traitement nutritionnel du chat insuffisant rénal chronique
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C o m m u n i c a t i o n Actualités en néphrologie : traitement nutritionnel du chat insuffisant rénal chronique par Géraldine Blanchard Docteur vétérinaire PhD, agrégée de nutrition, Dipl. ECVCN 33 avenue Île-de-France, 92160 Antony - [email protected] - www.cuisine-a-crocs.com RÉSUMÉ L’alimentation d’un chat atteint d’insuffisance rénale chronique (IRC) doit être adaptée pour améliorer le confort et l’espérance de vie de l’animal. Les adaptations nutritionnelles incluent la couverture du besoin énergtique et protéique, une restriction en phosphore avec un ratio phosphocalcique proche de 2, un apport d’acides gras de la série oméga 3, à chaîne longue de préférence. L’adaptation alimentaire doit inclure différents paramètres, mais également être sous une forme que le chat accepte de consommer. Ce double but peut être atteint par la prescription d’un (ou plusieurs) aliment industriel diététique ou par une ration ménagère équilibrée et adaptée, dans tous les cas formulés pour chat en IRC. Des exemples de rations ménagères type sont donnés. ABSTRACT The diet of cats with chronic renal failure (CRF) must be adapted to improve both welfare and life expectancy. Nutritional adaptations include the coverage of both energy and protein requirement, a phosphorus restriction with a calcium to phosphorus ratio over 2, and the inclusion of omega 3 fatty acids, preferably long chain faty acids. The diet must include all parameters, but must also be provided in a form that the cat will accept. This double goal can be reached by the prescription of one (or several) canned ans/or dry food designed for cats with CRF, or by a balanced home made diet, also designed for cats with CRF. Some examples of home made diets are presented. B u l l . S o c . V é t . P r a t . d e F r a n c e , o c t o b r e / n o v e m b r e / d é c e m b r e 2 0 0 9 , T. 9 3 , n o 4 3 es actualités nutritionnelles en insuffisance rénale touchent plus particulièrement l’espèce féline. Le chat insuffisant rénal est d’abord un chat, avec des spécificités dont il faut tenir compte. L’insuffisance rénale générant elle-même une acidose métabolique, le chat insuffisant rénal est d’autant plus malade qu’il ne mange pas, l’anorexie générant également un état d’acidose délétère. Enfin, l’insuffisance rénale chronique (IRC) est une affection progressive à l’issue fatale inexorable, mais qu’une alimentation appropriée peut ralentir. Depuis une dizaine d’années, de nombreuses publications ont étayé les premiers travaux expérimentaux des années 80 et 90. L’adaptation de l’alimentation est un élément incontournable du soutien de l’animal en insuffisance rénale. L d’autant que ces solutions sont plébiscitées par les propriétaires (cf. tableau I). Tableau I Exemple de ration ménagère équilibrée et adaptée pour chat en insuffisance rénale d’un poids optimal de 4,5 kg (besoin énergétique d’entretien 225 kcal EM). • 75 g saumon (frais ou congelé) • 1 cuillère à café d'huile de colza crue • 10 g de lentilles très cuites • 5 g (sec) de riz blanc à cuire longtemps • 6 g de Vit'i5 Little Ca (10 % Ca) Les différentes études disponibles montrent l’intérêt des aliments diététiques destinés au soutien de la fonction rénale chez le chat (Elliott et al., 2000 ; Barber et al., 1999 ; Ross et al., 2006 ; Platinga et al., 2005), avec une survie plus longue et une moindre fréquence des épisodes urémiques. Mais dans la majorité des études cliniques, le lot « aliment diététique » est le plus souvent composé des chats présentés pour IRC durant une certaine période et consommant un aliment à visée spécifique, alors que le lot « aliment non diététique » est constitué soit des chats ayant reçu un aliment pour chat adulte en bonne santé (aliment de qualité