Chronologie des événements du Printemps berbère 1980

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Chronologie des événements du Printemps berbère 1980
Chronologie des événements du Printemps berbère 1980
Dimanche 9 mars 1980.
En deux années et demie d’existence, le Centre universitaire de Tizi-Ouzou a déjà connu trois grandes grèves
dont la dernière en date, très dure, s’est déroulée du 17 octobre au 13 novembre 79 ; elle posait le problème de
la représentation authentique des étudiants dans l’instance universitaire. Le FLN avait accusé les meneurs
d’être des berbéristes, voire des bébéro-marxistes (ou plus prosaïquement des Bougiots).
On avait alors supprimé la venue des étudiants bougiots sur Tizi-Ouzou, ceux-ci étant désormais orientés sur
Sétif. De même les enseignants algériens ayant accompli leurs études en France, furent particulièrement
surveillés, parfois intimidés. De nombreuses atteintes à la liberté des manifestations culturelles berbères se sont
déjà produites à Tizi-Ouzou. Interdiction d’Aït Menguellet et d’Idir ; ou de la pièce de théâtre la Guerre de 2000
ans adaptée en kabyle. En rétorsion, une salle de prière aurait été alors mise à sac par les étudiants.
La venue le 10 mars 1980 de Mouloud Mammeri avait été annoncée par voie d’affiches depuis plusieurs jours
déjà. Le recteur, bien qu’hostile à cette présence a toléré l’organisation de la conférence par le comité de cité
d’Oued Aïssi (comité reconnue par l’administration). Toutefois, plusieurs affiches avaient été arrachées. Dans la
nuit du dimanche au lundi à minuit, un mystérieux appel téléphonique de quelqu’un se faisant passer pour le
recteur de Tizi-Ouzou prévient Mammeri de l’annulation de sa conférence.
Lundi 10 mars 1980.
Renseignement pris le matin, M. Mammeri s’est entendu démentir au téléphone, par M. Arab, lui-même, toute
interdiction ou report de la conférence. Vers 12 heures Mammeri, en compagnie de S. Chaker et d’un chauffeur
du CRAPE se dirige en direction de Tizi-Ouzou. Parvenu à 14 heures à Dra Ben Khedda, ils sont interceptés par
un barrage de police. (Un second barrage était d’ailleurs prévu à Boukhalfa.)
Conduit chez le Wali après vérification d’identité, M. Mammeri se voit signifier oralement, l’interdiction de sa
conférence sur la » poésie kabyle ancienne « , sous prétexte de » risques de troubles de l’ordre public « . Il est
également convié à quitter la wilaya immédiatement. Auparavant, il prend soin de se rendre chez le recteur pour
s’enquérir de cette interdiction. Le Wali a en effet » lâché le morceau » en trahissant son exécuteur des basses
œuvres, puisqu’il avait charge, le directeur du COUS, M. Mérabtène, de téléphoner « l’annulation » à Mammeri,
la veille à minuit.
Le recteur et le secrétaire général de l’Université sont effondrés et déclarent être soumis à des pressions
intolérables. Aux environs de 16 h 30, à Hasnaoua lorsque la nouvelle de l’interdiction parvient à la nombreuse
foule attendant impatiemment (plus de 1 000 personnes !) c’est l’effervescence qui succède à l’indignation. Une
A.G. des étudiants est convoquée pour le lendemain mardi 11 mars à 9 heures.
Mardi 11 mars 1980.
- Première manifestation de rue à Tizi-Ouzou. Cette manifestation est rapidement décidée par l’A.G. de 9
heures. De l0hl5 à l2hl5, soit durant deux heures, ce sont 500 à 600 personnes puis à la fin 700 environ qui ont
défilé en faisant deux fois le tour de la ville par les principales artères. Le cortège a marqué des temps d’arrêt
devant le CNP du FLN, devant la Wilaya et enfin devant les lycées de la ville.
Les banderoles proclamaient :
» Culture berbère : culture populaire »
» Wali, CNP, Conférence de M. Mammeri interdite ? »
» Halte à la répression culturelle ! »
Les slogans en français étaient : » A bas la répression » – » Wali, CNP, assassins « .
En kabyle, c’étaient :
» Tamazight t-tameslayt ennegh : le berbère est notre langue »
» anerrez wala aneknu ! : nous briserons mais ne plierons pas ! »
» ‘naâya di lbat’el ! : nous en avons marre de l’injustice ! »
Le service de répression était très important : police, gendarmerie et pompiers, mais il n’a pas osé intervenir.
