobre 1998, n° 96-20.960, Revue de droit fiscal janvier 1999, 3, comm.
46, 206
« D'une manière générale, les dons de sommes d'argent sont retenus pour leur montant
nominal. »
BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10, n°200
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« les dons manuels consentis aux héritiers du donateur et non révélés à l'Administration
avant le décès de celui-ci, et qui, par conséquent, n'ont pas encore été assujettis au droit
de mutation à titre gratuit, sont inclus dans l'actif successoral imposable ; que c'est donc,
à bon droit, que la cour d'appel a énoncé que les droits rappelés auprès de Mme Y...
constituaient des droits de mutation par décès et en a déduit que la solidarité prévue par
l'article 1709 du Code général des impôts était applicable aux cohéritières »
C. Cass. Com. 31 mars 2004, n°02-10.578
« L'ensemble des textes relatifs aux droits de succession, et notamment les règles de
solidarité entre héritiers prévues par l'article 1709 du CGI, sont applicables aux droits
exigibles sur les dons manuels non révélés à l'administration avant le décès du
donateur. »
BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10, n° 180
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II. La fiscalité des donations-partages
Cas pratique n°1
M. Duval a trois enfants, Alain, Bernard et Charles. Il entend leur donner par
donation-partage divers biens immobiliers.
La donation porte sur des bois et forêts d’une valeur globale de 300 000 €
qui sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit à hauteur des troisquarts de leur valeur (sans plafonnement) et sur d’autres biens immobiliers
d’une valeur également de 300 000 € qui ne bénéficient d’aucune
exonération.
Questions
Sur quelle base chaque enfant sera-t-il taxé ?
- 1ère hypothèse : la donation-partage est égalitaire. Alain reçoit des bois
d’une valeur de 200 000 €, Bernard reçoit des bois d’une valeur de 100 000
€ et d’autres biens non exonérés d’une valeur de 100 000 €. Charles reçoit
des biens non-exonérés d’une valeur de 200 000 €.
- 2ème hypothèse : la donation-partage est égalitaire. Alain reçoit des bois
d’une valeur de 200 000 €, Bernard reçoit des bois d’une valeur de 100 000
€ et d’autres biens d’une valeur de 150 000 €, à charge pour lui de verser
une soulte de 50 000 €. Charles reçoit des biens non-exonérés d’une valeur
de 150 000 € et une soulte de 50 000 €.
- 3ème hypothèse : la donation-partage est inégalitaire. Alain a des droits de
moitié dans masse des biens à partager ; chacun de ses frères a des droits
correspondant à un quart de la masse des biens à partager. Les attributions
sont réalisées comme suit : Alain reçoit des bois d’une valeur de 200 000 €
et d’autres biens non exonérés d’une valeur de 100 000 €, Bernard reçoit
des bois d’une valeur de 100 000 € et d’autres biens d’une valeur de 50 000
€. Charles reçoit des biens non-exonérés d’une valeur de 150 000 €.
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- 4ème hypothèse : la donation-partage est inégalitaire. Alain a des droits de
moitié dans masse des biens à partager ; chacun de ses frères a des droits
correspondant à un quart de la masse des biens à partager. Les attributions
sont réalisées comme suit : Alain reçoit des bois d’une valeur de 200 000 €
et d’autres biens non exonérés d’une valeur de 200 000 €, à charge de
verser une soulte d’un montant de 100 000 €. Bernard reçoit des bois d’une
valeur de 100 000 € et d’autres biens d’une valeur de 50 000 €. Charles
reçoit des biens non-exonérés d’une valeur de 50 000 € et la soulte d’un
montant de 100 000 €.
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Cas pratique n°2
M. Fortin âgé de 66 ans marié sous le régime de la séparation de biens
dirige la société X, SAS qu’il a fondée et dont il détient 99 % des actions.
Il a trois enfants issus de son mariage avec son épouse : Alice, Bernadette et
Claire.
Il disposera d’une retraite confortable lors de sa cessation d’activité.
Il souhaite transmettre les actions qu’il détient dans la société X à Claire qui
est destinée à assurer la direction de l’entreprise.
Les actions sont évaluées à 550 000 €.
Outre ces actions, M. Fortin est propriétaire de la moitié indivise de sa
résidence principale estimée à 150 000 € et de valeurs mobilières d’une
valeur de 300 000 €.
Questions
Quels risques la réalisation de cette donation comporte-t-elle ?
Comment les droits de donation seraient-ils calculés ?
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M. Fortin ne souhaite pas que Claire s’endette pour financer une soulte
qui serait versée à ses sœurs. Il entend la gratifier de la totalité de
l’entreprise.
Il souhaite en outre préserver une stricte égalité entre ses trois filles.
Pour sa part, Mme Fortin âgée de 64 ans possède outre ses droits indivis
dans sa résidence principale (150 000 €), des valeurs mobilières et liquidités
(400 000 €) et une résidence secondaire reçue par succession (250 000 €),
ainsi qu’un immeuble de rapport (200 000€).
Questions
Le projet des époux Fortin de réaliser la transmission d’entreprise tout en
préservant une stricte égalité entre leurs enfants peut-il être réalisé ? De
quelle manière ?
Comment les droits de donation exigibles seront-ils calculés ? Une
exonération peut-elle s’appliquer ? A quelles conditions ? Qui en
bénéficiera?
Quelles conclusions en tirez- vous ?
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Référence documentaire
« Lorsque le dépôt de la déclaration intervient postérieurement à un
partage pur et simple de la succession, la liquidation est effectuée en
prenant pour base les attributions du partage. Il s'agit de l'application sur
le plan fiscal de l'effet déclaratif attribué au partage par l'article 883 du
code civil, en vertu duquel chaque héritier est censé avoir reçu
directement du défunt les biens mis dans son lot et n'avoir jamais eu de
droit sur les autres biens.
Toutefois, le partage n'est pas pris purement et simplement comme base
de la liquidation. On en tient compte pour la détermination des parts
taxables mais les biens sont évalués conformément aux règles prévues
pour l'assiette des droits de mutation par décès (cf. BOI-ENR-DMTG-10-4010-10) et le passif n'est déduit que s'il est déductible au regard des mêmes
règles (cf. BOI-ENR-DMTG-10-40-20-10).
Lorsque le partage pur et simple intervient après le dépôt de la déclaration
de succession et la liquidation des droits, il y a lieu de rectifier celle-ci en
conséquence. Si la nouvelle liquidation entraîne un supplément de droits,
une déclaration complémentaire doit être souscrite dans le délai de six
mois. Inversement, s'il apparaît que la perception a été excessive, le tropperçu est restituable sur réclamation présentée dans le délai fixé par
l'article R* 196-1 du Livre des procédures fiscales (LPF), qui prend cours à
compter de la date du partage.
Remarque : Conditions que doit remplir le partage.
L'administration a pris pour règle de ne retenir les attributions du partage
comme base de la liquidation des droits de mutation par décès que si le
partage est pur et simple, c'est-à-dire s'il ne comporte ni soulte, ni plusvalue.
Ne constitue donc pas un partage pur et simple :
- celui qui contient une répartition inégale du passif : il y a alors soulte à la
charge de celui qui supporte une fraction de passif supérieure à sa part
virile ;
- celui qui attribue à un copartageant des biens sur lesquels il n'avait
aucun droit, même si aucune soulte n'est versée pour compenser la
différence entre les attributions. »
BOI-ENR-DMTG-10-50-10, n°20 et 30
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III. Donation avant cession et constitution d’un quasi-usufruit sur
prix de cession
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« Le contribuable a fait donation à ses deux enfants de la nue-propriété d'actions.
Celles-ci ayant été cédées à un tiers, le contribuable a déclaré au titre de l'année
d'imposition, en qualité de quasi-usufruitier, la plus-value résultant de la cession des
actions. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, ayant estimé que les
donations étaient fictives et ne pouvaient donc pas lui être opposées, a regardé le
contribuable comme le plein propriétaire des titres et rehaussé le montant des
revenus déclarés.
La cour administrative d'appel a relevé que le donateur de titres en nue-propriété
avait appréhendé l'intégralité du prix de cession de ces titres et estimé que la
conclusion d'une convention de quasi-usufruit postérieurement à la cession, et
alors qu'une partie de ce prix excédant la quote-part correspondant à la valeur de
l'usufruit des actions avait déjà été réglée au donateur, révélait que celui-ci n'avait
pas eu l'intention de mettre ses enfants en possession de la nue-propriété soit de
ces actions, soit d'autres titres démembrés acquis en remploi, comme stipulé dans
les actes de donation, mais seulement de constituer à leur profit une simple
créance de restitution, au demeurant non assortie d'une garantie.
La cour a pu déduire de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés sans les
dénaturer, que l'administration, à laquelle incombait la charge de la preuve en raison
de l'avis défavorable du comité de l'abus de droit fiscal, démontrait que la donation
de la nue-propriété des actions aux enfants ne pouvait pas être regardée comme
ayant été irrévocablement consentie et qu'en raison du caractère fictif de cette
donation celle-ci ne lui était pas opposable en application de l'article L 64 du LPF. »
CE 14 octobre 2015 n° 374440, 3e et 8e s.-s., RJF 1/16 n° 40 avec concl. E. CortotBoucher (C 40)
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IV. Le point sur le démembrement de propriété
« qu'après avoir exactement retenu que l'usufruit que les donateurs s'étaient réservé sur
les parts de la SCTF dépendait de la communauté conjugale, la cour d'appel en a déduit,
à bon droit, que cet usufruit subsistait et continuait de grever l'intégralité des biens
objets de la donation, soit chacune des 268 532 parts de la SCTF ; que le moyen n'est pas
fondé ; »
C. Cass. 1ère civ., 11 Mai 2016, n° 14-28.321, JurisData n° 2016-008863
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Formule 1 - Clause de réversion d'usufruit
« I. - Usufruit en premier
M.... (ou : Mme) et Mme (ou : M.)... constituent un usufruit sur le bien
donné. Il est créé sur la tête de chaque donateur.
Par l'effet du présent acte, les donateurs auront l'usage et la jouissance
exclusive dudit bien.
L'usufruit prendra fin en son entier au moment du prédécès d'un époux.
II. - Usufruit en second
M.... (ou: Mme) et Mme (ou : M.) constituent au profit de l'autre un
usufruit en second portant sur l'entier bien donné.
Chacun d'eux, après y avoir consenti, accepte expressément cette
libéralité.
L'usufruit en second s'ouvrira au moment du prédécès d'un époux au profit
du survivant d'eux. Il s'exercera à la suite de l'extinction de l'usufruit en
premier constitué ci-avant lequel prendra fin en son entier au moment du
prédécès d'un époux.
III. - Situation du donataire au cours de l'exécution de l'usufruit en premier
et en second
La propriété transmise au donataire ne sera libérée des charges réelles que
représentent les usufruits en premiers et en second qu'au décès du
survivant de ses père et mère, codonateur aux présentes. De sorte qu'il
n'en aura la jouissance que par l'extinction du droit du dernier appelé. À
cette dernière date, la jouissance du donataire s'exercera, soit par la
perception des loyers si le bien est loué, soit par la prise de possession
réelle s'il est libre de location et occupation.
IV. - Droits et obligations des usufruitiers et du nu-propriétaire au cours du
démembrement
...
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L'acte de donation rappellera les droits et obligations des parties en ce qui
concerne l'entretien et la conservation des biens et les modulera selon
chaque espèce (V.JCl. Notarial Formulaire, V° Usufruit, fasc. 30, n° 174 à
188, par J.-Fr. Pillebout). Il peut également être utile de prévoir la
possibilité pour le nu-propriétaire de faire des travaux d'amélioration
malgré la gêne qui peut en résulter pour l'usufruitier (V. JCl. Notarial
Formulaire, V° Usufruit, fasc. 30, n° 155 et 156, par J.-Fr. Pillebout) ou
encore de préciser qui supporte les travaux et grosses réparations
prévisibles (V.JCl. Notarial Formulaire, V° Usufruit, fasc. 30, n° 157 à 164,
par J.-Fr. Pillebout).
Formule 2 - Clause de préciput ayant pour objet l'usufruit réservé
Clause de préciput
Dans le cas où le régime le régime matrimonial serait dissous par le décès
de l'un des époux, le survivant sera attributaire, avant tout partage et à
titre de préciput, de l'usufruit commun grevant l'immeuble d'habitation sis
à... (compléter la désignation du bien) qui a été constitué aux termes d'un
acte dressé par Me..., le..., publié au fichier immobilier..., contenant
donation par les époux au profit de leur(s) enfant(s).
Le survivant des époux peut renoncer au bénéfice de cette clause tant que
le partage n'a pas eu lieu.
F. Collard, a stipulation d'une clause de « réversion d'usufruit » en
présence d'une donation de biens communs, JCP éd. N 2016, 1206.
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Cas pratique n°1
Le 20 février 2016, M. Duval, séparé de biens âgé de 79 ans a donné à son
petit fils Charles la nue-propriété d’un studio situé à Lille, d’une valeur de
120 000 € en s’en réservant l’usufruit viager.
Aux termes de l’acte le donateur prend en charge les droits, de donation
dus par le donataire.
M. Duval est décédé le 5 mai 2016, laissant pour lui succéder :
 Céline, son épouse séparée de biens, usufruitière légale des biens
dépendant de la succession.
 Alice sa fille
 Bertrand, son fils, père de Charles
Questions