moyenne, extrêmement riche en protéines 126 g/Mcal EM et en phosphore 4,77 g/Mcal EM), soit des chats ayant refusé ce type d’alimentation et qui ont mangé « ce qu’ils voulaient »… soit entre 46 % et 65 % selon les études (21 diététiques - 29 non-diététiques dans l’étude d’Elliott et al., 2000 ; 15 diététiques 8 non-diététiques pour Barber et al., 1999 ; 23 diététiques - 22 non-diététiques par Ross et al., 2006 ; 146 diététiques - 175 non-diététiques dans Platinga et al., 2005). Ce constat ne retire rien à l’intérêt des aliments diététiques mais devrait amener à se poser la question d’une meilleure alimentation lorsque le chat en IRC refuse ces aliments spécifiques. Il est possible, de proposer une alternative ménagère ou semi-industrielle raisonnée (c’est-à-dire calculée) 4 • 40 g de queues de crevettes cuites (décortiquées, pas en conserve) • 2 cuillères à café (8 g) d'huile de colza (+ 2 gélules d’huile de poisson EPA) • 1 cuillère à café de son de blé • 5 g de riz blanc très cuit • 5 g de Vit'i5 Little Ca (10 % Ca) • Bilan nutritionnel : Intérêt des aliments diététiques • 40 g de viande hachée de bœuf 15 % MG • Bilan nutritionnel : RPC 77 g/Mcal ; RPC 74 g/Mcal ; 0,99 g P/Mcal ; 0,92 g P/Mcal ; Ca/P = 2,7 ; Ca/P = 2,6 ; 0,16 g Na/Mcal ; 0,4 g Na/Mcal ; 1,4 g K/Mcal. 1,18 g K/Mcal. • Énergie par : • Énergie par : Lipides : 58 % ; Lipides 60 % ; Protéines : 31 % ; Protéines 30 % ; Glucides : 13 %. Glucides 10 %. Énergie et protéines Dans les premiers essais sur l’alimentation de l’insuffisant rénal, l’apport en protéine a été discuté (Adams et al., 1993 & 1994 et Finco et al., 1998) mais la prise en compte de l’apport énergétique et protéique par Finco et al. en 1998 chez des chats néphrectomisés a montré l’impact positif de la couverture du besoin énergétique et du besoin protéique minimal chez le chat, de l’ordre de 4 à 5 grammes de protéines par kg de poids optimal (soit un ratio protido-calorique de 70 à 80 g/Mcal EM). Depuis, le principe n’a pas été remis en cause, mais la plupart des aliments industriels comptent un rapport protido-calorique assez bas (de 53 à 62 g/Mcal dans l’étude de Platinga et al, 2005 ; 53 à 78 g/Mcal dans les aliments disponibles chez les vétérinaires en France d’après les fiches techniques fournies par les fabricants en 2009). Phosphore (et calcium) Bien que la preuve directe manque toujours en médecine vétérinaire, les preuves indirectes (Barber et al., 1999 ; Finco et al., 1992a et 1992b chez le chien à l’instar de l’espèce humaine) sont nombreuses qui font que le phosphore peut être considéré comme l’ennemi du rein défaillant. Les travaux de Ross (1982) montrent également l’intérêt d’une restriction en phosphore (0,4 contre 1,4 % de la matière sèche, soit environ 1 g/Mcal EM contre 3,5 g/Mcal) sur la minéralisation et la fibrose rénale chez le chat. Sans que l’on puisse dire avec certitude s’il est utile de chélater le phosphore même en l’absence d’hyperphosphatémie mesurée, les auteurs s’accordent sur la recherche d’une diminution de l’absorption de phosphore, de manière à lutter contre l’accumulation du phosphore et/ou l’hyperparathyroïdie secondaire. Plusieurs moyens sont disponibles et peuvent être utilisés conjointement : une restriction de la teneur en phosphore de la ration, une augmentation de la teneur en calcium qui augmente le ratio Ca/P et permet de diminuer le phosphore urinaire (Pastoor et al., 1994a & 1994b), et l’ajout d’un chélateur de phosphore (lantharénol), de manière à limiter le risque d’hyperparathyroïdie secondaire. Acides gras L’étude de Platinga et al. de 2005 confirme une meilleure survie chez les chats en IRC ayant consommé un aliment diététique spécifique. Toutefois, parmi tous les aliments diététiques, secs ou humides, disponibles et consommés par les chats en IRC de l’étude, un aliment permet une survie significativement