L’activité dans la ville était paralysée et l’ensemble de la population était aux fenêtres. Il y avait certes une
grande approbation tacite, mais pas de manifestations très nettes d’appui ; seules quelques vieilles ont osé
pousser des » vouyous » de leurs balcons.
L’après-midi, une réunion des enseignants algériens du Centre universitaire de Tizi-Ouzou met au point le texte
d’une pétition sous forme de lettre ouverte au ministre de l’Enseignement supérieur, texte dénonçant (dans ses
deux versions finalement proches l’une de l’autre), l’interdiction dont avait été victime un collègue universitaire,
insistant également sur le nécessaire respect des franchises universitaires (présence de flics en civil
dénoncée…), et revendiquant la liberté d’expression notamment au plan culturel et précisément en ce qui
concerne la langue berbère. La lettre recueillera plus de 40 signatures (soit les 4/5 des enseignants algériens).
Mercredi 12 mars 1980.
Rédaction en assemblée générale par les étudiants de Tizi-Ouzou, d’une » lettre ouverte au président de la
République » qui sera tirée plus tard à des milliers d’exemplaires et largement diffusée (Alger, Boumerdès, etc.).
Cette lettre relativement modérée, s’appuie sur la Charte nationale dont elle cite de larges extraits. Elle rappelle
les événements et revendique le droit au développement de la langue et de la culture berbères proposant
l’adoption du berbère comme seconde langue nationale.
A Alger, les personnes mises au courant de ce qui se passait à Tizi-Ouzou, se sont montrées souvent très
mitigées certaines mettaient même en doute la véracité des informations ou la personnalité de M. Mammeri.
Quelques rares personnes étaient enthousiasmées par la manifestation de rue !
Jeudi 13 mars 1980.
Les enseignants de l’Institut des Sciences économiques d’Alger, informés des événements, ont pris l’initiative
d’une pétition adressée au ministère protestant contre l’interdiction dont avait été victime l’universitaire
Mammeri. Ce texte recueillera une bonne quarantaine de signatures, soit les 3/4 des enseignants algériens (y
compris les gens du PAGS et la direction…). Dans la nuit du 12 au 13 mars, entre Boudouaou et Tizi-Ouzou, la
plupart des pancartes routières et des abris d’arrêts de bus, ont été recouverts d’inscriptions à la peinture noire
portant : » Démocratie « , » Aït Ahmed au pays ! « , » Halte au génocide culturel ! « , » néo-FLN-Fascîste « , »
Tous opposants ! »
Des inscriptions ont aussi été signalées dans Tizi-Ouzou et sur les routes de la haute Kabylie. Toutes ont été
recouvertes précipitamment par les autorités avec plus ou moins d’efficacité, à la peinture blanche ou rosé, et
ce, dans la journée du jeudi 13. C’est à cette date aussi, que paraît le premier article de la presse étrangère,
faisant état des événements de Tizî-Ouzou. Il s’agit d’un court article de Libération, lequel relate honnêtement la
manifestation du 11. (C’est sans doute ce qui éveillera l’intérêt du Monde !)
Vendredi 14 mars 1980.
Les gens commentent abondamment (et différemment) les inscriptions. Les avis sont plutôt partagés.
Samedi 15 mars 1980.
Première visite à la présidence de la République d’une délégation d’étudiants de Tizi-Ouzou qui lui remettront la
lettre ouverte. Ils sont reçus par A. Benhabyles le secrétaire général qui se montre quelque peu surpris et
réservé, mais néanmoins pas trop hostile. Les étudiants lui font une démonstration d’écriture en berbère
(Tifinagh) qu’il dit avoir transmise au Président ( ?). En fait il précisera ses positions lors de la seconde
rencontre.
Dimanche 16 mars 1980.
A Alger, on signale qu’un tract du FFS circule en milieu estudiantin (c’est le troisième depuis six mois), il informe
sur les événements de Tizi-Ouzou tout en exagérant quelque peu le nombre des manifestants (2000 prétend-il).
En Kabylie, les dimanche 16, lundi 17 et mardi 18, Larbaa Naît Irathen puis Azazga et Aïn El Hammam ont
connu trois journées de manifestations (à Larbaa, trois jours consécutifs). Les manifestants sont surtout de
nombreux jeunes (lycéens, etc.) mais aussi des très jeunes et des femmes (en général des vieilles). Des actions
spectaculaires sont signalées.