Le bien donné à Charles rentre-t-il dans le champ d’application de la présomption
de propriété énoncée par l’article 751 du C.G.I ?

La présomption de propriété est-elle applicable ?

Comment les droits dus le cas échéant en vertu de la présomption sont ils calculés ?

Quid si aux termes de l’acte de donation, l’usufruit avait été stipulé réversible sur la
tête de Mme Duval, l’épouse du donateur ?

Quelle conclusion en tirez-vous ?
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Référence documentaire
« Est réputé, au point de vue fiscal, faire partie, jusqu'à preuve contraire, de la
succession de l'usufruitier, toute valeur mobilière, tout bien meuble ou
immeuble appartenant, pour l'usufruit, au défunt et, pour la nue-propriété, à
l'un de ses présomptifs héritiers ou descendants d'eux, même exclu par
testament ou à ses donataires ou légataires institués, même par testament
postérieur, ou à des personnes interposées, à moins qu'il y ait eu donation
régulière et que cette donation, si elle n'est pas constatée dans un contrat de
mariage, ait été consentie plus de trois mois avant le décès ou qu'il y ait eu
démembrement de propriété effectué à titre gratuit, réalisé plus de trois mois
avant le décès, constaté par acte authentique et pour lequel la valeur de la
nue-propriété a été déterminée selon le barème prévu à l'article 669.
La preuve contraire peut notamment résulter d'une donation des deniers
constatée par un acte ayant date certaine, quel qu'en soit l'auteur, en vue de
financer, plus de trois mois avant le décès, l'acquisition de tout ou partie de la
nue-propriété d'un bien, sous réserve de justifier de l'origine des deniers dans
l'acte en constatant l'emploi.
Sont réputées personnes interposées les personnes désignées dans les articles
911, deuxième alinéa, et 1100 du code civil.
Toutefois, si la nue-propriété provient à l'héritier, au donataire, au légataire ou
à la personne interposée d'une vente ou d'une donation à lui consentie par le
défunt, les droits de mutation acquittés par le nu-propriétaire et dont il est
justifié sont imputés sur l'impôt de transmission par décès exigible à raison de
l'incorporation des biens dans la succession. »
C.G.I, article 751
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« Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Paris, du 17 septembre 2010 ), que par acte du
16 octobre 2002, Ginda X..., décédée le 9 décembre suivant, a fait donation entre
vifs, à titre de partage anticipé, à ses trois enfants, de la nue-propriété de cent
cinquante parts qu'elle possédait dans une SCI ; qu'après dépôt de la déclaration
de succession et perception des droits, l'administration fiscale, se prévalant de
l'article 751 du code général des impôts, a adressé aux héritiers une proposition
de rectification par laquelle elle entendait rejeter du passif successoral la soulte
de la donation-partage ; qu'après le rejet de ses contestations, M. X..., héritier, a
saisi le tribunal de grande instance aux fins d'obtenir l'annulation de la procédure
et de la décision de rejet du 25 octobre 2006 ;
Attendu que le directeur des services fiscaux de Paris fait grief à l'arrêt d'avoir
jugé mal fondé le redressement, alors, selon le moyen, que s'il est constant que la
preuve contraire de la présomption de fictivité instituée par l'article 751 du code
général des impôts ne peut résulter de l'acte établi moins de trois mois avant le
décès, cette preuve peut néanmoins être apportée par la démonstration du
caractère parfait de la donation plus de trois mois avant ledit décès ; qu'en
l'espèce en s'appuyant sur des attestations portant sur la période comprise dans
les trois mois précédant le décès et sans rapport avec la donation, la cour a privé
sa décision de base légale au regard de l'article 751 du code général des impôts ;
Mais attendu, selon l'article 751 du code général des impôts, dans sa rédaction
applicable au litige, qu'est réputé, jusqu'à preuve contraire, faire partie de la
succession de l'usufruitier tout bien meuble ou immeuble appartenant pour
l'usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l'un de ses présomptifs héritiers ou
descendants d'eux, à moins qu'il y ait eu donation régulière et que cette
donation, si elle n'est pas constatée dans un contrat de mariage, ait été consentie
plus de trois mois avant le décès ; qu'il s'ensuit que, lorsque la donation a été
consentie moins de trois mois avant le décès, il incombe aux héritiers de
rapporter la preuve de la sincérité de la donation ; qu'ayant relevé que M. X...
produisait une attestation établie par le médecin traitant de sa mère d'où il
résultait qu'elle était en bonne santé début octobre 2002, ainsi que deux autres
rédigées par des personnes l'ayant rencontrée peu de temps avant son décès qui
confirmaient cet état et témoignaient du caractère soudain et surprenant de
celui-ci, et que la donation s'inscrivait dans la continuité d'une précédente
donation consentie en 1998, en des termes identiques, en faveur des mêmes
bénéficiaires, la cour d'appel, qui a souverainement estimé que ces éléments
suffisaient à démontrer la sincérité de la donation litigieuse, a légalement
justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission
du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; »
C. cass. Com. 17 Janvier 2012 n° 10-27.185
27
« la Cour de cassation a estimé que l'attestation établie par le médecin traitant de
l'usufruitière d'où il résultait qu'elle était en bonne santé début octobre 2002, ainsi
que deux autres rédigées par des personnes l'ayant rencontrée peu de temps avant
son décès qui confirmaient cet état et témoignaient du caractère soudain et
surprenant de celui-ci, et que la donation s'inscrivait dans la continuité d'une
précédente donation consentie en 1998, en des termes identiques, en faveur des
mêmes bénéficiaires, suffisaient à démontrer la sincérité de la donation litigieuse
(Cass. com. 17 janvier 2012, pourvoi n°10-27185). »
BOI-ENR-DMTG-10-10-40-10, n°290 actualisé le 11 janvier 2013
« Lorsque deux époux (...) ont fait donation à leurs enfants de divers biens dont ils
ont réservé l’usufruit à leur profit et au profit du survivant, si l’un d’eux décède
moins de trois mois après la donation, les biens donnés par le de cujus doivent,
sauf preuve contraire être compris pour la toute propriété dans la succession, en
vertu de la présomption édictée par l’art. 751 du C.G.I.
L’épouse survivante étant redevable des droits de mutation par décès sur la
valeur de l’usufruit des ces biens recueillis en vertu de la réversion stipulée dans
l’acte de donation-partage, les droits à la charge des enfants ne doivent être
liquidés, en ce qui concerne ces biens que sur la valeur de la nue-propriété »
Rép. Min. JO AN 21 décembre 1949, p. 7060, JCP. Ed. N 1950, IV, p. 862 non
reprise dans Bofip impôts
28
Cas pratique n° 2
Monsieur Dupont, âgé de 42 ans, désire acquérir la nue-propriété d’un
immeuble, sa mère âgée de 69 ans, faisant l’acquisition de l’usufruit
viager.
Questions

