Vade-mecum en droit des associations

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Vade-mecum en droit des associations
J uridique
Inflation des textes législatifs et réglementaires, évolution et revirement
jurisprudentiels, droit commun et spécificités… La vie d’une association n’est pas
un long fleuve tranquille. À ces difficultés d’ordre purement juridique, s’ajoutent
un certain nombre d’idées reçues et de stéréotypes qui perdurent et viennent parfois
biaiser l’appréhension qu’ont les dirigeants du fonctionnement et de l’organisation de
l’association. Voici donc le « top ten » des idées reçues en matière de réglementation.
> PIERRE FADEUILHE*
1.
« Il faut au moins trois personnes
pour constituer une association ! »
FAUX. Une association est avant tout un contrat par
lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou
leur activité, dans un but autre que de partager les bénéfices. La présence de deux personnes (physiques ou
morales) suffit donc pour créer une association. L’idée
selon laquelle il faudrait obligatoirement un président,
un trésorier et un secrétaire est fausse. Il ne s’agit que
d’une possibilité offerte aux fondateurs de la structure.
L’alinéa 2 de l’article 5 de la loi de 1901 impose uniquement de faire connaître les noms, professions,
domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l’administration et de la gestion
de l’association. Par conséquent, si l’association ne
comprend que très peu de membres, l’organisation
susceptible d’être mise en place peut ne comprendre
qu’un président pour la représenter et la diriger.
2. « Une association ne peut pas faire
tion peut clairement indiquer dans ses statuts qu’elle
exercera une activité lucrative, éventuellement imposable, en faisant payer ses biens ou ses services avec
l’intention d’en dégager un profit, sans que soit remise
en cause sa qualification d’organisme à but non lucratif 1. Il faut pour cela qu’il n’y ait pas de partage des
bénéfices réalisés entre ses membres, autrement dit
d’enrichissement individuel de ces derniers.
L’excédent d’exploitation, expression plus adéquate
que celle de « bénéfice », peut ainsi servir à constituer
des réserves de sécurité pour l’association ou à faire
des placements financiers. Cette pratique qui favorise
la pérennité de l’activité, et par là même de la structure, ne remet pas en cause le caractère désintéressé de
la gestion d’une association.
3. « La loi du 1 juillet 1901 prévoit un
er
mode de fonctionnement et d’organisation précis de l’association ! »
FAUX. Une association régie par la loi du 1er juillet
1901 se distingue d’une entreprise constituée sous
forme de société notamment sur la question du but
recherché. Ce dernier doit être autre que le partage des
bénéfices réalisés par l’association. Cette règle est
assez souvent source de confusion : le fait de réaliser
des bénéfices et le fait de les partager entre les membres sont mis sur un même plan. Or ce n’est pas parce
qu’une association cherche à faire des bénéfices
qu’elle sera considérée comme lucrative. Une associa-
FAUX. L’une des grandes originalités des dispositions
de la loi du 1er juillet 1901 et son décret d’application
du 16 août 1901 est que ces deux textes laissent aux
rédacteurs des statuts une très grande liberté dans
l’organisation et le fonctionnement de l’association 2 :
– aucun texte n’exige un quorum, c’est-à-dire un nombre minimum de membres présents ou représentés,
pour que l’assemblée générale, ordinaire et/ou extraordinaire, le conseil d’administration et le bureau puissent valablement délibérer. En conséquence, sauf précisions contraires dans les statuts, une décision peut
être prise par un faible pourcentage de membres et
s’imposer par la suite à l’ensemble des adhérents de
l’association ;
* Maître de conférences à l’université de Perpignan, chercheur au Lirhe (université de
Toulouse 1 / Cnrs).
