Pédagogique - Opéra de Reims

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Pédagogique - Opéra de Reims
Dossier
Pédagogique
SAISON 13-14
LA BELLE HELENE d’Offenbach
GENERALE OUVERTE AUX SCOLAIRES
JEUDI 15 MAI
20h
SAMEDI 17 MAI
20h30
DIMANCHE 18 MAI
14h30
DUREE DU SPECTACLE
2h30 AVEC ENTRACTE
La déesse Vénus offre Hélène, reine spartiate, en récompense
au prince troyen Pâris, avant de faire souffler un vent de débauche sur
toute la Grèce… Si Jacques Offenbach et ses librettistes Meilhac et
Halévy détournent les codes de l’opéra sérieux à travers une parodie
des mythes de l’Antiquité grecque, c’est pour mieux se jouer des
travers de la société du Second Empire. La comédie de boulevard
aurait-elle trouvé son pendant lyrique ? Ouvrant la voie à l’opérette
tout en conservant certains traits de l’opéra, Offenbach initie, en
maître de l’opéra-bouffe, un genre à la fois pétillant et caustique. Dans
une mise en scène flirtant volontiers avec la comédie musicale,
Bernard Pisani dévoile une somptueuse Belle Hélène, élégante et
raffinée, mais aussi tonique, frivole, cocasse… avec, pour écrin, des
décors puisant dans la sensualité des peintures d’Alma-Tadema.
Opéra de Reims
13 rue Chanzy 51100 Reims
Location tél : 03 26 50 03 92
[email protected]
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SOMMAIRE
PRESENTATION GENERALE DE L’OPERA p. 4
SYNOPSIS p. 4
JACQUES OFFENBACH 1819-1880 p. 6
FICHE IDENTITE DE L’ŒUVRE p. 8
L’ŒUVRE ET SA GENESE p. 9
L’ŒUVRE ET SA RECEPTION p. 9
LES PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES p. 10
LE MYTHE DE LA BELLE HELENE p. 10
DE LA PARODIE DE L’ANTIQUITE A LA SATIRE SOCIALE DU SECOND EMPIRE p. 13
UNE BELLE HELENE CENSUREE p. 15
LES FASTES DU SECOND EMPIRE p. 17
QUELQUES PISTES D’ECOUTES p. 19
LES CLEFS DE LA MISE EN SCENE p. 23
POUR EN SAVOIR PLUS p. 28
LA BELLE HELENE A L’OPERA DE REIMS p. 29
LA PRODUCTION p. 29
LA NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCENE p. 29
LA BIOGRAPHIE DE BERNARD PISANI P. 30
ANNEXE P. 31
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« Une musique du déguisement de la mélancolie, de la
nostalgie d'une innocence perdue qui revêt pour cela l'habit
de la gaîté la plus folle et la plus exubérante. »
René Leibowitz
GRAVURE DE FRAIPONT (1864)
BN, Paris.
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PRESENTATION GENERALE DE L’OPERA
SYNOPSIS
L’action se passe à Sparte et à Nauplie avant la guerre de Troie.
Acte I
A Sparte, devant le temple de Jupiter.
Le berger Pâris, paré de la faveur de Vénus à laquelle il vient d’accorder le prix suprême de la beauté,
s’apprête à toucher la récompense promise : l’amour de la « belle Hélène », reine de Sparte. Secondé par
l’augure Calchas, il n’a aucune peine à gagner le cœur d’Hélène, d’autant qu’il a remporté le concours
d’intelligence organisé par Agamemnon... Seulement, il faut éloigner le mari gênant ; Calchas, en sa
qualité d’augure, annonce que Jupiter ordonne que le roi Ménélas parte à l’instant même pour la Crète.
Le roi, peu méfiant, finit par se résigner. Il s’éloigne en confiant sa femme et son honneur à ses hôtes.
Acte II
Le palais de Ménélas et d’Hélène.
Hélène lutte contre Pâris et Vénus. Elle ne veut pas tromper son mari, sauf peut-être...en songe. Calchas
devra prier les dieux de lui envoyer un rêve dont Pâris sera le personnage principal. Or, ce rêve se
transforme en réalité car Pâris, déguisé en esclave, s’est approché de la reine. Celle-ci, croyant vraiment
rêver, ne pense pas à le repousser... Soudain, Ménélas entre et les surprend. A ses hôtes, il demande
compte de l’outrage fait à son honneur. Les rois sont complètement ivres. Toutefois, ils chassent Pâris et
Hélène en a le cœur gros.
ACTE II
LE DOUX RÊVE DE LA BELLE HELENE…
PHOTO DU SPECTACLE
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Acte III
Sur la plage de Nauplie.
Vénus, voulant venger son protégé, répand une épidémie amoureuse dans Sparte. Ce ne sont plus
qu’intrigues et rendez-vous. Agamemnon et Calchas reprochent à Ménélas son égoïsme : il aurait dû
sacrifier son bonheur conjugal au bonheur de tous. Il faut maintenant apaiser la déesse par un sacrifice.
Ménélas fait donc venir l’augure de Vénus qui expose le désir de la déesse : la reine devra l’accompagner
à Cythère et y présider un sacrifice. Hélène hésite : elle a reconnu Pâris sous les dehors du prêtre, mais
son époux lui ordonne de le suivre. Elle obéit. La barque s’éloigne. Alors Pâris se fait connaître et déclare
à Ménélas qu’il emmène Hélène à Troie. La « guerre de Troie » aura bien lieu !
ACTE III
SUR UNE PLAGE A NAUPLIE
PHOTO DU SPECTACLE
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JACQUES OFFENBACH 1819-1880
Né à Cologne (Allemagne) en 1819 dans une modeste famille juive, Jacques
Offenbach révèle très jeune ses dons pour le violoncelle. Son père l’envoie
poursuivre ses études musicales à Paris. À 14 ans, il est admis en classe de
violoncelle du Conservatoire et débute sa carrière de soliste virtuose.
L’année suivante, il rejoint l’orchestre de l’Ambigu-Comique (qui s’appellera
plus tard l’Opéra Comique).
Chef d’orchestre en titre de la Comédie française en 1850, il est vite
apprécié pour ses « petites » compositions : valses, romances,
arrangements.
En 1855, il ouvre son théâtre, les Bouffes-Parisiens, afin d’y représenter ses
propres œuvres. Influencé par Rossini et Mozart, il invente l’opéra bouffe
français à l’humour débridé et à la satire mordante, avec la complicité des
excellents librettistes Henri Meilhac et Ludovic Halévy.
Entre 1858 et 1869, Orphée aux Enfers(1858), La Belle Hélène(1864), Barbe-Bleue(1866), La Vie
parisienne(1866), La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867), La Périchole (1868) ou encore Les Brigands
(1869) font les beaux soirs du Théâtre des Variétés. Le célèbre compositeur enthousiasme le public du
Second Empire, avide de plaisirs et de dérision. Il obtient la nationalité française en 1860.
Sous la Troisième République Offenbach se tourne vers la féerie, tout en se consacrant à son testament
romantique, Les Contes d’Hoffmann, créés quelques mois après sa mort. Il est enterré au cimetière de
Montmartre et son tombeau a été réalisé par Charles Garnier (architecte de l’Opéra de Paris).
Offenbach composa 90 opérettes, opéras-bouffes ou « bouffonneries musicales ».
Ses œuvres scéniques reflètent la joie de vivre du Second Empire ; elles sont comiques, satiriques et
parfois même immoralistes (éloge du mariage à trois, dieux démystifiés, bourgeois débauchés…) d’où
son côté populaire.
La musique de son Orphée aux enfers (le « galop final »), récupérée par le french cancan, est devenue
l’une des musiques les plus mondialement connues, symbole de la vie parisienne de l’époque.
Malgré la légèreté apparente de ses sujets, sa composition musicale n’en est pas moins des plus abouties
et digne des grands maîtres de l’opéra.