Comment la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété peut-elle être
fixée ?

Quels sont les risques de l’opération, et les précautions à prendre ?

L’acquisition de la nue-propriété peut-elle être financée au moyen d’une donation
de somme d’argent que lui consentirait sa mère usufruitière ?
29
Cas pratique n° 3
M. Durand est décédé le 3 décembre 2015. Il laisse à sa survivance ses
deux enfants, Alain, âgé de 58 ans célibataire sans enfants et Bernard,
ayant lui même trois enfants.
Alain qui n’a pas de descendance directe est soucieux qu’à son décès, ses
biens et particulièrement ceux qu’il recueille dans la succession de son
père reviennent à son frère ou à ses neveux et nièces sans encourir une
taxation qu’il sait très lourde entre collatéraux. Bernard dont la situation
financière est confortable est davantage soucieux des intérêts de ses
enfants que des siens propres et n’a pas besoin ni des revenus, ni du
capital que représente la succession.
Questions

Quelles solutions permettent de répondre aux souhaits de parties ?

La présomption de propriété énoncée par l’article 751 du C.G.I fait-elle obstacle à la
réalisation de ce projet ?

Comment évaluer l’usufruit dans le cadre du partage de succession ?

Quels seraient les droits exigibles ?
30
Référence documentaire
« Est réputé, au point de vue fiscal, faire partie, jusqu'à preuve contraire, de la
succession de l'usufruitier, toute valeur mobilière, tout bien meuble ou
immeuble appartenant, pour l'usufruit, au défunt et, pour la nue-propriété, à
l'un de ses présomptifs héritiers ou descendants d'eux, même exclu par
testament ou à ses donataires ou légataires institués, même par testament
postérieur, ou à des personnes interposées, à moins qu'il y ait eu donation
régulière et que cette donation, si elle n'est pas constatée dans un contrat de
mariage, ait été consentie plus de trois mois avant le décès ou qu'il y ait eu
démembrement de propriété effectué à titre gratuit, réalisé plus de trois mois
avant le décès, constaté par acte authentique et pour lequel la valeur de la
nue-propriété a été déterminée selon le barème prévu à l'article 669.
La preuve contraire peut notamment résulter d'une donation des deniers
constatée par un acte ayant date certaine, quel qu'en soit l'auteur, en vue de
financer, plus de trois mois avant le décès, l'acquisition de tout ou partie de la
nue-propriété d'un bien, sous réserve de justifier de l'origine des deniers dans
l'acte en constatant l'emploi.
Sont réputées personnes interposées les personnes désignées dans les articles
911, deuxième alinéa, et 1100 du code civil.
Toutefois, si la nue-propriété provient à l'héritier, au donataire, au légataire ou
à la personne interposée d'une vente ou d'une donation à lui consentie par le
défunt, les droits de mutation acquittés par le nu-propriétaire et dont il est
justifié sont imputés sur l'impôt de transmission par décès exigible à raison de
l'incorporation des biens dans la succession. »
C.G.I, article 751
« il a été admis que constituait la preuve contraire le fait que :
(…)
- le démembrement résulte d'un partage complet et sincère »
BOI-ENR-DMTG-10-10-40-10, n°290
31
Le démembrement de la clause bénéficiaire
1. Contrats relevant de l’article 757 B du C.G.I
. Conditions d’application
. Assiette des droits
Référence documentaire
« En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et
l'usufruitier sont considérés comme bénéficiaires au prorata de la part leur
revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées, déterminé selon le
barème prévu à l'article 669 du CGI.
L'abattement de 30 500 € (ou une portion de cet abattement, en présence
d'autres bénéficiaires et/ou d'autres contrats) est réparti entre l'usufruitier et
le nu-propriétaire selon le même barème de l'article 669 du CGI. »
BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20, n°225 actualisé le 8 juillet 2013
32
« En cas de pluralité de bénéficiaires, il n’est pas tenu compte de la part
revenant aux personnes précitées [les successeurs exonérés de droits de
succession par la loi TEPA], pour répartir l’abattement de 30.500 € entre les
différents bénéficiaires ».
Instr. 3 décembre 2007 BOI 7 G 7-07 n°125 du 3 décembre 2007, n° 58
BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20, n°220
« Cette mesure de tempérament est étendue à toutes les situations dans
lesquelles un des bénéficiaires est exonéré de droits de mutation pour décès ».
Rép. Min. Le Nay 8 juillet 2008, page 5948
BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20, n°220
33
2. Déduction de la dette de restitution au décès de l’usufruitier
Au décès de l’usufruitier, la dette de restitution à la charge de la succession de
l’usufruitier réduit l’actif successoral taxable
Les textes fiscaux restrictifs pouvant faire obstacle à la déduction
Art. 751 du C.G.I
Art. 773-2° du C.G.I
Référence documentaire
« La prohibition de l'article 773-2° du CGI n'est applicable qu'aux seules dettes
d'origine contractuelle et ne peut viser celles résultant d'un quasi-usufruit qui
trouve sa cause dans la loi »
Cass. com., 4 décembre 1984, n° 9105, X... , RJ p. 45
BOI-ENR-DMTG-10-40-20-20, n° 60
« Dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende
par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l’usufruitier de
droits sociaux s’exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nupropriétaire, sous la forme d’un quasi-usufruit, sur le produit de cette
distribution revenant aux parts sociales grevées d’usufruit. De sorte que
l’usufruitier se trouve tenu, en application du premier des textes susvisés,
d’une dette de restitution exigible au terme de l’usufruit et qui, prenant sa
source dans la loi, est déductible de l’actif successoral lorsque l’usufruit
s’éteint par la mort de l’usufruitier »
Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-16.246, FS-P+B+R+I
34
« Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt de dire que les fonds
provenant de la distribution des réserves constituées par la société Kesa
France doivent bénéficier aux seuls nus-propriétaires et figurer à l’actif de
l’indivision successorale, alors, selon le moyen, que les bénéfices réalisés
par une société participent de la nature des fruits lorsqu’ils ont été
distribués et doivent, dès lors, profiter au seul usufruitier ; qu’après avoir
constaté que les bénéfices mis en réserve avaient été distribués, ce dont
il résultait qu’ils constituaient des fruits devant bénéficier au seul
usufruitier, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations et, partant, a violé l’article 582 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir exactement énoncé que si l’usufruitier a
droit aux bénéfices distribués, il n’a aucun droit sur les bénéfices qui ont
été mis en réserve, lesquels constituent l’accroissement de l’actif social
et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire, la cour d’appel en a
déduit à bon droit que les fonds provenant de la distribution des réserves
