MARS 2016 REVUE DES MARCHÉS LA ROUE TOURNE
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MARS 2016 REVUE DES MARCHÉS LA ROUE TOURNE
TR IMESTR IEL G ON E T& C I E MARS 2016 R E V U E D ES M A R C H ÉS L A R O U E TO U R N E EN BREF La forte correction des marchés financiers s’explique par l’interaction de différentes inquiétudes : panne de croissance en Chine, effondrement du prix du pétrole brut, tensions sur les marchés de la dette de moindre qualité. Ces thèmes ne sont pas nouveaux et leur lecture actuelle nous paraît trop pessimiste. Les cours des actifs risqués nous semblent pour la plupart proches d’un plancher. Pour autant, la nouvelle phase du cycle se caractérisera par une liquidité moins abondante et des coûts financiers en hausse. Elle demandera ainsi plus de sélectivité de la part des investisseurs. NOTRE STRATÉGIE Malgré plusieurs ajustements à la hausse ou à la baisse, nos portefeuilles ont comporté dès avril 2015 un niveau élevé de liquidités. Nous avons été ainsi peu exposés aux obligations high yield, aux actions et obligations des marchés émergents, ainsi qu’à tous les actifs liés aux matières premières. La chute des marchés en janvier a néanmoins pénalisé nos portefeuilles en valeur absolue ; eu égard à la tolérance limitée de certains clients au risque, nous avons vendu différentes positions en février. Nous envisageons maintenant de redéployer une partie de nos importantes liquidités en fonction des occasions tactiques. Dans une perspective à moyen terme, nous consacrons notre budget de risque aux actions plutôt qu’aux obligations. Au sein de ces dernières, nous avons éliminé plusieurs segments de marché trop volatils afin de concentrer nos positions. Pour les actions, nous restons diversifiés entre secteurs défensifs et cycliques, mais avec une forte sélectivité au sein de chacun d’eux. Nous ne prenons pas de pari directionnel sur les taux de change, privilégiant au contraire l’exposition à la monnaie de base de chaque portefeuille. En résumé, dans toutes les classes d’actifs, nous avons resserré notre sélection, selon des critères de valorisation et de potentiel ajusté du risque. | 6 , B O U L E VA R D D U T H É ÂT R E | C H 12 11 G E N È V E 11 | L A ROUE TOURNE Le numéro précédent de la présente Revue était tout entier consacré aux inquiétudes qui secouaient les marchés financiers mondiaux. Entre temps, une belle reprise était intervenue, mais dès décembre le mouvement baissier a repris, notamment sur les actions, et surpassé en amplitude la première phase de correction. Les sujets de préoccupation sont en partie les mêmes : la croissance macroéconomique en Chine et la chute des cours du pétrole brut. D’autres se sont mis lentement en place mais ne sont parvenus que récemment sous le feu des projecteurs, notamment les craintes sur la fragilité des banques occidentales. Nombre de commentateurs ont insisté sur la multiplication des sujets d’inquiétude, sur leur interaction qui équivaudrait à une contagion, et sur la «prophétie auto-réalisatrice» de la chute des marchés : les lourdes pertes des investisseurs finiraient selon cette logique par provoquer une récession mondiale. Pour notre part, sans minimiser le pessimisme ambiant, qui tend à surévaluer les scénarios-catastrophe, nous entendons examiner brièvement ici les principaux sujets d’inquiétude, remettre la correction actuelle dans son contexte, et enfin nous concentrer sur les tendances profondes qui selon nous guideront les marchés une fois le calme revenu. T + 4 1 2 2 3 1 7 17 17 | F + 4 1 2 2 3 1 7 17 0 0 | C O N TA C T @ G O N E T. C H | W W W . G O N E T. C H | 1 Appétit mondial pour le risque (Indice du Crédit Suisse) Calculé sur la rentabilité ./. volatilité de 64 catégories d’actifs Euphorie Panique Source: Credit Suisse QUELLES INQUIÉ TUDES ? Parmi les préoccupations qui ont saisi les investisseurs depuis décembre dernier, deux sont récurrentes : le ralentissement de l’activité économique en Chine, qui avait déclenché la précédente correction boursière en août dernier, et la nouvelle baisse des cours du pétrole brut, après celle de l’automne 2014, qui avait secoué les marchés elle aussi. Dans un précédent numéro de la présente Revue nous avions analysé les causes et conséquences probables des problèmes économiques en Chine ; elles restent