Ivanov RE-MIX - dossier pédagogique

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Ivanov RE-MIX - dossier pédagogique
IVANOV RE/MIX
D’après Ivanov d’Anton Tchekhov
Armel Roussel / [e]utopia 3
Durée 2h45 (avec entracte)
DOSSIER PEDAGOGIQUE
Sommaire
Résumé et distribution
La Compagnie [e]utopia 3
Armel Roussel, metteur en scène
Le théâtre du 19ème siècle
Anton Tchekhov, l’auteur
Ivanov, d’Anton Tchekhov
Ivanov, notes de Tchekhov
Comment [e]utopia a RE/MIXé Ivanov
Entretien avec Armel Roussel
La mélancolie à travers les âges
Pistes pédagogiques / Sources
Quizz
La mélancolie en chansons
LXII. Spleen / Baudelaire
p. 3
p. 5
p. 6
p. 7
p. 9
p. 13
p. 15
p. 16
p. 18
p. 20
p. 23
p. 24
p. 26
p. 29
« Je peins les gens tels que je les vois. Manger, parler, entrer, sortir… C’est
Stanislavski qui a rendu mes pièces larmoyantes. Je voulais juste dire aux
gens, voyez comme vous vivez mal, noyés dans l’ennui. Si les gens parviennent
à me comprendre ils ne manqueront pas de créer une autre vie. »
Anton Tchekhov
Vous comprenez, il y en a des milliers, des Ivanov… l’homme le plus normal du
monde, pas du tout un héros… Et c’est ça, justement, qui est difficile…
Anton Tchekhov
Cet Ivanov RE/MIX fait magnifiquement entendre les interrogations de
l’auteur tout en les reliant avec un naturel absolu à celles qui nous assaillent
aujourd’hui. On rit beaucoup, on est bouleversé aussi par ces comédiens d’une
justesse inouïe. Tchekhov est là dans chaque mot, chaque geste, chaque
questionnement. Mais il est vivant, actuel, présent et cela ne le rend que plus
déchirant.
Jean
Jeanan-Marie Wynants – LE SOIR – 9 décembre 2010
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Résumé et distribution
Résumé
Ivanov, c’est monsieur tout le monde. Il porte le nom de famille russe le plus courant, c’est
le Dupont ou Durand de chez nous. Il vit en Russie pendant une période chancelante de
passages de pouvoir et de remous antisémites. C’est un homme d’une trentaine d’années,
brillant, actif, séduisant intellectuellement mais qui se morfond depuis quelques temps
dans une sorte de mélancolie et d’apathie. On pourrait croire qu’il est juste peu satisfait de
sa vie mais en vérité il s’ennuie cruellement et il ne se reconnaît plus lui-même. C’est un
homme qui a voulu, plus jeune, changer le cours des choses, s’engager dans le monde, qui
a entretenu des idéaux, mais le monde n’a pas changé, du moins pas comme il le voulait, et
lui n’a pas vu la routine s’installer et imperceptiblement l’engluer, la résignation le gagner.
Il aime sa femme, Anna, mais il n’est pas heureux. Il supporte comme il peut les autres... Ce
n’est ni un salaud ni un héros, il est à la fois beau et lâche, honnête et injuste, drôle et amer.
Pour se divertir et ne pas trop réfléchir, il passe ses soirées chez ses voisins, les Lébédev,
un couple aisé qui organise fréquemment des fêtes et qui ont une fille de 20 ans, Sacha.
Naît une relation entre Ivanov et Sacha qui va réveiller chez lui un goût étrange, la
nostalgie de sa propre jeunesse...
Ivanov Re/Mix est un projet mené par l’artiste Armel Roussel qui imagine une nouvelle
variante d’Ivanov de Tchekhov en mélangeant les deux versions existantes - la comédie et
la tragédie -, différentes traductions, et en créant de nouveaux textes. Dans cette version
d’Ivanov remixée par Armel Roussel, l’action de la pièce est transposée dans « l’ici et
maintenant », mais un « ici » qui parle d’ailleurs et un maintenant empreint de nostalgie et
néanmoins tourné vers le futur !
L’écriture de Tchekhov est une écriture du XIXème siècle qui évoque pour le metteur en
scène la Nouvelle-Vague : elle capte la vie, la présente plus qu’elle ne la représente et ne la
joue pas. Armel Roussel veut nous faire vivre une expérience théâtrale d’après le
kaléidoscope de sentiments que Tchekhov met en œuvre dans Ivanov mais en reliant ces
émotions à des préoccupations d’aujourd’hui. Ivanov Re/Mix s’annonce comme la suite
naturelle de la précédente création de la compagnie : Si Demain vous déplaît... en ce
qu’elle poursuit une recherche sur le « comment vivre ensemble » et sur les dualités
espoir/désespoir, optimisme/ pessimisme, individu/collectif, engagement/désengagement,
privé/public.
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Distribution
Avec Selma Alaoui, Arnaud Anson, Yoann Blanc, Nathalie Borlée, Lucie Debay, Philippe
Grand’Henry, Julien Jaillot, Sofie Kokaj, Nicolas Luçon, Vincent Minne, Armel Roussel,
Sophie Sénécaut, Uiko Watanabe / Scénographie, adaptation et mise en scène Armel
Roussel / Assistant à la mise en scène Julien Jaillot / Stagiaire à la mise en scène
Arthur Egloff/ Direction technique et lumières Nathalie Borlée / Conseillère aux
maquillages
maquillages ZaZa Da Fonseca / Conseillère
Conseillère aux costumes Vanja Maria Godée /
Couturière Hélène Honhon / Adaptation musicale Philippe Grand’Henry, Raphaël De
Backer / Vidéo Caroline Cereghetti / Construction Vincent Rutten / Peintures Aurélie
Deloche / Chargée de production Gabrielle Dailly
Une création d’Armel Roussel / [e]utopia3 en coproduction avec le Théâtre Les
Tanneurs, le Théâtre de la Place (Liège), le manège.mons/Centre Dramatique, La Maison
de la Culture d’Amiens, et le Théâtre du Grütli (Genève) / Avec l’aide du Ministère de la
Communauté Française Wallonie-Bruxelles - Service du Théâtre et de Wallonie-Bruxelles
Théâtre/Danse (WBT/D). Armel Roussel / [e]utopia3 est en résidence au Théâtre Les
Tanneurs
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La Compagnie [e]utopia 3
L’histoire d’Utopia commence en 1996 par un texte, Roberto Zucco et une interrogation :
l’identité et la place de l’individu dans un monde à la dérive. Première mise en scène
d’Armel Roussel, ce dernier opus mythifié de Koltès est monté dans un lieu off de
Bruxelles, l’Ancienne Ecole des Vétérinaires. Son univers fort, composé de théâtre, de
danse, de vidéos et d’extraits de films et le refus de traiter ce texte de façon réaliste
suscitent un enthousiasme extraordinaire : le spectacle est repris à Bruxelles (Kaaitheater,
Théâtre Varia), en France (Théâtre de Gennevilliers, Comédie de Caen), en Espagne
(Teatro Central, Séville) et au Portugal (Culturgest, Lisbonne).
Armel R. est ensuite frappé par le théâtre engagé d’Howard Barker, à la poésie mêlée de
lyrisme pur, de langage ordurier et d’idées choquantes. Il monte en 1998 Les Européens
dans le cadre du KunstenFESTIVALdesArts. Pour cette adaptation, Armel R. s’approprie la
radicalité du théâtre barkerien en mélangeant théâtre, vidéo, danse et musique auxquels
sont venus s’ajouter des chants et des commentaires politiques. Pour interroger le lien
entre politique, propagande et fascisme, il construit une mise en scène jouant de la
manipulation directe des spectateurs tout en faisant appel à leur intelligence active.
En 2000, il crée Enterrer les Morts / réparer les Vivants,
Vivants d’après Platonov de Tchekhov
(Théâtre de l’Union, Limoges/KunstenFESTIVALdesArts). En l’affranchissant des poncifs
du décor et du déroulement traditionnellement lent de l’action, en bousculant au passage
le texte, Armel R. s’attache à rendre compte du chaos qui règne dans cette pièce où
fractures psychiques, arrière-pensées et obsessions se dévoilent, notamment par le jeu
physique des acteurs.