constituées par la société Kesa France devaient bénéficier aux seuls nuspropriétaires et figurer à l’actif de l’indivision successorale ; que le moyen
n’est pas fondé ; »
Cass. 1ère civ. 22 juin 2016, n°15-19471 et 15-19516
35
« les dispositions de l’article 587 du Code civil (…) consacrent (…) les effets
civils du quasi-usufruit, mais non les circonstances de la création d’un quasiusufruit qui, seules, influent sur l’analyse de la déductibilité fiscale des dettes »
CA Paris, pôle 05, ch. 07, 25 févr. 2014, n° 2012/23704 : JCP N 2014, n° 11, p.
11, note D. F ; RJF 6/2014, n°637 ; P. Julien Saint-Amand & S. Gonsard, Quasiusufruit et déduction fiscale, la jurisprudence apporte un éclairage, BPAT
Francis Lefebvre 2014-3, n°106, p. 6 et s ; M. Leroy, La créance de restitution
née d’un acte de volonté n’est pas en principe déductible, Gaz. Pal., 17 juin
2014 n° 168 ; P. 36 ; R. Gentilhomme, Quasi-usufruit et distribution de
réserves sociales, Defrénois, 15 juillet 2014 n° 13-14, p. 770 ; F. Sauvage et F.
Fruleux, Chronique Droit et fiscalité des successions et libéralités, JCP éd. N
2014, 1300.
« Dès lors qu’il est établi que l’actif de l’indivision post-communautaire s’est
appauvri d fait des prélèvements réalisés par le conjoint survivant, la
circonstance qu’une partie des fonds appréhendés par Mme N. a été utilisée
pour la souscription de contrats d’assurance-vie est inopérante (…) Il s’en
déduit que la circonstance que les héritiers de la défunte aient été en leur
qualité de bénéficiaires des contrats d’assurance-vie réputés avoir eu seuls
droit à partir du jour du contrat, au capital stipulé payable lors du décès de
l’assuré, ne peut avoir pour effet d’éteindre la dette contractée par cette
dernière à l’égard de l’indivision post-communautaire ».
CA Douai, 16 avril 2009, RG 07/06514
« C'est toutefois à juste titre que le jugement retient que le choix de la manière
dont l'usufruitier utilise les fonds dont il a la disposition est indifférent au
principe même de la dette de restitution et que la désignation de son héritier
comme bénéficiaire des contrats ne constitue pas un moyen de paiement
anticipée de la dette de l'usufruitier, étant observé que les sommes acquises par
le bénéficiaire d'une assurance vie font l'objet d'une imposition propre aux termes
de l'article 757 B du code général des impôts. Il convient en conséquence de
confirmer le jugement. »
CA Douai 1ère chambre, section 1, 12 mai 2016, n° 311/2016
36
3. Contrats relevant du prélèvement « spécifique » sur les capitaux (C.G.I,
article 990-I).
Domaine et modalités d'application
». Contrats concernés
». Modalités de taxation
». Incidences de la loi « TEPA »
Règles pénalisantes applicables en cas de démembrement de la clause
bénéficiaire
« En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et
l’usufruitier sont considérés pour l’application du présent article comme
bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou
valeurs versées par l’organisme d’assurance, déterminée selon le barème prévu
à l’article 669. L’abattement prévu au 1° alinéa du présent article est réparti
entre les personnes concernées dans les mêmes proportions ».
C.G.I, art. 990-I al. 3
37
« Attendu que M. L., notaire, a procédé au partage des biens et à la déclaration de la
succession de Jacques M., décédé en laissant pour héritiers, son épouse, née Claude H.,
ses trois enfants vivants, Michel M., Patricia M., épouse D. et Caroline M., épouse D., ainsi
que deux petites filles venant en représentation de leur père, Henry M., fils prédécédé du
défunt ; que, sans que cela soit mentionné dans l'acte de partage, Mme veuve Claude M.
a pris en charge et réglé par l'intermédiaire du notaire l'intégralité des droits de
succession pour un montant de 9 263 002,30 € (…)
; qu'estimant que le paiement de ces droits de succession constituait une libéralité
déguisée au profit de ses enfants, l'administration fiscale a notifié une rectification à
Mme Claude M., qui décédait peu de temps après sa fille Patricia M., épouse D. ; que les
trois filles de cette dernière, (…) ont assigné M. L. et la SCP L. et associés en réparation de
leur préjudice sur le fondement d'un manquement à son obligation de conseil.
Attendu qu’en n'informant pas Mme M. des solutions fiscales régulières au regard de
son intention libérale, dont il n'était pas contesté qu'elles existaient, le notaire, qui a
concouru à la donation déguisée en méconnaissance des dispositions fiscales, a ainsi
exposé les héritières de la donatrice au paiement du redressement et des intérêts de
retard, lequel constitue un préjudice entièrement consommé dont l'évaluation
commande de prendre en compte l'incidence financière des solutions fiscales licitement
envisageables, la cour d'appel a violé le texte susvisé
Par ces motifs : Casse, annule et renvoie. »
Cass. 1ère civ. 9 décembre 2010 n° 09-16.531 (n° 1135 F-PBI)
38
« désormais il convient d’appliquer autant d’abattements qu’il y a de couples «
usufruitier/nu-propriétaire ».
En présence d’une pluralité de nus-propriétaires, chaque nu-propriétaire partage un
abattement avec l’usufruitier en fonction des droits revenant à chacun en application du
barème prévu à l’article 669 précité.
Dans cette situation, l’usufruitier ne peut toutefois bénéficier au total que d’un abattement
maximum de 152 500 € sur l’ensemble des capitaux décès reçus à raison de contrats
d’assurance-vie du chef du décès d’un même assuré.
Lorsque l’un des bénéficiaires mentionnés au contrat est exonéré (par exemple, conjoint
survivant ou partenaire lié au défunt par un PACS), la fraction d’abattement non utilisée par
le bénéficiaire exonéré ne bénéficie pas aux autres bénéficiaires désignés au contrat. »
« si l’usufruitier ou le nu-propriétaire sont également bénéficiaires d’autres contrats
d’assurance-vie souscrits par le même assuré, ils ne pourront bénéficier chacun que d’un
abattement maximum de 152 500 € sur l’ensemble des capitaux décès, incluant leur quotepart de l’abattement réparti selon le barème de l’article 669. Il en va de même lorsque les
capitaux d'un même contrat sont répartis, d'une part, en pleine propriété, d'autre part, en
démembrement de propriété »
BOI-TCAS-AUT-60, n °310
BOI 7 G-2-12 du 20 mars 2012, n°56 et 59
39
V. Assurance-vie : liquidations civiles et fiscales complexes
A. La valeur de rachat des contrats d’assurance-vie non dénoués
Cas pratique n°1
M. Durand est décédé le 13 juin 2016. Il laisse pour lui succéder son
épouse commune en biens usufruitière de la succession et deux enfants
communs.
Mme Durand avait souscrit durant la communauté un contrat
d’assurance-vie au moyen de fonds communs. Ce contrat a été souscrit
en adhésion simple sur sa tête. Il n’est pas dénoué.
•. Questions

Doit-il être tenu compte de la valeur de rachat du contrat souscrit par
Mme Durand et qui n’est pas dénoué dans le cadre de la déclaration
de succession ? Dans l’affirmative, à quel titre ?

Une distinction doit-elle être établie en fonction de l’identité du
bénéficiaire désigné ?

Qu’en est-il sur le plan civil ?

