Grande Bretagne : Les Anglais mieux soignés

Transcription

Grande Bretagne : Les Anglais mieux soignés
Politique de santé International
Grande Bretagne
Les Anglais mieux soignés
Le système national de santé britannique (NHS) veut offrir les meilleurs
soins à tous et être un exemple pour le monde. De profonds changements
nécessaires ont eu lieu. Pour quels effets ?
L
e système de santé britannique
(NHS) était à l’agonie. Il avait
besoin d’être réanimé. En 1999,
Tony Blair déclare ne disposer que
de « 24 heures pour sauver le système de
santé britannique ! » Depuis le sauvetage a été entrepris avec le doublement
de son budget en 10 ans. En 2007,
pour définir, accélérer et conduire les
réformes, le premier ministre britannique appelle à la rescousse, Lord Darzi,
un chirurgien non issu du monde politique, qui est nommé sous-secrétaire
d’Etat à la Santé. Objectif fixé: réconcilier patients, soignants et employés du
NHS pour mettre en place, dès 2008,
un véritable système performant de
santé publique.
Leitmotiv : la qualité pour tous
Dans un premier temps, pour comprendre ce que veulent les acteurs de
santé et les patients, le ministre entreprend une consultation de l’opinion,
la plus large qui n’ait jamais été menée
en Grande Bretagne. 2000 praticiens et
60 000 personnes à travers l’ensemble
du territoire seront interrogés. Elle a définit les besoins permettant de façonner
le NHS du 21ème siècle. Cette enquête
a confirmé des différences locales et régionales importantes, mais elle a surtout
mis en exergue une vison nationale unanime : le NHS doit délivrer des soins
de qualité pour chaque patient citoyen
du Royaume-Uni. En mai 2008, Lord
Darzi rend ses conclusions dans un rapport intitulé « Qualité des soins de haut
niveau pour tous (High quality Care
for all) ». Chacun y est invité à penser
les moyens nouveaux qu’il doit mettre
en œuvre pour assurer la qualité à travers l’innovation, tant sur le plan de la
34
PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
prévention que des traitements curatifs.
Le ministre est très conscient de la difficulté de la tâche à accomplir. Il précise
à ce sujet qu’« améliorer la qualité des
soins signifie qu’il faut accepter la nécessité de changements radicaux. Il s’agit
d’un changement de culture ». Pour lui,
la qualité « n’est pas un luxe inatteignable, mais la pièce centrale d’un système
de santé efficace ». Le but affiché étant
de faire du NHS un exemple pour le
monde, c’est-à-dire un système de santé
équitable, personnalisé, efficace et fiable. Lord Darzi a démissionné courant
juillet 2009 pour retourner à son activité clinique de chirurgien, qu’il avait
maintenu un jour par semaine en même
temps que ses activités gouvernementales. Les raisons de son départ n’ont pas
été officiellement révélées, mais il s’agit
du 13ème ministre qui démissionne du
gouvernement Brown en quelques semaines.
Peut mieux faire
Où en sont les réformes un an après le
lancement du programme « High Quality Care for All » ? Différents sons de
cloche sont perceptibles. Pour le ministre de la Santé britannique, Andy Burnham, « les réformes entreprises depuis
10 ans en Grande Bretagne et les investissements massifs réalisés en faveur du
système de santé ont commencé à porter leurs fruits. » Ainsi, les listes d’attente ont littéralement fondu (18 semaines
d’attente au lieu de 18 mois auparavant), l’accès aux soins est devenu plus
rapide et le choix des patients s’est élargi
(libre choix du centre de traitement
spécialisé). L’effort doit cependant être
poursuivi pour stabiliser ces premiers
résultats, insiste le ministre.
