La responsabilité contractuelle du débiteur dans l

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La responsabilité contractuelle du débiteur dans l
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Lexbase La lettre juridique n˚668 du 15 septembre 2016
[Responsabilité] Doctrine
La responsabilité contractuelle du débiteur dans l'ordonnance
du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations et dans
l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile
N° Lexbase : N4241BWY
par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Responsabilité civile"
1. L'année 2016 est une année importante pour le droit des obligations. Alors en effet que la matière, contrairement à d'autres, n'avait été que très peu retouchée depuis 1804, elle a fait l'objet d'une profonde réforme avec
la publication de l'ordonnance n˚2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime
général et de la preuve des obligations (N° Lexbase : L4857KYK). Un projet de loi, n˚ 3928, ratifiant l'ordonnance
a été déposé le 6 juillet 2016 et renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. A l'exception des dispositions des troisième et quatrième alinéas de
l'article 1123 (N° Lexbase : L0827KZN), de celles des articles 1158 (N° Lexbase : L0872KZC) et 1183 (N° Lexbase :
L0895KZ8), relatives aux nouvelles actions interrogatoires (en matière de pacte de préférence, de représentation et de nullité), immédiatement applicables, les dispositions nouvelles entreront en vigueur, comme le prévoit
l'article 9 de l'ordonnance, le 1er octobre 2016, les contrats conclus avant cette date demeurant, eux, soumis à
la loi ancienne (1). Cette réforme devrait logiquement par la suite être complétée par une réforme du droit de la
responsabilité civile, réalisant ainsi une réforme d'ensemble du droit des obligations. Moins de trois mois en effet
après la publication au Journal officiel de l'ordonnance du 10 février 2016, le très prolifique Garde des Sceaux,
M. Jean-Jacques Urvoas, a solennellement procédé, le 29 avril 2016, au lancement des travaux de la réforme du
droit de la responsabilité civile en soumettant à consultation publique jusqu'au 31 juillet 2016 un avant-projet de
loi. On ne reviendra pas sur les justifications avancées au soutien de cette ambition réformatrice qui fait exploser
la numérotation des articles du Code civil, y compris de certains des plus célèbres : moderniser le droit français
des obligations afin de le rendre plus lisible et, paraît-il, plus attractif -sauf à relever que l'ordonnance produit
plutôt, auprès des cabinets d'affaires en tout cas, un effet repoussoir les incitant à recommander à leurs clients
de ne pas soumettre leurs contrats à la loi française ou d'y insérer plus systématiquement qu'auparavant des
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clauses compromissoires. Il faut dire que la généralisation de la lutte contre les clauses abusives, le contrôle de
l'imprévision et le flou de certaines notions ("délai raisonnable", "ignorance légitime", "disproportion", "contrat
d'adhésion"...) inquiètent quelque peu, au moins tant qu'elles n'auront pas été précisées par la jurisprudence, ce
qui prendra évidemment plusieurs années.
2. Le moins que l'on puisse dire en tout cas, c'est que la réforme du droit des contrats a donné lieu à de très nombreux
commentaires et qu'elle a ainsi été examinée "sous toutes les coutures". Depuis quelques mois, les revues généralistes regorgent en effet, toutes les semaines, de commentaires sur tel ou tel aspect de la réforme. Tout y passe, ou
presque : la preuve des obligations (2), la source des obligations (3), la promesse de contrat (4), la détermination du
prix (5), la violence (6), le déséquilibre significatif (7), la condition (8), le contrat de prestation de service (9), le contrat
d'intérêt commun (10), le contrat d'adhésion (11), le devoir d'information (12), les nouvelles actions interrogatoires (13),
le régime de la nullité (14), les restitutions (15), le paiement (16), la cession de dette (17), la représentation (18), etc..
