Les enfants conteurs de Guy Môquet
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Les enfants conteurs de Guy Môquet
Réussite : vers la performance des élèves Numéro 13 - Avril 2009 Les équipes témoignent Les enfants conteurs de Guy Môquet Numéro spécial : Ambition Réussite Par Alice Hurel et Laetitia Picini, enseignantes référentes du RAR Guy Môquet du Havre Nous sommes deux enseignantes, l’une professeur des écoles, l’autre professeur de français, toutes deux nommées sur les postes Ambition Réussite du collège Guy Môquet, situé dans le quartier de Caucriauville, au Havre. Nos deux axes de travail sont « la maîtrise de la langue » et « l’estime de soi ; le respect des autres ». Nous avons constaté que les difficultés de nos élèves se concentraient autour de l’expression orale et écrite. Nous avons remarqué qu’à l’oral comme à l’écrit, beaucoup d’enfants ont des difficultés à décontextualiser leurs énoncés pour se faire comprendre d’un destinataire soit absent, soit ignorant la situation. Ainsi à l’oral, de nombreux élèves parlent comme si ce qu’ils disaient allait de soi, sans donner à l’interlocuteur tous les éléments pour comprendre ce qui est dit. De nombreuses productions écrites révèlent un problème de cohérence : les enfants écrivent au fil de la plume sans décontextualiser et sans guider le lecteur. Les pronoms n’ont pas de référent, de nouveaux personnages apparaissent sans être annoncés… En lecture, beaucoup d’élèves ont des problèmes de compréhension, ils ont des difficultés à se construire des images mentales à partir du langage écrit car cela demande une grande capacité d’abstraction. Le manque de vocabulaire, la méconnaissance des règles syntaxiques,… posent de grandes difficultés aux élèves pour se faire comprendre, cela conduit souvent à des problèmes de type comportementaux, tels que le manque d’écoute, l’absence de travail, la vulgarité, la violence. Nous avons donc décidé de travailler ensemble sur un même projet afin d’allier nos deux axes de travail. Alice Hurel est arrivée sur le poste avec l’envie de développer un projet d’enfant conteur. Ce dernier semblait idéal pour travailler l’estime de soi et le respect des autres ainsi que la maîtrise de la langue. En effet, les activités d’enfants conteurs contribuent à la fois en réception et en production à faire progresser les élèves en production orale et écrite ainsi qu’en lecture et en compréhension. Nous avions deux classes de 6ème avec des effectifs peu chargés, ce qui permettait l’expérimentation de ce projet dans des conditions plutôt favorables. Nous avons donc expliqué aux professeurs de français des deux classes notre volonté de travailler avec les 6ème tout en cherchant à les associer de manière concrète au projet. Il a donc été convenu que les classes seraient divisées en deux sur l’heure d’ATP ainsi que sur une heure de français pour pouvoir créer des demi-groupes. Nous avions donc les élèves de 6ème sur quatre heures pendant la semaine avec quatre demi-groupes. Objectifs des activités d’enfant conteur en situation de réception et en situation de production Maîtrise de la langue Objectifs langagiers : - se créer ses propres images mentales du conte à partir de l’écoute de l’histoire, c’est à dire mettre en image du langage décontextualisé ; - développer le sens de l’écoute et de la mémoire ; - confronter les élèves à la richesse de la langue : accroître leur lexique, enrichir leur syntaxe, les faire repérer les rapports entre temps simples et temps composés, leur faire faire provision de connecteurs pour articuler les énoncés… - s’approprier les structures du récit fictionnel, préalable à la production d’écrits ; - travailler sur la question du destinataire et de la décontextualisation afin d’amener les élèves à expliciter leur propos ; - savoir mettre en place un « projet de dire » puis le réaliser : restituer une histoire du début à la fin sans oublis en la redisant avec sa propre parole ; - savoir repérer et restituer la chronologie d’un texte en utilisant des connecteurs ; - passer du dialogue au monologue en utilisant des structures syntaxiques plus complexes, des énoncés mieux articulés entre eux et un lexique plus précis. 1/3 Réussite : vers la performance des élèves Objectifs communicationnels : - en réception, savoir écouter les élèves qui racontent et respecter leur parole, leurs hésitations… - en production, oser parler devant les autres ; - articuler et prononcer correctement. Numéro spécial : Ambition Réussite Objectifs culturels : - instaurer une culture partagée ; - explorer le répertoire de tradition orale : contes de randonnée, contes à ruse, contes étiologiques, contes à énigmes, contes merveilleux ; - mettre en réseau les différents contes rencontrés : par type de conte, par personnage… Estime de soi, respect des autres - valoriser l’enfant en reconnaissant ses efforts, valoriser sa production dans une activité que l’on reconnaît difficile ; - favoriser la confiance en soi de l’enfant et ses progrès en lui proposant des remédiations adaptées à ses difficultés ; - écouter et respecter la parole de l’enfant conteur ; - développer l’entraide et une coopération bienveillante envers l’enfant conteur ; - faire sa critique à l’enfant conteur de façon respectueuse et constructive. Grâce à cette démarche, les élèves ont été nourris d’histoires et ont été amenés à devenir conteurs. Au deuxième trimestre, ce travail oral a débouché sur un projet d’écriture sur les contes merveilleux. - DEUXIEME PHASE : CRÉER SON PROPRE CONTE Déroulement des activités d’écriture Les élèves étaient répartis en groupe de 3-4. 