Télécharger le texte des plaidoiries

Transcription

Télécharger le texte des plaidoiries
BELLES A EN MOURIR
Sandy FIQUET et Doriane LE BACQUER - Lycée Duhamel du Monceau – Pithiviers - 2010
Recherche jeune femme, âgée de 18 à 30 ans d’environ 1m70 pour défiler ou bien pour faire des séances
photos….
Voici l’exemple d’annonce que vous pouvez trouver dans votre journal quotidien, mesdames, messieurs.
Une multitude d’annonces et de castings tous plus alléchants les uns que les autres. Seulement, ces
annonces cachent en réalité un tout autre message. Un message subliminal qui pourrait prendre la
forme de « Recherche jeune femme, âgée de 18 à 30 ans dont la silhouette doit être obligatoirement
fine, très fine, et bien sûr n’ayant aucun défaut ».
Cette obsession de la maigreur se retrouve partout, dans les médias, la presse, la télévision, les blogs, les
sites internet. Aujourd’hui les jeunes filles sont prêtes à tous les sacrifices, à toutes les tortures pour
s’identifier à ces beautés sur papier glacé. Le problème, c’est que l’on compte près de 30 000
adolescents de 13 à 18 ans qui souffrent d’anorexie mentale. Pour le psychiatre Xavier Pommereau,
cette maladie ne cesse d’augmenter depuis ces dix dernières années et cela n’est pas seulement lié à un
phénomène d’hérédité ! C’est plus de deux jeunes filles sur 100. Chez les garçons, il est encore plus
difficile de détecter cette maladie. Le constat est accablant, l’anorexie est la maladie mentale qui tue le
plus de femmes au monde, autour de 6-10% des personnes atteintes.
Mais l’origine de ce mal se trouve dans la valorisation à outrance d’une image filiforme de la femme. Le
pire, c’est que ces mannequins déjà d’une extrême maigreur, ces « femmes Photoshop » n’ont rien de
vrai. Ces femmes qui représentent pour des milliers de jeunes filles, un idéal, une norme, une référence
à suivre. Une norme qui pèse en moyenne 55 kg pour 1m78 et qui porte des vêtements de taille 34.
Ce ne sont pas les maisons de Haute Couture qui changeront la donne. Et pour commencer, en tête de
gondole, Karl Lagerfeld, styliste de renom, qui a déclaré « qu’il n’a jamais vu de mannequin trop
maigre » ! En partant de cela, les maisons de Haute Couture se lavent les mains et se justifient en disant
que la mode n’est en rien responsable de l’anorexie dont souffrent certaines jeunes filles ! Que
malheureusement cela est une triste réalité, un simple problème de société…. En bref, circulez, il n’y a
rien à voir.
Résultat, en août 2006, Luisel Ramoss, mannequin de 22 ans est décédée d’épuisement à la fin d’un
défilé. Mais comme on dit dans le milieu de la mode « The show must go on ! ». Alors, en novembre
2006, et bien c’est au tour d’Ana Carolina Reston, qui, elle, est décédée à cause de son extrême
maigreur. Elle, elle est morte de faim, tout simplement. Et la liste est encore longue…
Oui, mesdames, messieurs, certains auront même l’audace de dire que les magazines se vendent mieux
avec des femmes retouchées grâce à l’informatique. Dès lors la demande stimule l’offre, c’est
simplement une logique économique. Mais le drame dans cette histoire, c’est que l’offre influence
également la demande. Et l’offre, ce sont les médias, les magazines qui justifient leur pratique en nous
expliquant que « leur métier, c’est avant tout de faire rêver les gens ! ».
Mais lorsque c’est une adolescente qui a voulu « rêver », en s’identifiant à ces mortes-vivantes, à ces
gravures de mode qui relèvent plus de la fiction que de la réalité, alors le rêve se transforme en
cauchemar.
Et c’est pour cela, mesdames, messieurs que notre combat, nous le menons pour raconter ce qu’a vécu
notre amie Youna. Youna, à 16 ans, elle faisait 1m60 pour 60 kg. Elle, elle se trouvait trop grosse donc
elle a décidé de faire un régime, vous savez un régime très …« spécial » à base de céréales.
Alors, c’est sûr, au début rien de dramatique, et puis au bout d'un moment, elle s’est privée de repas
juste le midi. En 1 mois elle a perdu 7 kg puis rapidement elle en a perdu 7 de plus. A la fin, elle ne
mangeait qu'une compote par jour, elle a perdu en tout 30 kg.
Elle a passé un an à l'hôpital. Elle gardera des séquelles irréversibles toute sa vie. Carences de toutes
sortes, stérilité, troubles du comportement alimentaire, voila les résultats, mesdames, messieurs. Et
pourquoi ? Parce qu’elle a voulu s’identifier aux mannequins de ses magazines préférés. Car elle croyait
que ces photos existaient vraiment, sans artifice, sans retouche. Car elle croyait que c’était cela l’image
de la femme parfaite. Elle a voulu rêver, quitte à devenir belle à en mourir !