« Bourreau de travail, il dut torturer son corps, atteint par la goutte, par une incessante activité
créatrice et par un souci de la perfection auquel il sacrifiait tout – santé, amitié, repos, temps libre. Il
s’est battu jusqu’à la nuit de son décès, remboursant des dettes considérables dont il n’était pas le
seul responsable. Sans doute quelques-uns de ses personnages prêchent-ils l’abandon ; la vie
d’Offenbach a été celle d’un lutteur acharné. »
 Robert Pourvoyeur, Offenbach, « Solfège », Seuil, 1994, p. 22.
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JACQUES OFFENBACH PAR LUI-MEME
Mon cher Bourdin*
Vous me demandez quelques détails sur ma vie, pour L'Autographe ; les
voici : Je suis venu au monde à Cologne : le jour de ma naissance, je me
rappelle parfaitement qu'on me berçait avec des mélodies.
J'ai joué de toutes sortes d'instruments un peu, de violoncelle beaucoup - Je
suis arrivé à Paris à l'âge de treize ans. J'ai été au Conservatoire comme
élève, à l'Opéra-comique comme violoncelliste, plus tard au ThéâtreFrançais, comme chef d'orchestre.
J'ai frappé avec courage, mais vainement, pendant une dizaine d'années à la
porte de l'Opéra Comique pour me faire recevoir un acte. J'ai créé, alors, le
théâtre des Bouffes Parisiens : dans l'espace de sept ans, je me suis reçu,
monté et joué une cinquantaine d'opérettes- J'ai abdiqué, comme directeur,
il y a deux ans. Comme compositeur, j'ai commencé par les Deux Aveugles
et je viens de finir par les Géorgiennes.
Il me sera beaucoup pardonné parce que je me suis beaucoup joué. Je suis
Français depuis trois ans, grâce à l'empereur qui a daigné m'accorder mes
lettres de grande naturalisation. J'ai été nommé chevalier de la Légion
d'honneur, il y a deux ans. Je ne vous parle ni de mes nombreux succès ni de
mes quelques chutes : le succès ne m'a jamais rendu fier, la chute ne m'a
jamais abattu. Je ne vous parlerai pas non plus de mes qualités, ni de mes
défauts. J'ai pourtant un vice terrible, invincible, c'est de toujours travailler.
Je le regrette pour ceux qui n'aiment pas ma musique, car je mourrai
certainement avec une mélodie au bout de ma plume. Bien et toujours à
vous.
Jacques Offenbach (25 mars 1864)
*journaliste au Figaro
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FICHE IDENTITE DE L’ŒUVRE
La Belle Hélène est un opéra-bouffe en trois actes de Jacques Offenbach sur un livret d’Henri Meilhac et
Ludovic Halévy, créé à Paris, au théâtre des Variétés, le 17 décembre 1864.
L’INTRIGUE EN BREF
Il s’agit d’une adaptation sur un mode humoristique du récit mythologique de l’enlèvement
d’Hélène par Pâris et des événements à l’origine de la guerre de Troie.
Le compositeur et ses librettistes parodient les grands opéras de la période romantique qui
traitent habituellement de manière sérieuse des héros et des récits de l’Antiquité.
LA PORTEE SUBVERSIVE DE L’ŒUVRE : La Belle Hélène dénonce, sous couvert de la Grèce antique, les
travers de la société du Second Empire, légère, frivole, axée sur les plaisirs de toutes sortes.
RÔLES ET VOIX
Pâris, fils de Priam, ténor
Ménélas, roi de Sparte, ténor
Agamemnon, roi des rois, baryton
Achille, roi de Phtiotide, ténor
Ajax I, roi de Salamine, ténor
Ajax II, roi des Locriens, baryton
Hélène, reine de Sparte, mezzo-soprano
Oreste, fils d’Agamemnon, soprano
Bacchis, suivante d’Hélène, mezzo-soprano
Léoeuna, hétaïre, soprano
Parthoénis, hétaïre, soprano
Gardes, esclaves, peuple, princes, princesses
Pleureuses d’Adonis, suivantes d’Hélène
ORCHESTRE
2 flûtes
Hautbois
2 clarinettes
Basson
2 cors
2 cornets à piston
Trombone
Une paire de timbales
Percussions
Cordes
A NOTER : Offenbach surprend en choisissant une voix de mezzo-soprano et non de soprano pour le rôle
d’Hélène. Veloutée et sensuelle, cette tessiture permet d’illustrer les déchirements amoureux de
l’héroïne, tout à la fois amoureuse de Pâris mais soucieuse aussi d’être une épouse fidèle.
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L’ŒUVRE ET SA GENESE
La Belle Hélène est le premier fruit de la collaboration de Meilhac et Halévy avec Offenbach. Ensemble,
ils produiront treize autres œuvres (la Vie parisienne, la Grande-duchesse de Gérolstein ou la Périchole).
Offenbach ayant abandonné la direction des Bouffes-Parisiens, l’œuvre est donnée au Théâtre des
Variétés avec un orchestre réduit, des chœurs peu satisfaisants et un budget étroit pour les décors et les
costumes. A ces difficultés s’ajoutent la rivalité haineuse entre les interprètes des rôles d’Hélène
(Hortense Schneider) et d’Oreste (Léa Silly) ainsi que la menace de censure, le personnage de Calchas
étant perçu comme une caricature du clergé.
L’ŒUVRE ET SA RECEPTION
Après des répétitions difficiles et houleuses, la création de La Belle Hélène, le 17 décembre 1864,
remporte un triomphe. La « profanation de l’Antiquité », comme pour Orphée, est certes critiquée mais
elle contribue grandement au succès. Seuls quelques spectateurs se rendent compte de la portée sociale
et politique de l’œuvre. La princesse de Metternich, la femme de l’ambassadeur d’Autriche-Hongrie
déclare : « Nous avons eu tord d’assister à la première ; notre nom figurera dans tous les journaux, et il
n’est pas agréable pour une femme d’être allée quasi officiellement à une pareille pièce… » (propos cités
par Laurent Fraison, Avant-Scène Opéra, p. 16.). L’œuvre fera le tour du monde et donnera son nom à
une station de métro de Budapest ainsi qu’à un dessert glacé…
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LES PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES
LE MYTHE DE LA BELLE HELENE
Qu’on la nomme "belle Hélène", "Hélène de Troie", "Hélène de Sparte", "Hélène d’Egypte", "fille de
Léda" ou "la plus belle femme du monde", c’est toujours à la protégée d’Aphrodite et à la fille spirituelle
de Pandore que l’on se réfère.
Hélène est la fille de Zeus et de Léda. Désirée par tous les
princes de Grèce pour sa très grande beauté, elle choisit
comme mari Ménélas, roi de Sparte. Les époux eurent une
fille, Hermione. Tout paraissait pour le mieux mais c’était
sans compter les tours d’Aphrodite qui avait promis à
Pâris l’amour de la plus belle femme du monde. Aidé par
la Déesse, le jeune homme s’embarqua pour Sparte et fut
reçu chez Ménélas qui rendit hommage au prince étranger
selon les règles de l’hospitalité. Mais, le dixième jour, il
dut partir pour la Crète. Pâris profita alors de l’occasion
pour faire la cour à Hélène. Elle accepta donc les trésors
dont il lui fit cadeau et elle le suivit à la tombée du jour. Le
couple s’enfuit et arriva à Troie où leur mariage fut
célébré. Iris, la messagère des Dieux, apporta la nouvelle à
Ménélas qui, fou de colère, décida de lever une expédition
avec son frère Agamemnon ainsi que tous les rois et héros de Grèce. La guerre de Troie, racontée dans
l’Iliade d’Homère, dura près de 10 ans et accorda la victoire au roi outragé.
DE LA BEAUTE D’HELENE….
HOMERE : L'ILIADE, CHANT III VERS 156-158
Il ne faut pas s’indigner si les Troyens et les Achéens aux belles
jambières endurent de si longues souffrances pour une telle femme ;
elle ressemble si fort, quand on la regarde, aux déesses immortelles.