Armel R. questionne ainsi le rapport tragique de l’individu à la transgression de la morale et
fait résonner l’absurdité d’un monde normé et artificiel, en évitant tout nihilisme. Il
consolide aussi sa recherche d’un théâtre festif, cathartique qui désire susciter
interrogations et réflexions chez le spectateur. En 2002, Utopia prend un tournant
artistique et devient Utopia 2 pour éviter le piège de son propre cloisonnement, s’ouvrir à
de nouvelles collaborations et élargir ses perspectives. Armel R. développe alors de
nouvelles envies de mises en scène, de théâtre plus intime intégrant le silence, le vide, le
rien, avec Notre besoin de consolation est impossible à rassasier d’après Stig Dagerman
(Brigitinnes/KunstenFESTIVALdesARTS, Maison de la Culture de Bourges). Puis vient la
création d’Hamlet
Hamlet (version athée) (Théâtre Varia, Bruxelles. Lieu Unique, Nantes. Théâtre
de Gennevilliers). Armel R. amène un point de vue fort sur la pièce de Shakespeare en
créant un Hamlet à l’énergie monstrueuse qui lutte avec la bêtise, le pragmatisme et le
populisme qui l’entourent, et foudroie la résolution « religieuse» du deuil du père et de
l’autorité.
Depuis 2005, Armel R. oriente Utopia 2 vers une direction nouvelle, équilibrant les
spectacles nés d’un support textuel et ce qu’on pourrait appeler les « créations pures ».
Ainsi naît Pop? (Théâtre Varia, Maison de la Culture de Bourges) un spectacle avec dixsept acteurs, dont les mythologies personnelles viennent gonfler la gigantesque fresque
humaine. Armel compose ainsi avec le fragment, offrant une recherche où la dimension
d’inconscient est présente, et laissant au spectateur la liberté de créer sa propre narration.
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Puis avec And Björk of course ... de l’Islandais Thorvaldur Thorsteinsson (2006), Armel R.
met en valeur la parole comme pulsion, faisant jaillir la monstruosité qui se niche chez les
personnages et révélant que le rapport au couple, au désir, à la mort et à la sexualité ne
s’opère que dans un monde masqué, hypocrite de convenances.
En janvier 2007, Armel R. poursuit son travail de recherche en création avec Fucking Boy
(Théâtre Varia), terrain de réflexion et de questionnement à portée politique qui
s’approche du théâtre-performance. Le spectacle part du constat que chacun de nous est
conscient des dysfonctionnements du monde et pourtant, cautionne - même sans le vouloir
- un système mondial aliénant (compétition, exploitation, exclusion des faibles et des
pauvres, hégémonie de l’argent, manipulation de l’opinion publique, corruption des
politiques...). Armel R. utilise le modèle américain comme reflet de ce paradoxe et
interroge les notions de révolte, de liberté individuelle et d’ « animalité humaine ».
En mai 2009, la nouvelle création d’Armel R. s’appelle Si demain vous déplaît ... C’est une
expérience sensible pour tous, acteurs et spectateurs réunis dans un même espace,
composé en 2 temps comme les 2 parties d’un même cerveau. Le 1er temps est une comédie
silencieuse qui fixe le réel à l’œil nu et explore ce qui crée des empêchements dans nos
vies. Le 2ème temps est une tragédie musicale qui offre le lieu d’une évasion et l’occasion de
quelques utopies.
Février 2010, Armel R. dirige et met en espace un happening textuel, Nothing hurts
(Théâtre du Grütli à Genève), d’après le texte de Falk Richter. Armel R. est aussi accueilli
en résidence au Théâtre Les Tanneurs. L’occasion de réaffirmer le caractère politique de
son projet artistique et d’en marquer la nouvelle période. Ce sera [e]utopia 3 dont les
ambitions sont soutenues par la structure Utopia 2.
En décembre 2010, il signe une nouvelle création, Ivanov Re/Mix d’après Ivanov de
Tchekhov.
Armel Roussel,
Roussel, metteur en scène
Armel Roussel est né à Paris en 1971. Après un cursus de secondaires en audiovisuel, il
poursuit ses études à l'Insas en section "Mise en scène théâtre". Il vit à Bruxelles depuis
1990.
Il est assistant de Michel Dezoteux sur une dizaine de spectacles entre 1992 et 1998. Artiste
polymorphe, il crée des vidéos pour le théâtre, écrit deux pièces, signe trois
scénographies, réalise des performances et participe comme acteur à plusieurs pièces et
films. Il fonde la Compagnie Utopia en 1993, rebaptisée Utopia 2 en 2002 et [e]utopia3 en
2010.
Par ailleurs, il dirige de nombreux ateliers de formation en France, en Belgique et en
Suisse. Il est professeur principal en interprétation dramatique à l'Institut National
Supérieur des Arts et du Spectacle (Insas) depuis 2000.
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Le théâtre du 19ème siècle
Le romantisme
Le mouvement des Lumières a soulevé des débats artistiques importants en France et en
Europe. En s’éloignant du classicisme, et des règles qui le régissent, le romantisme au
théâtre joue un rôle majeur dans l’évolution de l’écriture dramatique.
Bien que les sciences et les techniques cherchent à expliquer le monde, le romantisme met
en avant l’émotion plutôt que la raison. Il prétend se libérer de toute règle et cherche à
transcender les limites physiques de l’humanité pour rejoindre un idéal spirituel proche de
la nature profonde de l’Homme. L’évasion et le rêve sont au centre des préoccupations ;
dans une société qui place à cette époque l’artiste au centre d’une réflexion sur l’intensité
de la vie.
C’est réellement en Allemagne que le romantisme prend forme, et ce tant en musique,
qu’en littérature et dans le théâtre. Les redécouvertes de Shakespeare et de Calderon au
travers des traductions, ainsi que le climat orageux qui pèse sur la seconde moitié du 19ème
siècle dans le pays pousse les auteurs à créer un théâtre où passion et violence sont les
piliers de l’action. Le Faust de Goethe ressuscite la légende médiévale de l’homme qui
vend son âme au diable… mettant en scène l’ambition humaine de dominer l’univers et de
défier la puissance divine. Une volonté qui sera très vite remise en question dans le
courant de nostalgie qui suivra : quelle prise sur la vie l’être humain peut-il avoir ?
Dès 1820, le romantisme domine toute l’Europe.
En Angleterre, le romantisme comme exaltation des sentiments remporte moins de succès
qu’en Allemagne. Il se retrouve plutôt dans la poésie qu’au théâtre.
En France, le drame historique de Cromwell de Victor Hugo est considéré comme
manifeste du théâtre romantique en 1827. La préface y proclame une liberté totale de
l’invention et de la forme théâtrale.
Parallèlement au théâtre romantique se développe le mélodrame,
mélodrame qui inspire quant à lui la
crainte et les larmes. Les péripéties et les rebondissements sont nombreux, ce qui attire les
foules ! Dans les années 1830 se développe aussi le théâtre bourgeois,
bourgeois qui cherche à
mettre en scène la vie quotidienne. Ce théâtre décide d’abandonner la tendance
sensationnelle des histoires et de se concentrer sur les formules mises en avant par
Diderot.
En marge de ces pièces plus sérieuses, un théâtre populaire vit au travers des vaudevilles
(en France) et des musicmusic-halls (en Angleterre et en Amérique). Il s’agit là de simples
divertissements qui mêlent danse, musique, théâtre burlesque et cirque. C’est d’ailleurs en
1866, à New York, qu’est créé The Black Crook (Le Truand Sinistre), considéré comme la
première comédie musicale.
En France, le genre du vaudeville évolue notamment avec Eugène Labiche et Georges
Feydeau.
Au milieu du 19ème siècle, l’intérêt pour la psychologie et la sociologie donne naissance au
naturalisme.
naturalisme Petit à petit, notamment avec Emile Zola, les auteurs cherchent à décrire le
monde de manière objective, mettant de côté les valeurs spirituelles fortement présentes
dans le romantisme. Le déterminisme social est au centre des réflexions. L’homme obtient
un rôle important dans l’évolution des sociétés.
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Les scènes naturalistes interprètent donc des moments du quotidien, en utilisant un
minimum de ressorts narratifs. Ces théories dramatiques naturalistes s’expriment
largement hors de la France allant en Allemagne, en Italie, en Scandinavie jusqu’en Russie.