L'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile n'est au demeurant pas en reste et a lui aussi déjà
été abondamment commenté (19). Dans un tel contexte, on pourrait douter de l'intérêt d'y ajouter des observations
complémentaires. Pourtant, un point, dont nul ne peut contester l'importance considérable aussi bien théorique que
pratique, nous paraît mériter que l'on y revienne : celui de la sanction de l'inexécution par le débiteur de son obligation
contractuelle. Evidemment, cette question a donné lieu à de savants commentaires par les plus grands spécialistes
du droit de la responsabilité civile. Mais ceux-ci ont porté sur les dispositions que l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile propose d'insérer dans le Code civil, et non sur celles issues de l'ordonnance, qui
constituent la sous-section 5, intitulée "La réparation du préjudice causé par l'inexécution contractuelle", de la Section
5 "L'inexécution du contrat" du Chapitre IV "Les effets du contrat". Or, si la question suscite encore un intérêt, c 'est
que le régime de la sanction de l'inexécution contractuelle tel qu'il résulte de l'ordonnance, qui diffère de celui qui
existait jusqu'à présent, n'est pas le même que celui de l'avant-projet de loi. Il convient donc de distinguer trois types
de régime juridique différents : celui applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, qui constitue ce que
l'on pourrait appeler le régime classique de la responsabilité contractuelle ; celui applicable aux contrats conclus
après le 1er octobre 2016, issu de l'ordonnance, qui nous semble constituer un régime nouveau de responsabilité
contractuelle (à supposer que l'on parle encore de responsabilité) beaucoup plus sévère que le régime classique
que nous connaissions jusqu'à présent ; et peut-être, si l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile devait être adopté, un régime de responsabilité contractuelle assez proche, dans les grandes lignes, du régime
classique. Tout cela est naturellement de nature à complexifier les choses et à poser de sérieuses difficultés de mise
en œuvre. Pour y voir plus clair, il importe de poser les données du problème (I), avant de suggérer quelques pistes
qui pourraient permettre de les régler (II).
I — Les données du problème
3. L'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile propose d'insérer dans le Titre III du Livre III du Code
civil un Sous-titre II "La responsabilité civile", qui prendrait place entre le Sous-titre Ier "Le contrat" et le Sous-titre III
"Autres sources d'obligations". Il s'inspire donc directement du projet "Catala" (dont la partie relative à la responsabilité
a été préparée par un groupe de travail dirigé par Mme Viney et M. Durry) qui, contrairement au projet de l'Académie
des sciences morales et politiques dirigé par M. Terré, suggérait de substituer au droit "des délits" un droit de "la
responsabilité civile" englobant la responsabilité contractuelle. L'avant-projet de loi tranche ainsi avec l'ordonnance
du 10 février 2016. Alors en effet que celle-ci, s'inspirant du projet Terré, traite des dommages et intérêts dus par le
débiteur en cas d'inexécution contractuelle dans un chapitre portant sur les effets du contrat (Section 5 "L'inexécution
du contrat" du Chapitre IV "Les effets du contrat"), l'avant-projet de loi entend déplacer ces règles du Sous-titre Ier "Le
contrat" au Sous-titre II "La responsabilité civile" et abroger, avant même qu'ils ne soient entrés en vigueur, les articles
1231 (N° Lexbase : L0932KZK) à 1245-17 du Code civil supposés résulter de l'ordonnance.