ISOCRATE, ÉLOGE D'HELENE, X §17
(Zeus) la pourvut d'une beauté propre à attirer tous les regards et
à susciter toutes les rivalités.
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EN CLASSE
HISTOIRE DES ARTS
Comme de nombreux mythes, celui de la « belle Hélène » a donné lieu à une production immense et
variée, touchant toutes les époques et privilégiant tel ou tel aspect d’un récit polymorphe. L’étude de ce
mythe et des écritures artistiques qui en émanent, s’intégrera, au collège, dans la thématique : « Arts,
mythes et religions » et au lycée dans celle dédiée à « Arts et sacré » et plus précisément « l’art et les
grands récits (religions, mythologies) : versions, avatars, métamorphoses ».
ARTS DU LANGAGE
Les sources littéraires sont nombreuses. Elles sont répertoriées sur le site :
http://www.mediterranees.net/mythes/troie/helene/index.html
Quelques exemples :
- Homère, extraits de L'Iliade : chant III (vers 146-180, 383-421, 422-446), chant VI (342-368), chant
XXIV (vers 761-776).
- Homère, Odyssée, IV.
- Apollodore, Bibliothèque (III, 1).
- Euripide, Hélène (vers 15-30).
- Isocrate, L’Eloge d’Hélène.
- Ovide, Héroïdes XVI et XVII.
- Leconte de Lisle, Hélène, drame antique (1852).
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ARTS DU QUOTIDIEN
- Amphore attique à figures noires représentant le « jugement de
Pâris », 560-540 av. J.-C. (ci-contre).
- Mosaïque de sol, « le jugement de Pâris », conservée au Louvre,
département des antiquités grecques, étrusques et romaines. Cette
mosaïque décorait la salle à manger d'une riche maison romaine à
Antioche, au IIe siècle ap. J.-C. (Reproduction p. 19 du présent carnet
d’opéra).
ARTS DU VISUEL
- Francesco Primaticcio, dit Le Primatice (15041570), l’Enlèvement d’Hélène.
- Jacques-Louis David (1748-1825), Les amours
de Pâris et d’Hélène.
- Jean-Honoré Nicolas Fragonard (1732-1806),
L’Enlèvement d’Hélène.
- Henri Fantin-Latour (1836-1904), Hélène et ses
prétendants.
- Gaston Bussière (1862-1928), Hélène de Troie.
ARTS DES SONS
Richard Strauss : Hélène d’Egypte est un opéra en deux actes sur un livret d’Hugo von Hofmannsthal. Il
est créé à Dresde le 6 juin 1928. Le célèbre compositeur situe l’action non pas avant la guerre de Troie
(comme Offenbach) mais après : la magicienne Aithra interroge son coquillage qui sait tout et apprend
que sur le bateau qui le ramène de la guerre, Ménélas projette de tuer sa femme Hélène, responsable
des malheurs des Grecs.
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DE LA PARODIE DE L’ANTIQUITE A LA SATIRE
SOCIALE DU SECOND EMPIRE
Offenbach, dans La Belle Hélène, tout comme dans Orfée aux enfers, place l’action dans une
Antiquité où la mythologie grecque est tournée en dérision.
Les dieux sont relégués au rang d’accessoires et les héros virils et vertueux deviennent des personnages
cupides, envieux et tricheurs (Calchas), débauchés et dépensiers (Oreste), geignards (Achille), jaloux (les
deux Ajax), méprisants envers leur peuple (Ménélas) et, d’une manière générale, plutôt idiots ; ils
passent leur temps à se chamailler, à jouer, à manipuler. Quant à la Belle Hélène, reine de Sparte, elle
aurait voulu être une bourgeoise, rêve d’amour et prend un amant : Pâris, séducteur moins fougueux
que poseur.
Offenbach rejoint ainsi les Goncourt pour qui « l’Antiquité a peut-être été faite pour être le pain des
professeurs »1 et Jules Valles qui, dans article paru dans l’Evénement, n° 105 du 17 février 1866, à
l’occasion d’une représentation de l’opéra-bouffe d’Offenbach Barbe-Bleue, écrit :
« Nous descendons des hauteurs de l’art solennel et vide dans le domaine de la bouffonnerie
joyeuse. Bravo !
On fait bien de traîner devant la rampe et de livrer à la risée du peuple tous ces héros, ces
dieux, qui depuis trois mille ans, six mille peut-être – on n’a jamais bien su ! – rôdent en
caleçon abricot et en tricot de laine bleue, sans chaussettes, sur les planches d’un théâtre
triste, où se tient la tradition comme un pompier.
On nous dit que nous insultons « le vieil Homère ».
Ah ! Ils me fatiguent avec le vieil Homère ! Ils sont toujours à nous parler de cet aveugle, et l’on
passe pour une mauvaise nature s’il l’on ne se signe pas et si l’on n’ôte pas son chapeau devant
cet immortel Patachon !
Pourquoi donc ne se moquerait-on pas du vieil Homère ? […]
On nous rassasie de gravité et de morale ! Merci à vous qui jetez pour contrepoids dans la
balance la gaieté à pleines mains, et qui attachez des grelots d’argent au plateau de fer !
Et toi, « vieil Homère », aux Quinze-Vingts ».
JULES VALLES
EN CLASSE
LETTTRES / HISTOIRE : lire et commenter certains extraits du livret où la parodie de
l’Antiquité est la plus mordante. L’enseignant trouvera, en ligne, l’intégralité du livret sur le
site : http://www.mediterranees.net/mythes/troie/offenbach/helene3.html
Le livret regorge de propos et dialogues humoristiques maniant joyeusement l’anachronisme : on parle
volontiers l’argot (écrit dans le livret « Argos » pour le jeu de mots puisque l’Argos est la patrie
d’Agamemnon….), un « dialecte » qui a de « l’avenir » !
1
Edmond et Jules Goncourt, Journal, mémoires de la vie littéraire, texte établi par Robert Ricatte, coll. Bouquins, 2
vol. Robert Laffont, 1989, v.1, p. 821.
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ORESTE
Un sacrifice, aujourd’hui ?
A quelle occase ?
CALCHAS
Tiens, vous parlez l’Argos ?
ORESTE
Quand ça me vient !
Ce dialecte a de l’avenir…
Un vent de débauche règne sur la Grèce et sur l’illustre famille des Atrides, désacralisant les personnages
de la mythologie :
ORESTE
CHŒUR
C’est avec ces dames qu’Oreste
Fait danser l’argent à Papa ;
Papa s’en fiche bien, au reste,
Car c’est la Grèce qui paiera.
Dansons, buvons !
Buvons, chantons !
Dansons, buvons !
Et trémoussons-nous avec nos verres !
L’institution du mariage n’est pas respectée et la morale en souffre un peu…. Ainsi, Pâris au premier acte
affirme :
PARIS
Quand on est deux, l’hymen est une chaîne
Dont il est malaisé de supporter le poids ;
Mais on la sent peser à peine,
Quand on est trois.
HELENE
Ah ! Délicieux ! Délicieux !
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DU RIRE AUX LARMES…
« Mais, à y regarder de plus près, les choses
s’avèrent n’être pas aussi simples et, tout
d’abord, la gaîté, l’humour et la bonne humeur
qui se manifestent ici ne sont pas absolument
univoques. Il va de soi, en effet, qu’une satire
aussi évidente d’une époque donnée, une
ironie et une raillerie aussi « datées », aussi
liées à une situation et des événements précis
n’auraient su garder leur fraîcheur et leur
entrain et même pour le public contemporain
d’Offenbach qui riait parce qu’il se
reconnaissait sous les déguisements divers des
personnages d’Orphée, de la Belle Hélène ou
de La Vie Parisienne, la vue même de ces
spectacles devait recéler une certaine
ambiguïté. Ce public riait – c’est un fait – mais
il riait parce que ce qu’il voyait était risible et
puisqu’il s’agissait de lui-même, c’est donc
qu’il était lui-même risible et s’il était luimême risible c’est donc que tout cela
contenait également une part de tristesse. »

RENE LEIBOWITZ, HISTOIRE DE L’OPERA,
P. 170.
Quelques critiques, indignés par cette caricature
des rois de Grèce transformés en bouffons
ridicules, crièrent à l’irrévérence, voire à l’injure.