1. phase de création d’histoire : les élèves ont choisis les ingrédients du conte dans chaque groupe. Ensuite, avant même d’écrire leur histoire, les élèves se sont entraînés à la raconter, ce qui a permis de l’enrichir et de travailler la cohérence à l’oral ; 2. phase d’écriture- réécriture : Les élèves ont été ensuite amenés à travailler leur histoire au brouillon en révisant leur texte à l’aide d’une grille de relecture élaborée avec des codes de couleurs pour les différents domaines (orthographe grammaticale, lexicale, vocabulaire et cohérence) ; 3. phase de contage de leurs propres histoires devant un public. Bilan du projet Estime de soi / goût d’apprendre Progression pédagogique du projet « contes » - PREMIERE PHASE : DEVENIR CONTEUR Déroulement des activités d’enfant conteur Les activités d’enfant conteur se déroulent en quatre phases : 1 : phase d’imprégnation : le conte en réception ; 2 : phase de compréhension et de mémorisation afin d’aider les élèves à se construire des images mentales des contes (utilisation d’images séquentielles, recours à la mise en scène de l’histoire, écriture du résumé du conte afin d’identifier et de matérialiser sa structure) ; 3 : phase d’entraînement et de remédiation afin d’amener progressivement les élèves au contage autonome (s’entraîner à raconter seul ou en groupe en se passant le bâton de parole, développer son expressivité à l’aide de jeux d’expression travaillant l’aisance vocale et corporelle) ; 4 : phase de contage finale. Cette dernière étape consiste à raconter à d’autres classes ; elle finalise le projet et permet aux élèves de conter pour des destinataires qui ne connaissent pas l’histoire. 2/3 Le projet d’enfant conteur a entraîné un grand plaisir et une motivation importante de la part des élèves. Il a permis à de nombreux élèves en difficulté langagière ainsi qu’à des élèves timides et inhibés de raconter et de progresser. De plus, les élèves se sentent valorisés lorsqu’ils viennent sur la chaise du conteur pour raconter. Cette valorisation par le conte a entraîné chez de nombreux élèves des progrès dans leur attitude générale en classe et dans les autres disciplines : ils participent plus et prennent plus facilement la parole. Des progrès dans la dimension verbale du langage Les activités d’enfant conteur ont entraîné des progrès importants en matière de langage d’évocation : - Les élèves ont d’avantage le souci d’expliciter leurs propos lorsqu’ils parlent. La plupart d’entre eux ont compris la nécessité d’expliciter leur récit face à un destinataire qui ne connaît pas le conte. - Une meilleure explicitation amène les élèves à utiliser des connecteurs temporels et logiques pour articuler leurs énoncés. Réussite : vers la performance des élèves Numéro spécial : Ambition Réussite - Les élèves réinvestissent le lexique découvert en réception. Les phrases sont plus construites. - Raconter une histoire du début à la fin amène les enfants à organiser leur pensée ; les prises de parole sont plus réfléchies et mieux organisées. Et si c’était à refaire ? … Le travail oral autour des contes entraîne des progrès à l’écrit Pour répondre davantage aux difficultés des élèves en maîtrise de la langue, on pourrait proposer un travail de lecture plus approfondi autour des contes étudiés : soit partir du conte écouté et raconté pour aller vers la lecture de la version écrite ; soit faire le cheminement inverse. Ce sont d’autres méthodes possibles pour insister sur la compréhension des textes lus. D’autre part, par manque de temps, nous n’avons pas eu la possibilité de développer ce travail, mais il est envisageable de créer des activités décrochées lors de la phase de réécriture sur des points précis de la maîtrise de la langue. Pour écrire leur conte merveilleux, les élèves de 6ème ont réussi à réinvestir ce qui avait été travaillé à l’oral pour raconter. Ils utilisent plus des connecteurs logiques et temporels, ils réinvestissent des structures syntaxiques et du lexique utilisés à l’oral. Certains élèves ont davantage un souci de cohérence et d’explicitation ; d’autres, cependant considèrent toujours que ce qu’ils disent est évident alors que les pronoms n’ont pas de référent… Le travail d’explicitation reste à poursuivre… Des progrès dans les dimensions non verbales et para verbales du langage Afin d’enrichir le contage des élèves et de favoriser l’aisance corporelle et vocale des élèves, des jeux d’expression autour de la voix et des gestes ont été menés. Ces derniers entraînent des progrès très importants chez les élèves. Certains, très réservés, ou bien en difficulté langagière se sont transformés et ont pris beaucoup de plaisir à exprimer différents états avec leur corps et leur voix. Le contage s’est nettement enrichi et les élèves prennent confiance en eux en comprenant que le corps et la voix sont des moyens de se faire comprendre de leurs interlocuteurs. Si c’était à refaire, on reconduirait l’expérience en tenant compte de certains constats qu’on a pu tirer du projet mené sur un an. Enfin, nous avons pu découvrir les multiples avantages de la co-intervention : - On peut consacrer plus facilement du temps pour repérer les difficultés des élèves et y remédier en petits groupes ou individuellement. - On peut, par nos formations et nos expériences différentes de professeurs de 1er et 2nd degrés, confronter nos points de vue et élaborer des objectifs communs qui favorisent la liaison école - collège. Les activités proposées sont enrichies par nos différentes méthodes. Respect des autres Le projet d’enfant conteur a permis de travailler sur l’enfant spectateur. Il y a non seulement des critères pour bien raconter mais également pour bien écouter. Ces derniers sont bien respectés, la qualité d’écoute est très bonne dans toutes les classes, les enfants sont respectueux de la parole de l’enfant conteur. Une entraide s’installe lorsque le celui-ci est en difficulté. L’écoute est active, en effet les élèves doivent à l’issu du conte faire leur critique à l’enfant conteur de façon respectueuse et constructive. 3/3 Les enfants conteurs Contacts : [email protected] et [email protected] Réussite : vers la performance des élèves