4. On ne reviendra pas, pour l'avoir évoqué ailleurs, sur l'incidence théorique d'un tel choix qui n'a pas qu'une visée
esthétique (20). En opposant "la réparation du préjudice causé par l'inexécution contractuelle" (Sous-section 5 de la
Section 5 du Chapitre IV) à "la responsabilité extracontractuelle" (Sous-titre II), l'ordonnance fait douter de la volonté
de traiter la réparation du dommage contractuel comme une véritable "responsabilité" (21). L'idée de spécificité des
dommages et intérêts contractuels par rapport à la réparation des dommages d'origine délictuelle qu'on trouve chez
Denis Tallon, voire celle de négation de la responsabilité contractuelle défendue par Philippe Rémy et Philippe Le
Tourneau ne sont peut-être pas très loin (encore que la Sous-section 5 parle bien de "réparation")... L'avant-projet de
loi rompt en tout cas radicalement avec cette présentation en regroupant, sous l'intitulé commun de "responsabilité
civile", la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle. On a certes pu dire, pour neutraliser la
portée des dispositions de l'ordonnance qui nous intéressent ici, que "la réparation du préjudice causé par l'inexécution
du contrat est une branche de la responsabilité civile, laquelle doit faire l'objet d'une réforme ultérieure ; c'est donc à
cette occasion que le régime des dommages-intérêts en matière contractuelle sera revu et corrigé" (22). Sauf que, dans
le débat, "la première et fondamentale question est [...] non de savoir comment construire un sous-titre consacré à la
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'responsabilité civile', mais de savoir si on doit en construire un : dès lors qu'on substitue la "responsabilité civile" aux délits,
on prend déjà parti, sinon pour l'assimilation complète de la responsabilité contractuelle à la responsabilité délictuelle,
du moins pour leur rapprochement dans une catégorie commune" (23).
5. Il reste que, au-delà de la place des textes dans le Code civil, c'est leur teneur qui interpelle. Le droit des dommages et intérêts dus par le débiteur en cas d'inexécution contractuelle tel qu'on le trouve dans l'ordonnance ne
correspond ni à celui que nous connaissions jusqu'à présent, ni à celui qui résulte de l'avant-projet de loi. On peut
toujours faire valoir que l'ordonnance n'avait pas pour objet de réformer la responsabilité civile, celle-ci devant faire
l'objet d'une réforme ultérieure, si bien que les dispositions de l'ordonnance sur ce point ne mériteraient pas qu'on
y prête trop d'attention. Mais il reste que, en l'état, le seul texte dont on est certain qu'il s'appliquera est celui de
l'ordonnance, alors que, comme l'a d'ailleurs reconnu le Garde des Sceaux dans son discours de présentation de
l'avant-projet de loi, le calendrier parlementaire ne devrait pas permettre que la réforme de la responsabilité civile
soit inscrite à l'ordre du jour du Parlement avant la fin de la législature actuelle. Bref, la réforme de la responsabilité
civile, assez hypothétique, n'interviendrait au mieux pas avant la seconde moitié de l'année 2017. Dans ces conditions,
les dispositions relatives à la sanction de l'inexécution par le débiteur de son obligation contractuelle prévues par
l'ordonnance s'appliqueront, à compter du 1er octobre 2016, aux contrats conclus après cette date, et ce jusqu'à ce
que la réforme de la responsabilité civile soit adoptée, à supposer qu'elle le soit. On ne peut donc en aucun cas faire
comme si les dispositions de l'ordonnance relatives au droit des dommages et intérêts dus par le débiteur en cas
d'inexécution contractuelle n'existaient pas : pour un temps au moins, ces dispositions s'appliqueront aux contrats
conclus après le 1er octobre 2016.
6. Cette application, serait-elle temporaire, du régime prévu par l'ordonnance a de quoi inquiéter. Pour le comprendre,
il faut rapidement rappeler que, jusqu'à présent, les tribunaux appliquaient quotidiennement la distinction, qui prend
directement appui sur les articles (anciens à compter du 1er octobre 2016) 1137 (N° Lexbase : L9306I33) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil, des obligations de moyens et des obligations de résultat. Les conséquences qui y
sont attachées, importantes sur le terrain de la responsabilité contractuelle puisqu'elles intéressent aussi bien la
charge de la preuve que l'exonération du débiteur, sont bien connues : alors, en effet, que la mise en œuvre de
la responsabilité du débiteur tenu d'une obligation de moyens suppose que le créancier prouve qu'il ne s'est pas
comporté en bon père de famille et, donc, qu'il a commis une faute dans l'exécution de ses obligations, la seule
