Interview de Fred FORT (Bayonne) Votre parcours dans le

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Interview de Fred FORT (Bayonne) Votre parcours dans le
Interview de Fred FORT (Bayonne)
Votre parcours dans le monde du conte commence... par le rugby ! Etonnant, non ?
S'il est vrai que j'ai joué douze saisons au meilleur niveau et publié en 2007
"L'électron libre du rugby", témoignage sur ces années rugby, c'est en Haute-Savoie en
1981, qu'à la suite de petites notes locales, l'on me proposait un poste de pigiste au
journal "Le Progrès de Lyon". En dehors de compétitions régionales ou nationales, toutes
disciplines, j'ai eu la chance de pouvoir couvrir, débutant, un championnat de France de
ski, un France-Italie en rugby et, en basket, un tournoi pré-olympique à Genève et une
finale de coupe d'Europe en Italie.
Je ne commencerai véritablement à écrire qu'en 1987 avec "Farandole en provinces", récit
d'une randonnée sac au dos, Haute-Savoie - Pays Basque, 1300 kilomètres en 29 jours,
sans assistance.
Réflexion d'alors – parent d'élève - "je ne savais pas qu'un professeur d'éducation
physique pouvait – savait ? - écrire..."
Quel fut l’élément déclencheur de la vocation de conteur ? Comment les événements se
sont par la suite enclenchés ?
Après avoir, en auditeur, participé à un stage "découverte du conte", la formule
m'ayant séduit, j'écrirai le premier de mes contes "l'ocloun qui était si grand et l'ocloun
qui était si petit". Ocloun, océan-lune. Quinze autres textes suivraient "dans la foulée".
Deux ou trois ans plus tard, c'est après avoir assisté à une soirée contes que je
m'inscrirai, à BAYONNE, à l'association "Et si on racontait". Quelques semaines plus tard
l'on me proposait une première intervention. D'autres suivraient.
Pourtant, très vite, comme nous étions trois à intervenir à chacune de nos prestations quarante minutes -, j'y ressentais une certaine frustration à n'y pouvoir "donner" que
deux textes, parfois un seul. Et puis "anciens", ayant décrété qu'"à tel ou tel âge l'on n'est
capable d'écouter que tant ou tant de minutes" cela m'a toujours dérangé. C'est
pourquoi, j'ai recherché, tout en continuant à conter pour l'association, des interventions
en solo, intéressant enfants ou adultes.
Le regard des autres ?
Il faut dire que, pour beaucoup, le conte ne doit être qu'une vieille, très vieille histoire
remontant aux arrière-arrière-grands-parents... Ou tiré de recueils de "classiques".
Comme je contais parfois des textes que j'avais écrits cela ne faisait pas très "sérieux" et
je sais pour cela n'avoir pas toujours été ressenti comme un véritable conteur. D'ailleurs
lorsqu'une soirée est désignée comme "sérieuse" l'on ne se tourne jamais vers moi. Mais
le regard des autres m'importe peu : l'important est le regard de ceux qui m'écoutent.
Il y a le conteur oral, mais Fred Fort signe également de beaux livres remarquablement
illustrés. Ce besoin d’écrire est-il ancien ?
Avant mes interventions journalistiques évoquées, le collège m'avait parfois permis,
en français, de m'exprimer et je me souviens que lors de l'apprentissage des auteurs
classiques, nous nous amusions, avec l'un de mes camarades, à rendre nos écrits en
alexandrins. Bien qu'ils n'aient certainement pas manqué d'être bancals, la bonne note
était assurée !
J'assure aussi – en souriant - aux élèves qui me demandent depuis combien de temps
j'écris, que n'ayant possédé, à leur âge, ni téléphone fixe, et encore moins de portable ou
de mob, pour conquérir, ou garder nos petites amies, l'écriture était une arme redoutable
! ... Oui, je sais "c'était du temps où l'on allait encore à la chasse à la baleine"...
Les illustrations sont réellement féériques. Comment s’opère le choix des dessinateurs ?
Seize contes écrits, je les proposais à Michèle IMBERT, responsable de cours de
dessin. Ces textes lui ayant plu, elle aurait d'autant plus de plaisir à les illustrer qu'ayant
passé sa jeunesse sur les plages d'océan, elle connaissait parfaitement le cadre de ces
écrits. Quelque peu d'émotion aussi car de Fred FORT elle se souvenait... de la silhouette
de "guide baigneurs" quelques trente années auparavant.