En effet, le théâtre russe se développe fortement à la fin du 18ème siècle. Le réalisme très
présent se fait petit à petit remplacer par les idées naturalistes. Dans cette lignée liée au
naturalisme, on retient du théâtre russe les théories de Konstantin Stanislavski sur
l’interprétation des acteurs qui découlent sur un système très précis du jeu : la méthode
Stanislavski, qui prend plus tard le nom d’Actor’s studio.
La fin du 19ème siècle voit naître la mise en scène. L’attention est de plus en plus portée sur
l’harmonisation des décors et des costumes ; la scène devient un espace d’évolution, qui
participe à la vraisemblance du spectacle. Le rôle du metteur en scène est donc à ce
moment clairement identifié…
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Anton Tchekhov, l’auteur (1860 – 1904)
Contexte historique
De nombreuses allusions politiques jalonnent l’œuvre de Tchekhov. La Russie du
XIXème siècle est empreinte de révolutions, de luttes des classes, de communisme, …
Les auteurs et philosophes y tiennent une place à part entière
Durant le règne d’Alexandre
Alexandre II (1855-1881), les paysans se révoltent et le servage est aboli
(1861). De nombreuses réformes touchent notamment les domaines militaire, scolaire et
judiciaire. La bourgeoisie prend de plus en plus de pouvoir. Il meurt assassiné.
En réaction à l’assassinat de son père, Alexandre III (1881-1894) mène une politique de
contre-réforme : lutte contre la révolution : les partis politiques et les syndicats sont
interdits, le droit de circulation est limité, la presse est censurée, des mesures antisémites
sont prises, les oppressions sociales sont quotidiennes, … Les premiers cercles marxistes
voient le jour.
Le règne de Nicolas II (1894-1917) est marqué par l’industrialisation et la révolution de 1905.
Cette révolution est d’abord entamée par les paysans, qui sont ensuite rejoins par les
ouvriers. La bourgeoisie prend de plus en plus de pouvoir (législatif notamment).
Biographie de l’auteur
Ecrivain et auteur dramatique russe, Anton
Tchekhov est né à Taganrog, au bord de la mer
d’Azov.
Troisième enfant d’une famille de six, il est le petitfils d’un serf libéré et le fils d’un épicier, à peu près
analphabète, qui consacre une grande partie de son
temps au chant, à la musique et à la peinture.
Fanatique religieux, son père est un despote familial,
et bat de nombreuses fois ses enfants.
Sa mère, Eugénie Iakovlevna, est une créature
douce et passive, pieuse et tendre, maltraitée par
son mari. Quand Tchekhov a 16 ans, son père fait
faillite et est obligé de quitter Taganrog pour
Moscou avec le reste de la famille. Lui reste dans sa
ville natale pour terminer ses études au lycée.
De cette période, il dit : Je n’ai pas eu d’enfance... J’étais un prolétaire... Nous nous sentions
de petits forçats... Notre enfance a été empoisonnée par des choses terribles...
Anton Tchekhov devient ensuite médecin et exerce cette profession jusqu’aux dernières
années de sa vie.
Il débute très tôt dans l’écriture, faisant simultanément œuvre de conteur, de nouvelliste et
de dramaturge. Ses premiers recueils sont Contes de Melpomène (1884), et Récits bariolés
(1886). Le crépuscule, Innocentes Paroles (1887), ainsi que La Steppe, L’Ours et La Demande
en Mariage (1888) assurent d’emblée la réputation de l’écrivain. Il reçoit cette année-là le
Prix Pouchkine.
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En 1887, Tchekhov crée Ivanov, comédie en quatre actes et cinq tableaux. En 1889, après
quelques changements effectués par l’auteur, la pièce devient un drame en quatre actes.
La comédie provoque un esclandre, le drame reçoit quant à lui un accueil triomphal…
Ainsi, tandis que ce drame, Ivanov, est accueilli au théâtre de Saint-Pétersbourg avec un
grand succès, il décide, tourmenté par la souffrance humaine, d’entreprendre un long
voyage au bagne de Sakhaline (1890) d’où il rapporte un nouveau récit : L’Île de Sakhaline
(1894). Au retour d’un autre voyage en Europe et devenu propriétaire à Melikhovo, localité
proche de Moscou, il se trouve amené à prodiguer ses soins à une population paysanne
décimée par la famine et le choléra. Durant cette période (1891-1897), il compose des
nouvelles (La Cigale, La Chambre n°6).
En 1896, la première de La Mouette à Saint-Pétersbourg est un fiasco, la seconde est un
succès ! Il décide alors d’entreprendre un nouveau voyage, cette fois en France où il
séjourne une année. De retour en Russie, il se fixe à Yalta où les artistes et les littérateurs
les plus célèbres lui rendent visite. C’est là qu’il compose encore des nouvelles
(Douchetchka, 1898 ; La Dame au petit chien, 1899 ; La Fiancée, 1903), ainsi que les trois
derniers drames : Oncle Vania (1897), Les Trois Sœurs (1901) et La Cerisaie (1903).
Elu académicien en 1900, il donne sa démission deux ans plus tard pour protester contre
l’exclusion, prononcée par l’Académie, de Maxime Gorki. Marié avec l’actrice Olga
Knipper, Anton Tchekhov voit sa santé s’altérer gravement et décide de partir pour la
Forêt Noire où il meurt d’une tuberculose le 2 juillet 1904.
C’est avec La Mouette (1896) que Tchekhov consomme sa rupture avec une construction
dramatique traditionnelle, conférant au silence et aux sous-entendus d’un dialogue
apparemment chargé de banalités une profondeur psychologique qu’ils n’avaient jamais
connue avant lui.
Etroitement liée aux débuts au théâtre de Stanislavski, l’œuvre dramatique de Tchekhov,
miroir fidèle d’une société qui se trouvait au seuil d’un des plus grands bouleversements de
l’histoire, rejoint, par la valeur humaine de son témoignage, les chefs-d’œuvre du théâtre
universel.
AUTOBIOGRAPHIE
« Vous avez besoin de ma biographie ? La voici. Né à Taganrog en 1860. Y achève ses études au lycée
en 1879. Termine en 1884 ses études de médecine à la Faculté de Moscou. Prix Pouchkine en 1888.
Voyage à Sakhaline à travers la Sibérie en 1890 et retour par la mer. Voyage en Europe en 1891, boit du
bon vin, mange des huîtres. En 1892, fait la fête avec Tikhonov. Premiers écrits publiés en 1879 dans La
Cigale. Liste des recueils: Récits bariolés, Au crépuscule, Récits, Les Gens maussades ; une nouvelle,
Le Duel. A également péché en matière dramatique mais avec modération. Traduit dans toutes les
langues, sauf les langues étrangères. Il y a très longtemps, en fait, que les Allemands l’ont traduit.
Apprécié par les Tchèques et les Serbes ; et même par les Français. A connu les mystères de l’amour à
l’âge de treize ans. En excellents termes avec ses camarades médecins ou hommes de lettres.
Célibataire. Désirerait recevoir une pension. Exerce la médecine et il lui arrive même de faire, l’été,
des autopsies médicolégales, ce qui ne s’était pas trouvé depuis deux ou trois ans. Écrivain préféré :
Tolstoï, médecin préféré : Zacharine. Plaisanteries que tout cela. Écrivez ce que vous voulez. Si vous
manquez de faits concrets, remplacez-les par des tirades lyriques... »
Jusqu’à la nuit du 1er au 2 juillet 1904, où il dit, en allemand : « Ich sterbe », je meurs.
Extrait de Regardez la neige qui tombe,
tombe, Impressions
Impressi ons de Tche
Tchekhov, Roger Grenier, Éditions
Gallimard.
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L’écriture de Tchekhov
Par son style, Tchekhov opère une réelle révolution dans la littérature russe mais
également au théâtre. Ce dernier a besoin de nouvelles formes. Ses drames abordent le
quotidien. Les silences sont nombreux et il ne cherche pas à embellir la réalité. Il montre
des faits sans jamais dénoncer. Ses personnages ne sont pas des portes paroles, ils sont
simplement mis à nus, reflétant les profondeurs de l’âme humaine. La construction de ses
récits surprend car il n’y a plus un protagoniste principal, mais une multitude de
personnages, qui ont tous une parole importante.