1. Voir notamment JA no 371/2008, p. 12.
2. Voir JA no 336/2006, p. 12.
de bénéfices ! »
no 376 - 1er avril 2008
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4. « Une association, cela ne se gère pas
comme une société ! »
est allée jusqu’à assimiler les pouvoirs d’un président
d’association à ceux d’un directeur général de société :
dans le silence des statuts, il entre dans les pouvoirs du
président de prendre, au nom et dans l’intérêt d’une
association, à titre conservatoire et dans l’attente de la
décision de l’organe statutairement habilité, les mesures urgentes que requièrent les circonstances.
5. « Un membre du conseil d’adminis-
tration et/ou du bureau doit être obligatoirement adhérent de l’association ! »
FAUX. À l’inverse de certaines sociétés commerciales
(la société anonyme notamment) pour lesquelles seuls
les détenteurs d’actions peuvent en devenir des administrateurs, en droit des associations, cette exigence
n’existe pas. Par conséquent, les administrateurs peuvent être soit des membres de l’association, soit des
tiers. Le recours à cette formule peut être judicieux lorsqu’une association souhaite faire une distinction entre
les membres dits « actifs » et les personnes extérieures
qui apportent leur soutien à la structure sans toutefois
souhaiter en faire officiellement partie. Suivant les cas,
les statuts de l’association peuvent leur conférer une
voix délibérative ou consultative lors des délibérations
de l’organe de direction auquel ils appartiennent.
Cette règle ne s’applique toutefois pas à toutes les
associations. Dans certaines d’entre elles, dont différents éléments de leur réglementation ont été adoptés
postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du
1er juillet 1901, les dirigeants de l’association sont
tenus d’en être membres. Tel est par exemple le cas
des associations agréées de pêche et de pisciculture ou
celles qui émettent des obligations.
FAUX. Cette affirmation est contestable à double titre.
Tout d’abord parce qu’une association jouit de la personnalité juridique et, tout comme une société, doit
être gérée dans le respect de ses statuts ; à défaut, la
responsabilité civile de ses dirigeants pourra être engagée. Ensuite, depuis quelques années, la Cour de cassation a tendance à transposer à l’association certaines
règles écrites pour les sociétés. Certes, il ne s’agit que
de règles techniques ne remettant pas en cause les principes du droit associatif, mais progressivement un
rapprochement est en train de s’opérer. Un arrêt rendu
le 3 mai 2006 par la première chambre civile de la
Cour de cassation est, à ce titre, explicite 3. Il affirme
que les dispositions du code civil, et à défaut du code
du commerce régissant les sociétés, présentent une
vocation subsidiaire d’application dans le silence des
textes et des statuts relatifs au fonctionnement des
associations. Dans cette affaire, la Cour de cassation
FAUX. Cette affirmation a pendant longtemps été la
règle : les dirigeants d’une association (président, trésorier, secrétaire…) ne devaient pas être rémunérés
pour leurs fonctions mais seulement remboursés de
leurs frais engagés, le caractère désintéressé de la gestion de l’association étant l’un des critères de nonlucrativité exigé par l’administration fiscale. Mais
cette règle fait aujourd’hui l’objet de deux exceptions
notables 4. Il existe tout d’abord une tolérance administrative, applicable à l’ensemble des associations, qui