inexécution contractuelle suffit à engager sa responsabilité lorsqu'il est, plus sévèrement, tenu d'une obligation de
résultat, responsabilité dont il ne peut alors s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère -celle-ci s'entendant soit d'un événement anonyme présentant les caractères de la force majeure, soit du fait d'un tiers, soit du fait
de la victime (en matière contractuelle, du créancier), l'exonération pouvant, dans ce dernier cas de figure, être totale ou partielle selon que la faute présente ou non les caractères de la force majeure-. Or, dans l'ordonnance, le
seul texte qui régit le droit des dommages et intérêts résultant de l'inexécution par le débiteur de l'obligation est
l'article 1231-1 du Code civil (N° Lexbase : L0613KZQ) qui, réécrivant l'ancien article 1147, dispose que "le débiteur est
condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison
du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure". Il s'agit donc d'un
régime particulièrement rigoureux pour le débiteur, qui fait penser à celui de l'obligation de résultat, la responsabilité
du débiteur paraissant pouvoir être engagée sur le seul constat de l'inexécution contractuelle, en dehors de toute
idée de faute qui lui serait imputable. Ce régime est même en réalité encore plus sévère que l'actuel régime fondé
sur l'obligation de résultat puisque, pris à la lettre, le nouvel article 1231-1 ne permet l'exonération du débiteur que
par la force majeure, ce qui paraît exclure toute possibilité d'exonération partielle par la faute du créancier qui ne
présenterait pas les caractères de la force majeure. Littéralement donc, l'ordonnance, qui ignore la distinction des
obligations de moyens et des obligations de résultat, paraît bouleverser le régime de la responsabilité contractuelle,
qui deviendrait uniquement une responsabilité sans faute, les possibilités d'exonération du débiteur étant pour le
moins limitées, l'exonération ne se concevant que totale par la force majeure.
7. Une telle rigueur n'est, évidemment, pas acceptable. Il suffit, pour s'en convaincre, de penser à tous les cas dans
lesquels le débiteur, dans le contrat d'entreprise par exemple, est tenu d'accomplir une prestation sans pour autant
pouvoir garantir d'atteindre un résultat déterminé. L'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile
fait d'ailleurs marche arrière. D'abord, le projet d'article 1250, aux termes duquel "toute inexécution d'une obligation
contractuelle ayant causé un dommage au créancier oblige le débiteur à en répondre", n'implique pas que la responsabilité contractuelle soit nécessairement une responsabilité sans faute. A ce titre, l'avant-projet s'ouvre en énonçant
que "I. Sont abrogés les articles 1231 à 1245-17 du Code civil" et en précisant que "II. L'article 1231 du Code civil est ainsi
rédigé : Le créancier d'une obligation issue d'un contrat valablement formé peut, en cas d'inexécution, demander au
débiteur réparation de son préjudice dans les conditions prévues au sous-titre II". Ensuite, il propose d'insérer dans le
Code civil un Chapitre intitulé "Les causes d'exonération ou d'exclusion de la responsabilité" -dont les dispositions sont
en principe applicables à tous les régimes de responsabilité. Le projet d'article 1253 dispose ainsi que "le cas fortuit,
le fait du tiers ou de la victime sont totalement exonératoires s'ils remplissent les caractères de la force majeure", tandis
que l'article 1254 prévoit que "le manquement de la victime à ses obligations contractuelles, sa faute ou celle d'une
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personne dont elle doit répondre sont partiellement exonératoires lorsqu'ils ont contribué à la réalisation du dommage".
La nouveauté, qui s'inscrit dans la logique de l'avant-projet de loi consistant à réserver un traitement particulier à la
réparation du dommage corporel, résulte de la suite du texte, qui dispose qu' "en cas de dommage corporel, seule une
faute lourde peut entraîner l'exonération partielle". Quant au fait du tiers, les nouveaux textes maintenant les solutions
du droit positif, il n'est pas susceptible de produire un effet partiellement exonératoire.
8. On mesure à quel point il est regrettable d'avoir segmenté la réforme du droit des obligations en isolant la réforme
de la responsabilité civile de celle du contrat. Plus exactement, il est regrettable qu'à l'occasion de la réforme du
droit des contrats, l'ordonnance ait cru bon de bouleverser le régime classique de la responsabilité contractuelle,
bouleversement que l'avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile s'empresse d'ailleurs d'effacer.
