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Raénimation 2001 ; 10 : 484-6 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1164675601001505/FLA RAPPORT D’EXPERTS Indications des thrombolytiques B. Charbonnier* Cardiologie D et unité de soins cardiaques intensifs, hôpital Trousseau, centre hospitalier régional de Tours, 37044 Tours cedex, France (Reçu le 4 mai 2001 ; accepté le 7 mai 2001) EMBOLIE PULMONAIRE MASSIVE – EMBOLIE PULMONAIRE GRAVE Les patients ayant une embolie pulmonaire (EP) massive amputant en général plus de 50 à 60 % de la vascularisation pulmonaire ont des signes cliniques de gravité [1]. Ces signes sont soit un état de choc avec une hypotension artérielle systolique inférieure à 90 mmHg, soit une baisse d’au moins 40 mmHg pendant plus de 15 minutes, accompagnée de marbrures nécessitant le recours aux drogues inotropes positives (en dehors de toute autre étiologie comme un trouble du rythme récent, une hypovolémie ou un sepsis). Le diagnostic d’EP non massive inclut tous les autres tableaux cliniques d’EP ne comportant pas les signes cliniques ci-dessus. Dans ce groupe, on individualise les EP sub-massives avec modifications échocardiographiques traduisant une dysfonction ventriculaire droite. DIAGNOSTIC DE L’EMBOLIE PULMONAIRE La démarche diagnostique doit être guidée par l’état du patient et les possibilités techniques locales. La probabilité clinique en cas d’EP massive est en général forte. Le diagnostic au lit du patient (souvent peu mobilisable) repose sur l’échographie : échocardiographie transthoracique (ETT) ou plus rarement échocardiographie transœsophagienne (ETO). L’ETT permet de déterminer par méthode Doppler la pression artérielle pulmonaire (en général élevée mais ≤ 60 mmHg) et révèle des signes de dysfonction ventriculaire droite (VD) : dilatation du VD, hypokinésie de la paroi latérale, anomalie septale et parfois un *Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (B. Charbonnier). thrombus intracavitaire [2, 3, 4]. L’ETO, aisément réalisable chez un patient intubé et ventilé, montre dans plus de 90 % des EP massives, un thrombus artériel pulmonaire proximal [5]. Ainsi, l’ETT couplée éventuellement à l’ETO, devant un tableau de détresse cardiorespiratoire, permet de confirmer le diagnostic d’EP et surtout d’écarter d’autres diagnostics tels que l’infarctus du VD, la tamponnade et la dissection aortique [6, 7]. Selon les possibilités locales et l’état du patient, la visualisation du thrombus peut être envisagée soit par angiopneumographie soit par scanner spiralé dont la sensibilité et la spécificité sont proches de 100 % dans les EP massives [5, 8]. La scintigraphie pulmonaire est habituellement de haute probabilité en cas d’EP massive (96 %) [9]. CONTRE-INDICATIONS DE LA THROMBOLYSE Les contre-indications de la thrombolyse chez un patient ayant une EP massive doivent être limitées au minimum compte tenu du risque fatal, en dehors des traitements agressifs tels que la thrombolyse et l’embolectomie chirurgicale (tableau I). Les contreindications absolues sont donc essentiellement l’hémorragie interne active et/ou l’hémorragie intracrânienne récente. Toutes les autres contre-indications ne sont que relatives et dépendent de l’appréciation du rapport bénéfice/risque par le clinicien. Les risques hémorragiques doivent être limités par l’utilisation des méthodes diagnostiques non invasives (échocardiographie, scintigraphie pulmonaire, scanner hélicoïdal) [1]. Thrombolyse et embolie pulmonaire en réanimation 485 Tableau I. Contre-indications de la thrombolyse dans l’embolie pulmonaire (d’après [1]). Contre-indications absolues Hémorragie interne active Hémorragie intracrânienne récente Contre-indications relatives Intervention chirurgicale importante, accouchement, biopsie ou ponction d’un vaisseau non compressible de moins de dix jours Accident vasculaire cérébral ischémique de moins de deux mois Hémorragie gastro-intestinale de moins de 10 jours Traumatisme grave de moins de 15 jours Intervention neurochirurgicale ou ophtalmologique de moins