admet, dans certaines limites, le principe de la rému-
3. Cass. 1re civ. no 03-18.229 ; voir JA no 340/2006, p. 3 et 11.
4. Voir JA no 355/2007, p. 12.
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6. « Un dirigeant d’association doit
obligatoirement exercer ses fonctions à
titre gratuit ! »
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– aucun texte n’exige l’existence d’un conseil d’administration et/ou d’un bureau. La loi de 1901 impose
uniquement de faire connaître les personnes qui, à un
titre quelconque, sont chargées de l’administration ou
de la direction de l’association. Ce sont donc les statuts
qui fixent librement les règles applicables aux fonctions des dirigeants et les pouvoirs qu’ils exercent. Une
seule contrainte doit être respectée : l’association doit
être dotée d’un représentant personne physique ;
– aucun texte ne subordonne l’adhésion à l’association
au paiement d’une cotisation. Si l’article 6-1 de la loi
du 1er juillet 1901 permet à toute association régulièrement déclarée de percevoir et d’administrer sans
autorisation spéciale des cotisations de ses membres,
aucune disposition légale ne l’oblige à en percevoir
une. La cotisation ne peut donc être imposée aux
membres que si elle a été prévue par les statuts. Si tel
est le cas, le non-respect de cette obligation est de
nature à remettre en cause l’appartenance à l’association. Encore faut-il que les statuts indiquent avec
précision que le non-respect de cette obligation
entraîne la perte de la qualité de membre. À défaut, il
n’y a pas de caractère d’automaticité. Cela veut dire
que le non-versement de la cotisation oblige l’association à demander en justice soit l’exécution forcée
du paiement, soit la résolution de l’adhésion !
Ces différentes exigences se retrouvent néanmoins
dans certains types d’associations pour lesquelles les
pouvoirs publics ont instauré des règles dérogatoires.
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7.
« Tout adhérent est responsable des
dettes en cas de défaillance de l’association ! »
FAUX. Quand on s’interroge sur la responsabilité des
membres d’une association, il faut distinguer deux hypothèses. C’est ainsi que, dans le respect des conditions de
droit commun, le membre d’une association engage sa
responsabilité civile lorsqu’il cause par sa faute personnelle un dommage à un autre membre ou à une personne
extérieure à la structure. Les mêmes principes s’appliquent en matière pénale. Un membre engage par exemple sa responsabilité en cas d’infractions commises dans
l’exercice des activités associatives.
La seconde hypothèse a trait aux engagements pris par la
structure envers les personnes extérieures. Dans ce cas,
les membres de l’association ne sont pas tenus de payer
personnellement les dettes de celle-ci, et cela même si
l’association fait l’objet d’une procédure collective.
Cependant, à titre exceptionnel, il se peut qu’une dette de
l’association soit mise à la charge d’un adhérent :
– si les membres se sont personnellement portés caution
des dettes de l’association ;
– si une disposition légale prévoit expressément la
responsabilité des membres vis-à-vis des dettes de
l’association comme c’est le cas pour les groupements d’employeurs. Le dernier alinéa de l’article
L. 127-1 du code du travail prévoit en effet que les
membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l’égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires.
8. « Une association ne peut être propriétaire d’un bien immobilier ! »
FAUX. Si la loi du 1er juillet 1901 repose sur le principe
de l’autonomie de la volonté et la liberté contractuelle,
l’association souffre toutefois d’un certain nombre
d’incapacités concernant son patrimoine, incapacités qui
ne frappent pas les sociétés. Ainsi, une association est
dans l’impossibilité de posséder des immeubles ne correspondant pas à la réalisation de son objet social. Cette
restriction est posée par l’article 6 de la loi du 1er juillet
1901. Une association peut donc accéder à la propriété
immobilière mais dans certaines conditions. Il lui est
ainsi possible d’acquérir le local destiné à l’administration de l’association et à la réunion de ses membres. Il
lui est également possible d’être propriétaire des
immeubles qui sont nécessaires à l’accomplissement du
but qu’elle se propose d’atteindre. Au final, une association ne peut acquérir ou posséder un immeuble dans
le seul but d’en tirer des revenus sous forme de loyers.
Rien ne lui interdit toutefois de louer une partie de l’immeuble qui lui sert de locaux administratifs dès lors que
cette partie ne lui est pas nécessaire 5.
9.