Ainsi, le théâtre de Tchekhov se rattache à la tradition réaliste russe en décrivant les
grandes mutations de la société et ses méfaits. Les artistes russes cherchent à saisir cette
réalité et la présenter au public. Cependant, Tchekhov se rattache également à la tradition
occidentale qui est caractérisée par une prise de distance au profit d’une réflexion plus
globale sur la réalité.
L’auteur se situe entre réalisme et symbolisme : il parvient à inscrire son récit dans la
réalité russe, tout en abordant des sujets profondément symboliques. Tchekhov parvient
ainsi à rendre perceptible la complexité, la richesse et le tragique d’une vie entière.
Une notion fondamentale de l’univers de l’auteur : ce qui est figé cesse d’être beau. L’art
doit ressembler à la vie. Cette dernière change à tout moment et doit être le véritable
modèle artistique.
Anton Tchekhov veut peindre la vie de manière sobre. L’anecdote de départ est souvent
tirée du quotidien et peut être banale. La fable comporte peu de rebondissements, mais de
nombreux détails. Dans les dernières pièces de l’auteur, il n’y a pas de fin. Pour le
spectateur, il s’agit d’une ouverture sur le monde, sur la suite. Le public est face aux
mêmes questionnements que les personnages, aucune réponse n’est donnée.
Personne n’a compris avec autant de clairvoyance et de finesse le tragique des petits
côtés de l’existence ; personne avant lui ne sut montrer avec autant d’impitoyable
vérité le fastidieux tableau de leur vie telle qu’elle se déroule dans le morne chaos de
la médiocrité bourgeoise. MAXIME GORKI
Persuadé que « la vie est uniquement faite d’horreurs, de soucis et de médiocrités qui se
suivent et se chevauchent », Anton Tchekhov garde cependant une foi absolue dans le
progrès. En lui se mêlent toujours la tendance positive et la tendance idéaliste ; sans doute
parce qu’il est à la fois médecin et écrivain.
Il dit : « La médecine est ma femme légitime, la littérature ma maîtresse. » Ne cessant de
souligner à travers son œuvre l’esprit petit-bourgeois, la trivialité, la corruption, l’ignorance
crasse, la peur du supérieur, la déchéance dans les destins avortés, condamnés à l’échec, à
l’usure du temps, il garde constamment foi en l’homme. Il croit toujours possible la
révolution de l’esprit, révolution individuelle, personnelle qui seule permet, grâce à la
connaissance, l’amélioration de la nature humaine et donc de la société.
Anton Tchekhov se sent au chevet d’une humanité souffrante : ses diagnostiques sont sans
appel : ôtant tout espoir, soulignant l’échec, le regret, le vide du quotidien, la lourdeur du
temps qui passe. Cependant, bien qu’il décrive la noirceur du monde, il le fait avec
détachement et humour.
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A quoi bon expliquer quoi que ce soit au public ? Il faut l’effrayer et c’est tout : il sera
alors intéressé et se mettra à réfléchir une fois de plus. Lettre de Tchekhov du 17
décembre 1891
Il ne cherche donc pas dans son écriture à expliquer mais à choquer l’imagination et la
sensibilité du public. Ce dernier ne doit pas rester passif ! C’est la raison pour laquelle
l’écriture de Tchekhov est percutante, allusive, se fixant sur les nœuds des destinées
humaines, ces moments clés où se mettent à nu certains mouvements de l’âme. Il charge de
signification les moments les plus modestes du récit. Il apprécie dans l’art dramatique son
caractère direct, cette confrontation, affrontement qui nait avec le public. En ressort donc
un théâtre qui tend vers le psychologique : le drame de ses héros ne se cantonne pas à
l’action mais à leur incapacité d’agir.
Un des thèmes majeur de Tchekhov est la solitude. Ce sentiment qui provient de
l’incapacité à communiquer ses sentiments les plus intimes. Cette solitude est projetée
dans un contexte social spécifique.
Les personnages sont dans l’attente. Ils sont pris d’une mélancolie associée à un rêve. Ils
souffrent de la désillusion, et se consolent grâce à ‘espoir qui les porte. Le personnage fait
cette découverte de lui-même en même temps que le spectateur et c’est là que se situe le
choc émotionnel, les questionnements sur le sens de la vie, la nostalgie du passé, … C’est
par ce moyen que l’auteur provoque la sensibilité, le spectateur n’ayant comme seuls choix
que d’être actif, ou de ne pas intégrer le spectacle.
La question du temps est au centre de l’œuvre de Tchekhov : la vie est un grand passetemps ! Le temps passe ou ne passe pas. Il a une donnée sensible et variable selon qu’il
s’étire ou se resserre. Le temps use et dévore la vie que l’on ne s’est pas autorisée à vivre.
Le temps révolu est la caractéristique de toute génération perdue. Le temps des aveux. Le
temps reflète aussi les états, les tensions des personnages et des situations. Le temps des
silences et des suspensions.
C’est pourquoi les silences ont une telle importance dans son œuvre. Une pause permet
de suspendre le temps, de suggérer au spectateur une présence absente de fantômes
identifiés ou non. Elle permet aussi de prolonger le sentiment qui vient d’être exprimé et
de lui donner de l’importance…
Le spectateur se sent constamment frustré par le peu de réponses aux questions éveillées.
Dans la vie comme dans l’art, certaines questions ne font qu’en entraîner d’autres…
Les espaces dans les œuvres de Tchékhov
La principale exigence de Tchekhov concernant la mise en espace de ses pièces est qu’il
représente un espace vide – réel ou symbolique. La plupart de ses pièces se passe dans
des propriétés isolées, perdues dans la province russe. Les personnages sont compressés
dans ces espaces exigus et se saoulent de vodka, de paroles, de confessions, de reproches,
de déclarations d’amour, comme s’ils voulaient combler l’énorme vide de leur existence par
du trop-plein. Ce qui vient de l’extérieur porte alors un espoir.
L’espace physique est donc essentiel en regard à l’espace intérieur des personnages.
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Ivanov,
Ivanov , d’Anton Tchekhov
Résumé des 4 actes
Quelques personnages…
Nikolaï Alexéïévitch Ivanov
Ivanov est un bourgeois qui entasse les dettes. Il a la trentaine et se rend compte
qu’il n’a plus d’énergie, que tous les projets qu’il a déjà entrepris l’ont brisé. Il subit
sa vie plus qu’il ne la vit.
Mikhaïl Mikhaïlovitch Borkine
Borkine est un parent éloigné d’Ivanov. Il vit dans son domaine. Il porte en lui une
joie de vivre qu’il partage volontiers.
Anna Petrovna,
Petrovna, née Sarah Abramson
Anna Petrovna est la femme d’Ivanov. Elle est atteinte d’une maladie qui va la tuer.
Elle est éperdument amoureuse d’Ivanov et a tout quitté pour vivre avec lui.
Evguéni Konstantinovitch Lvov
Lvov est un jeune médecin. Il se considère comme honnête et ne manque pas de
dire tout haut ce qu’il pense.
Pavel Kirillytch Lébédev
Lébédev est un bourgeois chez qui Ivanov sort régulièrement. Sa femme est très
attachée à l’argent et Ivanov leur en doit beaucoup.
Sacha
Fille de Lébédev, Sacha a 20 ans et est amoureuse d’Ivanov. Elle croit en la force de
l’amour et est prête à tout pour qu’Ivanov retrouve sa joie de vivre.
Acte
Acte 1
Lieu : Le jardin de la propriété d’Ivanov.
Ivanov est dans une période sombre : il est morose, a des problèmes d’argent et se pose
beaucoup de questions. Les personnes qui l’entourent tentent de le faire réagir. Sa
femme est malade et il a l’impression de ne plus l’aimer. Il cherche à s’échapper de son
quotidien en sortant le soir, laissant sa femme seule à la maison.