supérieure aux autres, en relation avec une teneur en acide éicosapentaénoïque (EPA) élevée (0,97 g/Mcal EM). Cette donnée demande à être confirmée, car dans cette étude, les aliments diététiques doivent être consommés au moins 75 % du temps, ce qui laisse une possibilité de déséquilibre de la ration par la consommation d’autres aliments moins adaptés (Pratt et Platinga 2005). Ce résultat vient toutefois conforter les travaux des années 90 de Brown et Finco (1985, & 1998 et 2000 chez le chien) sur l’intérêt des acides gras de la série oméga 3, à longue chaîne, et d’un ratio oméga 6/oméga 3 faible. La comparaison de régimes riches en lipides, mais avec des ratios oméga 6/oméga 3 variables selon la source de matière grasse (huile de carthame, suif, huile de poisson) a montré un effet bénéfique des huiles de poisson (oméga 6/oméga 3 < 1) sur le score de lésions glomérulaires, l’infiltration fibreuse rénale, le débit de filtration glomérulaire et la protéinurie (Brown et Finco, 1996). La comparaison de régimes avec des ratios 5/1, 25/1 et 50/1 donnait un avantage au premier (Brown 1998). L’examen des aliments disponibles sur le marché en France montre que la teneur en acides gras polyinsaturés (oméga 6 et oméga 3, EPA…) et le ratio oméga 6/oméga 3 ne sont pas toujours disponibles sur les fiches techniques, ne permettant pas de choisir un aliment pour cet aspect de sa composition. Pour ceux pour lesquels l’information est disponible (tous sauf cinq), la teneur en oméga 3 indiquée va de 0,13 à 2,13 g/Mcal, et le ratio oméga 6/oméga 3 de 1 à 14. Antioxydants Comme toute affection, l’insuffisance rénale chronique est certainement un stress pour l’organisme, au sens littéral du terme, i.e. nécessaire adaptation à un phénomène inhabituel. Au sens clinique, nous n’avons pas de réelle démonstration de l’intérêt d’un apport d’antioxydants sur la progression de l’affection, mais seulement une efficacité dans la lutte contre le stress oxydatif qui l’accompagne (Yu et Paeteau-Robinson, 2006). Conclusion L’approche nutritionnelle de l’insuffisance rénale chronique commence à être mieux cernée, en particulier chez le chat. Elle regroupe des adaptations nutritionnelles qui prennent en compte l’apport protéique (qualitatif et quantitatif), l’apport en lipides et acides gras polyinsaturés en 5 particulier de la série oméga 3, l’apport en phosphore, mais également un allègement global du travail du rein par une teneur en minéraux raisonnable. L’intérêt des aliments diététiques est parfaitement démontré, comparativement à des aliments pour chats adultes. Néanmoins, nombre de chats en insuffisance rénale ne consomment pas ou plus ces aliments, et il est possible de proposer une ration ménagère ou mixte, qui peuvent être pour peu qu’elles soient calculées, une alternative tout aussi équilibrée et adaptée à l’affection en présence. Le praticien peut donc ajouter cette option à l’éventail thérapeutique proposé à de tels patients. 쮿 Références bibliographiques – Adams L.G., Polzin D.J., Osborne C.A. & O’Brien T.D. Effects of dietary protein and calorie restriction in clinically normal cats and in cats with surgically induced chronic renal failure. Am. J. Vet. Res., 1993, 54 (10), 16531662. – Adams L.G., Polzin D.J., Osborne C.A., O’Brien T.D & Hostetter R.H. - Influence of dietary protein/calorie intake on renal morphology and function in cats with 5/6 nephrectomy. Lab. Invest., 1994, 70, 347-357. – Barber P.J., Rawlings J.M., Markwell P.L. & Elliott J. - Effect of dietary phosphate restriction on renal secondary hyperparathyroidism in the cat. J. Smal Anim. Pract., 1999, 40, 62-70. – Brown S.A., Brown C.A., Crowell W.A., Barsanti J.A., Finco D.R. - Does modifying dietary lipids influence the progression of renal failure ? Vet. Clin. North Am Small Anim. 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