« On nous permettra de ne pas nous
arrêter beaucoup à la Belle Hélène. De telles
folies échappent au compte rendu. Il faut les voir
pour s’en faire une idée. Le succès est
incontestable, mais ce genre n’a pas toutes nos
sympathies, et nous trouvons particulièrement
regrettable que des hommes aussi distingués
que Meilhac et Ludovic Halévy, qui ont mieux fait
et qui ont mieux à faire, s’amusent à ces sortes
de parodies.»
Gustave Bertrand pour Le Ménestrel, N° 952 du
25 décembre 1864.
Ce travestissement de l’Antiquité présente un
reflet, à peine voilé, de la haute société et de ses
mœurs légères avec ses rejetons des grandes
familles, ses cocottes, gens d’esprit, nouveaux
bourgeois, qui se pressent pour se faire voir au
spectacle ou prendre des bains de mer
nouvellement à la mode…..
« Oui, avec Offenbach, Paris se moquait de soimême, de sa prospérité, de sa propension au
plaisir, peut-être aussi de sa fin prochaine »2. La
censure avait pourtant tenté de supprimer les
propos les plus inconvenants.
UNE BELLE HELENE CENSUREE
Le livret de l’opéra fut scrupuleusement examiné le 18 octobre 1864, après la générale. La censure
apporta des modifications sensibles dont voici quelques exemples rapportés par Jean-Claude Yon3 :
« Le personnage de Calchas, raillerie féroce du clergé, est celui que les censeurs ont le moins
apprécié. A la fin du troisième acte, il devait embarquer sur la galère de Cythère avec Hélène, être
jeté par-dessus bord par l’équipage troyen et revenir sur scène pour dénoncer la supercherie de
Pâris et appeler à la vengeance. L’opéra-bouffe se terminait ainsi sur un chœur guerrier des
Spartiates brandissant leurs glaives tandis qu’Hélène et Pâris chantaient en coulisse un hymne à la
2
André Tubeuf, « Le Crépuscule des divas, ou Naissance de la parodie », in livret d’accompagnement du CD La
Belle Hélène, EMI, 1985, p. 4.
3
Voir « bibliographie » dans la rubrique « pour en savoir plus », p. 28.
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gloire de Vénus. La censure n’a pas voulu de ce grand augure tombant à l’eau et l’acte entier a été
refait car les mœurs dissolues suscitées par Vénus pour punir Ménélas étaient présentées d’une
façon trop explicite, Oreste ayant par exemple volé la femme du forgeron Enthyclès et refusant de
la ramener à son mari. Les interventions de la censure ont été moins importantes dans les deux
premiers actes mais elle a supprimé de nombreuses répliques, tel ce quatrain chanté par Ménélas
à son retour de Crète :
Soit mais si vous laissez l’outrage
Monter jusques au fond des rois,
C’est fait à jamais des lois
Qui régissent le mariage.
On comprend ce que ces quatre vers pouvaient avoir de sulfureux… La censure a supprimé de
même toutes les allusions à des personnages réels, comme l’ambassadrice d’Autriche,
l’excentrique Pauline Metternich qui était reconnaissable lorsqu’Hélène évoquait la « femme du
ministre de Macédoine avec ses tuniques courtes et ses cothurnes à talon ». De même les
censeurs ont tenu à ce que Vénus ait promis « l’amour de la plus belle femme du monde » et non
« la plus belle femme du monde » au fils du roi Priam, selon leur volonté systématique de
substituer l’abstrait au concret. Les multiples changements de détails qu’ils ont imposés rendent
parfois l’érotisme de la pièce encore plus diffus et, du coup, plus efficace… Un réel trouble sensuel
envahit chaque soir la salle des Variétés lorsqu’Hortense Schneider invoque Vénus :
Ah, malheureuses que nous sommes !
Beauté, fatal présent des cieux !
Il faut lutter contre les hommes,
Il faut lutter contre les dieux.
Vous le voyez tous, moi je lutte,
Je lutte et ça ne sert à rien.
Car si l’Olympe veut ma chute ?
Un jour ou l’autre il faudra bien.
Dis-moi Vénus, quel plaisir trouves-tu
A faire ainsi cascader la vertu ? (II,4)
Il n’est pas étonnant que La Belle Hélène ait pu, dans certains milieux, passer pour le comble de la
licence et que Pauline Metternich, celle-là même que visait une réplique censurée, se soit vue
reprocher par son mari d’avoir assisté à la première de l’ouvrage et ainsi « d’avoir été quasi
officiellement à une pareille pièce ! »
Jean-Claude YON, Offenbach, Gallimard, 2000, pp. 304-305.
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EN CLASSE
HISTOIRE DES ARTS : Le professeur pourra étudier le rôle de la censure dans le livret de
l’opéra et posera le problème de la liberté d’expression de l’artiste. Plus largement, il sera
amené à mettre en lumière les liens qu’une œuvre d’art peut tisser avec un pourvoir.
Ce travail peut s’insérer :
- au collège dans la thématique : « Arts, états, pouvoir »
- au lycée dans la thématique : « Arts et idéologies »
LES FASTES DU SECOND EMPIRE
EN CLASSE
HISTOIRE : pour comprendre la charge subversive de La belle Hélène qui
porte en elle une satire cachée du régime de Napoléon III, il est
nécessaire de faire quelques rappels historiques sur l’importance des
festivités à l’époque de Napoléon III.
« Il est fréquent de percevoir le Second Empire
comme un vaste spectacle du pouvoir en
représentation ; pour Ferdinand Bac, témoin
enfant des fastes de la cour, « il fut un beau
théâtre qui flambera en quelques heures pour
ensevelir sous des cendres toute la frivolité
empanachée ». La mise en scène du pourvoir,
cette incontournable « fête impériale »,
s’inscrit dans une société marquée par
l’emprise du spectacle. La société du
spectacle, dans toute son ampleur, sa diversité
et sa complexité, comme la définit Christophe
Charle, est aujourd’hui l’objet d’un intérêt
renouvelé à la croisée de tous les champs de la
recherche
historique.
Les
souverains
n’échappent évidemment pas à cette
omniprésence du spectacle auquel est lié le
régime lui-même, tant la représentation du
pouvoir, telle que l’a voulue Napoléon III, est
ponctuée par des fêtes et des spectacles
donnant l’image de souverains évoluant dans
le faste. »

Xavier MAUDUIT, In Les spectacles
sous le Second Empire, sous la
direction de Jean-Claude YON,
chapitre « les souverains au théâtre
et le spectacle dans les palais
impériaux sous le Second Empire »,
Armand Colin, Paris, 2010.
A l’avènement du Second Empire une page de
l’histoire de France est tournée. La société française
change, elle aspire à la paix et au plaisir.
Napoléon III veut faire de la France un Etat moderne et
prospère et redonner à Paris son rôle de capitale-phare.
Il fait développer l’industrie, rénover le commerce, créer
un grand réseau ferroviaire pour relier la province à la
capitale et surtout transformer Paris.
Pour cela il charge le baron Haussmann de moderniser
la capitale. Il se lance alors dans de grands travaux en
abattant des quartiers insalubres, en créant de larges
avenues, des jardins publics (Alphand), en apportant le
confort moderne (gaz), en créant des gares (gares de
l’Est puis du Nord). Pour réaliser ces grands travaux,
l’Empire s’appuie sur les banquiers et les industriels,
créant ainsi une riche bourgeoisie qui contribue au
rayonnement de la nouvelle vie parisienne. L’empereur
organise la première exposition universelle française en
1855 pour montrer à l’Europe et au monde la prospérité
de la France…et où il invite de nombreux souverains
étrangers (la Reine Victoria qui arrive gare de l’Est, le
Tsar Alexandre II, le Roi de Prusse Guillaume Ier, le
Sultan Turc…). Paris est alors, et pour quelques
décennies encore, une capitale mondiale dont les lieux
de divertissements attirent une clientèle venue de
partout dans le monde. La société du Second Empire est
brillante et voulue comme telle par Napoléon III, en
opposition à la vie de famille « casanière » que menait
Louis Philippe aux Tuileries.