Comment pouvez-vous obtenir communication des informations
relatives à ce contrat ? Est-il possible de consulter le fichier FICOVIE
dans le cadre du règlement de la succession ?
40
Référence documentaire
« Il doit être tenu compte dans les opérations de partage de la valeur du
contrat au jour de la dissolution de la communauté, conformément à l’article
1401 du C. civ. ».
C. cass. 1ère civ. 31 mars 1992, Praslicka, Bull. I, n°95.
« Lorsque les héritiers considèrent que le contrat d’assurance constitue un bien
propre au conjoint survivant, l’administration ne remettra plus en cause les
parts civiles calculées en conséquence au seul motif de la transposition de la
jurisprudence Praslicka. Autrement dit, dans tous les cas l’administration fiscale
se bornera à tirer les conséquences des parts civiles déclarées par les
redevables en ce qui concerne les contrats d’assurance, sans se substituer à
eux dans les actions qui leur seraient personnelles ».
RM Dhersin, Bataille, JOAN 31
BOI 7 G-2-01, n° 21 du 30 janvier 2001.
janvier
et
3
juillet
2000,
« La mise hors de communauté, du strict point de vue fiscal, de la valeur de
rachat des contrats d’assurance-vie constitués par un époux au moyen de
deniers communs n’a pu lieu d’être (…). Conformément à l’article 1401 du Code
civil, (…) la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des
fonds communs fait partie de l’actif de communauté soumis aux droits de
succession dans les conditions de droit commun ».
RM Bacquet JOAN 29 juin 2010, p. 7283.
41
« Depuis 2010, pour un contrat d’assurance vie souscrit dans un couple ayant opté
pour le régime de la communauté, les enfants devaient acquitter des droits de
succession au décès du premier époux, sans pour autant pouvoir bénéficier du
contrat d’assurance vie.
Désormais, le décès du premier époux sera neutre fiscalement pour les successeurs,
notamment les enfants, les conjoints étant déjà exonérés. Ils ne seront imposés sur le
contrat d’assurance vie qu’au décès du second époux et n’auront donc pas à payer de
droits de succession dès le décès du premier époux sur un contrat non dénoué.
Cette mesure bénéficiera à de nombreux épargnants et à leurs successeurs ».
Communiqué de presse de Michel Sapin, Ministre des finances n°594 du 12
janvier 2016 (JCP N 2016, n° 2, act. 154)
Bibl. F. Fruleux, Quelle est la portée de la remise en cause de la doctrine Bacquet
annoncée par le ministre des Finances ? JCP éd. N 2016, n°3, 22 janvier 2016, act.
169.
42
«Les droits de mutation par décès s'appliquent en principe à tous les
biens qui faisaient partie du patrimoine du défunt au jour de son décès,
et qui, par le fait de son décès, sont transmis à ses héritiers, donataires
ou légataires. Conformément à l'article 1401 du code civil, et sous réserve
de l'appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des
contrats d'assurance-vie souscrits avec des fonds communs et non
dénoués lors de la liquidation d'une communauté conjugale à la suite du
décès de l'époux bénéficiaire du contrat, fait partie de l'actif de
communauté. En vertu de l'article 1475 du code civil, l'actif de
communauté se partage ensuite par moitié entre les époux. La réponse
ministérielle dite « Bacquet » no 26231 du 29 juin 2010 a tiré les
conséquences en matière de droit fiscal des règles civiles, en considérant
qu'il convenait d'intégrer à l'actif successoral du défunt soumis aux droits
de mutation par décès la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie
souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la liquidation
de la communauté conjugale à la suite du décès de l'époux bénéficiaire
du contrat. Cela étant, il est apparu que le strict alignement de la règle
fiscale sur la règle civile, sans prise en compte des spécificités juridiques
du contrat d'assurance-vie, conduisait à d'importantes difficultés
pratiques, notamment en présence d'héritiers autres que le conjoint
survivant, lesquels peuvent se retrouver à payer des droits de mutation
calculés sur un actif successoral augmenté du fait de l'augmentation, par
le jeu des règles civiles, de l'actif de communauté. Aussi, afin de garantir
la neutralité fiscale pour l'ensemble des héritiers lors du décès du
premier époux, il est admis, pour les successions ouvertes à compter du
1er janvier 2016, qu'au plan fiscal la valeur de rachat d'un contrat
d'assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date
du décès de l'époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas intégrée à
l'actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue
donc pas un élément de l'actif successoral pour le calcul des droits de
mutation dus par les héritiers de l'époux prédécédé. Lors du dénouement
du contrat suite au décès du second conjoint, les sommes versées aux
bénéficiaires de l'assurance-vie resteront bien évidemment soumises aux
prélèvements prévus, suivant les cas, aux articles 757 B et 990 I du code
général des impôts dans les conditions de droit commun. La position
exprimée dans la réponse ministérielle no 26231 dite « Bacquet » du 29
juin 2010 est donc rapportée pour les successions ouvertes à compter du
1er janvier 2016».
Rép. Min. CIOT, JOAN 23 février 2016, p. 1648.
Bibl : F. Fruleux, Pour une bonne lecture de la remise en cause de la
« doctrine Bacquet », JCP éd. N 2016,1093
43
« La RM Bacquet n°26231, JO AN du 29 juin 2010, p. 7283, qui précisait que la
valeur de rachat des contrats d'assurance-vie souscrits avec des fonds communs
faisait partie de l'actif de communauté soumis aux droits de succession dans les
conditions de droit commun, a été rapportée.
Il est désormais admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier
2016, que la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie, souscrit avec les
deniers communs et non dénoué lors de la liquidation d’une communauté
conjugale à la suite du décès de l’un des époux, n'est pas, au plan fiscal, intégrée
à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ce quelle que soit
la qualité des bénéficiaires désignés. Elle ne constitue donc pas un élément de
l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de
l’époux prédécédé (RM Ciot n°78192, JO AN du 23 février 2016, p. 1648).
Ainsi, en cas de décès n'entraînant pas le dénouement du contrat d'assurancevie, la valeur de rachat du contrat non dénoué souscrit avec des fonds communs
n'est pas soumise aux droits de succession. »
BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20, n°380 actualisé le 31 mai 2016
« Conformément aux termes de la réponse ministérielle dite « Ciot » n° 78192
du 23 février 2016, la réponse ministérielle dite « Bacquet » n° 26231 du 29 juin
2010 est rapportée pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016.
La réponse « Ciot » précitée précise le régime d'imposition désormais
applicable. Il est confirmé que la réponse « Ciot » a une portée exclusivement
fiscale et n'emporte aucune conséquence sur le traitement civil des contrats
d'assurance-vie. Conformément à l'article 1401 du code civil, et sous réserve de
l'appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des contrats
d'assurance-vie souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la
liquidation d'une communauté conjugale à la suite du décès de l'époux
bénéficiaire du contrat constitue, au plan civil, un actif de communauté. »
Rép. Min. Malhuret, JO Sénat 126 mai 2016, p. 2228.
44
« Ayant constaté que le mari, souscripteur des parts sociales acquises
pendant la durée du mariage avait seul la qualité d’associé, la cour
d’appel en a exactement déduit que ces parts n’étaient entrées en
communauté que pour leur valeur patrimoniale et qu’elles ne pouvaient
être qu’attribuées au titulaire des droits sociaux lors du partage »
Cass. 1ère Civ. 4 juillet 2012, n°875
45
"I.-Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l'article L.132-4-1, la
stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à un
bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l'acceptation de celui-ci,
effectuée dans les conditions prévues au II du présent article. Pendant la durée
du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa
faculté de rachat et l'entreprise d'assurance ne peut lui consentir d'avance sans
l'accord du bénéficiaire. Tant que l'acceptation n'a pas eu lieu, le droit de
révoquer cette stipulation n'appartient qu'au stipulant et ne peut être exercé
de son vivant ni par ses créanciers ni par ses représentants légaux. Lorsqu'une
tutelle a été ouverte à l'égard du stipulant, la révocation ne peut intervenir
qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s'il a été
constitué.
Ce droit de révocation ne peut être exercé, après la mort du stipulant, par ses
héritiers, qu'après l'exigibilité de la somme assurée et au plus tôt trois mois
après que le bénéficiaire de l'assurance a été mis en demeure par acte
extrajudiciaire, d'avoir à déclarer s'il accepte.
L'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une
personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du
bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins
que le contraire ne résulte des termes de la stipulation.
II.-Tant que l'assuré et le stipulant sont en vie, l'acceptation est faite par un
avenant signé de l'entreprise d'assurance, du stipulant et du bénéficiaire. Elle
peut également être faite par un acte authentique ou sous seing privé, signé du
stipulant et du bénéficiaire, et n'a alors d'effet à l'égard de l'entreprise
d'assurance que lorsqu'elle lui est notifiée par écrit.
Lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l'acceptation ne
peut intervenir que trente jours au moins à compter du moment où le stipulant
est informé que le contrat d'assurance est conclu.
Après le décès de l'assuré ou du stipulant, l'acceptation est libre."
C. Ass art. L. 132-9
46
B. L’Exagération manifeste des primes
- différence avec la requalification en donation indirecte ou déguisée
- modalités d'appréciation du caractère manifestement exagéré
Appréciation par la jurisprudence
L’exagération manifeste est appréciée au regard d’un faisceau de critères.
Sont en particulier pris en compte :
L’importance du patrimoine du souscripteur ;
ses revenus ;
son train de vie ;
L’utilité que présente pour lui la souscription ;
Les mobiles poursuivis ;
L’âge du souscripteur ;
47
Attention
Contrairement à ce que soutenait une partie de la doctrine, l’utilité de l’opération
pour le souscripteur ne peut pas constituer le seul critère à retenir pour
caractériser ou non l’exagération de la prime.
« Vu l'article L. 132-13 du code des assurances ;
« Attendu qu'il résulte de ce texte que les règles du rapport à succession et celles
