plaquette pdf - Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l

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plaquette pdf - Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l
Carottage sur le glacier de Gébroulaz (Massif de la
Vanoise).
Une étude récente a permis de retracer l’histoire précise des
fluctuations de volume glaciaires et donc des variations climatiques
au dessus de 2500 m d’altitude dans les Alpes françaises au cours
du 20ème siècle. L’évolution du climat en haute montagne est
souvent évaluée à partir des fluctuations des fronts des glaciers.
Néanmoins, les fluctuations des fronts des glaciers ne peuvent pas
être interprétées directement en termes climatiques : d’une part ,
elles sont dépendantes des processus d’écoulement propres à
chaque glacier, d’autre part, les fronts réagissent aux conditions
climatiques de plusieurs années ou décennies antérieures, avec
des retards qui varient d’un glacier à l’autre.
En revanche, les variations de volume annuelles des glaciers (que
l’on nomme bilans de masse, analogues à des bilans comptables)
reflètent directement le climat: les bilans hivernaux (accumulation)
dépendent des précipitations hivernales et les bilans estivaux
même au cours des 20 dernières années, avec des étés très
chauds en moyenne, les étés de 1995 et 2001 ont été maussades
et les bilans de masse glaciaires nettement positifs. Par opposition,
la valeur de la fonte estivale de 2003 est exceptionnelle puisqu’elle
dépasse de deux écarts type la valeur moyenne de 1982-2002 et
de trois écart types la valeur moyenne de 1954-1981. De telles
valeurs d’ablation n’ont jamais été atteintes au cours des 50
dernières années. Il faut remonter à 1947 pour retrouver une
valeur équivalente. La variabilité pluricentennale est aussi très
forte: la régression des glaciers alpins datent en réalité du début du
19ème siècle, c’est à dire de la fin du Petit Age de Glace, qui s’est
étendu sur plusieurs siècles, avec des glaciers plus longs de 0.8 à
1.6 km par rapport à l’actuel ou au Moyen Age (Figure 2).
Cumul des bilans de masse (m. eau)
(Variations d'epaisseur moyenne)
(fusion) des variations des flux d’énergie en surface ( fortement
corrélées aux fluctuations des températures estivales). Ces
variations de volume sont mesurées soit directement d’une année
sur l’autre à l’aide de carottages et de balises implantées dans la
glace, soit par comparaison de cartes topographiques détaillées.
Actuellement, les observations de bilans de masse en France sont
réalisées sur 4 glaciers (Mer de Glace, Argentière, Gébroulaz,
Saint Sorlin) par le Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique
de l’Environnement de Grenoble (LGGE) et sur un glacier
(Sarennes) par le Centre d’Etude du Machinisme Agricole, du
Génie Rural des Eaux et des Forêts (CEMAGREF) de Grenoble.
Les premières observations directes des bilans de masse
glaciaires datent du milieu du 20ème siècle (1946 pour le
Storglaciären en Suède) en Scandinavie et dans les Alpes. En
France, nous avons la chance de disposer en outre de cartes
topographiques relativement précises (1/10000 ou 1/20000)
établies au début du siècle, de sources diverses (famille Vallot
pour le massif du Mont Blanc, Service Géographique de l’Armée,
universitaires grenoblois pour le massif des Grandes Rousses).
Grâce à ces cartes et aux mesures récentes, nous avons
reconstitué les variations de volume glaciaires de quelques
glaciers français depuis une centaine d’années (Figure 1).
Il apparaît que la diminution des glaciers n’est pas du tout uniforme
au cours du 20ème siècle ; deux périodes de fortes décroissances
caractérisent ce siècle : 1942-1953 et 1982-2000. La forte décrue
de la décennie 40 est la conséquence d’ hivers peu enneigés et
d’étés très chauds. La forte perte de masse des glaciers
enregistrée depuis 1982 est également le résultat d’une
augmentation très importante de la fusion estivale. Ces deux
périodes de décrue ont été précédées par des périodes au cours
desquelles les glaciers alpins ont peu perdu de volume ou même
en ont gagné : entre 1954 et 1981, les glaciers ont grossi suite à
une série d’été frais puis d’hivers bien arrosés à partir de 1977.