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La fête impériale brille de tous ses feux tout au long du règne de Napoléon III. Paris doit être une fête
rythmée par des bals et des valses, comme le prouve le tableau de Jean-Baptiste Carpeaux, Bal costumé
au palais des Tuileries au salon de 1867 (date de création de la Belle Hélène…) ou encore celui d'Henri
Baron, Fête officielle au Palais des Tuileries pendant l'Exposition universelle de 1867. Les critiques se
réjouissent de voir " les tulles, les gazes, les rubans, les fleurs qui se mêlent dans les toilettes des femmes
" dans une ambiance d'élégance et de profusion de lumière et de draperies.
A LIRE : le texte d’Emile Zola sur la « féérie de l’opérette » proposé en carnet de lecture p. 31.
Paradoxalement, Zola critique vertement l’opérette qu’il juge comme un divertissement
uniquement frivole.
POUR APPROFONDIR : le professeur pourra trouver une analyse détaillée de ce tableau tant au
niveau de l’esthétique que du contexte historique sur le site :
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=227&oe_zoom=432&id_sel=432
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QUELQUES PISTES D’ECOUTES
ACTE I, N°6 : LE JUGEMENT DE PÂRIS
C’est moment clé pour comprendre l’opéra mais aussi le mythe de la
belle Hélène. Grâce à ce jugement prononcé en faveur de Vénus
(Aphrodite dans la mythologie grecque) lors d’un concours de beauté,
Pâris bénéficiera de l’aide précieuse de la Déesse pour séduire Hélène, la
plus belle femme du monde.
Le célèbre récit prend la forme, comme de nombreux airs d’Offenbach,
d’un rondeau, ici avec six couplets et un refrain :
Evohé, que ces Déesses,
Pour enjôler les garçons,
Evohé, que ces Déesses,
Ont de drôles de façons.
EN CLASSE
DES MELODIES FRAÎCHES ET
AUTHENTIQUES
« L’opéra bouffe est le produit
corrompu d’une époque corrompue ;
mais la musique d’Offenbach est une
musique propre et saine. Ses mélodies,
toutes simples qu’elles soient, sont
toujours pleines de fraîcheur et d’une
inspiration authentique ».
EDUCATION MUSICALE
On pourra envisager de faire chanter cet air, d’esprit
populaire et dépourvu de toute forme d’exubérance
vocale. Essentiellement syllabique, les quelques vocalises
présentes sont trop brèves pour constituer de réelles
difficultés :
Albert
EINSTEIN,
La
musique
romantique,
trad.
J.
Delalande,
Gallimard, Paris, 1959.
1er Couplet
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A VOIR
Le jugement de Pâris, chanté par le ténor Florian Laconi, mise en scène de Bernard Pisani (qui la reprend
de façon identique pour l’opéra de Reims), direction de Dominique Trottein.
http://www.youtube.com/watch?v=RBvdTe6PMj0
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ACTE I, N°7, MARCHE ET COUPLETS DES ROIS
Tour à tour, les rois de Grèce (qui participeront plus tard à la guerre de Troie) se présentent : d’abord les
deux Ajax, puis Achille suivi de Ménélas et enfin Agamemnon. Le moment devrait être majestueux et
solennel.…. Mais, Offenbach bouleverse les codes et tourne en ridicule la situation.
Il utilise pour cela des effets syllabiques cocasses, en particulier ceux obtenus par des jeux de répétitions
syllabiques. La musique, quant à elle, renforce l’effet comique par des appuis inappropriés entraînant les
paroles à contresens et produisant des effets de bégaiements grotesques.
Agamemnon, par exemple, semble tituber, il n’est pas un roi « barbu qui s’avance » mais « bu qui
s’avance », « bu qui s’avance »…… Ménélas, le futur mari trompé, n’est plus « l’époux » de la reine mais
le « poux » de la reine, le « é » passant bien vite aux oubliettes ! Musicalement, les syllabes répétées
comme « poux » ou « bu » sont mises en lumière par l’accent naturel qui leur est porté, tombant sur le
premier temps - temps fort - de la mesure à 2/4 à chacune des répétitions :
Aucune distinction n’est opérée musicalement pour distinguer ces nobles rois. La musique, de forme
strophique, est identique sur chaque couplet.
« On peut analyser ces césures (« barbu qui s’avance, bu qui s’avance », dans La Belle Hélène) ou ces
répétitions (« Il faut qu’un bon courtisan s’incline, qu’il s’incline » dans Barbe-bleu) comme
l’expression d’une certaine désinvolture vis-à-vis du texte. (…)
Mais il me semble qu’il s’agit d’abord d’un abandon quasi physique, de la part du compositeur, à cet
effet grisant émanant des mots et des syllabes de la langue française. On trouvera cet effet dans les
écoles d’« opérettes » dérivées de l’esthétique d’Offenbach (Londres, Madrid, Berlin, Vienne), sans
parler des déluges syllabiques dans l’opéra bouffe italien. Mais chez notre musicien, cela verse dans
l’ivresse pure, comme dans ce passage de Ba-ta-clan où les personnages ne semblent plus pouvoir se
lasser de répéter à l’infini « Il demande une chaise. » (…) cette étrange ivresse verbale, fondée sans
doute en partie sur la découverte tardive de la langue française, dont il semble user comme un jouet,
est probablement aussi l’une des raisons pour lesquelles les poètes surréalistes - Breton en tête -,
généralement peu férus de musique, vouaient au compositeur de La Belle Hélène un culte tout
particulier.
 Robert POURVOYEUR, Offenbach, « Solfèges », Seuil, 1994,
P. 170.
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COUPLET 1
COUPLET 2
Les deux Ajax
Ces Rois remplis de vaillance,
plis de vaillance, plis de vaillance,
C’est les deux Ajax.
(Les deux, les deux Ajax)
Etalant t’avec jactance,
t’avec jactance, t’avec jactance,
Leur double thorax.
(Leur dou, double thorax)
Parmi le fracas immense
des cuivres de Sax.
Ces Rois remplis de vaillance,
plis de vaillance, plis de vaillance,
C’est les deux Ajax,
les deux, les deux Ajax.
Chœur
Ces Rois remplis de vaillance,
plis de vaillance,
c’est les deux Ajax.
Ces Rois remplis de vaillance,
plis de vaillance,
c’est les deux Ajax.
Achille
Je suis le bouillant Achille,
bouillant Achille, bouillant Achille,
Le grand Myrmidon,
(Le Myr, le Myrmidon)
Combattant un contre mille
un contre mille, un contre mille,
Grâce à mon plongeon.
(Grâce au, grâce au plongeon)
J’aurais l’esprit bien tranquille,
N’était mon talon.
Je suis le bouillant Achile,
bouillant Achille, bouillant Achille,
Le grand Myrmidon,
Le Myr, le Myrmidon.
COUPLET 3
COUPLET 4
Ménélas
Je suis l’époux de la Reine,
poux de la Reine, poux de la Reine,
Le Roi Ménélas,
(Le Méné, Ménélas)
Je crains bien qu’un jour Hélène,
qu’un jour Hélène, qu’un jour Hélène,
Je le dis tout bas,
(Il dit tout, tout, tout bas)
Ne me fasse de la peine..
N’anticipons pas.
Je suis l’époux de la Reine,
poux de la Reine, poux de la Reine,
Le Roi Ménélas,
Le Méné, Ménelas.