de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux
sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient
été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'un tel caractère
s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations
patrimoniale et familiale du souscripteur ;
Attendu que, pour ordonner aux consorts Y... de rapporter à la succession de
Simone Y... une somme de 15 244,90 euros au titre d'une prime d'assurance vie
pour un contrat qui a bénéficié à Guy Y... au décès de sa mère, l'arrêt retient que
ce versement effectué le 21 février 2001, moins d'un an avant le décès de celle-ci,
laquelle était âgée à cette date de 86 ans, ne répondait à aucune utilité d'ordre
patrimonial pour elle, de sorte qu'il convient de considérer qu'il a eu un caractère
manifestement excessif ;
Qu'en se déterminant ainsi, sur la seule appréciation de l'utilité de la
souscription, sans avoir égard à l'ensemble de la situation patrimoniale et à la
situation familiale de la souscriptrice au moment du versement, la simple
constatation de ce que le décès était intervenu moins d'un an après étant sans
portée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; »
Cass. 1ère civ. 4 mars 2015, n°13-23.011, Juris-data 2015-004203
48
- conséquences
 C. cass. 3ème civ. 12 mars 2009
 C. cass. 3 novembre 2011, n°10-21.760, F-D
NB : la jurisprudence est divergence en ce qui concerne le montant à réintégrer :
totalité de la prime exagérée, capital perçu ou seule partie exagérée de la prime.
Conséquences liquidatives : rapport ou réduction
Remarque
Seuls les héritiers peuvent se prévaloir de l’exagération manifeste, pas
l’administration fiscale.
L’administration fiscale peut toutefois tirer les conséquences fiscales résultant de
l’exagération manifeste (indemnité de réduction).
49
Cas pratique n°2
Monsieur DUVAL est décédé le 2 juin 2016. Il laisse deux enfants, Alain et
Bernadette.
Il a souscrit en faveur de cette dernière un contrat d’assurance-vie dont la
prime représente plus de du double de l’actif de succession.
•. Questions
• Cette prime est-elle manifestement exagérée ?
• Dans l’affirmative quelle est la conséquence de l’exagération de la prime
dans le cadre du règlement successoral ?
Bernadette accepterait de renoncer à une partie des capitaux en faveur de
son frère si ce dernier acceptait de renoncer au legs qui lui a été consenti
par le défunt.
• Qu’en pensez-vous ? Quels actes pourraient être établis à cette fin ?
50
Cas pratique n° 3
M. Duranton est décédé ab intestat le 2 juin 2016, laissant pour lui succéder
Alain et Bernard, ses deux fils. L’actif de succession s’élève à 300 000 €.
Le défunt avait souscrit un contrat d’assurance-vie relevant de l’article 757 B
du CGI ayant donné lieu au versement de primes à hauteur de 200 000 €.
Alain est désigné seul bénéficiaire du contrat et a vocation à recevoir un
capital de 250 000 €. Ce point tend les relations entre les deux héritiers,
Bernard envisageant sur les conseils de son avocat de contester le montant
des primes versées sur le fondement de l’article L 132-12 C. Ass.
Pour mettre un terme à ce différend, Alain est prêt à admettre que les primes
sont exagérées à hauteur de 100 000 € et à ce titre sujettes à rapport
conformément à l’article précité.
•. Questions
-
Quelles
seraient
les
conséquences
fiscales
d’une
telle
réintégration ? Quelle est la position de la doctrine administrative ?
- Calculez les droits de succession qui seraient droits exigibles si la
succession était réglée de cette manière.
51
Référence documentaire
« Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un
bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de
l'assuré. Le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa
désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si
son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré. »
C. Ass., art. L 132-12
« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire
déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la
réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.
Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant
à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu
égard à ses facultés. »
C. Ass., art. L 132-13
52
« Vu l'article L. 132-13 du Code des assurances ;
Attendu, selon ce texte, que les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie
ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement
exagéré eu égard aux facultés du souscripteur ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du
versement, au regard de l'âge, ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur
et de l'utilité de ce contrat pour ce dernier ;
Attendu que, pour décider que Mme O. devra rapporter à la succession d'Elie C. la prime d'un
contrat d'assurance-vie d'un montant de 30 489,80 euros qu'il avait versée le 6 mai 1997,
l'arrêt du 21 février 2005 retient que, le 29 mars 1997, date du décès d'Alice M., épouse C.,
l'indivision des époux présentait un solde positif conséquent, à savoir 236 858,48 euros, et que,
trois mois plus tard, la situation patrimoniale du mari ne se présentait plus du tout dans les
mêmes termes puisqu'au 22 juin 1997, l'actif net taxable était réduit à 16 263,88 euros ; qu'il
en déduit qu'au regard de cette situation comptable, la souscription, le 6 mai 1997, d'un
contrat d'assurance-vie sur lequel était versée une prime unique de 30 489,80 euros paraît
disproportionnée et manifestement anormale et qu'au regard de la situation effective du père
et de ses facultés, ce montant de prime paraît manifestement exagéré ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a apprécié le caractère exagéré du versement de la
prime non au moment de son versement, mais au moment du décès du souscripteur, a violé
le texte susvisé ;
Par ces motifs (…) Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a dit que la prime d'un montant
de 30 489,80 euros du contrat d'assurance-vie souscrit par Elie C. au profit de Mme O. sera
rapportée à la succession, l'arrêt rendu le 21 février 2005, entre les parties, par la cour d'appel
de Pau ; »
Cass. 1re civ., 12 nov. 2009, n° 08-20.443 et n° 08-20.541, F-D : JurisData n°
2009-050290
« Attendu que pour condamner Mme B. à payer à M. A. la somme de 50 000
euros, l'arrêt retient qu'au regard de l'âge, ainsi que de la situation
patrimoniale et familiale du souscripteur qu'il analyse, c'est à juste titre que le
tribunal a estimé que la prime de 200 000 euros versée sur le contrat
d'assurance sur la vie était manifestement exagérée au regard des facultés du
souscripteur à hauteur de 50 000 euros, et qu'en conséquence il a condamné
Mme B. à verser cette somme à M. A. ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la libéralité consentie à Mme B.
avait porté atteinte à la réserve héréditaire de M. A., la cour d'appel a violé les
textes susvisés ; »
Cass. 2e civ., 3 nov. 2011, n° 10-21.760, F-D : JurisData n° 2011-024089
53
« Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Rennes, du 7 février 2012 ), que Thérèse X..., veuve Y... est
décédée le 19 septembre 2006 après avoir institué Mme Z..., le 5 mai précédent, comme
bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie ; qu'à la demande de Mme Z..., le capital de ce
contrat a été intégré à l'actif de la succession à partager entre elle, en sa qualité de légataire
universelle, et l'héritière réservataire ; que l'administration fiscale a notifié à Mme Z... une
proposition de rectification, en soutenant qu'elle avait préalablement accepté tacitement le
bénéfice de l'assurance-vie, afin de mettre à sa charge des droits de mutation par décès à
concurrence de la fraction des primes versées par la défunte, après l'âge de soixante-dix ans,
excédant le montant prévu par l' article 757 B du code général des impôts ; qu'après mise en
recouvrement et rejet de sa réclamation amiable, Mme Z... a saisi le tribunal de grande
instance afin d'être déchargée de cette imposition, en faisant valoir qu'elle n'avait pas
accepté le bénéfice du contrat litigieux en raison du caractère manifestement exagéré de la
prime versée, en sorte que, par application de l' article L. 132-13 du code des assurances , le
capital avait été rapporté à la succession ;
Attendu que le directeur général des finances publiques fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné le
dégrèvement des droits de mutation mis à la charge de Mme Z..., alors, selon le moyen, qu'il
résulte des dispositions de l' article L. 132-13 du code des assurances que « le capital ou la
rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux
règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des
héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le
contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu
égard à ses facultés » ; que le caractère excessif des primes versées doit être prouvé par le
jugement d'un tribunal civil saisi de cette demande par les héritiers du contractant ; que
selon la jurisprudence constante, le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie
au moment du versement, au regard de l'âge du souscripteur, de sa situation patrimoniale et
familiale et de l'utilité de la souscription ; qu'en l'espèce, Mme Z... ne rapporte pas la preuve
qu'un tribunal, saisi par les héritiers de Mme Y..., ait statué sur le caractère excessif ou non
des primes ; qu'en affirmant que «la déclaration de succession déposée le même jour
confirme l'intégration du montant de l'assurance-vie en raison du caractère manifestement
exagéré des primes versées par le défunt, reconnu par Mme Z..., dans l'actif successoral»,
sans rechercher si ce caractère exagéré avait été établi par un jugement rendu à la demande
des héritiers de Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 132-13 du code des assurances ;
Mais attendu qu'aucun texte n'impose qu'un jugement, constatant le caractère
manifestement exagéré des sommes versées par le contractant à titre de primes, ait été
préalablement rendu à la demande des héritiers ; que le moyen n'est pas fondé ; »
C. Cass. 10 Décembre 2013, n° 12-22.424, 1189, JurisData : 2013-028639
54
C. Requalification en donation indirecte ou déguisée
- principe : conditions requises pour la requalification
 C. cass. Ch. Mixte 21 décembre 2007, n°06-12769
- Application
C. cass. Com. 26 octobre 2010, n° 09-70927
- conséquences civiles et fiscales de la requalification
55
Cas pratique n° 4
M. Duranton est décédé ab intestat le 10 juin 2016. Il laisse pour lui
succéder Paul et Valérie, son neveu et sa nièce.
L’actif de succession s’élève à 100 000 €. Le 3 mars 2016, M. Duranton a
souscrit un contrat en faveur de ses neveux et nièces sur lequel il a versé
une prime de 200 000 €.
•. Questions