Acte 2
Lieu : Dans la propriété des Lébédev. En face, une sortie donnant sur le jardin…
Anniversaire de la fille célibataire des Lébédev. Les invités s’ennuient. Ils donnent leur
avis sur le destin d’Ivanov. Sacha, la jeune fille de la famille, s’ennuie et s’étonne de voir
les autres jeunes complètement avachis. Ivanov arrive, puis Borkine, qui fait profiter de sa
joie de vivre à tous. Ivanov parle à Sacha de sa solitude et son ennui. Pendant ce temps,
Anna Petrovna arrive avec Lvov à la maison des Lébédev. Ils surprennent Ivanov en train
d’embrasser Sacha.
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Acte 3
Lieu : Le bureau d’Ivanov.
Anna Petrovna va mal.
Les hommes parlent politique.
Ivanov arrive et tous veulent le voir en privé.
Lébédev lui demande de payer ses intérêts. Ivanov lui explique qu’il ne comprend pas ce
qui lui arrive, et la raison de ce sentiment qui le tue : « A vingt ans, nous sommes tous des
héros, nous entretenons tout, nous pouvons tout, et à trente, nous sommes déjà fatigués,
nous ne sommes plus bons à rien. » (Acte 3)
Lvov entre et tente de s’expliquer avec Ivanov. Sacha arrive et Lvov les laisse seuls. Elle
veut prendre des nouvelles de lui. Ils parlent d’amour.
Ensuite, Anna Petrovna veut savoir pourquoi Sacha est venue. Elle s’énerve et pour la
faire taire, Ivanov lui annonce qu’elle va bientôt mourir.
Entre l’acte 3 et l’acte 4, il se passe environ un an.
Acte 4
Lieu : Un des salons de la maison des Lébédev.
Anna Petrovna est morte. Lvov en veut à Ivanov qui est sur le point d’épouser Sacha. Il
promet de se venger.
Lébédev, au moment où il confie à sa fille les modifications dans le montant de sa dote,
l’entend lui avouer qu’elle doute de son mariage.
Ivanov arrive et veut parler à Sacha seuls à seuls. Il se rend compte de l’absurdité de leur
situation à tous les deux et veut annuler le mariage. Sacha le lui défend. Arrive Lébédev,
qui demande des explications à Ivanov. Il lui conseille d’arrêter de se compliquer la vie.
Jusqu’à ce qu’Ivanov entrevoie la seule issue qui lui permette de traverser cette épreuve :
le suicide.
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Ivanov,
Ivanov , notes de Tchekhov
« J’avais l’impression que tous les hommes de lettres et dramaturges avaient ressenti la
nécessité de dépeindre un être mélancolique et qu’ils avaient tous écrit instinctivement,
sans avoir de point de vue. Avec mon projet Ivanov, j’ai tapé à peu près dans le mille.
Ivanov est un noble, un universitaire qui n’a rien de remarquable ; c’est une nature émotive,
ardente, qui se laisse facilement emporter par ses passions, honnête et droite comme la
plupart des nobles cultivés. Il a vécu dans sa propriété et a siégé à l’assemblée territoriale.
Cet homme se jette dans le feu de l’action ; les bancs de l’école à peine quittés, il prend sur
ses épaules un fardeau trop lourd pour lui, se consacre aux écoles, aux paysans, à
l’exploitation rationnelle, fait des discours, écrit au ministre, combat le mal, applaudit le
bien, aime, non pas simplement et n’importe comment, mais toujours, ou des bas-bleus, ou
des psychopathes, ou des juives, ou même des prostituées qu’il sauve…
A trente, trente-cinq ans, il commence à éprouver lassitude et ennui : « Si on me regarde
de l’extérieur, c’est sûrement terrible, je ne comprends pas moi-même ce qui se passe en
moi… » Lorsqu’ils se retrouvent dans une telle situation, les gens étroits d’esprit et
malhonnêtes en rejettent en général toute la faute sur le milieu, ou bien ils s’installent dans
le groupe des “hommes en trop”, des “Hamlet,” et se contentent de cela. Ivanov, lui, parle
d’une faute qu’il aurait commise, et le sentiment de culpabilité croît en lui à chaque
nouveau choc : « Jour et nuit ma conscience me torture, je sens que je suis profondément
coupable, mais en quoi consiste exactement ma faute, je ne le comprends pas… »
« À l’épuisement, à l’ennui et au sentiment de culpabilité, ajoutez encore un ennemi. C’est
la solitude. Personne n’a rien à faire de ce qu’il ressent et du changement qui s’opère en
lui. Il est seul. De longs hivers, de longues soirées, un jardin désert, des pièces désertes, un
comte bougon, une femme malade… Nulle part où aller. C’est pourquoi à chaque minute le
torture la question : que faire de soi ? Des gens comme Ivanov ne résolvent pas les
problèmes, mais ploient sous leur poids. La déception, l’apathie, la fragilité nerveuse et la
fatigue sont la conséquence inévitable d’une trop grande exaltation, or cette exaltation est
le propre de notre jeunesse.
Passons au docteur Lvov. C’est le type même de l’homme honnête, droit, ardent, mais
étroit d’esprit. Il regarde chaque événement, chaque personne à travers un cadre étroit et
juge de façon préconçue. Ivanov et Lvov se présentent à mon imagination comme des
hommes vivants. Je vous le dis en mon âme et conscience, sincèrement, ces hommes ne
sont pas nés dans ma tête de l’écume de la mer, d’idées préconçues, d’“intellectualisme”,
par hasard. Ils sont le résultat de l’observation et de l’étude de la vie. Si le public sort du
théâtre avec la conviction que les Ivanov sont des salauds et les docteurs Lvov de grands
hommes, alors il me faudra prendre ma retraite et envoyer ma plume au diable. »
Anton Tchekhov, décembre 1888
Tout ce que Tchekhov a voulu dire sur le théâtre,
théâtre , traduction Catherine
Catherine Hoden, l’Arche
Editeur, 2007
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Comment [e]utopia a RE/MIXé Ivanov
L’adaptation
L’adaptation d’une œuvre
Dans un travail d’adaptation, la création réside dans cet espace vacant que
laisse toute œuvre à sa propre recréation, que ce soit à travers la lecture ou la
réécriture que peut en faire son auteur d’origine ou un autre auteur. Tout le
mystère d’une œuvre s'inscrit dans cette possibilité de réécrire éternellement
la même histoire avec des moyens à chaque fois différents. […]
Karima Ouadia,
Ouadia, Présentation ‘Albert Camus adaptateur de théâtre’
Si l’adaptation/retraduction d’Armel Roussel reste globalement fidèle à Tchekhov sur les
trois premiers actes, elle s’écarte totalement de la pièce originale au quatrième acte pour
se rapprocher d’une forme performative.
Extrait du texte écrit par Armel Roussel pour l’entrée du public et la scène 1
Disons que pour commencer, il me faut faire le point. Car en vieillissant, en grandissant
pour être plus exact, tout un tas de questions me rattrapent. Ce ne sont pas tout à fait les
mêmes que je me posais adolescent mais elles ne sont pas non plus à l’opposé. Disons
qu’elles ont changé de forme, que mon énergie a bougé, que j’ai depuis pris quelques
bonnes leçons... et de mauvaises aussi. Je ne pense pas m’être « résigné au monde » pour
reprendre l’expression d’Edward Stachura, mais bon, il a quand même fini par se pendre
dans son appartement à Varsovie. Est-ce que cela pourrait être mon destin ? Je ne l’espère
pas mais je ne peux pas non plus en être sûr. Est-ce que c’est le corps ou est-ce que c’est
l’esprit qui pousse à un tel acte ? Une sale alchimie sans doute. Est-ce qu’aimer et/ou être
aimé peut suffire à fuir la souffrance ? Est-ce que l’Amour donne du sens ? De la raison
d’être ? Peut-on vraiment s’accomplir par l’Amour ? Peut-on s’accomplir tout court ? J’ai
beau être ce qu’on nomme un artiste, je me pose régulièrement la question : A quoi sert
l’Art ? Ce n’est pas exactement ma question en fait puisque je sais ce en quoi l’art ME sert.
Non en tant que praticien mais en tant qu’amateur. A m’ouvrir, à affiner mes émotions, à
regarder la vie à partir d’autres points de vue, à me soulever du sol, à philosopher en
quelque sorte... Non ma question réside d’avantage dans ce que je fais moi-même. Est-ce
que ce que je crée sert à quelque chose ? Suis-je utile à quelque chose ou à quelqu’un ?
