Daimi - codetras

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Daimi - codetras
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MARSEILLE
N°0904964
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. El Houcine DAIMI
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M. Retterer
Rapporteur
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Le Tribunal administratif de Marseille
(1ère Chambre)
M. Chanon
Rapporteur public
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Audience du 20 octobre 2009
Lecture du 27 octobre 2009
___________
335-01-03
Vu la requête, enregistrée le 3 août 2009 sous le n° 0904964, présentée pour M. El
Houcine DAIMI, domicilié c/ M. Kaddouri Abdelhafid 8 Bd du 4 septembre Chateaurenard
(13160), ensemble par Me Gonand, avocat, qui demande au Tribunal :
-
d’annuler l’arrêté, en date du 16 juillet 2009, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a
refusé la délivrance d’une carte de séjour et le renouvellement d’une autorisation de
travailler et lui a ordonné de quitter le territoire ;
- d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai de 15 jours sous
peine d’astreinte de 150 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour avec
autorisation de travail ;
- de condamner l’Etat à verser une somme de 1000 euros en application de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1990 à son conseil qui
renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l’Etat due au titre de l’aide
juridictionnelle ;
M. DAIMI soutient que la décision de refus de carte de séjour et de refus de
renouvellement de son autorisation de travail est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation
du fait que la prolongation de ses contrats saisonniers au-delà de six mois est irrégulière au
regard de l’ancien article R. 341-7-2 du code du travail et qu’il doit être regardé comme un
travailleur permanent et non saisonnier comme l’a retenu le tribunal de céans dans une
ordonnance de référé n° 0706311 « Zaaraoui », du fait que ses contrats ne sont pas conformes à
la réglementation en matière de contrat saisonnier résultant des dispositions du code du travail ;
que la décision du préfet méconnaît l’article L. 313-14 du CESEDA permettant d’obtenir un
titre de séjour pour des motifs exceptionnels ou humanitaires, les motifs exceptionnels résultant
de l’ancienneté et de la stabilité de son travail en France, d’une rupture du principe d’égalité et
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d’une discrimination entre travailleurs étrangers placés dans la même situation, d’une
participation au maintien d’une agriculture compétitive dans le département ; que la décision du
préfet méconnaît l’article L. 313-11 7° du CESEDA du fait qu’il démontre sa présence habituelle
en France, et son droit au respect de la vie privée et familiale ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2009, présenté par le préfet des
Bouches du Rhône qui conclut au rejet de la requête ;
Le préfet soutient qu’il n’a pas commis d’erreur de qualification juridique des faits en
n’examinant pas la demande de M. DAIMI en qualité de travailleur à titre permanent du fait que
celui-ci s’était engagé à regagner son pays d’origine à l’expiration de chacun de ses contrats, du
fait qu’il s’est maintenu ponctuellement sur le territoire national à l’issu de ces contrats ; qu’il ne
travaille pas comme travailleur saisonnier depuis 2004. Il soutient que l’intéressé est entré en
France sous couverts de visas saisonnier ce qui ne permet pas de caractériser la condition
d’ancienneté posée par l’article L. 313-11 7° du CESEDA ; que sa famille réside au Maroc ;
qu’il n’a pas résidé de façon continue en France et n’a pas de résidence habituelle en France ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 octobre 2009, présenté pour M. DAIMI, par
Me GONAND qui se désiste de ses conclusions relatives au refus de renouvellement de
l’autorisation de travail par le préfet à son encontre ; qui maintient ses conclusions dirigées
contre le refus d’admission au séjour en les réitérant et les précisant ;
Vu l’arrêté attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de
lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2009 ;
- le rapport de M. Retterer, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public ;
- et les observations présentées par Me Gonand pour M. DAIMI et celles de M. Lambert
pour le préfet des Bouches-du-Rhône ;
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Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de
renouvellement de l’autorisation de travail :
Considérant que si, dans sa requête, M. DAIMI, avait demandé l’annulation de la
décision de refus de renouvellement de son autorisation de travail qui aurait été prise
implicitement par le préfet des Bouches-du-Rhône à son encontre, il a dans son mémoire
enregistré le 13 octobre 2009 expressément abandonné ces conclusions ; que, dès lors, il y a lieu
pour le tribunal de ne statuer que sur le surplus des conclusions de la requête ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
Considérant que par un arrêté en date du 16 juillet 2009, le préfet des Bouches-duRhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 12 février 2009 M. El
Houcine DAIMI, ressortissant marocain, sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14
du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et assorti cette décision d’une
obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination ;
Considérant en premier lieu qu’aux termes de l’article R. 311-4 du code de l'entrée et du
séjour des étrangers et du droit d'asile : « Il est remis à tout étranger admis à souscrire une
demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui
autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) » ; que si le
requérant estime que l’autorité administrative a commis une erreur dans la qualification juridique
des faits en abrogeant l’autorisation provisoire d’exercer une activité professionnelle, il ressort
toutefois de l’article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit
d'asile précité que le rejet de la demande de titre de séjour entraîne celui du récépissé de la
demande ; que le moyen donc doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 313-14 du code de l’entrée
et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « La carte de séjour temporaire mentionnée à
l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le
fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une
menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au
séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels
qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (…) L'autorité
administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1
la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout
moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. » ; qu’aux termes de l’article
R341-7-2 du code du travail, dans sa version issue du décret 84-169 du 8 mars 1984 et