Chœur
C’est lui l’époux de la Reine,
poux de la Reine,
le Roi Ménélas
C’est lui l’époux de la Reine,
poux de la Reine,
le Roi Ménélas
Agamemnon
Le Roi barbu qui s’avance,
bu qui s’avance, bu qui s’avance,
C’est Agamemnon !
(Aga, Agamemnon)
Et ce nom seul me dispense
seul me dispense, seul me dispense
D’en dire plus long.
(D’en di, dire plus long)
J’en ai dit assez, je pense,
en disant mon nom.
Le Roi barbu qui s’avance,
bu qui s’avance, bu qui s’avance,
C’est Agamemnon !
Aga, Agamemnon !
Chœur
Le Roi barbu qui s’avance,
bu qui s’avance,
C’est Agamemnon !
Le Roi barbu qui s’avance,
bu qui s’avance,
C’est Agamemnon !
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Aga, Aga, Agamemnon !
EN CLASSE
EDUCATION MUSICALE
L’apprentissage vocal des couplets des rois est possible, en accordant une vigilance toute
particulière au texte, déclamé dans un tempo allegro moderato. Seul le développement d’une
articulation adaptée pourra permettre une bonne diction et intelligibilité de ces couplets.
A VOIR
LE COUPLET DES ROIS sur :
http://www.youtube.com/watch?v=2yBrRy2OLVY
dans la production de Laurent Pelly pour le Théâtre du Châtelet en 2001 avec :
MICHEL SENECHAL : Ménélas, LAURENT NAOURI : Agamemnon, sous la direction de
MARK MINKOWSKI. (photo du DVD de cette production ci-contre)
Une réflexion avec les élèves pourra s’engager autour des moyens scéniques mis en
œuvre pour servir le texte et la musique dans une surenchère d’effets comiques.
ACTE III, N°21, TYROLIENNE AVEC CHŒUR
Afin de duper Ménélas et d’enlever Hélène, Pâris s’est déguisé en grand Augure.
« La galère, venant de la gauche, aborde au fond du théâtre : le grand Augure de Vénus
est debout sur le pont, entouré de petits amours formant l’équipage de la galère. Le
grand Augure, c’est Pâris, mais un Pâris méconnaissable, barbe frisée et tuyautée. Du
reste, costume joyeux, couleurs claires, couronnes de roses, etc. Le grand Augure
descend de la galère, rois et peuple se prosternent ». (Livret, acte III)
La docte intervention du faux Augure se fait par une tyrolienne endiablée puisqu’enfin le règne de
Vénus est « un règne joyeux » et qu’il faut être gai : « je suis gai, soyez gais, il le faut, je le veux ».
Offenbach respecte les codes de ce type de chant particulier "Jodle" ou "Yodle" avec ses syllabes
dépourvues de toute signification et le passage en voix de tête :
Voilà qui contraste fort avec le maintien solennel que l’on attendrait d’un tel personnage.
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EN CLASSE
En éducation musicale, le professeur pourra aborder la thématique de la musique et des
arts du langage en étudiant les relations qui unissent texte et musique. Dans le cas présent,
cette tyrolienne avec chœur a quelques « longueurs d’avance » sur le texte et la portée dramatique du
livret. Offenbach se sert ici de la musique pour faire sentir au public la vérité cachée : bien avant les rois,
nous avons deviné la véritable identité du soi-disant Augure.
A VOIR
- La tyrolienne avec chœur :
http://www.youtube.com/watch?v=7trldSOwvoA
dans la production de Laurent Pelly pour le Théâtre du Châtelet en 2001 avec : YANN BEURON dans le rôle
de Pâris.
- Comparaison possible avec la mise en scène de Pisani pour l’opéra de Reims :
http://www.youtube.com/watch?v=ihr1fiBBtec
On remarquera la chorégraphie « déjantée » s’inspirant de mouvements de danses aux horizons
multiethniques sans aucune logique apparente. Elle contribue ainsi, tout comme la musique, à rendre
ridicule et peu crédible le grand Augure.
LES CLEFS DE LA MISE EN SCENE
Les choix de mise en scène mettent en
lumière une vision de l’antiquité fantasmée
et distanciée, dans un esprit -tout comme le
livret – proche de la parodie.
Les décors s’inspirent très librement de
l’antiquité avec ses escaliers imposants de
marbre blanc, ses colonnes. Les costumes
aussi témoignent de ce passé revisité avec
leurs drapés, toges, sandales « spartiates »
jusqu’à l’ultime tenue d’Hélène, digne
d’une Cléopâtre hollywoodienne. Le tout
est subtilement décalé avec l’introduction
d’éléments plus contemporains comme les planches de Deauville au second acte évoquant la plage de
Nauplie (voir photo p. 5) et soulignant aussi la vogue des bains de mer sous le second empire. De même,
on remarquera la présence de l’Opéra Garnier (construit aussi sous le second empire dont la première
inauguration eut lieu en 1867) dans le paysage lointain de Sparte.
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Le metteur en scène s’est aussi et surtout inspiré des peintures d’Alma-Tadema (1836-1912), qualifié de
« peintre du marbre » sous l’ère victorienne. Il puise dans l’antiquité ses sujets et modèles. Le peintre
avait découvert Pompéi lors de son voyage de noces en 1863. Avec une exceptionnelle collection de
photographies d'antiquités romaines et grecques (pas moins de 168 volumes), il disposait d'un répertoire
inépuisable d'objets de la vie quotidienne à Rome, Athènes ou Pompéi. Réellement amoureux de
l'antiquité, il fit transformer sa maison du Regent's Park en villa pompéienne !
Ci-dessous, un des chefs-d’œuvre le plus célèbre du peintre dont la puissance repose sur l’alliance d’une
grande richesse décorative et d’une forte tension dramatique :
LES ROSES D’HELIOGABALE, 1888
HUILE SUR TOILE, 132.7 X 214.4 CM
COLLECTION PEREZ SIMON, MEXICO
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L’opéra-bouffe La belle Hélène renoue donc avec l’antiquité non seulement dans son sujet mais aussi
dans sa mise en scène. Plus largement, le peintre a influencé la mise en scène dans le raffinement et la
délicatesse des couleurs, la pureté des lignes de la scénographie.
Tout comme les personnages
de ce tableau, la belle Hélène
sera coiffée de couronnes de
fleurs d’un rose très pâle.
Lors du bain
de la célèbre
reine,
ces
mêmes roses
introduisent
subtilement
des notes de
couleurs dans
un
mouvement
circulaire.
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EN CLASSE
HISTOIRE DES ARTS :
l’opéra et sa mise en scène, pourtant moderne, renouent avec
l’antiquité, source inépuisable d’inspiration notamment à l’époque romantique dans
laquelle l’opéra La Belle Hélène s’inscrit. L’étude de ce « retour au passé » peut s’insérer, au collège,
dans la thématique « arts, ruptures, continuités » et au lycée dans « Arts, réalités, imaginaires ».
DESIRS D’ANTIQUE
« Centrée sur la figure emblématique de
Lawrence Alma-Tadema, la première salle de
l’exposition reflète le vif engouement de l’élite
victorienne pour l’Antiquité. Nourrie d’une
grande culture classique, la haute bourgeoisie de
l’époque se passionne pour les découvertes
archéologiques réalisées en Grèce et en Italie.