« Les pouvoirs d’un président d’association sont comparables à ceux d’un
président de société anonyme ! »
FAUX. À la différence du président d’une société anonyme, le président d’une association n’est pas le représentant légal de la structure qu’il préside ; il n’en est
qu’un mandataire. Le président d’une association ne
peut donc agir au nom et pour le compte de celle-ci que
si les statuts lui donnent pouvoir à cet effet. C’est ainsi
qu’en l’absence de stipulation statutaire lui conférant ce
pouvoir, le président n’est pas habilité à intenter une
action au nom de l’association devant les tribunaux tant
administratifs que judiciaires. Il appartient à l’assemblée
générale de le mandater lorsque les statuts ne lui confèrent aucun pouvoir particulier, si ce n’est celui de faire
fonctionner l’association en convoquant le conseil d’ad5. Voir JA no 348/2006, p. 13.
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nération des dirigeants : la rémunération brute mensuelle totale (ensemble des rémunérations versées à
quelque titre que ce soit) versée aux dirigeants de droit
ou de fait ne doit pas excéder les trois quarts du Smic.
Ensuite, depuis la loi de finances pour 2002, certains
organismes sans but lucratif peuvent rémunérer un ou
plusieurs de leurs dirigeants sans remettre en cause le
caractère désintéressé de leur gestion. Cette limitation
dépend du montant moyen annuel des ressources de
l’association sur les trois exercices clos précédant
celui au cours duquel la rémunération est versée :
– si le montant annuel de ressources est supérieur à
200 000 euros, l’association peut rémunérer un de
ses dirigeants ;
– si le montant annuel de ressources est supérieur à
500 000 euros, l’association peut rémunérer deux de
ses dirigeants ;
– si le montant annuel de ressources est supérieur à
1 000 000 euros, l’association peut rémunérer trois
de ses dirigeants.
Outre le fait que cette disposition ne s’adresse qu’à des
associations de grande envergure, différentes conditions ont été posées : la transparence financière de la
structure, l’élection régulière et périodique des dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres, l’adéquation de la rémunération aux sujétions
effectivement imposées aux dirigeants rémunérés.
10.
« Les dirigeants, le président en
particulier, sont pénalement responsables
en cas de défaillance de l’association ! »
FAUX. Contrairement à une idée fortement répandue,
les dirigeants d’une association ne sont pas respon6. Voir JA no 375/2008, p. 30.
7. Cass. soc., 29 septembre 2004, no 02-43.771.
sables des dettes de la structure qu’ils dirigent, et
encore moins sur un plan pénal. Certes, il peut arriver que, dans certains cas, ils soient tenus de répondre personnellement des dettes de l’association, mais
encore faut-il qu’un événement particulier se soit
produit pour justifier une telle sanction 8. Un créancier peut ainsi demander à un dirigeant le paiement
de la dette lorsque ce dernier s’est engagé à s’en porter caution. Cette obligation est susceptible de
s’exercer même après la cessation des fonctions de
dirigeant dès lors qu’il n’est pas indiqué de façon
expresse que le cautionnement est lié à l’exercice des
fonctions. Ensuite, la responsabilité des dirigeants
peut être engagée en cas de redressement et de
liquidation judiciaires. Il n’y a toutefois aucun caractère d’automaticité. Tel est par exemple le cas
lorsque les dirigeants ont commis une faute d’une
particulière gravité incompatible avec l’exercice
normal de leurs fonctions. La poursuite pendant des
années d’une activité déficitaire sans mettre en place
un plan d’apurement du passif est de nature à cons■
tituer une telle faute de gestion.
8. Voir JA no 371/2008, p. 25.
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ministration ou l’assemblée générale 6. Néanmoins, la
qualité de président de l’association lui confère certains
pouvoirs autonomes car il a la qualité de chef d’entreprise au sens du droit du travail et du droit fiscal. La
Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le
fait de savoir si le président d’une association est habilité à procéder au licenciement d’un salarié en l’absence, dans les statuts ou le règlement intérieur de
l’association, d’une disposition spécifique lui conférant
ce pouvoir. Elle a posé le principe qu’« il entre dans les
attributions du président d’une association, sauf disposition contraire attribuant cette compétence à un autre
organe, de mettre en œuvre la procédure de licenciement d’un salarié » 7.
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