Mais encore une fois, à compter du 1er octobre 2016, il faudra pourtant faire avec l'ordonnance, seul texte applicable.
II — Les pistes envisageables
9. Elles sont minces. A supposer que la lecture que l'on fait des textes nouveaux soit exacte, il reste à savoir comment
les juges les appliqueront. La première question qui se pose est la suivante : seront-ils prêts à abandonner la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat à laquelle les praticiens sont attachés, en dépit, il est
vrai, des hésitations qu'elle suscite parfois ? Devront-ils considérer que toutes les fois que le débiteur est en situation
d'inexécution contractuelle, sa responsabilité est engagée, alors même qu'il n'aurait commis aucune faute ? Un texte
de l'ordonnance pourrait être exploité afin d'éviter cette solution aberrante : l'article 1197 (N° Lexbase : L0907KZM),
qui, reprenant en substance l'ancien article 1137 (N° Lexbase : L9306I33), dispose que "l'obligation de délivrer la chose
emporte obligation de la conserver jusqu'à la délivrance, en y apportant tous les soins d'une personne raisonnable". On
pourrait imaginer que la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat continue d'être appliquée, en considérant qu'elle est, dans l'attente de l'adoption d'une réforme de la responsabilité civile, fondée sur les
articles 1197 et 1231-1 du Code civil. Cette interprétation conduirait sans doute à donner à l'article 1197 une portée qu'il
n'a en réalité pas, puisqu'il figure dans une sous-section 2 "Effet translatif" de la section 1 "Les effets du contrat entre les
parties" du chapitre IV "Les effets du contrat", et qu'il ne concerne donc que "les contrats ayant pour objet l'aliénation
de la propriété ou la cession d'un autre droit" (C. civ., art. 1196 N° Lexbase : L0908KZN). Or, on sait bien que c'est lorsque
l'obligation du débiteur consiste non pas dans le transfert de la propriété mais dans l'accomplissement d'une prestation, autrement dit dans une obligation de faire -avant que l'ordonnance n'abandonne cette terminologie— que la
distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat est utile.
10. S'agissant des causes d'exonération du débiteur, on pourrait élargir quelque peu la portée de l'article 1231-1
en décidant qu'en visant la "force majeure", il vise en réalité n'importe quel cas de cause étrangère présentant les
caractères de la force majeure, de telle sorte qu'il engloberait, parmi les causes d'exonération offertes au débiteur,
non seulement la force majeure stricto sensu, que le nouvel article 1218 (N° Lexbase : L0930KZH) définit, en matière
contractuelle, comme "un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu
lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées [qui] empêche
l'exécution de son obligation par le débiteur", mais aussi le fait du tiers ou le fait du créancier, pourvu qu' ils présentent
les caractères de la force majeure. Mais il reste qu'il interdit toute possibilité d'exonération partielle, ce qui, hormis
le cas du transporteur ferroviaire débiteur d'une obligation de sécurité de résultat (24), ne correspond pas à l'état du
droit positif (25).
11. Tout cela incite en tout cas à penser qu'il est préférable et sans doute plus sûr de conclure son contrat le 30
septembre plutôt que le 1er octobre prochain, quitte à retarder la date à laquelle il produira ses effets. Plus généralement, il y a de quoi déplorer qu'on ait pu, à la faveur de réformes présentées dans un laps de temps pourtant très
court, louvoyer, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, entre des partis pris très différents. Il faut dire que
le travail de compilation de projets doctrinaux peut, entre certaines mains, aboutir à un "patchwork" pour le moins
original...
(1) Sur la question, v. not. S. Gaudemet, Dits et non-dits sur l'application dans le temps de la l'ordonnance du 10 février
2016, JCP éd. G, 2016, 559.
(2 ) G. Lardeux, Commentaire du titre IV bis nouveau du livre III du code civil intitulé "De la preuve des obligations", D.,
2016, p. 850 ; E. Vergès, Droit de la preuve : une réforme en trompe-l'œil, JCP éd. G, 2016, 486.