Cette crue s’est répercutée sur les fronts des glaciers : le front du
glacier d’Argentière a avancé (avec un temps de retard) de près de
400 m entre 1970 et 1990 et celui des Bossons de 535 m entre
1953 et 1981. On peut remarquer que cette période de crue
glaciaire a déjà disparu de la mémoire de nombreux usagers de la
haute-montagne. Depuis 1982, nous assistons à une forte
diminution des volumes glaciaires, également très sensible au
niveau des fronts des glaciers (le glacier des Bossons a reculé de
548 m depuis 1982). A titre d’exemple, entre 1954-1981 et 19822000, la fonte estivale moyenne à 2800 m d’altitude est passée de
2.1 m à 3.1 m de glace !
Ces observations indiquent ainsi une variabilité pluridécennale très
importante. La variabilité interannuelle est également très élevée :
Cumul des bilans de masse (m.eau).
(Variations d'epaisseur moyenne).
Les glaciers sont très sensibles aux variations climatiques et
constituent des indicateurs très précieux pour l’étude du
climat. Les bilans de masse glaciaires, ou variations de
volume annuelles des glaciers alpins, sont une image directe
du climat en haute montagne : ils dépendent à la fois des
précipitations et des flux d’énergie en surface ( fortement
corrélées aux températures estivales ). Le Laboratoire de
Glaciologie et de Géophysique de l’Environnement de
Grenoble (LGGE, CNRS) réalise des observations bi-annuelles
sur l’ensemble de la surface de 4 glaciers des Alpes
françaises, entre 1600 et 3600 m d’altitude (Service
d’observation financé par l’Observatoire des Sciences de
l’Univers de Grenoble) : Mer de Glace, glacier d’Argentière,
glacier de Gébroulaz, et glacier de Saint Sorlin
10
10
0
0
-10
-10
-20
-20
-30
-30
Gebroulaz
St Sorlin
-40
-40
1900 1920 1940 1960 1980 2000
1900 1920 1940 1960 1980 2000
An
An
10
10
0
0
-10
-10
-20
-20
-30
-30
Argentiere
Mer de Glace
-40
-40
1900 1920 1940 1960 1980 2000
1900 1920 1940 1960 1980 2000
An
An
Variations d’épaisseur moyenne (en mètres d’eau) de 4
glaciers des Alpes françaises au cours du 20ème siècle. Les
petits triangles représentent les mesures de terrain, les
triangles larges les mesures photogrammétriques, et la
courbe en trait plein représente les résultats d’un modèle
numérique (Adapté de Vincent, Journal of Geophysical
Research, 2002).
Variation de longueur (m)
1600
Argentiere
Evolution des glaciers des
Alpes et changement climatique
au cours du 20ème siècle.
Mer de Glace
1200
800
400
0
Bossons
LABORATOIRE DE GLACIOLOGIE
ET GEOPHYSIQUE DE L'ENVIRONNEMENT
(LGGE - CNRS)
Grindelwaldgletscher
Septembre 2004
-400
-800
1600 1650 1700 1750 1800 1850 1900 1950 2000
An
Figure 2 : Variations de longueurs de 4 glaciers des Alpes
En conclusion, avant le 20ème siècle, les observations de
fronts sont les seuls indicateurs de l’état des glaciers; même
s’ils sont bien imparfaits pour les raisons énoncées ci-dessus,
ils montrent que les glaciers ont fortement régressé depuis la
fin du Petit Age de Glace ( qui s’est terminé vers le milieu du
19ème siècle ) et cette tendance est générale à l’échelle de la
planète. Depuis le début du 20ème siècle, les variations de
volume glaciaires nous donnent désormais une image
beaucoup plus précise du climat dans les Alpes. Au cours des
20 dernières années, la forte diminution des glaciers résulte
d’une forte augmentation de la fusion qui traduit un
réchauffement estival évident. En outre, le déficit des années
1982-2000, bien que d’amplitude comparable à celui des
années 1942-1953 n’est pas de même nature : à la fin des
années 40, les faibles précipitations et les étés radieux se
combinent pour faire reculer les glaciers, tandis que, au cours
des 2 dernières décennies, des conditions estivales
exceptionnelles pour le 20ème siècle, expliquent, à elles seules,
la décrue des glaciers.
Contact : Christian. Vincent - Laboratoire de Glaciologie et
de Géophysique de l'Environnement
CNRS, [email protected]
Travaux de forage sur le glacier de Talèfre (Massif du
Mont-Blanc) pour l’implantation de balises d’ablation.
Glacier du Géant (Massif du Mont Blanc). Cliché C. Vincent
LGGE
BP 96, 38402 ST MARTIN D'HÈRES CEDEX
TEL. 04.76.82.42.00
TELEFAX : 04.76.82.42.01
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