A Larbaa Naît Irathen, les manifestants entrent dans la caserne et obligent les djounouds à sortir (alors qu’ils
étaient en tenue de sport, en train de faire de la gymnastique), pour manifester en faveur de la langue berbère.
Le même sort atteint le président de l’APC qui se voit contraint de défiler en tête en scandant : » Vive les
Berbères. »
Partout des vitres et des enseignes des édifices publics sont brisées, souvent elles sont repeintes en caractères
» tifinagh « . A Azazga, un officier de police venu protester contre la dégradation d’une enseigne du FLN, se voit
déverser sur lui un pot de peinture rouge, etc. Les commerçants (certains diront qu’ils y ont été forcés) ont bien
évidemment baissé tous les rideaux.
Lundi 17 mars 1980.
Daniel Junqua, correspondant du Monde, se rend à Tizi-Ouzou, où il enquête auprès d’étudiants, d’enseignants
et tente vainement d’obtenir la version des responsables (recteur absent, etc.). Un premier article honnête va
paraître dans le Monde, daté du mercredi 19 mars.
A l’université de Tizi-Ouzou, on commente bien sûr tous les événements. Les partisans d’une prise de position
pour dénoncer les » partis d’opposition suspects de chercher à manipuler » sont mis en minorité et le projet est
abandonné. Le soir, un gala du chanteur d’Imazighen Imula, Ferhat, a lieu au foyer de Hasnaoua devant près de
mille spectateurs dont le directeur du COUS, Merabtène,
complètement ivre, qui se prête aux demandes loufoques des étudiants qui le ridiculisent. Ce gala tourne en une
espèce de meeting d’opposition à la politique répressive du pouvoir et il a beaucoup de succès car des thèmes
politiques sont ouvertement débattus, comme par exemple, le retour d’opposants comme Aït Ahmed et Boudiaf.
Le laborantin About Arezki parle imprudemment d’un tract du FUAA qu’il aurait reçu sous sa porte.
Mardi 18 mars 1980.
On nous confirme les manifestations de Larba, Azazga et Aïn El Hammam. Les gens sont parfois assez
circonspects (particulièrement les hommes adultes), » on risque de s’acheminer vers une guerre civile »
redoutent-ils.
Mercredi 19 mars 1980.
Mammeri est reçu une première fois par Bererhi (le ministre de l’Enseignement supérieur) qui s’est montré tout
plein d’excuses » mielleuses » mais vagues. Une seconde fois il le contacte pour lui déconseiller fortement de
participer à un cycle de conférences organisées à la Cité universitaire de jeunes filles de Ben Aknoun, sur le
thème de la Culture nationale. La même démarche semble avoir été faite auprès de M. Labîdi ainsi qu’auprès de
Rachid Boudjedra également pressenti pour ce cycle.
Mammeri s’excusera » diplomatiquement » auprès des jeunes filles venues le relancer. Certaines filles de
l’UNJA tenteront même de reprendre l’affaire en main.
Jeudi 20 mars 1980.
On relève un billet plutôt » ordurier » signé K.B. (sans doute Kamel Beikacem, le rédacteur en chef) paru dans la
page culturelle de El Moudjahid. Mammeri y est attaqué (sans être nommé) comme un véritable collaborateur du
colonialisme. On note aussi un éditorial très confus mais dont la fin dénonce nettement les fauteurs de trouble
de Tizi-Ouzou dans ‘Révolution africaine.
Algérie Actualité, quant à lui, souligne bien que le départ de Chadiy pour le Moyen-Orient était prévu de longue
date et n’a donc rien de conjoncturel. En fait une venue de Chadly à Tizi-Ouzou était bel et bien prévue pour le
15 ou le 16 mars. En témoignent les nombreux (et précipités) travaux d’embellissement dans toute la ville.
A Dra El Mizan, une première tentative de manifestation a eu lieu alors que les lycées étaient en vacances, avec
environ deux cents lycéens. A Tizi-Ouzou, les étudiants tiennent une A.G. assez houleuse, au cours de laquelle
certains dénoncent les manipulations des partis d’opposition, FFS, FUAA et PRS ; certains y ajoutent le PAGS
(qui effectivement manipulerait au moins un ou deux des » meneurs » estudiantins). Par ailleurs l’AG prend la
décision d’aller au-devant des manifestants lycéens des villes de Larba, Azazga, etc. qui s’apprêtent à
descendre en cortège sur Tizi-Ouzou, afin de les dissuader de faire le regroupement. La manifestation dont la
rumeur était connue depuis plusieurs jours, même à Alger, est difficilement contenue. En fait les forces de
l’ordre étaient sur les dents.