de un mois HTA sévère non contrôlée (pression systolique > 180 mmHg, pression diastolique > 110 mmHg) Réanimation cardiorespiratoire récente Thrombopénie < 100 000/mm3, taux de prothrombine < 50 % Grossesse Endocardite bactérienne Rétinopathie hémorragique diabétique RÉSULTATS DE LA THROMBOLYSE L’EP massive avec choc est l’indication élective. Selon les études, le risque de décès oscille entre 30 et 65 %. La thrombolyse permet dans ces cas une amélioration hémodynamique rapide avec une baisse de la pression pulmonaire moyenne de 30 % et une augmentation de l’index cardiaque de 15 % dès la deuxième heure [10]. L’ETT montre une diminution de la taille du VD dès la troisième heure. Par comparaison, l’héparine est sans effet dans les mêmes délais [11]. Cette amélioration est due à la diminution partielle mais rapide de l’obstruction artérielle pulmonaire sous l’effet de la thrombolyse. Aucune étude randomisée de grande envergure n’a démontré une diminution de la mortalité dans l’EP massive avec la thrombolyse. Récemment, un essai randomisé [12] a inclus huit patients avec EP massive qui ont été traités soit par héparine soit par streptokinase. Les quatre patients traités par héparine sont décédés et aucun dans le groupe thrombolyse. L’essai a donc été interrompu et confirme les données fragmentaires obtenues lors des essais précédents avec analyse des sousgroupes de patients ayant réellement une EP massive. Dans le registre MAPPET [13], le risque de décès des patients ayant une EP massive avec dysfonction ventriculaire droite est moindre en cas de thrombolyse (4,7 %) qu’en cas de traitement par héparine (11,1 %) (p = 0,016). L’analyse multivariée montre que la thrombolyse est un facteur indépendant associé à la survie. Toutefois, ces données proviennent d’un registre et d’analyses de sous-groupes. Seule une étude prospective randomisée pourra confirmer ou non ces résultats et préciser d’éventuelles indications selon la gravité du patient appréciée sur l’importance de la dysfonction ventriculaire droite. CHOIX DU THROMBOLYTIQUE ET PROTOCOLES D’ADMINISTRATION Tous les thrombolytiques depuis plus de 30 ans ont fait l’objet d’études contrôlées à la suite desquelles un mode d’administration a été recommandé (tableau II). Les comparaisons entre thrombolytiques et divers protocoles ont fait plus récemment l’objet d’essais dans les EP massives ou non massives. Les protocoles courts, sur deux heures (rt-PA 100 mg, streptokinase 1 500 000 UI) semblent les plus efficaces du point de vue hémodynamique par rapport aux modes d’administration prolongée sur 12 ou 24 heures. L’amélioration hémodynamique la plus rapide est obtenue avec le rt-PA 100 mg/2 heures, mais cette différence n’est significative qu’à la première heure en comparaison avec la streptokinase sur deux heures [14, 15, 16]. En revanche, l’administration de rt-PA à doses faibles, 0,6 mg/kg en 15 min, n’est pas plus efficace que 100 mg/2 h [15]. Quels que soient le thrombolytique et le protocole d’administration, l’accident hémorragique est le risque principal. Il est difficile de comparer les thrombolytiques entre eux du point de vue de ce risque. Selon les essais, la définition des accidents graves est différente et la fréquence des hémorragies graves diminue avec l’abandon des méthodes diagnostiques invasives. Cependant, avec le rt-PA 100 mg/2 h, ce risque atteint 24 et 11 %, avec le rt-PA 0,6 mg/kg/15 min [15]. Dans Tableau II. Protocoles d’administration des thrombolytiques dans l’embolie pulmonaire (dates d’approbation de la Food and drug Administration). Streptokinase 1977 Urokinase 1978 Alteplase 1990 Dose de charge 250 000 UI/30 minutes puis 100 000 UI/h pendant 24 h Dose de charge 4 400 UI/kg/10 min puis 4 400 UI·kg·–1·h–1 pendant 12 à 24 h 100 mg/2 h NB : Aucun de ces protocoles ne comporte l’administration d’héparine pendant la thrombolyse. 