Ses qualités d'aquarelliste feraient donc de "Contes d'océan et de lune", de "Contes de
vent et d'eau" et, un peu plus tard de "Contes de lune et de hiboux sorciers" des livres
"féeriques". Comment, alors, ne pas être quelque peu fier de les présenter ?
Plus tard, un ami, Paul LAMALLE, qui fut directeur d'école des Beaux-Arts, donnerait, lui
aussi, aux " Contes du cerisier" un superbe cachet.
Vous participez à de nombreux salons du livre. Beaucoup dérivent vers le « people » au
détriment de la découverte d’auteurs plus discrets. Pensez-vous que cela est dû aux
organisateurs assoiffés de subventions ou est-ce le souhait des visiteurs ?
Que presque tous les salons dérivent vers le people, oui, sans hésitation. Je veux
surtout parler de "conférenciers" qui n'apportent rien, absolument rien aux auteurs.
Faites l'expérience de vous placer à l'entrée d'un tel salon, et de suivre, les minutes
précédant la montée vers l'autel de la "vedette", du parcours des gens, qui, sans
détourner la tête se dirigent directement vers la salle de conférences... et à quelle allure,
messe dite, ils regagnent la sortie. Les stands? Connaissent pas! Tout au moins pour
quatre vingt dix neuf pour cent d'entre eux.
C'est d'abord, et surtout la "vedette" qui, intéresse l'organisateur. Pensez, le PRESTIGE du
salon ! Les rondelettes subventions accordées ne serviront donc qu'à régler le séjour, le
voyage... et l'indemnité de ces messieurs – dames qui, de plus, auront la possibilité de
signer leurs écrits. L'on fait donc gagner de l'argent à ceux qui en ont le moins besoin. Et
lorsque l'on connaît, dans ces salons, le prix des emplacements des stands !
Pour moi, seul le visiteur s'intéresse aux livres, aux auteurs. L'autre n'est qu'un
consommateur de silhouettes.
"Faites donc deux journées people à une autre période de l'année et un véritable salon du
livre à l'époque de celui-ci " est ce que nous disons parfois aux organisateurs. Réponses
? Sourires.
Vous êtes ancré dans le Pays Basque, terre à forte personnalité, façonnée de légendes…
Cela vous influence-t-il ?
Les forêts, la montagne, les gouffres, les êtres de la nuit ont toujours été propices
aux légendes. Et particulièrement nombreux sont les livres, en Pays Basque, les relatant.
Conteur débutant - bien que particulièrement influencé par l'histoire de notre pays -, je
m'appliquais surtout à modeler le texte, à intéresser. S'il m'était alors difficile de "de
parler entre les lignes", aujourd'hui, que le sujet concerne la mythologique basque, qu'il
fasse partie des classiques ou qu'il soit mien, il m'est plus facile de laisser parler mon
coeur.
Sur un conte de contrebandier "Il regardait l'autre versant de la montagne et ne pouvait
comprendre pourquoi des hommes, des étrangers, avaient choisi de tracer une frontière
entre deux versants alors que d'un côté comme de l'autre l'on parlait la même langue,
que l'on y vivait avec la même culture". Intéressant des enfants, un village, "même en
récréation il était défendu de parler notre langue et le bonnet d'âne était promis à qui se
ferait prendre".
Et soyez assurés que les paroles échangées à l'issue de la rencontre sont, pour ceux
cherchant à connaître un peu l'histoire de notre pays, particulièrement intéressantes.
Vos projets ?
En écriture, les jours qui viennent, terminer, après une année et demie de travail
continu, un triptyque de "visites au village", survol, de sa naissance à notre époque de la
vie de soixante villages. Auquel j'ajoute poème et photo.
Si j'aime conter, je me plais aussi en récital de poésie, sur les textes des "grands", FERRE,
LORCA... Ayant récemment adapté, de Maxence FERMINE, le très beau roman poétique
"Neige", continuer, en compagnie de musiciens, violoncelliste et percussionniste, de le
présenter.
Et peut-être écrire un troisième volume de poésie.
... et Conter, bien sûr, en 2011, au salon du livre de CARCASSONNE !
LE CONTEUR
... Quand le dernier enfant, d'un signe de la main,
a dit comme à regrets tant de reconnaissance
le conteur a souri et gardé le silence
et, presque larmes aux yeux, "ah ces sacrés gamins !"
Il a repris son sac et traversé la cour
regagné lentement ses chevaux endormis
ayant à son plexus mille et mille fourmis.
Puis a fermé les yeux
le coeur comme un tambour.
Article paru dans “Liber Mirabilis”
Interview menée par Jean-Marc SAVARY, directeur de publication

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