Samedi 22 mars 1980.
Au niveau des enseignements de Tizi-Ouzou, on parle d’une nouvelle initiative à prendre suite à l’article
injurieux d’El Moudjahid, qui met en cause également la communauté universitaire de Tizi-Ouzou de façon
indirecte. A Alger, certains universitaires tentent avec peu de succès, de faire signer une pétition demandant à
El Moudjahid de garantir le droit de réponse à Mammeri.
La pétition recueille difficilement des signatures, même parmi le personnel du CRAPE dont Mammeri avait été
directeur.
Lundi 24 mars 1980.
On note de nombreuses tergiversations en milieu enseignant à Tizi-Ouzou sur les initiatives à prendre. La lettre
ouverte au ministre tarde à être envoyée. A l’Institut des Sciences économiques, le recteur Arab vient d’installer
la commission pédagogique. Les enseignants décident à propos du problème des polycopies et du tirage
d’adresser une lettre-ultimatum à l’administration pour la date limite du samedi 29 mars, au-delà de laquelle ce
serait la grève.
Mardi 25 mars 1980.
L’Institut des Sciences économiques d’Alger se met en grève pour trois jours à propos principalement de leur
comité d’institut non reconnu par l’administration.
Mammeri a été reçu par le ministre de l’Information, Mehri, qui, tout en lui présentant des excuses polies,
s’oppose à la publication de sa réponse par El Moudjahid. Mammeri semble plutôt résigné à ne pas pousser
plus loin, mais à sonder du côté d’Algérie-Actualité… Entre-temps, le directeur de la Recherche scientifique au
ministère, Benbouzid, ainsi que des gens de l’ONRS se mon- trent plutôt favorables à l’idée de l’ouverture d’une
chaire de berbère et de filières de recherches dans le domaine.
Les pétitions de protestation affluent chez les autorités.
26 mars 1980
Nouvelle manifestation à Tizi-Ouzou des près d’un millier d’étudiants. La police n’intervient pas.
30 mars 1980
Récital d’Aït-Menguellet à la porte de Pantin. Le comité de défense des droits culturels appelle à un
rassemblement silencieux devant l’ambassade d’Algérie en France.
6 avril 1980
Assemblée générale des étudiants à Ihesnawen (Tizi-Ouzou) décidant l’occupation de la salle de reprographie
de l’université et appelle à une manifestation pour le 7 avril à Alger.
7 avril 1980
10 h du matin. Alger, place du 1er Mai, cinq cents manifestants dont des étudiants et des enseignants se
regroupent en milieu de matinée pour réclamer le droit à l’existence pour la culture berbère. Leurs banderoles
sont « culture populaire », « liberté d’expression », « le berbère n’est-il pas une langue algérienne? », «
démocratie culturelle ». La police intervient dès le départ du cortège qui entonne alors le chant des maquisards
« Min djibalina » (de nos montagnes s’est élevée la voix de la liberté). La police réprime sauvagement les
manifestants. Près de 200 sont embarqués dans les fourgons à coups de matraque. Parmi les manifestants, on
dénombre plusieurs blessés et cinq personnes sont dans le coma. Un manifestant est mort sous les coups de
matraque. Une grève est votée à l’université d’Alger. L’université de Tizi-Ouzou est en grève et occupée par les
étudiants.
11 h 30. Meeting à la faculté centrale d’Alger pour décider d’autres marches sur le commissariat central pour
protester contre la répression.
3:00 PM. Rassemblement silencieux devant l’ambassade d’Algérie en France à l’appui du CDDA regroupant un
millier de personnes. Une motion devait être remise à l’ambassade. L’ambassadeur a refusé de recevoir la
délégation les traitant de non Algériens. Une lettre ouverte au président Chadli a été lancée pour recueillir des
signatures.
Soir. Assemblée générale des étudiants décidant une grève générale illimitée avec occupation des locaux de
l’université.