d’actualité et nous pouvons répéter notre conclusion : les effets directs sur les économies occidentales sont limités, mais les signaux politiques discordants en provenance de Pékin restent un facteur d’incertitude pour l’ensemble des investisseurs. Ces dernières semaines, c’est la politique de change qui a alimenté les interrogations. La baisse du pétrole ne résulte pas de la faiblesse de la demande, qui serait en effet alarmante mais n’est absolument pas corroborée par la réalité : même les importations chinoises continuent de croître. En revanche, l’offre est excessive : l’Arabie saoudite refuse toute réduction de la production au sein de l’OPEP, afin d’évincer les concurrents dont les coûts sont plus élevés, les États-Unis en premier lieu. Mais malgré des coupes drastiques, l’industrie américaine résiste. La Russie a elle aussi maintenu sa production. Avec la levée des sanctions, le pétrole iranien revient sur les marchés occidentaux.1 Autre facteur qu’on néglige parfois : la reprise de la production en Irak. En bref, pétrole et gaz sont surabondants et la pression à la baisse sur les prix persiste. Les effets macroéconomiques du pétrole bon marché sont globalement favorables, puisque le pouvoir d’achat des consommateurs européens, américains, japonais, augmente, même si aux États-Unis, cette manne a été pour l’instant épargnée plutôt que dépensée. Cela dit, les investisseurs redoutent la faiblesse des cours du brut au lieu de s’en réjouir, à tel point que la corrélation entre ceux-ci et les indices des actions – qui n’a jamais été stable sur une longue période – est devenue nettement positive. Pourquoi tant d’inquiétude ? 2 | REVUE DES MARCHÉS | GONET&CIE | M A R S 2 016 Il y a quelques effets directs non négligeables : les finances publiques des pays producteurs sont sous pression et leurs fonds souverains, notamment ceux d’Arabie saoudite et de Norvège, vendent une partie de leurs portefeuilles d’actions. Mais la principale préoccupation aujourd’hui porte sur les créances accordées à des producteurs mis en difficulté. Le cas le plus évident est celui de sociétés américaines développant la production de gaz et de pétrole de schiste, qui se sont financées par l’émission d’obligations. 16% du marché américain de la dette à haut rendement est directement exposé au secteur de l’énergie, ce qui a provoqué un fort élargissement du différentiel entre l’indice high yield et le marché des bons du Trésor. Cet indicateur à son tour a alimenté une aversion généralisée pour les placements risqués, les actions en premier lieu. Le high yield n’est pas seul en cause. 15% des obligations de meilleure qualité (investment grade) sont elles aussi exposées à l’énergie, même s’il s’agit par définition d’autres débiteurs. Enfin, les prêts bancaires aux entreprises pétrolières sont eux aussi considérables. Ils représentent entre 10 et 15% des fonds propres tangibles des grandes banques américaines, et surtout, plusieurs banques britanniques et françaises affichent des taux de 40 à 65%. En outre, l’Union européenne a pris du retard sur les États-Unis et la Suisse dans le renforcement des exigences de fonds propres, organisé par les accords de Bâle III à l’horizon 2019. Bien que la plupart des banques de premier plan semblent malgré tout suffisamment capitalisées, l’incertitude s’est emparée des marchés. La BCE a une fois de plus calmé le jeu en laissant espérer une politique plus accommodante à l’égard des prêts défaillants. On s’étonnera peut-être de l’absence, dans la discussion cidessus, des risques de récession aux États-Unis, ainsi que du (timide) début de normalisation de la politique de la Réserve fédérale. De notre point de vue, ces grandes inquiétudes récurrentes constituent plutôt une toile de fond, que nous allons évoquer maintenant. 