Mon travail a-t-il un sens ? Ma vie a-t-elle un sens ?
Je sais bien que l’Art n’a pas pour but de « servir » ou d’être « utile » (je le vois bien chez les
artistes que j’aime et qui sont différents de moi) mais comment puis-je me regarder dans la
glace si je ne pense pas – ne serait-ce qu’un peu - que cela «apporte» quelque chose ? Et
puis-je dire de ce que je crée que cela «ouvre», «apporte du point de vue», «soulève du sol»
ou «permet de la philosophie» ? Je ne vais pas jouer les faux modestes en décrétant que
NON, sinon je ne serais pas là en train d’écrire, mais répondre par un OUI franc et massif
m’est aussi impossible. Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. J’en doute et je n’en doute pas.
Est-ce comme cela dans tous les métiers ? Mon banquier se demande-t-il parfois s’il est
utile ? Mon boulanger réfléchit-il souvent au sens de son métier ? Un enseignant est-il
toujours persuadé de la nécessité de ce qu’il transmet ?... […]
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Tout cela me semble bien confus. Ce désir d’appartenance. A la vie, à
l’Amour, aux Autres et aussi à Soi. Sans doute se demander quel est le
sens de la vie revient à se poser la question du sens de SA vie.
vie.
Mais cette question elleelle -même aa- t- elle un sens ?...
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Entretien avec Armel Roussel
Propos recueillis par Bérengère Deroux
Ce n’est pas la première fois que tu t’empares d’une pièce écrite - monument du
théâtre - comme élément déclencheur pour livrer un spectacle extrêmement
contemporain et marqué de la patte Utopia. Le texte, présupposé connu du public,
estest-il l’occasion d’avoir une base commune dans laquelle tu injectes une multiplicité
de messages ? Ce texte écrit donnedonne- t-il plus facilement
facilement la possibilité de passer de
l’historique au politique, du politique à l’intime et vice et versa ?
J’ai pu travailler sur le présupposé de la connaissance du texte par le public avec Hamlet.
Ce n’est pas le cas avec Ivanov, qui est une des pièces les moins montées, les moins
connues de Tchekhov. Je n’ai pas l’impression d’utiliser les pièces comme des supports. Je
choisis les pièces parce qu’elles me touchent et car j’y retrouve mes interrogations. La
pièce n’est pas une base ou un support à d’autres choses que je voudrais dire ; elle
comporte ce que je veux dire. Il se fait que je rencontre plus souvent cela dans l’écriture
classique que dans l’écriture contemporaine. Si je suis davantage touché par les écritures
classiques de manière générale, c’est aussi parce qu’elles amènent une distance. Le temps
est passé, y compris dans le langage, emportant tout naturalisme. Nous pouvons alors
entrer plus réalistement dans la langue qui elle-même procède par instants de
distanciation, la notion historique est présente dans cela. Sur la notion politique, Tchekhov
a toujours dit qu’il n’était pas un auteur politique alors que je trouve Ivanov très politique ;
c’est ce qui m’a plu. Faire du théâtre est un acte politique.
Tes spectacles touchent les gens là où ils en
en sont, dans leur intimité. Cela voudraitvoudrait-il
dire que finalement nous avons tous les mêmes questionnements, manques, désirs
profonds ou utopies ?
Oui en effet, “là où ils en sont”… Tout le monde n’en est pas au même point, en fonction de
son âge, de sa vie, d’où il vient, de son éducation, de son milieu, de sa sexualité, de sa
religion, de sa culture… Mais au-delà de tout ça, de toutes les différences qui font que
chacun est unique, je pense que tout le monde a le désir profond d’être aimé. Certains ont
eu la chance de trouver l’amour, d’autres pas ; chacun le vit différemment avec violence ou
non, chacun s’est domestiqué ou pas… Mais je pense qu’il y a ce désir commun à nous tous,
même si ce désir n’a pas forcément le même visage pour chacun.
Il est arrivé pendant tes spectacles de voir, côte à côte, un spectateur mort de rire et
un autre pleurant à chaudes larmes. Comment expliquesexpliques -tu cela ? Cela pourraitpourrait-il
arriver avec Ivanov ReRe -mix ?
Cette question me perturbe car en effet, j’aimais beaucoup en termes d’expérience voir
lors d’une représentation un spectateur pleurer et un autre rire à la présentation d’une
même scène ; et je pense que sur Ivanov ça n’arrive pas. Ivanov propose sans doute des
réactions un peu plus communes que d’autres spectacles que j’ai montés. Je pense que ma
pratique de metteur en scène a évolué ces dernières années : avant j’imaginais la
représentation comme un lieu de confrontation, maintenant je pense que je l’imagine
comme le lieu d’une réunion.
Les thématiques que tu explores – “comment
“comment vivre ensemble ?» ou “comment se
débattre avec soisoi-même ?”, le rapport entre intimité et liberté, … - sont des questions
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qui occupent nos histoires d’amour ou nos relations familiales… Tu es Français
Français mais tu
vis et travaille en Belgique et tu as rassemblé
ras semblé une équipe fidèle d’acteurs et de
concepteurs, une compagnie, on pourrait dire une “troupe” ou “famille” qui semble
être en parfaite adéquation avec tes préoccupations. Cette notion de collectif estestelle essentielle à ton développement artistique ?
Non, en fait, je ne pense pas que le fait d’avoir constitué une famille théâtrale soit lié au fait
que je sois Français installé en Belgique. Je n’ai pas de notion de déracinement. J’ai 40 ans
et ai vécu plus de temps en Belgique qu’en France, je pense donc être parfaitement
“belgifié”. Je ne pense pas avoir recréé une famille ici. Je suis très fidèle en amitié et la
notion de collectif est essentielle pour moi, je n’ai jamais considéré que les acteurs étaient
interchangeables. C’est très agréable de poursuivre un questionnement avec les mêmes
gens, en vieillissant avec eux et “comme la vie va”, c’est-à-dire comment ces gens se
marient, divorcent, ont des enfants ou pas, achètent ou non une maison. Qu’il s’agisse de
Vincent (Minne) ou de Yoann (Blanc), ça fait quinze ans qu’on travaille ensemble, qu’on
crée chaque spectacle, qu’on avance, qu’on évolue ensemble. Alors il va de soi que ces
questions de vie se retrouvent sur le plateau mais aussi entre nous.
Tu as dit : “Je crois que le théâtre est un des derniers
derniers lieux de liberté où on peut tout
faire, tout dire.”. Vraiment tout ? Et sans conséquence ?
Vraiment tout oui, avec des conséquences heureusement. Pourquoi “tout dire ou tout
faire” signifie-t-il immédiatement dans les esprits des choses scandaleuses ou choquantes ?
On semble me soupçonner de vouloir faire du théâtre pornographique ? Tout faire ou tout
dire ne veut pas dire faire n’importe quoi ou dire n’importe quoi ; mais, oui, je trouve que le
théâtre est un vrai endroit de liberté.
Nous avons eu le bonheur de découvrir, la saison dernière, la “version intime”
d’Ivanov
Ivanov Red’
Re -mix aux Théâtre des Tanneurs à Bruxelles, qui a reçu un accueil
extrêmement positif tant du public que de la presse. Cette deuxième étape de
création est annoncée “Grand format”. Peux
Peux -tu nous donner quelques pistes de ce
“Grand format” ?
Nous devons passer d’un rapport très proche des spectateurs à un rapport “grande salle”.
Comment rester dans un rapport intime en étant beaucoup plus nombreux ? C’est le
départ de la réflexion. Dans la première version, je ne m’attachais qu’à l’œuvre – aux
acteurs et au texte. Aujourd’hui je souhaite utiliser cette étape pour en faire une forme
plus spectaculaire mais qui doit hériter de ce travail de proximité. J’avais tout d’abord
travaillé des plans de construction, de décor, d’installation et finalement je me rends
compte que je suis en train de déshabiller l’espace, d’épurer encore cette petite forme,
tout en y apportant des lumières, du son, de la vidéo. La difficulté est que le spectacle ne
devienne ni lisse ni propre, qu’il reste vivant. L’univers scénique sera esthétiquement très
différent de la petite forme. Certaines scènes seront également retravaillées, Melchior –
l’enfant – ne fait plus partie du spectacle, ma présence sera différente aussi. Je veux
utiliser tous les outils du théâtre sans perdre ce qui faisait la beauté de la proposition de
départ. Au contraire que la beauté en soit augmentée par la forme.