Les plus belles pièces viennent enrichir les
collections du British Museum et émerveillent le
public londonien. Le très grand raffinement des
décors révélés par les grands chantiers de fouille
à Rome ou Pompéi entretient la nostalgie d’un
âge d’or, d’un monde antique fait de luxe et de
plaisirs dans des paysages nimbés de soleil. Les
artistes qui entreprennent de redonner vie à ce
monde antique fantasmé rencontrent alors un
très grand succès. (…) Grâce à la justesse
historique de ses reconstitutions, son sens de la
scénographie et son goût pour les détails
décoratifs, il rencontre rapidement un grand
succès auprès de l’élite victorienne, séduite par
l’élégance et le raffinement de ses tableaux. »
 Dossier
pédagogique
du
musée
Jacquemart-André produit à l’occasion
de l’exposition « désirs et volupté à
l’époque victorienne » du 13 septembre
2013 au 20 janvier 2014
http://Musee-jacquemartandre.com/site/default/files/editeur/Pdf
/dossier_pedagogique_desirs_et_volupt
e.pdf
Quelques exemples :
LITTERATURE
Alfred de Vigny : Poème antiques et modernes
(1822-1826)
Théophile Gautier : le Roman de la momie
(1826), Arria Marcella (1852)
Banville : Cariatides (1842)
Leconte de Lisle : Poèmes antiques (1852)
Heredia : Les Trophées (1893)
PEINTURE
Le peintre Jacques-Louis David renoue, dès la
fin du XVIIIème siècle, avec l’antiquité en
proposant des tableaux de facture néoclassique
parmi lesquels :
Les Amours de Pâris et d’Hélène (1788),
Le Retour de Brutus (1789)
L’Enlèvement des sabines (1799)
Périclès près de son fils 1807
Léonidas aux Termopyles (1814)
MUSIQUE
Les sujets d’opéras reflètent eux aussi cet
engouement pour le passé :
1805 : Spontini, La vestale Les sujets d’opéras
1809 : Cherubini, Pygmalion
1812 : Rossini, Cyrus à Babylone
1819 : Mercadante, L’Apothéose d’Hercule
1831 : Bellini, La Norma
1851 : Gounod, Sapho
1858 : Offenbach, Orphée aux enfers
1863 : Berlioz, Les Troyens
1900 : Fauré, Prométhée
A LIRE : François SABATIER, « l’amour du
passé », in Miroirs de la musique, Paris, Fayard,
1995, T. 2, pp. 180-203.
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POUR EN SAVOIR PLUS…
BIOGRAPHIE
POURVOYEUR, Robert, Offenbach, « Solfèges », Seuil, 1994.
RISSIN, David, Offenbach ou le rire en musique, Fayard, Paris, 1980.
YON, Jean-Claude, Offenbach, Gallimard, 2000.
Cette biographie est la première à retracer la carrière d'Offenbach dans toute sa richesse. Elle restitue
l'ensemble des œuvres scéniques du maestro des Bouffes-Parisiens, leur genèse, leur fortune, leur
postérité.
YON, Jean-Claude, Les spectacles sous le second empire, Armand Colin, Paris, 2010.
WEBOGRAPHIE
Un musée virtuel dédié au compositeur ; de nombreuses images et caricatures :
http://www.offenbachmuseum.com/
Un site très complet sur le compositeur et son œuvre :
http://www.jacques-offenbach.de/
Le centre de documentation Jacques Offenbach :
http://www.jacquesoffenbach.org/
L’intégralité du livret en ligne :
http://www.mediterranees.net/mythes/troie/offenbach/helene3.html
DISCOGRAPHIE SELECTIVE
Jessye Norman (Hélène), John Aler (Pâris), Charles Burles (Ménélas), Gabriel Bacquier (Agamemnon),
Jean-Philippe Lafont (Calchas), chœur et orchestre du Capitole de Toulouse, Michel Plasson (dir.) - EMI
Classics, 1985
Felicity Lott (Hélène), Yann Beuron (Pâris), Michel Sénéchal (Ménélas), Laurent Naouri (Agamemnon),
François Le Roux (Calchas), Marie-Ange Todorovitch (Oreste), chœur et orchestre des Musiciens du
Louvre, Marc Minkowski (dir.) - Virgin Classics, 2000 (production mise en scène par Laurent Pelly au
théâtre du Châtelet)
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LA BELLE HELENE A L’OPERA DE REIMS
LA PRODUCTION
Chef d’orchestre : CHRISTOPHE TALMONT
Mise en scène : BERNARD PISANI
Décors : ERIC CHEVALIER
Costumes : FREDERIC PINEAU
Lumières : JACQUES CHATELET
Orchestre : OPERA DE REIMS
Chœur : ENSEMBLE LYRIQUE CHAMPAGNE ARDENNE
Chef de chœur : SANDRINE LEBEC
Hélène : MARYLIN FALLOT
Paris : MARC LARCHER
Calchas : PHILIPPE ERMELIER
Ménélas : FREDERIC LONGBOIS
Agamemnon : OLIVIER GRAND
Ajax 1 : YVAN REBEYROLLE
Ajax 2 : JEAN-PHILIPPE CORRE
Oreste : EUGENIE DANGLADE
Achille : VINCENT DE ROOSTER
LA NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCENE
Après une Grande-Duchesse de Gérolstein née à Marseille et Saint-Etienne et accueillie avec
bonheur dans bon nombre de Maisons d’Opéra, j’ai aujourd’hui le privilège de me pencher sur cette
Belle Hélène et d’y retrouver, avec quel plaisir, le Maître Offenbach à qui je dois, depuis Les Brigands
(Maison de Radio France, Grand Théâtre de Genève et Opéra de Lyon), mon parcours lyrique.
En premier lieu, choisir l’écrin adéquat pour « la plus belle femme du monde ». Sur proposition d’Eric
Chevalier, concepteur du décor, qui m’accompagne dans cette belle aventure, l’œuvre sublime d’AlmaTadema sera déterminante : marbres somptueux aux lignes arrondies et sensuelles, camaïeux des tons
et des nuances, pureté du style, la peinture d’Alma-Tadema est ici source d’inspiration pour une
scénographie raffinée n’excluant aucunement certains traits d’humour tels l’Opéra Garnier dans le
paysage lointain de Sparte ou les célèbres planches de Deauville à Nauplie, station balnéaire de l’acte II.
Le mariage du décor et des costumes s’annonçant délicat, je fais appel, une nouvelle fois, à Frédéric
Pineau à l’inspiration élégante et sobrement décalée. Quant au livret, dont j’ai tenu à respecter la
dramaturgie, il est ici allégé au profit du rythme et d’une meilleure adaptation à l’oreille d’aujourd’hui.
Le mouvement, libre et non figé, relève ici d’une exigence esthétique se référant aux émotions du
danseur que je fus. Quant au texte parlé, il y sera apporté un soin égal à celui du chant, favorisant une
situation vaudevillesque qui n’est pas sans rappeler le théâtre de Feydeau.
En conclusion, j’ai souhaité cette Belle Hélène somptueuse, tonique, humoristique, frivole, un grand
opéra-bouffe flirtant avec la comédie musicale.
BERNARD PISANI
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BERNARD PISANI MISE EN SCENE ET
CHOREGRAPHIE
Danseur (sept ans à l'Opéra de Paris), comédien, chanteur et metteur en
scène, Bernard Pisani interprète de nombreux succès de Jean Anouilh sous
la direction de l'auteur, incarne Bonaparte dans La Révolution française au
Théâtre Mogador puis, après plusieurs spectacles musicaux et de
nombreuses dramatiques télévisées, réalise un rêve de toujours en
interprétant Néron dans Britannicus qu'il met en scène au Nouveau Théâtre
Mouffetard et au Palais des Festivals à Cannes. Suite à un concert donné à
Radio France (Les Brigands d'Offenbach), Georges- François Hirsh lui offre le
rôle de Don Pedro de Hinoyosa dans La Périchole, mise en scène par Jérôme Savary au Théâtre des
Champs-Elysées. Antoine Bourseiller l'engage à l'Opéra de Nancy, puis Jean-Luc Boutté le dirige dans La
Vie parisienne au Théâtre de Paris.