1 Il n’avait jamais déserté l’Asie, le Japon et la Chine étant ses principaux débouchés. DU JAMAIS VU ? VR AIMENT ? On connaît la boutade de Paul Samuelson, prix Nobel : «Sur les cinq dernières récessions, le marché des actions en a prédites neuf.» Elle correspond toujours à la réalité. Si chacune des récessions survenues aux États-Unis a été précédée d’une baisse de l’indice S & P 500 des actions de 20% ou plus, 2 l’inverse n’est pas vrai. Les chutes de 1987 (-34% en 4 mois !) et 1998, par exemple, étaient dues à la surévaluation des actions et aux tensions dans le système financier mondial. En réalité, la correction actuelle (-15,2%) 3 est comparable à celles de 2010 (-16%) et de 2011 (-19%), tandis que l’économie américaine était en pleine croissance. D’autres marchés ont été plus pénalisés que l’indice S & P 500, mais cela n’a rien d’inhabituel ; nous allons d’ailleurs reparler de l’Europe et du Japon. Achats d’actifs par les banques centrales Montants trimestriels en glissement (md $) Émergents B. du Japon B. d’Angleterre BNS Fed (>5 ans) BCE Source : CitiCorp La plupart des corrections des actions ont été accompagnées, voire précédées, de l’élargissement des spreads sur les obligations de débiteurs privés et d’un aplatissement de la courbe des rendements du Trésor. Le cas actuel ne fait pas exception. Il présente tout de même quelques traits particuliers : après une première phase de baisse, l’indice avait rebondi, mais sur un nombre extrêmement limité de valeurs. Décembre dernier, il n’y en avait pratiquement plus que quatre qui contribuaient à la performance positive de l’indice : Facebook, Amazon, Netflix et Google (Alphabet) – les «FANG». L’élargissement de la hausse à un plus grand nombre de titres, phénomène pourtant habituel en début d’année, ne s’est pas produit, et l’indice a replongé. Malgré cette chute, d’autres marchés étaient restés relativement stables, et non des moindres : les obligations d’État ainsi que les taux de change entre les grandes devises. Dans ces deux cas, la volatilité n’a augmenté qu’à la fin janvier. Ces dernières semaines ont en effet été marquées par la reprise de l’euro et surtout du yen contre dollar. Le mouvement a surpris beaucoup d’observateurs, alors même que le dollar donnait des signes évidents d’essoufflement, sauf contre les monnaies émergentes, depuis le milieu de l’année dernière. Nous en avons d’ailleurs parlé dans cette même Revue. Total L A FIN DE L’OMNIPOTENCE DES BANQUES CENTR ALES Il y a quelques mois, beaucoup d’observateurs redoutaient les effets de la première hausse des taux directeurs de la Fed depuis 2004–2006. En réalité, la normalisation de la politique monétaire sera extraordinairement progressive dans tous les cas de figure, et d’ailleurs plusieurs classes d’actifs avaient anticipé et amplifié le mouvement. Hors énergie, le spread sur le high yield, dont nous avons déjà parlé, s’est élargi de 245 points de base depuis l’automne dernier, à comparer aux 25 points de base de hausse des Fed Funds. À vrai dire, l’assouplissement quantitatif semble soumis à la loi des rendements décroissants : chaque nouvelle mesure s’avère moins efficace que la précédente. En octobre 2014, la Banque du Japon avait doublé ses achats d’actifs, déjà astronomiques ; pourtant, quinze mois plus tard, le yen et l’indice Nikkei étaient revenus à leur niveau initial. La phase suivante, l’introduction des taux négatifs a renforcé la monnaie et Le plus significatif, à notre sens, est que ce retournement survient en dépit des dernières décisions et déclarations des banquiers centraux. La Réserve fédérale se prépare à poursuivre la hausse de ses taux directeurs, quoique à un rythme plus lent que ce qu’elle prévoyait en décembre dernier ; la BCE a introduit plusieurs assouplissements en décembre et laissé entendre que d’autres suivront en mars ; fin janvier, à la surprise générale, la Banque du Japon a introduit des taux d’intérêt négatifs. Or ces mesures n’ont pas affaibli l’euro ni le yen, bien au contraire. C’est pour nous le signe d’un changement important dans la perception et les attentes des investisseurs. 2 Cela a été le cas en 1973–74, 1980–82, 1990, 2000–02 et 2007–09. 3 Du 20 mai au 11 février, point le plus bas atteint en cours de séance. affaibli les actions, à l’inverse des attentes comme nous l’avons vu. Les banquiers centraux ressemblent à un médecin désemparé : constatant que son patient devient résistant aux antibiotiques, il double la dose au lieu de se demander si son traitement est indiqué. De nouveaux assouplissements monétaires risquent d’être des palliatifs, sans grande prise sur les tendances profondes des marchés. À notre sens, nous vivons tout simplement le déroulement normal du cycle économique et financier mondial, entraîné par les États-Unis. Après six ans et demi d’expansion, il est entré