486 B. Charbonnier les deux derniers registres MAPPET [13] et ICOPER [17], la fréquence des hémorragies graves est de 22 %. En fait, la complication la plus grave est l’hémorragie intracrânienne, le plus souvent mortelle, sa fréquence varie de 1,2 à 3 % [18]. RÉFÉRENCES 1 Task Force on Pulmonary Embolism, European Society of Cardiology. Guidelines on diagnosis and management of acute pulmonary embolism. Eur Heart J 2000 ; 21 : 1301-36. 2 Mc Connell MV, Solomon SD, Rayan ME, Come PC, Goldhaber SZ, Lee RT. Regional right ventricular dysfunction detected by echocardiography in acute pulmonary embolism. Am J Cardiol 1996 ; 78 : 469-73. 3 Torbicki A, Kurzyna M, Ciurzynski M, Pruszczyk P, Pacho R, Kuch-Wocial A, et al. Proximal pulmonary emboli modify right ventricular ejection pattern. Eur Respir J 1999 ; 13 : 616-21. 4 Wolfe MW, Lee RT, Feldstein ML, Parker JA, Come PC, Goldhaber SZ. Prognostic significance of right ventricular hypokinesis and perfusion lung scan defects in pulmonary embolism. Am Heart J 1994 ; 127 : 11371-5. 5 Pruszczyk P, Torbicki A, Pacho R, Chlebus M, Kuch-Wocial A, Pruszynski B, et al. Noninvasive diagnosis of suspected severe pulmonary embolism : transesophageal echocardiography vs spiral CT. Chest 1997 ; 112 : 722-8. 6 Krivec B, Voga G, Zuran I, Skale R, Pareznik R, Podbregar M, et al. Diagnosis and treatment of shock due to massive pulmonary embolism : approach with transesophageal echocardiography and intrapulmonary thrombolysis. Chest 1997 ; 112 : 1310-6. 7 Van der Wouw PA, Koster RW, Delemarre BJ, de Vos R, Lampe-Schoenmaeckers AJ, Lie KI. Diagnostic accuracy of transesophageal echocardiography during cardiopulmonary resuscitation. J Am Coll Cardiol 1997 ; 30 : 780-3. 8 Remy-Jardin M, Remy J, Cauvain O, Petyt L, Wannebroucq J, Beregi JP. Diagnosis of central pulmonary embolism with helical CT : role of two-dimensional multiplanar reformations. Am J Roentgenol 1995 ; 165 : 1131-8. 9 The PIOPED Investigators. Value of the ventilation perfusion lung scan in acute pulmonary embolism. JAMA 1990 ; 263 : 2753-9. 10 Dalla-Volta S, Palla A, Santolicandro A, Giuntini C, Pengo V, Visioli O, et al. PAIMS 2 : Alteplase combined with heparin versus heparin in the treatment of acute pulmonary embolism. Plasminogen Activator Italian Multicenter Study 2. J Am Coll Cardiol 1992 ; 20 : 520-6. 11 Goldhaber SZ, Haire WD, Feldstein ML, Miller M, Toltzis R, Smith JL, et al. Alteplase versus heparin in acute pulmonary embolism : randomised trial assessing right-ventricular function and pulmonary perfusion. Lancet 1993 ; 341 : 507-11. 12 Jerjes-Sanchez C, Ramirez-Rivera A, de Lourdes Garcia M, Arriaga-Nava R, Valencia S, Rosado-Buzzo A, et al. Streptokinase and heparin versus heparin alone in massive pulmonary embolism : a randomized controlled trial. J Thromb Thrombolysis 1995 ; 2 : 227-9. 13 Konstantinides S, Geibel A, Olschewski M, Heinrich F, Grosser K, Rauber K, et al. Association between thrombolytic treatment and the prognosis of hemodynamically stable patients with major pulmonary embolism. Results of a multicenter registry. Circulation 1997 ; 96 : 882-8. 14 Sors H, Pacouret G, Azarian R, Meyer G, Charbonnier B, Bassand JP, et al. Hemodynamic effects of bolus versus two hour infusion of alteplase in acute massive pulmonary embolism. A randomised controlled multicenter trial. Chest 1994 ; 106 : 712-7. 15 Goldhaber SZ, Agnelli G, Levine MN. Reduced dose bolus alteplase versus conventional alteplase infusion for pulmonary embolism thrombolysis. An international multicenter randomised trial. Chest 1994 ; 106 : 718-24. 16 Meneveau N, Schiele F, Metz D, Valette B, Attali P, Vuillemenot A, et al. Comparative efficacy of a two-hour regimen of streptokinase versus alteplase in acute massive pulmonary embolism : immediate clinical and hemodynamic outcome and one year folow-up. J Am Coll Cardiol 1998 ; 31 : 1057-63. 17 Goldhaber SZ, Visani L, De Rosa M. Acute pulmonary embolism : clinical outcomes in the International Cooperative Pulmonary Embolism Registry. (ICOPER). Lancet 1999 ; 353 : 1380-9. 18 Kanter DS, Mikkola KM, Patel SR, Parker JA, Goldhaber SZ. Thrombolytic therapy for pulmonary embolism. Frequency of intracranial hemorrhage and associated risk factors. Chest 1997 ; 111 : 1241-5.