expressément abrogée par le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 : « Le contrat d'introduction de
travailleur saisonnier visé par les services du ministre chargé du travail donne à son titulaire le
droit d'exercer l'activité professionnelle salariée qui y est portée pendant sa durée de validité chez
l'employeur qui a signé ce contrat. La durée totale du ou des contrats saisonniers dont peut
bénéficier un travailleur étranger ne peut excéder six mois sur douze mois consécutifs. Un même
employeur ne peut être autorisé à recourir à un ou des contrats de main-d’œuvre saisonnière
visés à l'article 1er pour une période supérieure à six mois sur douze mois consécutifs. Le
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décompte est effectué pour chaque établissement d'une même entreprise. A titre exceptionnel,
l'employeur peut être autorisé à conclure des contrats saisonniers d'une durée maximum totale de
huit mois sur douze mois consécutifs sous la double condition que ces contrats concernent des
activités de production agricole déterminées, pour lesquelles cette mesure répond à des exigences
spécifiques et que l'employeur intéressé apporte la preuve qu'il ne peut faire face à ce besoin par
le recrutement de main-d’œuvre déjà présente sur le territoire national. » ; et qu’il résulte des
dispositions en vigueur depuis le 26 juillet 2006, et notamment de l’article L. 313-10 du code de
l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa version issue de la loi n°2006-911
du 24 juillet 2006 et de l’article R 5221-23 du code du travail, que la durée pendant laquelle un
étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers ne peut excéder six mois par an ;
Considérant, que si M. DAIMI fait valoir qu’il a été employé en qualité de travailleur
saisonnier de 1993 à 2007 dans le cadre de contrats qui ont à de nombreuses reprises fait l’objet
de prolongation par rapport à leur durée initiale et a ainsi contribué par son travail à la richesse et
à la compétitivité de l’agriculture dans les Bouches-du-Rhône, il ressort des pièces du dossier
que le requérant n’exerce plus cette activité professionnelle depuis son dernier contrat qui a pris
fin en 2007 ; qu’il s’il justifie avoir travaillé à temps partiel de mars à juin 2009, il n’allègue pas
avoir séjourné et travaillé en France en 2008 ; qu’ainsi, il ne justifie pas d’un lien effectif et
suffisant avec la France ; que, dans ces conditions, et alors même que le requérant a travaillé en
France, dans le cadre d’un processus d’immigration de travail contrôlé par les pouvoirs publics
sans pour autant que soient respectées les conditions légales et réglementaires en vigueur, sur un
emploi permanent dans le secteur agricole des Bouches-du-Rhône, particulièrement demandeur
de la venue de travailleurs saisonniers étrangers et aux besoins continus de main d’œuvre et a
subi les conséquences discriminatoires de l’usage abusif du statut de travailleur saisonnier, le
préfet des Bouches-du-Rhône n’a pas commis, eu égard en particulier aux années pendant
lesquelles M. DAIMI a cessé de travailler en France, d’erreur manifeste d’appréciation en
estimant qu’il ne pouvait se prévaloir de motifs exceptionnels ou humanitaires pour être admis
au séjour au titre de l’article L 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile ;
Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « Toute
personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant
que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être
économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la
protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ; qu'aux
termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire
portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : … 7° A l'étranger ne
vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles
qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France,
appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des
conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la
nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser
son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte
disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7
soit exigée. L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte
notamment de sa connaissance des valeurs de la République.» ; et qu’aux termes de l’article
R. 313-21 du même code : « Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque
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la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute
justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux
effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. » ;
Considérant que si M. DAIMI fait valoir qu’ayant bénéficié depuis 1993 de contrats en
qualité de travailleur saisonnier agricole et ayant ainsi travaillé pendant quatorze années dans les
Bouches-du-Rhône où il a désormais en France le centre de ses intérêts personnels et
économiques, il se borne à produire ses différents contrats de travail et n’établit pas notamment y
avoir tissé des liens personnels en France alors même que son épouse et ses enfants résident dans
son pays d’origine ; qu’ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le centre de ses intérêts
personnels et familiaux, lesquels s’apprécient dans leur globalité et concrètement, se situent en
France ; que, dans ses conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant l’arrêté attaqué,
n’a pas porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en
vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions précitées de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations
précitées de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins
d’annulation de M. DAIMI doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses
conclusions aux fins d’injonction et de condamnation de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative ;
DECIDE:
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête dirigées
contre la décision implicite de refus de renouvellement de l’autorisation de travail de M. El
Houcine DAIMI prise par le préfet des Bouches-du-Rhône.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. El Houcine DAIMI est rejeté.
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Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. El Houcine DAIMI et au préfet des
Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité
nationale et du développement solidaire.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2009, à laquelle siégeaient :
C. Dol, présidente,
F. Simon, premier conseiller,
S. Retterer, premier conseiller,
Assistés de A. Camolli, greffier.
Lu en audience publique le 27 octobre 2009 .
Le rapporteur,
La présidente,
Signé
Signé
S. RETTERER
C. DOL
Le greffier,
Signé
A. CAMOLLI
La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous
huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de
pourvoir à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme,
LE GREFFIER EN CHEF