dans la phase suivante : ralentissement de la croissance tendancielle, augmentation des charges salariales et renchérissement du coût du capital. C’est ce dernier élément qui nous semble le plus déterminant aujourd’hui, car il force petit à petit les banques à accorder leurs prêts avec plus de discernement, les porteurs d’obligations à surveiller la qualité REVUE DES MARCHÉS | GONET&CIE | M A R S 2 016 | 3 de chaque débiteur et à demander un supplément de rendement adéquat, et les entreprises à se préoccuper à nouveau de leurs coûts de financement. Même si les Fed funds n’atteignent pas 3% avant 2018, le spread de l’investment grade – actuellement à 210 en moyenne sur l’ensemble des échéances – ne reverra probablement pas son niveau de la fin du «QE3», soit 120. De ce fait, et ce n’est qu’un exemple, il sera de plus en plus coûteux pour une société de s’endetter CONCLUSIONS DE PL ACEMENT La correction des actions mondiales et d’autres actifs risqués touche probablement à sa fin, et on peut raisonnablement compter sur des cours plus élevés à l’horizon de trois mois. Cela dit, l’expérience enseigne que le retournement de tendance n’est jamais parfaitement net. Selon les classes d’actifs, un point bas a été atteint le 20 janvier ou le 11 février, mais il n’est pas exclu que ces niveaux soient revisités et mis à l’épreuve. Certains actifs survendus pourront connaître des rebonds significatifs, mais les marchés devraient rester volatils dans l’ensemble. Rendement du dividende moins rendement des titres d’État États-Unis Zone euro Source : JPMorgan Japon Malgré les taux d’intérêt négatifs, constituer un volant de liquidités demeure selon nous la meilleure façon de réduire la volatilité d’un portefeuille. Ces réserves pourront être redéployées très prochainement sur des achats tactiques. Mais dans un horizon à moyen terme, il importe d’anticiper les tendances que nous avons décrites, à savoir la croissance plus faible de la liquidité excédentaire sur les marchés, la hausse en vue de racheter ses propres actions et compenser ainsi le ralentissement de sa croissance. Cette phase de maturité peut durer plusieurs années avant que surviennent les tensions de fin de cycle et la récession, mais elle demande plus de sélectivité de la part des investisseurs. progressive du coût du capital et la sélectivité accrue des investisseurs. Dans cette perspective, les obligations d’État sont extrêmement chères et ne fournissent pas une protection absolue. Quant aux différentiels de crédit, ils pourraient se resserrer quelque peu dans l’immédiat mais la tendance reste à l’élargissement. Dans tous les segments du marché obligataire, il est plus que jamais essentiel de s’assurer que le niveau de rendement suffira à compenser une moins-value, même faible, sur le capital. L’exposition en titres à revenu fixe doit être selon nous, plus sélective et concentrée que par le passé. Malgré des perspectives bénéficiaires de plus en plus contrastées, la valorisation des actions demeure dans l’ensemble très attrayante en comparaison des obligations. Dans un contexte de volatilité élevée, il est tentant de privilégier les secteurs défensifs, à condition de garder à l’esprit que les effets de liquidité ne favoriseront plus autant les valeurs dites de croissance que par le passé. À l’inverse, plusieurs secteurs cycliques, ainsi que les principaux marchés émergents, pourraient revenir en faveur. Nous préconisons donc une allocation diversifiée entre thèmes défensifs et cycliques, mais sélective à l’intérieur de chacun d’eux. La tendance à l’affaiblissement du dollar demeure, mais tant l’euro que le yen pourraient dans l’immédiat marquer une pause. La fermeté de l’euro diminue les pressions sur le franc suisse, qui malgré tout reste structurellement une monnaie forte, ne l’oublions pas. Nous évitons de prendre des paris directionnels sur le marché des changes, conservant au contraire une exposition substantielle à la monnaie de référence de chaque portefeuille. Patrizio Merciai, Chief Strategist [email protected] Mars 2016 Ce document vous est adressé exclusivement à titre d’information. Il ne constitue et ne contient aucune incitation ou offre d’achat ou de cession de quelque valeur mobilière ou instrument financier que ce soit. 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