(3) Cl. Brenner, Sources des obligations dans le Code civil rénové : passage à l'acte ou acte manqué ?, JCP éd. G, 2016,
524.
(4) I. Najjar, La sanction de la promesse de contrat, D., 2016, p. 848.
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(5) J. Moury, La détermination du prix dans le "nouveau" droit commun des contrats, D., 2016, p. 1013 ; F. Labarthe, La
fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre et prestations de service, JCP éd. G, 2016, 642.
(6) H. Barbier, La violence par abus de dépendance, JCP éd. G, 2016, 421.
(7) M. Behar-Touchais, Le déséquilibre significatif dans le Code civil, JCP éd. G, 2016, 391.
(8) M. Latina, La condition dans l'ordonnance du 10 février 2016, JCP éd. G, 2016, 875.
(9) G. Lardeux, Le contrat de prestation de service dans les nouvelles dispositions du Code civil, D., 2016, p. 1659.
(10) S. Lequette, Droit commun des contrats et contrats d'intérêt commun, D., 2016, p. 1148.
(11) F. Chénédé, Le contrat d'adhésion de l'article 1110 du Code civil, JCP éd. G, 2016, 776.
(12) M. Fabre-Magnan, Le devoir d'information dans le contrat : essai de tableau général après la réforme, JCP éd. G,
2016, 706.
(13) M. de Fontmichel, Les nouvelles actions interrogatoires, D., 2016, p. 1665 ; E. Jeuland, Les actions interrogatoires en
question, JCP éd. G, 2016, 737.
(14) Y. — M. Serinet, La constatation de la nullité par les parties : une entorse limitée au caractère judiciaire de la nullité,
JCP éd. G, 2016, 845.
(15) S. Pellet, Les restitutions : et si le dogmatisme avait du bon ?, JCP 2016, 676.
(16) N. Fricero, Une nouvelle réponse déjudiciarisée à l'obstruction au paiement du créancier, JCP éd. G, 2016, 807.
(17) V. Lasserre, La cession de dette consacrée par le Code civil à la lumière du droit allemand, D., 2016, p. 1578.
(18) Ph. Didier, La représentation dans le nouveau droit des contrats, JCP éd. G, 2016, 580.
(19) G. Viney, L'espoir d'une recodification du droit de la responsabilité civile, D., 2016, p. 1378 ; J. — S. Borghetti, Vue
d'ensemble de l'avant projet de réforme, D., 2016, p. 1386 ; du même auteur, Commentaire des principales dispositions
de l'avant-projet de réforme, D., 2016, p. 1442 ; M. Bacache, Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des
parties à l'égard des tiers, D., 2016, p. 1454 ; Ph. Stoffel -Munck, C. Bloch, J. Knetsch, J. — S. Borghetti, M. Bacache, F.
Leduc, S. Carval, O. Gout, S. Porchy-Simon, S. Hocquet-Berg et D. Bakouche, Avant-projet de loi portant réforme de la
responsabilité civile : Observations et propositions de modifications, JCP éd. G, 2016, supplément au n˚ 30-35, 25 juillet
2016.
(20) Nos obs., RCA, 2016, Repère 7.
(21) G. Viney, Après la réforme du contrat, la nécessaire réforme des textes du Code civil relatifs à la responsabilité, JCP
éd. G, 2016 , 99, spéc. n˚ 54.
(22) Y. — M. Laithier, Les règles relatives à l'inexécution des obligations contractuelles, JCP éd. G, 2015, suppl. au n˚ 21.
(23) Ph. Rémy, Plans d'exposition et catégories du droit des obligations, in F. Terré (dir.), Pour une réforme du droit des
contrats, D., 2009, p. 83 et s, spéc. n˚ 30.
(24) Cass. mixte, 28 novembre 2008, n˚ 06-12.307, P+B+R+I ([LXB=A4743EBB ]), Bull. ch. mixte n˚ 3, RTDCiv., 2009, p. 129,
obs. P. Jourdain.
(25) Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n˚ 14-13.440, FS-P+B (N° Lexbase : A9221NGM).
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