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La mélancolie à travers les âges…
La mélancolie selon l’époque, la discipline prend des significations différentes et
spécifiques.
Melancholia vient du latin et signifie la « bile noire » qui renvoie à la théorie des humeurs
d’Hippocrate selon laquelle le corps humain contient quatre humeurs qui déterminent
notre caractère, notre tempérament. La prépondérance de l’une ou l’autre dans le sang
détermine le tempérament. La bile noire étant l’état réservé principalement aux « génies ».
Pour les artistes, la mélancolie est un passage obligé vers un mieux…
Aujourd’hui la mélancolie s’est chargée de significations multiples qui varient d’un état
d’âme tel la tristesse, l’ennui, la lassitude, à l’état dépressif pathologique (psychanalyse et
psychiatrie).
C’est dans l’art et le contexte historique du 19ème siècle que la mélancolie connait son
apogée. Musset écrit que la mélancolie est la mal qui berce ce siècle. Et le romantisme de
se charger de mélancolie que ce soit dans la littérature, la musique, la peinture,…
Dans la littérature, les auteurs se sont laissé envahir par la vague mélancolique qui est alors
un état recherché par les auteurs, état précédent la création. Cet état enlève à l’artiste son
enthousiasme. Mais la mélancolie ouvre les portes de l’imaginaire. Selon Victoire Hugo, « la
mélancolie, c’est le plaisir d’être triste. »
La mélancolie chez Tcheckh
Tcheckhov
Apathie, sans volonté de faire bouger les choses, affaiblissement intellectuel croissant de
personnages pourtant intelligents. Il ne crée pas de héros, mais des personnages
confrontés à la sclérose des habitudes et à l’usure du temps auxquels rien ne résiste. Cet
état d’esprit peut mener ses personnages au suicide.
Le spleen
De manière générale, le romantisme exprime un profond malaise, un monde économique
où il devient difficile de vivre dignement. Musset dénonce le matérialisme bourgeois.
Le progrès intellectuel apporté par les Lumières s’accompagne ensuite d’un sentiment de
vide spirituel d’un ennui profond qui pousse au suicide ou à la démence. Il s’agit là d’un
sentiment de finitude de l’humain face à l’infini du monde.
Ce malaise romantique offre cependant une certaine beauté, un sentiment de bonheur
reconnu par les auteurs et artistes du temps. La mélancolie est le signe distinctif de
l'artiste : c'est déjà le spleen (cf. plus tard Baudelaire : la notion de spleen existe déjà à
l’époque romantique allemande et anglaise et Baudelaire l’a popularisé) sans cause précise,
état morbide où l'on ne se supporte plus, où la solitude est un enfer, où la conscience du
temps qui passe et le malheur de l'homme, la cruauté de la nature accablent l'esprit, et lui
inspirent des tentations de révoltes politiques ou de suicide, à moins qu'il ne sombre dans
la folie. Ce mal est le mal de l'homme, sa condition, et cette expérience de la douleur est
inséparable de la vie et de son apprentissage ; c'est une fatalité qu'il faut expier, un
châtiment dont le monde est la réalisation.
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La mélancolie dans la peinture
-Saturne dévorant ses enfants (F.
Goya-1820-1823) [Saturne : Dieu
de la Mélancolie)
-G de Chiricio, La mélancolie
d’une belle journée (1930)
-Melancholia d’A. Dürer (1514) : la
mélancolie ouvrait les portes de
l’imaginaire, trait de génie.
La mélancolie dans la l ittérature
L’époque romantique : Novalis,
Goethe (les souffrances du jeune
Werther), Fichte, Byron, Hugo,
Vigny, Chateaubriand, Sand,
Musset, Stendhal, Baudelaire,
Flaubert
(Madame
Bovary),
Verlaine (recueil de poèmes : les
Poèmes saturniens)…
Françoise Sagan : Bonjour
Tristesse
- J-P. Sarte : La Nausée (titre
original : mélancholia)
La mélancolie dans la musique
Romantisme : Wagner, Berlioz, les Lieder de Schubert
-S. Gainsbourg : L’aquoiboniste (Interprété par J. Birkin)
-L. Ferré , La mélancolie
-Miossec, La mélancolie
-Benjamin Biolay, Mélancolique
La mélancolie au cinéma
Mélancholia de Lars Von Trier
Nostalghia d’A. Tarkovski
Nouvelle Vague
Les quatre cents coups (Truffaut)
Hiroshima mon amour (Resnais)
Pierrot le fou (J-L Godard)
A bout de souffle (J-L Godard)
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L’ennui – Propos
Propos sur le bonheur, d’Alain (1909)
Extrait du dossier pédagogique Cycle Anton Tchekhov,
Tchekhov , Festival Automne en Normandie, p. 2323-24
Quand un homme n’a plus rien à construire ou à détruire, il est très malheureux. Les
femmes, j’entends celles qui sont occupées à chiffonner et à pouponner, ne comprendront
sans doute jamais bien pourquoi les hommes vont au café et jouent aux cartes. Vivre avec
soi et méditer sur soi, cela ne vaut rien.
Dans l’admirable Wilhelm Meister de Goethe, il y a une « société de renoncement » dont
les membres ne doivent jamais penser ni à l’avenir ni au passé. Cette règle, autant qu’on
peut la suivre, est très bonne. Mais pour qu’on puisse la suivre, il faut que les mains et les
yeux soient occupés. Percevoir et agir, voilà les vrais remèdes. Au contraire, si l’on tourne
ses pouces, on tombera bientôt dans la crainte et dans le regret. La pensée est une espèce
de jeu qui n’est pas toujours très sain. Communément on tourne sans avancer. C’est
pourquoi le grand Jean-Jacques a écrit : « L’homme qui médite est un animal dépravé ».
La nécessité nous tire de là, presque toujours. Nous avons presque tous un métier à faire,
et c’est très bon. Ce qui nous manque, ce sont de petits métiers qui nous reposent de
l’autre. J’ai souvent envié les femmes, parce qu’elles font du tricot ou de la broderie. Leurs
yeux ont quelque chose de réel à suivre ; cela fait que les images du passé et de l’avenir
n’apparaissent vivement que par éclairs. Mais, dans ces réunions où l’on use le temps, les
hommes n’ont rien à faire, et bourdonnent comme des mouches dans une bouteille. Les
heures d’insomnie, lorsque l’on n’est pas malade, ne sont si redoutées, je crois, que parce
que l’imagination est alors trop libre et n’a point d’objets réels à considérer. Un homme se
couche à dix heures et, jusqu’à minuit, il saute comme une carpe en invoquant le dieu du
sommeil. Le même homme, à la même heure, s’il était au théâtre, oublierait tout à fait sa
propre existence. Ces réflexions aident à comprendre les occupations variées qui
remplissent la vie des riches.
Ils se donnent mille devoirs et mille travaux et y courent comme au feu. Ils font dix visites
par jour et vont au concert au théâtre. Ceux qui ont un sang plus vif se jettent dans la
chasse, la guerre ou les voyages périlleux. D’autres roulent en auto et attendent
impatiemment l’occasion de se rompre les os en aéroplane. Il leur faut des actions
nouvelles et des perceptions nouvelles. Ils veulent vivre dans le monde, et non en euxmêmes. Comme les grands mastodontes broutaient des forêts, ils broutent le monde par
les yeux. Les plus simples jouent à recevoir de grands coups de poing dans le nez et dans
l’estomac ; cela les ramène aux choses présentes, et ils sont très heureux.
Les guerres sont peut-être premièrement un remède à l’ennui ; on expliquerait ainsi que
ceux qui sont les plus disposés à accepter la guerre, sinon à la vouloir, sont souvent ceux
qui ont le plus à perdre. La crainte de mourir est une pensée pressante, si dangereuse
qu’elle soit. Une bataille est sans doute une des circonstances où l’on pense le moins à la
mort. D’où ce paradoxe : mieux on remplit sa vie, moins on craint de la perdre.