Alors oui, cette tromperie influence ces jeunes filles, ces autres Youna, qui rêvent et se conditionnent à
ressembler à ces femmes « photoshopées ».
Pour continuer à rêver, elles sont condamnées à vivre dans le déni en enrobant leur maigreur sous
plusieurs couches de vêtement afin de ne pas éveiller la curiosité de leurs parents.
Mesdames, messieurs, elles ne reculeront devant rien ; mentir, d’abord à elles-mêmes et puis à leurs
proches, aux gens qui les aiment. Mais elles, elles n’aiment plus rien, même plus leur reflet dans la glace.
Car, cela ne s’arrête jamais, kilo par kilo, grammes par grammes, tous les procédés sont bons pour
perdre du poids. Refus d’alimentation, vomissements, prises de laxatif et le nouveau produit à la mode,
le Réductil. Vous savez, c’est le nouveau médicament qui permet de soigner les personnes atteintes
d’obésité. Il fait fureur sur internet. En quelques clics, il est très facile de s’en procurer et sans
ordonnance ! Les résultats sont plus qu’effrayants !
De toute façon, pour les aider à devenir anorexiques, ces jeunes filles peuvent aussi compter sur un
groupe d’influence, appelé les pro-anas qui revendiquent leur anorexie, et qui ont mis sur leur blog le
guide de la « parfaite anorexique », établissant même un code de reconnaissance avec le port d’un
bracelet rouge qui oblige celles qui le portent à toujours aller plus loin dans la quête de la maigreur.
Malgré leur interdiction, ces blogs, ces sites sont malheureusement toujours accessibles !
Et le pire, c’est que ce mouvement qui prône l’extrême maigreur, est représenté par des stars telle que
Nicole Richie ou encore, Lindsay Lohan qui, si vous ne les connaissez pas, sont des célébrités, des actrices
de film pour adolescents. Mesdames, messieurs, ces modèles revendiquent des principes, tirés de leur
fameux guide tels que : Si tu n’es pas mince, tu n’es pas attirante, ou encore, être mince est plus
important qu’être en bonne santé et enfin tu ne mangeras point sans te sentir coupable !
Mais quelle est cette société qui tolère que l’on rêve de devenir quelqu’un ou quelque chose qui relève
plus du monde irréel des magazines que de la vraie vie ? C’est cette société-là que nous souhaitons, qui
met en péril l’intégrité physique et morale de nos jeunes ? Mais c’est la société du spectacle, on joue, on
fait du business avec l’image et tous les moyens sont bons pour vendre. On joue avec la santé de nos
plus jeunes. Quant aux dommages collatéraux, aux effets néfastes que cela peut avoir sur les cibles
potentielles que représente la jeunesse, sur vos enfants mesdames, messieurs les jurés, mais après tout
ce n’est pas grave, il faut apprendre à vivre avec son temps !
Pour éviter que d’autres jeunes puissent subir le même sort, nous, lycéennes, souhaitons relayer le
combat qui est mené par Madame Boyer, députée des Bouches-du-Rhône, contre cette incitation à
l’anorexie. La proposition de loi visant à préciser la mention « retouchée » sur les photos présentées
dans les magazines est un exemple à suivre pour lutter contre ce fléau. Cette apologie de l’anorexie, ce
mensonge permanent de l’image doivent être abolis. Pour Madame Boyer, ces représentations erronées
du corps peuvent créer des frustrations et donnent une image faussée de l’image du corps, vers un idéal
totalement inaccessible.
Cet idéal devient le culte de la jeunesse, car même quand on est jeune et très mince, il faut encore
retoucher l’image.
Pour soigner ces jeunes qui souffrent de cette maladie, il manque des structures d’accueil spécialisées.
Vous n’imaginez pas le nombre de demandes qui sont en attente à cause du manque de structures
d’accueil ! Ces personnes en détresse doivent faire face à des délais qui peuvent être très longs pour
obtenir une hospitalisation ! Alors si vous souhaitez aider, vous pouvez agir en aidant des associations
qui existent, mais qui manquent cruellement de moyens pour aider ces personnes.
A votre avis, combien faudra-t-il encore de jeunes filles comme Ana Reston pour que des solutions
concrètes soient prisent pour lutter contre ce fléau ? En Italie, pour alerter l’opinion publique M.Toscani,
photographe de renom, a osé placarder sur un panneau publicitaire à Milan, une photographie d’une
jeune femme atteinte elle-même d’anorexie. Cette campagne de prévention a eu le mérite de faire
l’effet d’une bombe ! Cela a permis de lancer un débat sur ce sujet !
Malgré l’arsenal juridique existant, il faut continuer à punir cette incitation à la maladie, cette dictature
de l’image qui entraîne à coup sûr ces jeunes filles à devenir belles à en mourir !

Documents pareils