Les grandes scènes lyriques de France et d'Europe l'accueillent. Il participe à une nouvelle production des
Brigands d'Offenbach présentée par l'Opéra de Lyon à Saint-Etienne puis au Grand Auditorium Maurice
Ravel de Lyon. Il se produit à l'Opéra Comique en récital dans Toute la Musique ! Qu'il présente
régulièrement en France et à l'étranger. Il crée Les Anouilhesques (monologues, scènes et pages
musicales du théâtre de Jean Anouilh) à Saint- Etienne et au Théâtre de la Pépinière-Opéra. En 1997, il
chorégraphie et interprète La Dame Blanche de Boieldieu (Opéra Comique, Opéra de Tours et de SaintEtienne). Amoureux de la comédie musicale, il met en scène Irma la douce de Marguerite Monnot et
Alexandre Breffort à Saint- Etienne, Tours, Nancy, Limoges et Metz. Il produit Le Barbier de Séville à
Limoges, La Grande-Duchesse de Gerolstein à Marseille, Saint-Etienne, Avignon, Tours, Limoges, Toulon
et Reims, La Fille de Madame Angot à Besançon et Limoges, Iphigénie en Tauride à Marseille, Angers et
Tours, Le Téléphone de Menotti et La Servante maîtresse de Pergolèse à Angers, La Vie parisienne à
Avignon, L’Amour masqué de Messager à Tours, Metz, Reims, Limoges, Saint-Etienne, Edimbourg et
Bordeaux, Don Giovanni pour l’Opéra de Chambre de France, L’Enlèvement au sérail à Limoges, La
Périchole à Metz, L’Opéra de quat’sous à Reims, Metz et Tours, La Belle-Hélène à Saint-Etienne, Metz et
Avignon. Sous le patronage de l’Ambassade de France, il met en scène et joue, Jean Anouilh 20 ans
après… à la Maison Française (University of New York) en hommage à l’auteur disparu.
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ANNEXE
LE NATURALISME AU THEATRE
LES THEORIES ET LES EXEMPLES
EMILE ZOLA
Extrait du chapitre consacré à « La féérie de l’opérette »
Si la féerie doit trouver grâce pour la largeur poétique qu'elle pourrait atteindre, l'opérette est une
ennemie publique qu'il faut étrangler derrière le trou du souffleur, comme une bête malfaisante.
Elle est, à cette heure, la formule la plus populaire de la sottise française. Son succès est celui des
refrains idiots qui couraient autrefois les rues et qui assourdissaient toutes les oreilles, sans qu'on pût
savoir d'où ils venaient. Depuis qu'elle règne, ces refrains du passé ont disparu ; elle les remplace, elle
fournit des airs aux orgues de Barbarie, elle rend plus intolérables les pianos des femmes honnêtes et
des femmes déshonnêtes. Son empire désastreux est devenu tel, que les gens de quelque goût devront
finir par s'entendre et par conspirer, pour son extermination.
L'opérette a commencé par être un vaudeville avec couplets. Elle a pris ensuite l'importance d'un petit
opéra-bouffe. C'était encore son enfance modeste ; elle gaminait, elle se faisait tolérer en prenant peu
de place. D'ailleurs, elle ne tirait pas à conséquence, se permettant les farces les plus grosses, désarmant
la critique par la folie de ses allures. Mais, peu à peu, elle a grandi, s'est étalée chaque jour davantage, de
grenouille est devenue bœuf ; et le pis est qu'elle s'est ainsi élargie, sans cesser d'être une parade
grossière, d'un grotesque à outrance qui fait songer aux cabanons de Bicêtre.
D'un acte l'opérette s'est enflée jusqu'à cinq actes. Le public, au lieu de s'en tenir à un éclat de rire d'une
demi-heure, s'est habitué à ce spasme de démence bête qui dure toute une soirée. Dès lors, en se
voyant maîtresse, elle a tout risqué, menant les spectateurs dans son boudoir borgne, prenant d'un
entrechat, sur les plus grandes scènes, la place du drame agonisant.
Elle a dansé son cancan, en montrant tout ; elle a rendu célèbres des actrices dont le seul talent
consistait dans un jeu de gorge et de hanches. Tout le vice de Paris s'est vautré chez elle, et l'on peut
nommer les femmes auxquelles une façon de souligner les couplets grivois a donné hôtel et voiture.
Cela ne suffisait point encore. L'opérette a rêvé l'apothéose. M. Offenbach, pendant sa direction à la
Gaîté, a exhumé ses anciennes opérettes des Bouffes, entre autres son Orphée aux enfers, joué autrefois
dans un décor étroit et avec une mise en scène relativement pauvre ; il les a exhumées et transformées
en pièces à spectacle, inventant des tableaux nouveaux, grandissant les décors, habillant ses acteurs
d'étoffes superbes, donnant pour cadre à la bêtise du dialogue et aux mirlitonnades de la musique tout
l'Olympe siégeant dans sa gloire. D'un bond, l'opérette voulait monter à la largeur des grandes féeries
lyriques. Elle ne saurait aller plus haut. Son incongruité, ses rires niais, ses cabrioles obscènes, sa prose et
ses vers écrits pour des portiers en goguette, se sont étalés un instant au milieu d'une splendeur de gala,
comme une ordure tombée dans un rayonnement d'astre.
Même elle était montée trop haut, car elle a failli se casser les reins. M. Offenbach n'est plus directeur,
et il est à croire qu'aucun théâtre ne risquera à l'avenir deux ou trois cent mille francs pour montrer une
petite chanteuse, toute nue, sifflotant une chanson de pie polissonne, sous flamboiement de feux
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électriques. N'importe, l'opérette a touché le ciel, la leçon est terrible et complète. Je ne veux pas
détailler les méfaits de l'opérette. En somme, je ne la hais pas en moraliste, je la hais en artiste indigné.
Pour moi, son grand crime est de tenir trop de place, de détourner l'attention du public des œuvres
graves, d'être un plaisir facile et abêtissant, auquel la foule cède et dont elle sort le goût faussé.
L'ancien vaudeville était préférable. Il gardait au moins une platitude bonne enfant. D'autre part, si l'on
entre dans le relatif du métier, il est certain qu'il était moins rare de rencontrer un vaudeville bien fait
qu'il ne l'est aujourd'hui de tomber sur une opérette supportable. La cause en est simple. Les auteurs,
quand ils avaient une idée drôle, se contentaient de la traiter en un acte, et le plus souvent l'acte était
bon, l'intérêt se soutenait jusqu'au bout. Maintenant, il faut que la même idée fournisse trois actes,
quelquefois cinq. Alors, fatalement, les auteurs allongent les scènes, délayent le sujet, introduisent des
épisodes étrangers ; et l'action se trouve ralentie. C'est ce qui explique pourquoi, généralement, le
premier acte des opérettes est amusant, le second plus pâle, le dernier tout à fait vide. Quand même, il
faut tenir la soirée entière, pour ne partager la recette avec personne. Et le mot ordinaire des coulisses
est que la musique fait tout passer.
M. Offenbach est le grand coupable. Sa musique vive, alerte, douée d'un charme véritable, a fait la
fortune de l'opérette. Sans lui, elle n'aurait jamais eu un si absolu triomphe. Il faut ajouter qu'il a été
singulièrement secondé par MM. Meilhac et Halévy, dont les livrets resteront comme des modèles. Ils
ont créé le genre, avec un grossissement forcé du grotesque, mais en gardant un esprit très parisien et
une finesse charmante dans les détails. On peut dire de leurs opérettes qu'elles sont d'amusantes
caricatures, qui se haussent parfois jusqu'à la comédie.
Quant à leurs imitateurs, que je ne veux pas nommer, ce sont eux qui ont traîné l'opérette à l'égout. Et
quels étranges succès, faits d'on ne sait quoi, qui s'allument et qui brûlent comme des traînées de
poudre ! On peut le définir : la rencontre de la médiocrité facile d'un auteur avec la médiocrité
complaisante d'un public. Les mots qui entrent dans toutes les intelligences, les airs qui s'ajustent à
toutes les voix, tels sont les éléments dont se composent les engouements populaires.
On nous fait espérer la mort prochaine de l'opérette. C'est, en effet, une affaire de temps, selon les
hasards de la mode. Hélas ! Quand on en sera débarrassé, je crains qu'il ne pousse sur son fumier
quelque autre champignon monstrueux, car il faut que la bêtise sorte quand même, comme les boutons
de la gale ; mais je doute vraiment que nous puissions être affligés d'une démangeaison plus
désagréable.
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