Cette situation présente-t-elle un risque pour les héritiers ?
Lequel ?

Quelle est la position de la jurisprudence fiscale à cet égard ?

Quelle procédure l’administration fiscale peut-elle utiliser ? Avec quelles
conséquences ?

L’administration peut-elle invoquer l’exagération manifeste des primes
(C. Ass. art. L 132-13) ?
56
« Attendu, d’autre part, qu’un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en
donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné
révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ;
que la cour d’appel, qui a retenu que Serge Z... qui se savait, depuis 1993,
atteint d’un cancer et avait souscrit en 1994 et 1995 des contrats dont les
primes correspondaient à 82 % de son patrimoine, avait désigné, trois jours
avant son décès, comme seule bénéficiaire la personne qui était depuis peu sa
légataire universelle, a pu en déduire, en l’absence d’aléa dans les dispositions
prises, le caractère illusoire de la faculté de rachat et l’existence chez
l’intéressé d’une volonté actuelle et irrévocable de se dépouiller ; qu’elle a
exactement décidé que l’opération était assujettie aux droits de mutation à
titre gratuit ; »
C. cass. Ch. Mixte 21 décembre 2007, n°06-12769
57
« Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 10 septembre 2009), qu'à la suite du décès
de M. Bosse, survenu le 27 décembre 1998, et du dépôt d'une déclaration de succession le 30
juin 2000, l'administration fiscale a adressé à sa légataire, Mme Alves, une lettre dans laquelle
elle lui demandait, en application des articles L 10 et L 19 du LPF, de lui faire parvenir des
précisions et éclaircissements, afin de permettre le contrôle intégral de la déclaration de
succession, en répondant à des questions relatives à un compte bancaire dont elle était
titulaire conjointement avec le défunt ainsi que sur des versements ou virements effectués sur
ce compte et sur un livret et portant sur des contrats d'assurances-vie ; que l'administration a
ensuite notifié à Mme Alves une proposition de rectification concernant un rappel des droits de
succession à la suite de la réintégration, dans l'actif successoral, d'un don manuel de 145 000 F
(22 105,11 €) et du montant des trois contrats d'assurance-vie, analysés comme une donation
indirecte ; que sa réclamation ayant été rejetée, Mme Alves a saisi le tribunal de grande
instance aux fins d'entendre prononcer la décharge de l'imposition ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Alves fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la procédure de redressement
relative à un virement de 145 000 F avait été régulière et de l'avoir en conséquence déboutée
de ses demandes tendant à la décharge des impositions litigieuses, alors, selon le moyen :
1° que la notion de caractère non contraignant de la procédure ainsi engagée ne peut se limiter
à une absence de délai de réponse ou d'annonce de sanctions mais doit résulter d'un examen
concret et particulier de la demande de l'administration ; que le manquement au devoir de
loyauté ne pouvait s'apprécier au seul regard des questions posées mais en tenant compte du
contexte général de la demande et, en particulier, de la remarque relative au fait que les
questions posées ne portaient pas sur la situation fiscale personnelle de l'exposante ; qu'ainsi
l'arrêt attaqué viole les dispositions de l'article L 10 du LPF et le principe du respect des droits
de la défense :
2° que ce droit n'aurait pu s'exercer que dans le cadre de l'exercice de son droit de
communication auprès des établissements bancaires teneurs des comptes en cause ; qu'ainsi,
la cour a commis une erreur de droit au regard de l'application de l'article L 19 du LPF ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que, bien que les services fiscaux n'aient pas
explicitement précisé, dans leur demande de renseignements adressée à Mme Alves, que celleci n'avait pas de caractère contraignant, ils n'ont pas fait état d'une obligation de répondre aux
questions posées dans un délai précis et sous peine de sanction en cas de défaut de réponse, ni
manqué à leur devoir de loyauté dès lors qu'ils se sont bornés à lui poser des questions
précises, concrètes, détaillées et dépourvues d'ambiguïté sur des éléments ou événements
datés et décrits avec précision ; qu'il retient que la réponse affirmative apportée par la
contribuable quant à l'existence d'un don n'avait ainsi été ni provoquée, suscitée ou imposée
par l'administration ; que la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la procédure de
redressement était régulière ;
Et attendu, d'autre part, que les dispositions de l article L 19 du LPF, qui permettent à
l'administration fiscale, à l'occasion du contrôle des déclarations de succession, de demander
aux héritiers et autres ayants droit des éclaircissements ou des justifications au sujet des titres,
valeurs et créances non énoncées dans la déclaration et qui sont présumés faire partie de la
succession, ne lui imposent pas de solliciter rétablissement bancaire où sont tenus les comptes
; que l'arrêt relève que l'administration s'est limitée à solliciter auprès des héritiers du défunt la
communication des relevés du compte joint dont il était titulaire avec Mme Alves et dont les
mentions révélaient un virement de 145 000 F au profit du livret au nom de celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
58
Sur le troisième moyen :
Attendu que Mme Alves fait grief à l'arrêt d'avoir considéré qu'elle avait bénéficié, du fait de la
souscription par le de cujus de trois contrats d'assurance-vie dans lesquelles elle était désignée
comme bénéficiaire, d'une donation indirecte, alors, selon le moyen :
1° que faute pour la bénéficiaire d'avoir accepté les trois contrats, celle-ci ne pouvait être
considérée comme ayant bénéficié d'une donation indirecte ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une
violation de l'article 784 du CGI ;
2° que la proposition de rectification était clairement fondée sur l'existence, en l'espèce, d'un
montage ayant eu pour but exclusif d'éluder l'impôt de mutation à titre gratuit de telle sorte
qu'implicitement mais nécessairement le Service avait eu recours, sans le dire, à la procédure
de répression des abus de droit ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation de l'article L 64 du
LPF ;
Mais attendu, d'une part, qu'un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les
circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du
souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ; que la cour d'appel, qui a retenu que M.
Bosse, qui était atteint d'un cancer depuis 1997 au point d'avoir cessé ses activités
professionnelles à la fin du mois de février 1998, a souscrit en mars 1998 les trois contrats
d'assurance-vie dans lesquels Mme Alves était désignée comme bénéficiaire, et est décédé fin
décembre 1998 à la suite de l'aggravation régulière de son état, a pu en déduire l'absence
d'aléa au moment de la souscription des contrats ainsi que le caractère illusoire de la faculté
de rachat et la volonté actuelle et irrévocable du souscripteur de se dépouiller au profit de
Mme Alves ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que les services fiscaux avaient seulement constaté
que, sans simulation, les contrats d'assurances-vie revêtaient accessoirement et indirectement
le caractère de libéralité, l'arrêt en a justement déduit que l'administration n'avait pas à mettre
en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L 64 du LPF ;
D'ou il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi. »
Cass. com. 26 octobre 2010 n° 09-70.927 (n° 1063 F-D), RJF 2/2011, n°245
59
D. Le nantissement du contrat d’assurance-vie
Cas pratique n°5
Monsieur DUVAL marié sans contrat en 1987 a souscrit un contrat
d’assurance-vie « mixte ».
Il l’a donné en nantissement, à titre de garantie d’un emprunt contracté
dans le cadre de son activité professionnelle.
Il est décédé le 5 juin 2016.
•. Questions
• Le nantissement est-il valable ? A quelle condition ?
• Exerce-t-il une influence sur le plan civil ou fiscal en ce qui concerne les
droits du bénéficiaire et le règlement de la succession ?
60
« Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des
biens de la communauté.
Ils ne peuvent non plus, l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie
de la dette d'un tiers. »
C. Civ. art. 1422 modifié par l’art. 50 de l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars
2006 sur les sûretés (JORF 24 mars 2006).
« Attendu qu'en 1993, M. D., marié sous le régime légal, a crée la société
International Foods Partners (la société IFP) et a ouvert un compte courant
dans les livres de la société Crédit industriel de l'Ouest (le CIO) ; que, le 26
novembre 1993, il s'est porté caution envers le CIO de tous les engagements de
la société IFP ; que, le 12 septembre 1997, le CIO a consenti à la société IFP un
prêt destiné au rachat du compte courant de M. D., qui s'est engagé à nantir
des produits de capitalisation de même montant que l'emprunt ; que, les 12
septembre 1997 et 19 janvier 2001, il a nanti deux contrats d'assurance-vie au
profit du CIO ; que, le 30 juin 2002, la société IFP a émis au profit du CIO un
billet à ordre qui a été avalisé par M. D. ; que, le 15 janvier 2003, la société IFP
a été placée en liquidation judiciaire ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident de M. D. :
Attendu que M. D. fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer
diverses sommes au CIO ;
Attendu, d'une part, contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel
n'a pas constaté que le CIO n'avait pas informé annuellement M. D. du montant
de son engagement d'avaliste, de manière distincte du montant de son
engagement de caution ;
Attendu, d'autre part, qu'en énonçant que M. D. ne pouvait en tout état de
cause ignorer qu'outre son engagement de caution, il était également engagé
envers le CIO au titre de l'aval du billet à ordre et que donc ses engagements
étaient cumulatifs, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument
omise, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et qui