Pour la commission parlementaire de
la santé (Health Committee) la satisfaction est beaucoup moins nette. Sont
ainsi pointés du doigt : la lenteur de la
mise en application locale des réformes
et leurs disparités, le manque de transparence à la fois des prises de décisions
et des raisons des sommes investies, le
manque de qualification de l’encadrement, la qualité des soins toujours aussi
inégale…
Des changements perceptibles
En pratique, les patients constatent les
changements intervenus. Il n’a en effet
jamais été aussi simple de consulter un
généraliste avec trois quarts des cabinets
maintenant ouverts le soir ou durant
le week-end. 50 nouveaux cabinets
généralistes de référence sont ouverts
de 8 heures le matin à 20 heures et 65
nouveaux cabinets ont été ouverts dans
des zones qui étaient depuis longtemps
des « déserts médicaux ». Les inégalités
régionales pour l’accès aux médicaments, qualifié de loterie au code postal, sont en voie de disparition. Plus de
9 millions de personnes atteintes par
des maladies chroniques bénéficient de
plans de soins personnalisés centrés sur
leurs besoins personnels. La rapidité de
prise en charge des accidents vasculaires
cérébraux a été améliorée de façon radicale. La prévention et le contrôle des
infections nosocomiales a permis de
diminuer la résistance microbiennes de
deux espèces bactériennes responsables
d’infections nosocomiales graves de 30
à 40 %. Le NHS, sous l’autorité du
NICE (National Institute of Clinical
Excellence) a lancé en 2008 un portail
de recherche qui permet un accès simple
et gratuit aux informations scientifiques
validées médicales et médico-sociales
dans le but d’améliorer les connaissances
des professionnels et guider leurs prises
décisions. Ce portail (“NHS évidence”)
a pour but de fournir aux médecins les
connaissances les plus récentes et d’améliorer ainsi leurs pratiques et de fournir
au grand public les informations les plus
justes, pour finalement d’améliorer la
qualité de la prise en charge et la santé de
tous les citoyens. Ce portail répond à un
besoin réel puisque durant son premier
mois d’existence, il a été consulté par
plus de 930 000 personnes. Dès 2010,
le site Inernet fournira aux patients le niveau de référence de la qualité des soins
qu’ils sont en droit d’attendre dans différents domaines.
Système centré sur la qualité
« On ne peut être sûr d’une amélioration que si l’on est capable réellement
de mesurer », estime le NHS. La qualité des soins est ainsi mesurée en permanence et elle est disponible de façon
transparente pour tous. Tous les centres
de santé vont devoir rendre publiques
leurs résultats, chaque année, à la fois
au plan de la qualité et au plan financier
pour l’année 2009/10. Cette initiative
unique dans le monde pour un système
de santé permet ainsi de comparer les
établissements et les médecins entre eux
et d’offrir un choix éclairé aux patients
pour choisir où ils veulent être traités.
Originalité du système à souligner : il
est maintenant possible, via Internet, de
savoir ce que d’autres patients pensent
des établissements qu’ils ont fréquenté
et chacun peut y ajouter ses propres
commentaires.
Par ailleurs, l’institution d’une partie de
la rémunération des signants basée sur
le mérite montre que la prise en compte
de la qualité est une réalité reconnue et
récompensée. Pour Lord Darzi, « la qualité est maintenant le mot d’ordre des
soignants ». Ce mode de financement
est rendu possible par le nouveau mode
de gouvernance décentralisé qui donne
beaucoup plus de pouvoir aux autorités
locales et au choix des consommateurs.
Depuis peu, un programme (World
Class Commissioning) est proposé aux
PCT (Primary Care Trusts), organismes
de soins locaux qui maillent l’ensemble
du territoire, pour améliorer leur savoir faire en matière de commandes en
santé et de résultats sanitaires. Car selon
l’OCDE1, il apparaît en 2008/09 que les
PCT ont de gros progrès à réaliser.
Nouveaux efforts
Le chemin à parcourir pour améliorer
le système est encore long. En effet, la
rémunération « au mérite » n’est actuellement pas au point, note l’OCDE qui
propose de « fixer les tarif en fonction
des coûts des prestataires les plus performants, ce qui favoriserait les gains d’efficience ; il faudrait aussi veiller à ce que la
rémunération du personnel, qui est salarié, soit plus étroitement liée à l’activité.
En outre, en raison des enjeux politiques
locaux qui freinent considérablement la
mise en place de la qualité, l’OCDE
ajoute que « des efforts beaucoup plus
énergiques s’imposent donc pour améliorer la cohérence et la transparence des
restructurations de services locaux. »
Emmanuel Cuzin
(1) OCDE Etude économique du
Royaume-Uni, 2009 : ww.oecd.org/
dataoecd/38/26/43187113.pdf
xx
SEPTEMBRE 2009 - PHARMACEUTIQUES