8 avril 1980
A Alger, plus d’un millier d’étudiants manifestent aux cris de « A bas la répression », « police assassin », «
libérez les détenus », « culture populaire algérienne ». Ils entonnent aussi des chants patriotiques. Ils sont
énergiquement refoulés par la police dans l’enceinte universitaire. La manifestation se prolonge pendant plus de
deux heures. La plupart des interpellés sont libérés.
En Kabylie, plusieurs milliers de paysans de Aïn El Hammam et Larbâa Nat Yiraten marchent sur Tizi-Ouzou.
L’armée bloque les routes et leur fait rebrousser chemin. La plupart des interpellés de la veille ont étés libérés.
Les étudiants de Boumerdès se mettent en grève. Motion de soutien des étudiants et travailleurs de la Fac
centrale aux étudiants de Tizi-Ouzou. Mise en place d’un bureau de coordination pour Alger.
9 avril 1980
Le mouvement s’étend en Kabylie. Les manifestations de jeunes revendiquant le droit à l’existence pour la
culture berbère se multiplient aux Ouadhias, Aït-Yanni, Djemâa-Saaridj, Dellys, Bordj Menaïel, Sidi Aïch, etc. A
Sidi Aïch, 9 avril, un concert donné par le chanteur Ferhat (groupe Imazighen Imula) est interdit. Le chanteur est
interpellé par la police.
10 avril 1980
Contre-manifestation organisée par le parti FLN à Tizi-Ouzou.
9-15 avril 1980
Constitution de comités de vigilance et de soutien aux étudiants en grève dans tous les villages de Kabylie.
11 avril 1980
Réponse de Mouloud Mammeri à El Moudjahid à propos des « donneurs de leçons » refusée par ce même
journal, reprise par le journal Le Matin. Ronéotypé et distribué par les étudiants à la population en Algérie et en
France.
13 avril 1980
Une délégation d’enseignants de Tizi-Ouzou a été reçue par le ministre de l’enseignement supérieur. Les élèves
du lycée Amirouche de Tizi-Ouzou se mettent en grève et occupent l’établissement. Les travailleurs de l’hôpital
envoient une motion de soutien aux étudiants grévistes et une lettre au président Chadli demandant l’arrêt de la
répression. Un tract attribué au FFS appelle à une grève générale pour le 16 avril.
15 avril 1980
Le CDDCA à Paris appelle à une marche pacifique pour le 26 avril devant l’ambassade d’Algérie et le 1er mai à
la rue des filles du clavaire à la Bastille. Occupation de l’hôpital de Tizi-Ouzou.
16 avril 1980
Grève générale totale en Kabylie. Le chanteur Ferhat du groupe Imazighen Imula est enlevé à Dar El Beida à 14
h 30. Le ministère de l’Enseignement supérieur lance un ultimatum aux étudiants de Tizi-Ouzou pour reprendre
les cours le 19 avril. Le soir, réunion conjointe entre travailleurs de la Sonelec, Sonelgaz, hôpital, étudiants,
enseignants, lycéens, Sonitex, et Casoral condamnant la répression et mettant sur pied un comité populaire de
coordination.
18 avril 1980
Rassemblement devant l’ambassade d’Algérie à Ottawa et marche symbolique devant le parlement canadien.
20 avril 1980
1 h du matin. L’opération Mizrana est déclenchée. Les forces de répression envahissent tous les lieux occupés
(université, hôpital, usines). Les étudiants surpris dans leur sommeil sont assommées dans leur lit. Les chiens
sont lâchés sur les fuyards. Des étudiants sautent des étages de la cité universitaire en slip. Des professeurs
sont arrêtés à leur domicile. Tout le personnel de l’hôpital, médecins et infirmiers, est arrêté et remplacé par des
médecins militaires. Des rumeurs font état de 32 morts et plusieurs centaines de blessés. Une grève générale
spontanée a été déclenchée par la population de Tizi-Ouzou, plus aucune enseigne en arabe ne subsiste, ni
plaque de rues.
La Kabylie était coupée du monde. Interdiction d’accès à tout le monde et aux journalistes en particulier.
21 avril 1980
Condamnation des 21 d’El-Kseur. Des barricades commencent à s’édifier dans la haute ville et à la gare. Les
forces de répression circulent baïonnette au canon. Les nouvelles galeries sont pillées (par provocation?). Le
centre artisanal saccagé, ainsi que la gare routière et la villa de Kharroubi. La population des villages
environnants marche sur la ville pour protester contre la répression et les morts.
