Kokorozashi : L`emblème d`une pratique

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Kokorozashi : L`emblème d`une pratique
Kokorozashi :
L’emblème d’une pratique
En 1974, en fidélité au judo originel de Jigoro Kano, Igor Corréa (1919-2000) fonde en France le junomichi.
Huitième degré, judoka et professeur de stature exceptionnelle, il assure la direction de la Commission technique
de la Fédération de junomichi durant vingt-six ans. C’est à lui qu’il revient, à ce titre, de penser et d’organiser la
pratique : il dirige l’enseignement, désigne des exercices, énonce des principes, conçoit des cérémonies... Pour les
pratiquants, il adopte également un emblème, le kokorozashi.
Qu’est-ce que le kokorozashi ?
Le kokorozashi est un kanji. C’est-à-dire un des idéogrammes chinois incorporés par les Japonais dans leur système d’écriture, un de ces signes
chargés d’exprimer les concepts. Dans l’écriture japonaise, la forme graphique que prennent les signes est tout aussi déterminante que leur
signification. Le sens d’écriture du kokorozashi est très important, il participe de sa signification.
De quelle façon ?
Les kanji sont souvent composés de la juxtaposition de plusieurs caractères appelés clés. Kokorozashi est composé de deux clés, superposées
l’une sur l’autre. Or, il faut savoir laquelle vient avant l’autre, dans quel sens elles sont écrites. Les kanji s’écrivent et se lisent de haut en bas.
Si lorsqu’on l’écrit ce sens n’est pas respecté, le caractère sera déséquilibré, comme pour une technique d’art martial. On ne peut commencer un
mouvement par la fin. Pour amorcer le geste et réaliser un mouvement équilibré, il faut connaître sa direction et sa finalité.
On peut comprendre le sens du kokorozashi par son aspect ?
Oui. Un kanji est proche d’un pictogramme. Un Japonais saisit son sens en le voyant. Il a valeur de symbole.
C’est aussi pour ses qualités graphiques que le kokorozashi a été choisi comme emblème de notre fédération.
Que représente-t-il alors ? Que dit « kokorozashi » ?
Avant de livrer le sens que nous lui donnons au sein de notre fédération, il faut d’abord exposer les éléments qui le composent, c’est-à-dire la
pensée qu’ont probablement eue ses créateurs en assemblant ces deux caractères clés. La partie du haut, shi, c’est le guerrier, le samouraï. Shi
désigne la classe sociale des guerriers. La partie du bas, kokoro, c’est le cœur, l’âme, l’esprit, la pensée.
On comprend donc kokorozashi comme l’âme du guerrier...
Non, parce qu’on ne traduit pas un kanji en additionnant simplement ses différents composants. Il ne faut pas entendre les composants du kanji
comme des mots, mais comme des clés qui donnent accès à une compréhension générale. Dans les dictionnaires japonais et chinois,
kokorozashi est traduit par : vœux, intention, inspiration, ambition, dessein, but, fin, mais aussi, par bonté, bienveillance, amabilité.
Des valeurs positives...
Après avoir fondé la fédération de junomichi, monsieur Corréa en a cherché l’emblème. On lui a présenté pour cela un certain nombre de kanji.
Et au milieu de tous ceux qui lui étaient présentés, monsieur Corréa a eu l’intuition, en le voyant, que le kokorozashi détenait un sens profond
qui correspondait à notre pratique. C’est ensuite, une fois ce choix fait, que la Commission technique de la fédération (l’actuel Conseil supérieur
d’éthique) a entrepris, sous la direction de monsieur Corréa, un travail de compréhension et d’analyse du signe. C’est par ce travail qu’on a pu
mesurer l’importance du kokorozashi, qui est resté l’emblème de la fédération.
Quelle interprétation a finalement été retenue ?
Le but de la vie dans l’intelligence du cœur et de la volonté.
Quels rapports le kokorozashi entretient-il avec les principes (non-opposition, mobilité, contrôle, esquive, décision) donnés par monsieur
Corréa à notre pratique ?
Les principes permettent de revenir à l’essentiel. Ce sont les piliers de notre pratique. Ils nous orientent vers l’acquisition d’une certaine forme
de corps. Ces principes peuvent s’appliquer dans la vie de tous les jours, mais ils ne constituent pas un but en eux-mêmes. On travaille, par
exemple, à appliquer la non-opposition dans notre rapport avec le partenaire : on cherche à établir un rapport juste grâce à cela.
En fondant le junomichi monsieur Corréa a créé un cadre pour chercher le kokorozashi ?
Le cœur et la volonté. Monsieur Corréa a œuvré toute sa vie dans ce sens-là. Il nous a mis dans cette voie en nous apprenant à voir. Plus
précisément, c’est par son engagement et la voie qu’il suivait qu’il a donné à beaucoup de pratiquants l’envie de s’engager à ses côtés. La
sincérité de sa démarche a incité les pratiquants de junomichi à être responsables et à transmettre l’envie d’acquérir le kokorozashi.
Extrait d’un entretien entre Loïc Le Hanneur, Rudolf di Stefano et Jean-Marc Douguet, Mars 2005
L’entretien complet est disponible sur le site JUNOMICHI PARIS. (Suivre le lien en pages actualité)

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