n'est pas fondé en sa seconde, ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du CIO :
Vu l'article 1415 du Code civil ;
61
Attendu que, pour débouter le CIO de sa demande d'attribution des contrats
d'assurance-vie nantis à son profit par M. D., l'arrêt attaqué énonce que le
nantissement constitué par un tiers pour le débiteur est un cautionnement réel
auquel l'article 1415 du Code civil est applicable, de sorte que M. D. ne pouvait
donner en nantissement, sans l'accord exprès de son épouse, les contrats
d'assurance-vie qui ont été alimentés par des deniers communs ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'une sûreté réelle consentie pour
garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire
l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors un cautionnement, lequel ne se
présume pas, d'autre part, que l'article 1422, alinéa 2, du Code civil, issu de
l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, n'a pas un caractère interprétatif
et n'est pas immédiatement applicable aux contrats en cours, la cour d'appel
a violé le texte susvisé, par fausse application ;
Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté le CIO de sa demande
d'attribution des contrats d'assurance-vie nantis à son profit par M. D., l'arrêt
rendu le 7 octobre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; (...). »
Cass. 1ère civ., 20 févr. 2007, n° 06-10.217, F-P+B, Juris-Data n° 2007-037460
« La police d'assurance peut être donnée en nantissement soit par avenant,
soit par acte soumis aux formalités des articles 2355 à 2366 du code civil.
Quand l'acceptation du bénéficiaire est antérieure au nantissement, ce dernier
est subordonné à l'accord du bénéficiaire.
Quand l'acceptation du bénéficiaire est postérieure au nantissement, celle-ci
est sans effet à l'égard des droits du créancier nanti.
Sauf clause contraire, le créancier nanti peut provoquer le rachat nonobstant
l'acceptation du bénéficiaire. »
C. Ass., art. L 132-10
« Lorsque l'assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d'un
bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la
succession du contractant »
C. Ass., art. L 132-11
62
« Mais attendu que l'arrêt retient que la suspension de la désignation initiale
des bénéficiaires du contrat d'assurance sur la vie, par une clause de
l'avenant de mise en gage de ce contrat, rendait nécessairement inapplicables
les dispositions de l'article L. 132-12 du code des assurances au versement
des fonds à la banque en application de cet avenant, la banque, créancier
gagiste, n'ayant en effet, nonobstant cette clause, pas été instituée pour
autant comme bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie à la place des
héritières de Christiane X..., veuve Y...;
Que de ces seules constatations et énonciations, l'arrêt a exactement déduit
que par suite du gage et pendant la durée de la suspension de la désignation
des bénéficiaires, l'administration fiscale était en droit d'opposer aux
héritières de Chritiane X..., veuve Y..., les dispositions de l'article L. 132-11 du
code des assurances selon lequel lorsque l'assurance en cas de décès a été
conclue sans désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font
partie du patrimoine ou de la succession du contractant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres branches du moyen ne sont pas de nature à
permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
C. Cass 2ème civ., 9 février 2012, n° de pourvoi: 11-12109, inédit
« La Haute Cour a considéré que par suite du gage du contrat d'assurance vie,
en garantie d'un prêt bancaire, et pendant la durée de suspension de la
désignation des bénéficiaires, le capital ou la rente garantis font partie du
patrimoine de la succession du contractant en application de l'article L. 132-11
du Code des assurances. Lorsqu'une assurance en cas de décès a été conclue
sans désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du
patrimoine ou de la succession du contractant (C. assur., art. L. 132-11).
De la même façon, le nantissement du contrat d'assurance sur la vie et la
clause de l'avenant à ce contrat prévoyant la suspension de la désignation
initiale des bénéficiaires au profit du créancier nanti permet de considérer
que le contrat a été conclu sans désignation d'un bénéficiaire. »
BOI-ENR-DTMG, 10-10-20-20, n° 35, modifié le 20 décembre 2012
63
E. La désignation testamentaire du bénéficiaire, le legs du contrat
Cas pratique n°6
Mme Lacourt vient vous consulter.
Veuve et sans descendance, elle vous remet le testament qu’elle a rédigé
en faveur de ses seuls héritiers, Alain enfant unique de sa sœur
prédécédée et Bernard, fils unique de son frère également prédécédé.
Le testament est ainsi rédigé comme suit : « J’institue comme légataires
universels chacun pour moitié de ma succession Alice et Bernard, mes
neveux.
Je lègue à titre particulier à Alice mon portefeuille de valeurs mobilières
détenu auprès de la banque « X » et à Bernard le contrat d’assurance-vie
souscrit auprès de la compagnie « Y»
•. Questions
Qu’en pensez-vous ?
Quels conseils pouvez-vous délivrer à Mme Lacourt ?
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Référence documentaire
« Le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de
l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la
stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou
plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment
définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de
l'exigibilité du capital ou de la rente garantis.
Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation
comme bénéficiaires des personnes suivantes :
-les enfants nés ou à naître du contractant, de l'assuré ou de toute autre
personne désignée ;
-les héritiers ou ayants droit de l'assuré ou d'un bénéficiaire prédécédé.
L'assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité
au moment de l'exigibilité.
Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en
proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de
renonciation à la succession.
En l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut
d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un
bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou
cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de
l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette
substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en
remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par
voie testamentaire.
Lorsque l'assureur est informé du décès de l'assuré, l'assureur est tenu de
rechercher le bénéficiaire, et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la
stipulation effectuée à son profit. »
C. Ass., art. L 132-8
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« Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Jean-José Y..., veuf de Jacqueline B..., est
décédé le 26 février 2007, en laissant trois enfants pour lui succéder,
Catherine, épouse X..., Véronique, épouse Z..., et Sylvie, épouse A... et en
l’état d’un testament olographe aux termes duquel il a déclaré léguer le
capital d’un contrat d’assurance-vie à Mme X... et aux deux enfants de cellesci, Carl et Florian (consorts X...) ; que Mmes Z... et A... ont assigné les consorts
X... en liquidation et partage de la communauté et des successions de
Jacqueline B... et de Jean-José Y... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt d’ordonner le séquestre du
capital d’assurance-vie, alors, selon le moyen, qu’il résulte des articles L.132-8
et L.132-12 du code des assurances que le capital stipulé payable lors du
décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ne fait pas partie de la
succession de l’assuré, que le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la
date de sa désignation, laquelle peut être faite par testament, est réputé y
avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, si bien qu’en retenant que le
capital du contrat d’assurance-vie ASAC constituait une libéralité en raison de
la désignation des bénéficiaires par voie testamentaire, la cour d’appel a violé,
par refus d’application, les textes précités ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que le testament énonce que le défunt
déclare léguer le capital du contrat d’assurance-vie à sa fille Catherine et aux
deux enfants de celle-ci, c’est par une appréciation souveraine de sa volonté
que la cour d’appel a admis que le souscripteur avait entendu inclure ce
capital dans sa succession et en gratifier les bénéficiaires désignés ; que le
moyen n’est pas fondé »
C. Cass. 1ère civ. 10 octobre 2012, n°11-17.891
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VI. Le tarif des droits de succession
« Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n'est pas tenu compte
du lien de parenté résultant de l'adoption simple.
Cette disposition n'est pas applicable aux transmissions entrant dans les prévisions
de l'alinéa 1er de l'article 368-1 du code civil, ainsi qu'à celles faites en faveur :
1° D'enfants issus d'un premier mariage du conjoint de l'adoptant;
2° De pupilles de l'Etat ou de la Nation ainsi que d'orphelins d'un père mort pour la
France;
3° D'adoptés mineurs au moment du décès de l'adoptant ;
3° bis D'adoptés majeurs au moment du décès de l'adoptant qui, soit dans leur
minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et
pendant dix ans au moins, auront reçu de l'adoptant des secours et des soins non
interrompus au titre d'une prise en charge continue et principale
4° D'adoptés dont le ou les adoptants ont perdu, morts pour la France, tous leurs
descendants en ligne directe;
5° D'adoptés dont les liens de parenté avec la famille naturelle ont été déclarés
rompus par le tribunal saisi de la requête en adoption, sous le régime antérieur à
l'entrée en vigueur de la loi n° 66-500 du 11 juillet 1966;
6° Des successibles en ligne directe descendante des personnes visées aux 1° à 5°;
7° D'adoptés, anciens déportés politiques ou enfants de déportés n'ayant pas de
famille naturelle en ligne directe. »
CGI, art. 786
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