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Pistes pédagogiques
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Anton Tchekhov
Le drame du quotidien
Le théâtre en Russie
La naissance de la mise en scène
L’adaptation d’un texte au théâtre
Les questions du bonheur et du renoncement
La mélancolie à travers les arts
Qu’est-ce que la mélancolie ?
D’où vient ce sentiment et comment en sortir ?
Pourquoi peut-il apporter de l’inspiration aux artistes ?
Quel rapport un être humain peut-il voir avec le monde qui l’entoure ?
Comment vivre ensemble sans être conditionnés par les autres ?
Quelle liberté chaque être humain a-t-il dans les choix qu’il fait ?
Sources
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Dossier pédagogique Cycle Anton Tchekhov, Festival Automne en Normandie.
Le Petit Robert des Noms Propres
Le Mystère Tchekhov, Rodolphe Fouano, Cahiers de la Maison Jean Vilar
U. GUARRIGUE, Sur la mélancolie dans l’art, De Boeck Université/Sociétés, 2004/4
no 86, pp79-84.
× Dictionnaire du Théâtre, Encyclopédie UNIVERSALIS, Albin Michel, 2000.
× Tout ce que Tchekhov a voulu dire sur le théâtre, traduction Catherine Hoden,
l’Arche Editeur, 2007
× A.BENOIT-DUSSAUSOY et G. FONTAINE, Lettres européennes : manuel
universitaire d’histoire et de littérature européenne, éd. De Boeck, 2007, Paris
× www.russie.net
× http://www.theatrons.com
× www.wikipedia.org
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Quizz
1)
Fils de Pavel Egorovitch Tchekhov et d’Evguenia iakovna Morozova, quelle place
Anton Pavlovitch occupeoccupe-t-il dans la famille ? EstEst-il…
A. Le deuxième enfant d’une famille de cinq
B. Le troisième d’une famille de six
C. Le quatrième d’une famille de sept
1)
Qui le bat régulièrement et sauvagement pendant son enfance ?
A. Sa mère
B. Son père
C. Un voisin
2) Nicolas Ier règne de 1825 à 1855. Qui lui succède de 1855 à 1881 ?
A. Nicolas II
B. Alexandre II
C. Michel II
3) En quelle année le servage estest-il aboli en Russie ?
A. 1848
B. 1861
C. 1870
4) Pavel Egorovitch, le père
pèr e de Tchekhov, fait faillite en 1876 et fuit à Moscou pour éviter la
prison pour dettes. Quel commerce tenaittenait-il ?
A. Une quincaillerie
B. Une épicerie
C. Une armurerie
5) En 1884, Tchekhov termine ses études
A. D’ingénieur
B. D’agronomie
C. De médecine
7) Quel prix littéraire
littéraire reçoitreçoit-il en octobre de la même année pour son recueil Dans le
crépuscule ?
A. Le Prix Gogol
B. Le Prix Pouchkine
C. Le Prix Dostoïevski
8) Quel est le genre de la première version que Tchekhov écrit d’Ivanov
d’Ivanov ?
A. Un Drame
B. Une Comédie
C. Un Music-Hall
9) Quels genres
genres d’histoires écrit Tchekhov ?
A. Des Vaudevilles
B. Des grandes aventures héroïques
C. Des récits de la vie quotidienne
10) De quoi meurt Tchekhov ?
A. Crise cardiaque
B. Tuberculose
C. Angine
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La mélancolie en chansons…
La Mélancolie / Léo Ferré
LA MELANCOLIE
C'est un' rue barrée
C'est c'qu'on peut pas dire
C'est dix ans d'purée
Dans un souvenir
C'est ce qu'on voudrait
Sans devoir choisir
LA MELANCOLIE
C'est un chat perdu
Qu'on croit retrouvé
C'est un chien de plus
Dans le mond' qu'on sait
C'est un nom de rue
Où l'on va jamais
LA MELANCOLIE
C'est se r'trouver seul
Plac' de l'Opéra
Quand le flic t'engueule
Et qu'il ne sait pas
Que tu le dégueules
En rentrant chez toi
C'est décontracté
Ouvrir la télé
Et r'garder distrait
Un Zitron' pressé
T'parler du tiercé
Que tu n'a pas joué
LA MELANCOLIE x2
C'est voir un mendiant
Chez l'conseil fiscal
C'est voir deux amants
Qui lis'nt le journal
C'est voir sa maman
Chaqu' fois qu'on s'voit mal
LA MELANCOLIE
C'est revoir Garbo
Dans la rein' Christine
C'est revoir Charlot
A l'âge de Chaplin
C'est Victor Hugo
Et Léopoldine
LA MELANCOLIE
C'est sous la teinture
Avoir les ch'veux blancs
Et sous la parure
Fair' la part des ans
C'est sous la blessure
Voir passer le temps
C'est un chimpanzé
Au zoo d'Anvers
Qui meurt à moitié
Qui meurt à l'envers
Qui donn'rait ses pieds
Pour un revolver
LA MELANCOLIE
C'est les yeux des chiens
Quand il pleut des os
C'est les bras du Bien
Quand le Mal est beau
C'est quelquefois rien
C'est quelquefois trop
LA MELANCOLIE
C'est voir dans la pluie
Le sourir' du vent
Et dans l'éclaircie
La gueul' du printemps
C'est dans les soucis
Voir qu'la fleur des champs
LA MELANCOLIE
C'est regarder l'eau
D'un dernier regard
Et faire la peau
Au divin hasard
Et rentrer penaud
Et rentrer peinard
C'est avoir le noir
Sans savoir très bien
Ce qu'il faudrait voir
Entre loup et chien
C'est un DESESPOIR
QU'A PAS LES MOYENS
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L’aquaboniste / Serge Gainsbourg
C'est un aquoiboniste
Un faiseur de plaisantristes
Qui dit toujours à quoi bon
A quoi bon
Un aquoiboniste
Un modeste guitariste
Qui n'est jamais dans le ton
A quoi bon
Un aquoiboniste
Un modeste guitariste
Qui n'est jamais dans le ton
A quoi bon
Un aquoiboniste
Un peu trop idéaliste
Qui répèt' sur tous les tons
A quoi bon
Un aquoiboniste
Un drôl' de je m'enfoutiste
Qui dit à tort à raison
A quoi bon
Un aquoiboniste
Qui s'fout de tout et persiste
A dire j'veux bien mais au fond
A quoi bon
Un aquoiboniste
Qu'a pas besoin d'oculiste
Pour voir la merde du monde A quoi bon
Un aquoiboniste
Qui me dit le regard triste
Toi je t'aime, les autres ce sont
Tous des cons
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La mélancolie / Miossec
La mélancolie
Qui vient qui coule
Qui vous enfonce tout doucement
Qui vous enroule
Qui vous blottit
Qui vous protège des ouragans
La mélancolie qui vient qui cogne
A la porte si souvent
Que l'on s'y abandonne
Que l'on se roule même dedans
La mélancolie
De nos meilleures années
Nos compagnes nos conneries
Ne doivent pas un jour s'oublier
Nos mélancolies
Se mélangent mon ange
S'emmêlent
Dans nos vies de petits blancs
Dans tous ces souvenirs d'école
Et de tout le tremblement
La mélancolie
Comme une anomalie
Qui démolit tout doucement
Qui vous demande qui vous explique
Qu'on n'est plus des enfants
La mélancolie
Qui coule de source
Qui colle au corps
Et qui vous crée des putains d'emmerdements
La mélancolie c'est communiste
Tout le monde y a droit de temps en temps
La mélancolie n'est pas capitaliste
C'est même gratuit pour les perdants
La mélancolie c'est pacifiste
On ne lui rentre jamais dedans
La mélancolie oh tu sais ça existe
Elle se prend même avec des gants
La mélancolie c'est pour les syndicalistes
Il faut juste sa carte de permanent
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LXII. Spleen / Baudelaire
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
— Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
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EnivrezEnivrez-vous
Il faut être toujours ivre. Tout est là: c'est l'unique question. Pour ne pas
sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche
vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
enivrez-Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez
vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé,
dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez,
réve illez, l'ivresse déjà
diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à
l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce
vent,, la
qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent
vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront: "Il est l'heure de
s'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrezenivrez- vous;
enivrezenivrez- vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise!"
Charles Baudelaire
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