22 avril 1980
Trois journées de grève générale. Des barricades continuent à s’édifier dans la haute ville. Des manifestants
parcourent la ville avec des banderoles pour la libération des détenus et l’arrêt de la répression, d’autres
proclamant « Imazighen » sont déployées. Les CNS chargent les manifestants dans le dos. De durs combats
ont lieu partout dans la ville. Les montagnards redescendent dans la ville et dressent des barricades. Pillage du
bureau de l’APS, la SAA, la maison de l’artisanat, le siège du parti, l’hôtel le Balloua, le cinéma Mondial. Grève
de solidarité déclenchée à l’hôpital Mustapha (Alger) par le personnel soignant.
23 avril 1980
4 ème journée de la grève générale. Des arrestations massives ont lieu partout. Des manifestants venant de
Tigzirt-sur-mer affrontent les forces de répression à l’entrée de la ville. De violents affrontements ont lieu
également à Draâ Ben Khedda.
24 avril 1980
Retour au « calme » progressif, les magasins d’alimentation rouvrent dans l’après-midi. Des affrontements très
violents ont lieu entre manifestants (des Ouadhias, de Larbaâ et de Aîn El Hammam) et les forces de
répression. Les nouvelles galeries croulent sous l’abondance des marchandises.
25 avril 1980
La ville est quadrillée par les forces de répression. La RTA filme les endroits saccagés. 17 h, l’ambassadeur
d’Algérie est reçu au quai d’Orsay. 17 h 50 le préfet de police signifie au comité de défense des droits culturels
en Algérie, l’interdiction de la marche prévue pour le lendemain.
26 avril 1980
Malgré l’interdiction de la manifestation par le préfet, et pour le « risque de troubles de l’ordre public » le contreordre est lancé par le CDDCA par voie de presse et audiovisuelle, près de 500 personnes sont venues. 400
personnes ont été interpellées par la police et conduites à Vincennes où elles furent fouillées, photographiées et
fichées. L’Amicale des Algériens avait « délégué » 200 provocateurs emmenés à Paris par cars et payés à la
journée.
29 avril 1980
Le préfet de Paris interdit la manifestation silencieuse du CDDCA prévue pour le 1er mai pour « risque de
trouble de l’ordre public.
10 mai 1980
Gala de Matoub Lounès à l’Olympia. Une minute de silence fut observée en signe de solidarité avec le
mouvement populaire en Algérie.
12 mai 1980
Grève à la Fac d’Alger.
16 mai 1980
Une liste de 24 détenus est publiée par El Moudjahid et annonce leur traduction devant la cour de sûreté de
l’Etat siégeant à Médéa.
18 mai 1980
Grève générale à Tizi-Ouzou suivie massivement par la population à l’exception des Nouvelles Galeries
Algériennes.
19 mai 1980
Manifestation de protestation contre la répression à Alger.
24 mai 1980
Assemblée générale à la Fac centrale d’Alger agressée par les agents du pouvoir.
25 mai 1980
Le CDDCA publie la « lettre ouverte à Chadli » qui a recueilli 3522 signatures.
3 juin 1980
Publication de la pétition du Comité international de soutien aux victimes de la répression en Algérie. Mise sur
pied par le CDDCA et qui a recueilli 140 signatures de personnalités universitaires et artistiques.
21 juin 1980
14 h. Meeting de soutien aux détenus en Algérie, tenu à la Bourse du travail à Paris organisé par le CDDCA et
le comité international contre la répression sur les mots d’ordre suivants : -Halte à la répression.
- Libération inconditionnelle et immédiate de tous les détenus.
- Langues populaires (arabe algérien et berbère) comme langues nationales. Ont été invités à participer au
meeting toutes les organisations et personnalités algériennes et françaises. Ont participé celles qui ont souscrit
à ces principes.
- Le CDDCA, l’ASEP, UNEF, LCR, FEN, FO, OCI, FFS, ligues internationales des droits de l’homme. Quant à
Djamel Allam et le groupe Djurdura ils ont refusé de répondre à l’appel du CDDCA, Ferhat et Aït Menguelet ont
été retenus en Algérie.
25 juin 1980
Journée de soutien aux détenus organisée à Tizi-Ouzou. 20 h. L’APS annonce la mise en liberté provisoire des
24 détenus de Berrouaghia pour le lendemain.
26 juin 1980
Une délégation avec plusieurs voitures part de Tizi-Ouzou pour chercher les détenus qui sont accueillis par TiziOuzou en fête
Rachid CHAKER

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